LA GAZETTE DE L'A.R.B
Anyvonne Restaurant Bar
 
Le Brésil - Journal de bord
N°8 - Juillet 1999

 
L'immensité et la diversité du Brésil 

Grand comme les Etats Unis sans l'Alaska (Mais sans doute avec Hawaii), comme l'Europe sans la Russie (Avec la Réunion ?), le Brésil est une fédération d'états qui offre une grande diversité de climats, de paysages mais aussi de population. Nous avons choisi d'arriver dans l'état de Bahia, à Salvador dans la baia de "Todos os Santos" (Les explorateurs portugais comme les espagnols avaient coutume de donner aux territoires qu'ils découvraient, le nom du saint du jour de la découverte. Cette baie ayant été découverte un 1er novembre 1501, elle a ainsi été baptisée "Tous les Saint". ). Ce choix était fait pour des raisons de navigation mais aussi parce que Bahia est  un peu le "coeur africain" du Brésil. C'est là que réside la majorité de la population noire du pays. Plus au sud, après Rio c'est tout blanc. Plus au nord, c'est l'amazone et les indiens.  Ici, c'est africain  et ça, ça nous plaît bien.... 

La découverte du Brésil

C'est en suivant les instructions de son compatriote Vasco de Gama qu'en l'an 1500, Pedro Alvarez Cabral partit de Lisbonne pour les Indes. Six semaines plus tard, il débarquait...en Amérique du Sud, là où s'élève maintenant la ville de Porto Séguro. L'erreur était elle volontaire ou non?  Nul ne le saura jamais. 
(Enfin nous, nous nous demandons  comment nous aurions pris le fait de partir pour le Brésil en suivant nos guides, et d'arriver en Inde....Heureusement ça n'est pas arrivé!!! Mais j'ai des craintes rétrospectives pour l'eau potable....)
Ce pays avait déjà été plus ou moins "découvert" par des européens, mais encore jamais colonisé. A l'arrivée de Cabral, il est peuplé de 2 à 4 millions d'indiens. Ils seraient arrivés il y a quelques 20000 ans d'Asie du Nord Est, via le détroit de Béring. Vivant de cueillette et de chasse, ils auraient suivi les animaux qu'ils pourchassaient à travers l'Amérique du nord, puis centrale pour arriver enfin dans le bassin de l'Amazonie. D'autres migrations auraient eu lieu par voie maritime, mais ultérieurement. (La dernière en date semble avoir eu lieu avec l'arrivée du voilier GETAWAY dans la baie de Todos os Santos....)
A la différence des Incas et des Mayas, les sociétés d'indiens du Brésil n'ont jamais constitué d'état centralisé et n'ont donc laissé que très peu de traces de leur passage. Cette population était assez variée à l'arrivée des Portugais. Les "Tupi-Guarani" dominaient sur la côte et furent les mieux connus. A l'intérieur on trouvait les "Arawak" et les "Ge". Après l'action civilisatrice de la colonisation, décimés par les maladies apportées d'Europe ou liquidés par les colons, les indiens comptent actuellement environ 200000 individus...

La colonisation

Entre 1500 et 1550 environ, la seule ressource connue et digne d'être exportée en Europe était un bois rouge fournissant une excellente teinture. Celle ci devint très à la mode dans les cours d'Europe, pour teindre les étoffes pourpres et constitua l'embryon d'une industrie. Le nom de cet arbre: "Pau Brasil " inspira celui de  cette nouvelle colonie.
La colonisation réelle du Brésil débutera vers 1530. Les colons découvrirent rapidement  que le sol et le climat se prêtaient bien à la culture de la canne à sucre, du tabac et du café. Seule manquait la main d'oeuvre.
Une lettre patente du pape Paul III reconnut en 1537 "l'humanité des indiens" et interdit donc de facto leur mise en esclavage. Bien qu'ils furent quelquefois "conviés" de force à travailler, les indiens ne pouvaient  ainsi être la solution au grave problème de main d'oeuvre posé aux colons.
Comme le pape, dans sa bulle, avait "oublié" de déclarer en même temps "l'humanité des noirs" les portugais résolurent le problème comme tous les colons européens, en pratiquant la traite des noirs. Jusqu'en 1888 qui est la date officielle de l'abolition de l'esclavage au Brésil, trois millions et demi de noirs furent ainsi "acheminés" depuis l'Afrique contre du sucre, du rhum et du tabac brésilien. Les esclaves qui avaient survécu au voyage depuis l'Afrique trouvaient dans les plantations brésiliennes des conditions de travail très dures. (15 à 18 heures de travail quotidien, 365 jours par an) ainsi que  des conditions de vie et de traitement qui leur laissaient une espérance de vie de 8 ans....(Finalement, leur calvaire ne durait pas si longtemps....)

L'esclavage à généré des traditions encore très vivantes à Bahia

Les esclaves noirs qui survivaient trouvaient du réconfort dans leur religion, leur culture, leurs chants et leurs danses. Les colons blancs leur enseignaient un catholicisme de surface et paradoxalement, souvent leur interdisaient en même temps leurs églises. Aussi, dans leurs lieux propres, les esclaves noirs inventèrent vite une religion syncrétique: LE CANDOMBLÉ. Tous les courants religieux connus ont participé à son élaboration, à l'exception de l'islam. Il est structuré principalement par les principes spirituels et les dieux de nombreuses tribus africaines, préalablement déguisés et repeints aux couleurs catholiques pour êtres rendus "acceptables " aux  maîtres portugais. Ainsi, chaque "Orixa" (dieu du Candomblé) a-t-il son équivalent dans le panthéon des saints et divinités catholiques: Iémanja, déesse de la mer y est la vierge, Ogun, dieu de la guerre y est St Georges etc.... et vice-versa. Dans cette religion qui ne définit pas de doctrine du bien et du mal, chaque individu possède un Orixa qui assiste à sa naissance et le protège jusqu'à sa mort.
Le terme Candomblé était le nom d'une danse en l'honneur des dieux. Il est devenu le nom générique pour désigner le culte, dans l'état de Bahia. Réprimée très longtemps, et alors clandestine, la pratique du Candomblé est maintenant tolérée. Les rituels se déroulent dans des "Casa de Santos" sous la direction d'un ou d'une "Pai ou Mae de Santo"  (Littéralement Père ou Mère de Saint, c'est une sorte de clergé du Candomblé). Ces rituels sont faits de chants et de danses et sont régulièrement ponctués par la visite des Orixas qui prennent provisoirement possession du corps d'une participante qui entre alors en transe. 
Il semble possible pour un touriste, à Salvador, d'assister à une cérémonie Candomblé. Nous n'en n'avons pas eu l'occasion, mais nous avons assisté à un spectacle de danse en costume, mettant en scène les Orixas et les symboles religieux de l'histoire du Brésil. Accompagné de chants magnifiquement interprétés, c'était magique et très beau....
Lors de certaines fêtes, de manière ambiguë le clergé catholique et celui du Candomblé sont rassemblés dans la même célébration....

Dans ce pays  où l'influence africaine est très forte, la religion et la tradition génèrent toujours fêtes et spectacles. 

Tout l'été, les fêtes succèdent aux fêtes. Je crois bien que de mi décembre à fin février, tous les week-end, il y a une fête quelque part à  Salvador. Chacune de ces fêtes est une célébration religieuse autour d'un saint, d'une église ou d'un événement. Mais l'essentiel de ces célébrations se fait dans la rue, en dansant au son des trios életricos...Jusque tard dans la nuit...
Peu avant le carnaval, nous avons pu assister à la fête de Iemanja, déesse de la mer et des marins: Pour être protégé par la déesse, chacun dépose des fleurs à ses pieds, dans de grands paniers durant toute une après midi de fête et de danse très jubilatoires (prélude au carnaval...). Le soir venu, un grand bateau emmène les paniers de fleurs et les jette au large. 
Plus discrètement, nous avons vu ce jour là un groupe d'une dizaine de femmes prier sur une plage déserte de Salvador, accompagnées de deux hommes qui portaient un panier de fleurs. Ils sont entrés à pied dans la mer pour y déposer le panier le plus loin possible. Pendant ce temps, une des femmes est entrée en transe sur la plage, soutenue par ses consoeurs. C'était très beau et émouvant.
On peut souvent assister aussi, au détour d'une rue à une représentation de Capoeira. Il y a même une scène permanente de Capoeira installée près de la marina. C'est une sorte de danse, construite autour des mouvements d'un sport de combat qui rappelle un peu le karaté ou la boxe Thaï. A l'origine, c'était  une lutte africaine. Interdite par les maitres portugais, les esclaves en organisaient des tournois clandestinement dans la forêt. Prohibée dans les années 20, elle fut peu à peu transformée en danse acrobatique et devint après les années 30 une forme d'expression artistique. Au son d'une musique de percussions et de Bérimbau (Instrument  ressemblant à un arc, enfiché dans une noix de coco décorée qui fait office de caisse de résonance.), les protagonistes se livrent à une danse-combat extrêmement vive et rapide, faite de mouvement déliés et circulaires; enchaînant roulades, coup de pieds à la lune etc...sans jamais se toucher. Les adversaires sont toujours enjoués et respectueux et les jeunes gens qui pratiquent ce sport sont tous merveilleusement musclés et équilibrés.

Le carnaval

Pour entrer dans le Carême, la population de Salvador fête son Carnaval

Le Carnaval est une institution au Brésil. Durant une bonne semaine, rien ne fonctionne plus qui n'ait directement à voir avec le carnaval. Ni administration, ni commerce, ni rien.... Il est formellement déconseillé de tomber malade durant le carnaval. En tous cas dans les grandes villes comme Salvador. Nous avons entendu parler d'un français installé à Itaparica, qui est mort d'une hémorragie durant le carnaval, faute de trouver les moyens de la traiter.
Le carnaval de Bahia est très différent de celui de Rio. Plus connu et médiatisé, ce dernier est très orienté spectacle et met en oeuvre des costumes très élaborés au sein de spectacles de danse préparés par les écoles de Samba. 
Rien de tel à Bahia. Le principe du Carnaval ici, est la danse frénétique et surtout la danse de TOUS. L'organisation repose sur les défilés de "Blocos"  selon deux itinéraires définis pour le carnaval. Sur chaque itinéraire, de quinze heures à cinq heures du matin, tous les jours défileront environ vingt Blocos, sur la centaine qui participe au carnaval.

Le Bloco est l'unité d'organisation du Carnaval:

Un Bloco, c'est d'abord un "Trio Elétrico": C'est la mutation plus technologique que musicale d'une plaisanterie élaborée en 1950 par trois frères qui défilèrent  pour le carnaval sur une voiture en  y jouant de la guitare électrique. Aujourd'hui, c'est devenu un énorme semi-remorque, aux allures de Truck nord américain. Le volume de la remorque est entièrement constitué d'amplis et d'énormes hauts parleurs. L'ensemble développe quelques dizaines de kilowatts et diffuse la musique du groupe qui joue et danse, juché sur la plate-forme installée au sommet. 
Derrière le Trio Elétrico viennent les Pipocas. Pipoca signifie littéralement Pop Corn. C'est la foule jeunes gens qui ont décidé de défiler avec ce Bloco précis, ont payé, pour ce faire, leur droit d'entrée et se sont vu distribuer la tenue retenue par le Bloco pour ce carnaval (En général un short et un tee-shirt aux couleurs du Bloco, avec quelquefois une coiffure). Quelques vagues principes chorégraphiques ont été retenus et appris. On aura ainsi derrière chaque Trio Elétrico une marée humaine aux couleurs du Bloco qui se démène frénétiquement sur un rythme reconnaissable. (Devant ce spectacle, nous avons pensé tous les jours à Marie A. qui aurait bien dû venir plutôt que de se risquer sur des skis....)

Fermant la marche des Pipocas vient le camion d'intendance. C'est un semi-remorque aussi gros que le premier, dont la remorque recèle cette fois des toilettes, une infirmerie et un bar qui distribue de quoi abreuver et restaurer les Pipocas.

Pour maintenir sa cohérence au milieu de la foule, chaque Bloco dispose de son propre  service d'ordre. Son rôle est de  délimiter le Bloco au milieu  de la foule des "spectateurs". Pour ce faire, ses membres forment une chaîne qui entoure l'ensemble en s'aidant d'un immense anneau de corde qu'ils  portent à la main.
Au passage des Blocos, les spectateurs sont ainsi contenus sur les trottoirs par un service d'ordre impressionnant et rigoureux mais qui a malgré tout un coté bon enfant

Tout autour du Bloco, les bahianais dansent le Carnaval.

Au passage des Blocos, le niveau de compression de la foule et le niveau sonore sont à leur comble. Mais cela n'empêche pas les spectateurs (et nous, entre autres) de danser et de se trémousser au son assourdissant (c'est un euphémisme...) de la musique diffusée par le Trio Elétrico. On apprécie mieux alors la mode actuelle des "escarpins" de Doc Marteens... Après le passage de chaque Bloco, la foule envahit toute la longueur de la rue laissée libre jusqu'au prochain Bloco (environ trois cents mètres.) pour continuer à danser et à chanter.
Chaque Bloco exhibe sur son Trio une vedette de la chanson qui provoque hurlements et délires sur son passage. Et tous chantent!!! - Nous avons d'ailleurs éclairci le mystère de "comment peuvent ils tous savoir les paroles d'autant de chansons" ???? Les chansons sont créées pour le carnaval, elles sont rabâchées et rabâchées encore par toutes les radios, des mois auparavant. Pour le carnaval, chaque Bloco interprète ces chansons, chacun à sa manière, mais en fait il n'y en a pas tant que ça et alors, tout le monde connaît parfaitement les paroles....Et donc tout le monde chante...(Ca nous rappelle qu'en France aussi, on connaît quelquefois quelques paroles du premier couplet des classiques de notre beau pays..). - .Le niveau sonore est quasi insupportable pour nos pauvres oreilles. (Il semble qu'un arrêté municipal  aie tenté de limiter la puissance développée par un Trio à cinquante  kilowatts.)... 
Mais nous y reviendrons....

La Samba est curieusement assez absente des musiques du carnaval de Bahia. En fait la samba est plutôt Carioca. Bahia l'africaine produit d'autres sortes de musique:
L'Afoxé. Directement issue du Candomblé, c'est essentiellement une musique de percussion et de tambours. Le groupe leader s'appelle OLODUM.
L'Axé. C'est une fusion rock / pop / reggae  / funck inspirée par la samba. (C'est sûrement vrai puisqu'on l'a lu). C'est plus international et les grandes vedettes sont Daniela Mercury, Gilberto Gil etc...(On voit bien ce genre de musique animer une soirée de réveillon de nos enfants....)

Tout au long de l'année, les Blocos préparent la fête. Quelques uns ont un objectif plus large...

Le Bloco est une "société carnavalesque ", sorte de club ou d'association qui regroupe les gens dans un local, pour leur apprendre un air  et créer un rythme puissant et unifié. Cette technique est devenue la base de la "bateria", groupes de percussions et écoles de sambas modernes.
Certains Blocos ont élargi cet objectif, pour se donner tout au long de l'année une mission humanitaire.  Ainsi, OLODUM, fondé en avril 1979 et célèbre pour son groupe de tambours, affiche son objectif de combattre la discrimination raciale, de stimuler l'estime de soi des afros-brasileiros, de défendre les droits civiques et humains des personnes marginalisées. Il développe avec d'autres Blocos une action sociale auprès des enfants défavorisés des quartiers pauvres (en particulier du Pelourinho ) en leur enseignant le chant, la danse et le dessin. OLODUM compte environ 5000 membres qui devraient défiler avec le Bloco, au carnaval. 
Un autre Bloco mythique est celui des "Filhos de Gandhi ".. Développant sûrement une certaine non violence, ils ne s'identifient pas à une musique particulière et n'ont pas d'orchestre permanent. Leur truc, c'est le costume. Coiffés d'un turban blanc ils sont très identifiés par leur costume à base de chasuble et d'étoles blanches  et bleues, , ils seraient environ 5000 membres. Je ne vous dis pas la marée blanche, quand le Bloco défile pour le carnaval....

Nous adopterons prudemment une approche très progressive du carnaval.

Avertis par les gens "qui connaissent", nous sommes fortement incités à éviter de nous mêler à la foule du carnaval dans la rue. Vols à la tire, mouvements de foule, chaleur excessive, danger de piétinement et même d'agression.... Nous sommes malgré tout impressionnés par le déploiement policier qui accompagne le carnaval et assure la sécurité. Les patrouilles de police militaire sont omniprésentes; surtout dans le Pélourinho. 

Le Pelourinho

Le Pelourinho est le coeur historique de Salvador; c'est le quartier qui s'étend autour de la place sur laquelle était situé autrefois le poteau de punition des esclaves (Pilori).  Quartier longtemps délaissé et menaçant ruine, il est en cours de restauration et a été classé patrimoine mondial par l'UNESCO. C'est sans doute un des plus beaux ensembles mondiaux d'architecture coloniale et d'art baroque. C'est aussi le coeur du Bahia touristique. Le Montmartre de là bas... La sécurité y est assurée, plus que n'importe où ailleurs en ville. Nous commencerons donc prudemment par là, notre découverte de Salvador et du carnaval...

Le carnaval se déroule cette année du vendredi 12 au mercredi 17 février. mais dès avant le 12, nous allons découvrir le pré-carnaval en flânant en début de soirée dans le quartier. Des petits groupes de musique s'y produisent tous les soirs avec percussions et guitares. (façon fête de la musique en France). C'est comme cela qu'on découvrira par hasard, sur le "Terreiro de Jésus" ( la plus grande place du quartier, plantée de grands arbres et entourée de quatre églises) une répétition-exhibition du groupe bahianais mythique OLODUM. Uniquement des tambours, menés d'une main de fer par un chef d'orchestre. Le type de direction fait un peu penser au bagad de Lann-Bihouée. Le niveau sonore aussi... Et surtout la manière dont leur musique prend aux tripes, quand ils avancent en occupant toute la rue.
Dès le 12, nous découvrirons les "matinées enfantines du Pelourinho"...
Ce sont les petits Blocos et orchestres qui défilent l'après midi dans le quartier. Joie, danse et sourires bon enfant....Tout le monde danse, du plus petit, dès qu'il sait marcher, jusqu'au plus vieux, tant qu'il sait encore...Tout le monde sourit à tout le monde, quand les regards se croisent. A cette heure où la foule n'est pas encore trop dense, beaucoup d'enfants défilent déguisés, accompagnés de grands personnages  en papier mâché. 
Les terrasses à l'ombre sur le terreiro de Jésus sont prises d'assaut et la bière coule à flot....(bières en boite exclusivement, car la loi interdit les bouteilles pendant toute la durée du carnaval.) Des gamins pauvres et aussi des adultes ramassent sans arrêt les boites jetées par terre et vont les vendre au poids à un organisme de récupération d'aluminium. Ainsi, les rues restent propres. Enfin presque, parce qu'ils ne ramassent jamais les boites de Coca...Pourquoi?.. Mystère...(A mon avis, Anyvonne va encore lancer un grand concours d'explication sur ce problème....)
En fin d'après midi, on retourne au bateau pour se délasser, se baigner, se reposer un peu les oreilles, puis on repart vers 19h. pour la soirée de carnaval.
On se restaure dans la rue de brochettes de poulet, de boeuf ou de fromage grillé. Tout est à 1 réal, bière et le reste (1R$ coûte en gros 3 francs),. Ca simplifie les calculs... On évite les Acarajés, sorte de beignets locaux arrosés d'huile de dendé (huile de palme locale) à laquelle ni notre palet ni notre estomac ne sont encore habitués.
Ensuite, on s'aventurera progressivement de plus en plus profond sur le circuit Osmar. Et là, ca change de rythme et on n'y trouve plus d'enfants!!!! -  A part le petit circuit du Pelourinho, il y a deux itinéraires de carnaval. Le circuit Osmar qui se déroule dans les rues du centre ville, tout proche du port et le circuit Dodo qui se déroule le long des plages des quartiers chics et résidentiels. (Osmar et Dodo sont les surnoms de deux des frères inventeurs du Trio Elétrico) - 
Le lundi 15 (février 1999), jouant la sécurité et les touristes fortunés, nous avons loué deux places dans une loge de tribune sur le circuit Dodo. Ces tribunes sont montées pour la durée du carnaval le long des circuits. Elles accueillent les bourgeois bahianais et en général les gens qui ne veulent pas se mêler à la foule. On se trouve ainsi le long du circuit Dodo, à la hauteur d'un deuxième étage....Le nez sur la plate-forme des Trios Elétricos....La loge est livrée avec un lunch et des boissons, car il faut tenir....Les passages durent de 20h à 5h du matin...
Honnêtement, nous serons un peu déçus. Décidément, le carnaval de Salvador n'est pas un spectacle mais vraiment un événement à vivre dans la rue.
Le lendemain, nous retournerons donc dans la rue, et pour le dernier soir nous remonterons le circuit Osmar dans la foule; suant et soufflant pendant 5 heures...  "C'est à vivre, moi j'vous l'dis". Si vous ne craignez pas le "bain de foule" bien vivante et bien compacte....(Nous avons compris là, la signification de ce terme) Par moment, et spécialement au passage des Blocos, vous êtes transportés sans le vouloir, compressés dans une masse de corps chauds....Hantés par la crainte de tomber....Tout cela sans arrêter de danser et baignés dans une odeur plutôt sympathique d'eau de lavande dont des "Filhos de Gandhi" qui passent aspergent les gens qu'ils croisent....
Nous nous étions préparés, y compris contre les pickpockets: ni montre, ni appareil, ni bijou. Pas de somme d'argent dans la poche et copie de passeport dans les chaussures...Nous en sommes sortis indemnes avec malgré tout deux visites dans les poches de Gérard. La première a subtilisé un porte monnaie avec 3 $R dedans. La seconde, prise la main dans le sac si l'on peut dire, s'est tout de même échappée avec le mouchoir....
Au demeurant, nous ne nous serons jamais sentis menacés dans cette foule à 99.9% "ethnique" (Nous ne croiserons pas un touriste) Si on cogne brutalement ou écrase quelqu'un, on s'excuse en souriant et on lève le pouce.. Le voisin répond pareillement: "Todo Bom..." Malgré tout, à certains moments de grande pression dans la foule, nous nous sentirons protégés par des groupes de spectateurs locaux qui nous conseillerons sur l'itinéraire à suivre et se montreront un peu étonnés de nous voir là.

La mangrove

C'est crevés mais contents que nous quittons le port de Salvador après le carnaval pour explorer un peu la baia de "Todos os Santos"

L'île d'Itaparica.

Le mouillage du village d'Itaparica est situé à 10 ou 12 Milles du port de Salvador. C'est en gros le cas de tous les mouillages situés dans la Bahia de Todos Santos qui forme un plan d'eau très protégé et où les distances ne sont pas grandes.  De ce point de vue ça rappelle un peu la baie de Quiberon....
Le guide Lonely Planet n'aime pas cette île. La trouve sale...hérissée de résidences secondaires....Gérard se rebiffe en la voyant:  « P...., c'est joli quoi m..., faut pas déc..." »... 
Anyvonne le pense aussi: Le village fait très provincial avec son église baroque, sa place ombragée et entourée de terrasses de bistrots...La rue du bord de mer, calme avec quelques  petits restaurants, offre le spectacle permanent de l'évolution des pirogues à voile dans la baie....A marée basse, près du mouillage, un vaste banc de sable découvre, tel un atoll bordé de cocotiers, et offre ses coques à ceux qui veulent bien aller gratter le sable quelques heures....Ce que nous ferons, vous pensez bien. A défaut de crevettes... (NDLR: voir la recette de pâtes aux coques ).
Une sorte de fontaine publique propose sur le port de l'eau minérale pour un prix dérisoire. Tous les voiliers viennent s'approvisionner là en eau potable. Nous même en ferons autant et désarmerons provisoirement le désalinisateur. Cette eau est excellente.
Nous trouverons donc plein de charme à ce village. Bien sûr, le reste du littoral de l'île est construit de villas, mais à l'instar des installations du Club Med, elles sont assez enfouies dans la végétation et on n'en voit pas grand chose de la route. En tous cas, nous n'avons vu aucun immeuble de plus d'un étage sur l'île...
Nous passerons ensuite "visiter" les mouillages offerts par d'autres îles et baies de la baia de Todos os Santos:

La baia d'Aratu 

Entourée de mangrove, avec son Yacht Club et sa marina perdus dans la nature, elle est loin de tout. Un bar, une minuscule "piscine" remplie d'eau chlorée et opaque... Mais quel calme...

L'ilha dos Frades et l'ilha do Bom Jésus. 

Mouillés dans l'étroit passage entre les deux îles, nous ne verrons de deux jours que quelques pêcheurs locaux qui nous proposerons poissons et mangues sauvages pour quelques  réals. De ces dernières, nous ferons d'excellentes confitures. Ici comme à Itaparica, petit village avec église pimpante,  rues calmes et quelques terrasses de bistrot. Enfin ici c'est quand même franchement la campagne. Comparaison possible avec Hoedic, pour ceux qui connaissent....

Après quelques jours dans les îles, nous revenons faire un rapide séjour au ponton de la marina du port de Salvador, histoire de faire un gros lavage du linge, du bateau et de l'équipage (Il n'y a pas de doute, l'eau douce influence beaucoup les déplacement du bateau....); puis nous repartons pour remonter le Rio Paraguaçu.

Le rio Paraguaçu

Il est situé au fond de la baia de "Todos os Santos", à quelques dix milles au Nord Ouest d'Itaparica. Nous prévoyons de remonter cette rivière sur une dizaine de milles, jusqu'à Maragojipe. En l'absence de vent, nous naviguerons au moteur, en profitant du courant favorable. La rivière est bordée d'îlots sablonneux plantés de cocotiers et de berges abruptes couvertes de végétation très dense. - "Suivant le contour du fleuve qui est tout en méandres et qui tantôt s'élargit en bassins, pour se rétrécir ensuite en chenaux étroits...  (Georges Amado in "Bahia de tous les saints" coll Folio.) -
C'est vert, calme et beau. On croise régulièrement des pirogues de pêcheurs et des Saveiros (sorte de grosse chaloupe à voile) qui transportent des matériaux. Tout ce monde navigue sereinement à la voile. - Y compris la nuit dans ce fleuve non éclairé... - Calme et volupté...
C'est ici que nous découvrons vraiment ce qu'est la mangrove. C'est une formation végétale quasi impénétrable qui pousse au bord de l'eau et qui est constituée de palétuviers. Tous les arbres ont des racines aériennes ou émergentes qui leur permettent de lutter contre l'asphyxie. Quand la mer est haute, on ne voit que des touffes d'arbres verts en formation continue et très dense. qui s'avancent sur l'eau. A marée basse, ces arbres découvrent leurs bases formées d'un entrelac de racines, d'un mètre de haut environ qui s'enfoncent dans la vase. En s'approchant, on peut voir, accrochées sur les racines de très petites huîtres qui sont parait il comestibles. Elles sont purement sauvages et ne font l'objet d'aucun élevage dans la région. On n'en a pas encore goûté.
Et comme dit la chanson:

Aimons nous sous les Pas, les Papas, les Palés, 
Les Palétuviers roses
Aimons nous sous les Pas,  les  Palés, les Létus
Aimons nous sous les Viers....
Nous mouillons ensuite devant Maragojipe. 

Située sur le bord du fleuve, c'était un port "important" de transformation et d'exportation du tabac. Il n'y a plus de fabrique de cigares et seuls restent les murs délabrés de grandes manufactures allemandes désaffectées des années 30. Le port et toute la ville ont donc beaucoup décliné. On y respire un air de nostalgie d'une "époque meilleure"....En fait c'est une impression  constante depuis que nous sommes à Bahia au milieu de tous ces vestiges de l'époque coloniale... Cela est dû à tous ces restes,  généralement en ruine, d'une architecture baroque et coloniale qui a pu se constituer sur la profusion des richesses. Les habitants, souvent descendants d'esclaves ne participent sans doute pas de ce parfum de nostalgie!!!
Au demeurant, les rues de Maragojipe sont animées et joyeuses. Elles sont abreuvées en permanence d'un programme musical déversé par un réseau de hauts parleurs municipaux.

Cachoeira.

Nous ferons une expédition en bus jusqu'à Cachoeira qui est une petite métropole, au coeur de la culture du tabac, des noix de cajou et des oranges. Cette ville a été établie  au bord des cascades du rio Paraguaçu. - D'où son nom.(Cachoeira = Cascades).-  C'était dans le temps, le terminus d'un intense trafic fluvial. Depuis, un barrage a été construit sur les cascades. Le fleuve s'est envasé en aval et Cachoeira n'est plus accessible en bateau. Là aussi nostalgie et splendeurs décrépites. Cette ville, vantée par les guides comme un joyau de l'architecture coloniale ne nous laissera pas de souvenirs marquant. Il y a bien deux ou trois monuments magnifiquement restaurés et entretenus, mais dans ses rues plutôt affairées, on ne respire pas cette allégresse que l'on sent dans les rues de Maragojipe. Nous avons soudain très envie d'y retourner.

Retour donc à Maragojipe et redescente du fleuve, toujours calme et hors du temps, toujours au moteur et sans vent. Donc tous tauds de soleil déployés!!!!
Arrivés à l'embouchure du fleuve et sortant de l'abri de la vallée, nous sommes accueillis dans la baie par un  vent d'Est assez fort et pile dans le nez....Affalage précipité des tauds et envoi des voiles. Près serré vers Itaparica. Ca gîte, il faut tirer des bords. On roule du génois, il faut même prendre un ris s'il vous plaît.... Ah dis donc, on a perdu l'habitude de faire du sport!!! On avait presque oublié que l'on était sur un voilier....Eole nous le rappelle avec force!!
Et nous voila revenu dans notre mouillage favori d'Itaparica.

Les lois d'airain de l'acier....

Après maints discours culpabilisants que nous nous tenons de temps à autres depuis que nous sommes arrivés à Mindelo  en novembre dernier, plus particulièrement à chaque apparition d'un nouveau point de rouille et donc plus fréquemment depuis quelques semaines: « Sassraibien... Faudraiquon... Yauraiqua... On s'y met demain... ». 

C'est décidé! ON S'Y MET!!!!

Dix jours de nettoyage, lavage, grattage, ponçage, peintures, vernis... On  chasse la rouille et refait une beauté à notre caravane flottante....Gérard souffle-râle-grogne comme c'est pas permis....Il faut bien que tout le monde participe à ses souffrances picturales....Anyvonne se moque "gentiment" en faisant ses vernis: La descente et l'évier lui sont dévolus. Ils en avaient bien besoin...
Pour atténuer les souffrances de l'équipage, nous faisons chaque soir une étude comparée des différents plats et restaurants du port. Nous pourrions écrire un guide sur les qualités comparées des différentes moquecas et ensopadas locales (préparations en sauce des fruits de mer et poissons locaux).
Le bateau redevenu pimpant, nous décidons de continuer la descente vers le sud avec comme première étape la baia de Camamu, à 60 milles au sud de Salvador.

La Péninsule de Maraù

Partis de Salvador à la nuit tombante nous avons quitté la baie de "Todos os Santos" en naviguant au près, portés par  le jusant à huit noeuds et demi sur le fond. La première partie de la nuit sera une  navigation assez excitante au "bon plein"; mais le vent nous lâche après minuit et nous n'arrivons qu'au petit matin sur une grande plage blanche bordée de cocotiers. On croit apercevoir quelques maisons dans les frondaisons. Moins touristique, tu meurs....Cette plage est située sur la péninsule de Maraù qui ferme au Sud Est la Baie de Camamu. On en remonte un peu le rivage pour nous arrêter face à l'ilha de Campinho, dans une anse charmante, bordée de quelques maisons qui s'avèrent être des bars, des pousadas ou des maisons de pêcheurs. Rien ne les distingue les unes des autres...On découvre le lendemain l'entrée d'un bras de rivière qui donne accès à un petit village, avec du pain... une piste de sable et une école primaire. Dehors, devant les fenêtres de l'école et pendant que la maîtresse s'égosille au tableau, trois jeunes garçons jouent dans le sable, pendant qu'un adolescent, accoudé à la fenêtre, discute avec des élèves à l'intérieur de la classe.... C'est cool!...
La baia de Camamu est constituée de l'embouchure de deux fleuves. Elle comporte des hauts fonds  un peu partout et seule une  moitié est hydrographiée. Des îlots, des bras de rivière, des presqu'îles s'enchevêtrent....Où est la terre ferme la dedans??? A marée basse on peut passer. A marée haute tout le monde circule dans des petits bateaux ou des pirogues...Et pas de routes. 
Pour relier ensemble tous ces très petits villages et pour amener les enfants aux différentes écoles de la péninsule, toute une théorie de petits bateaux à moteur fait des navettes incessantes. Chaque village possède de manière complémentaire une école de niveau différent. Le système semble couvrir ainsi les besoins jusqu'au lycée.
Pour faire des courses un peu plus importantes: Le marché de Camamu. Situé sur la rive Ouest de la aie, Camamu peut être atteint tous les deux jours, grâce à un bateau local qui transporte environ quinze personnes et fait le trajet en une heure et demie. Mais quel service!!! On vous prend à votre bord à six heures du matin et on vous y ramène vers treize heures. Sur son trajet, le bateau zigzague entre les îlots et les mangroves, sur des fonds non hydrographiés qu'il laboure parfois à marée basse et s'arrête un peu partout, pour prendre les femmes de pêcheurs et les écoliers.
Au bout de quatre jours au même mouillage (Idyllique, alors pourquoi bouger?), dès que nous parlons avec les autochtones, tous savent que nous somme sur le "veleiro francès" mouillé en face.
Cette vie nous fait penser très fort à notre enfance dans les villages bretons (et pas seulement par la profusion des bistrots..),  Tout le monde se dit bonjour, se salue, sait qui est qui, sait où vous avez mangé la veille (et quoi !), et sait instantanément qu'un nouveau voilier est arrivé...
A coté de nous est mouillé un bateau argentin habité par un couple et un enfant de quatre ans. Ils sont ici depuis 3 mois; c'est le bonheur...Le petit garçon va à l'école du village, commence à parler portugais et apprend la Capoeira. Les parents: Jorge et Maria Clara sont connus dans toute la baie. Il est vrai qu'ils parlent portugais et qu'ils sont très aimables et parlent facilement. Ils connaissent tous les potins, les relations sociales du village, les personnages importants: les pêcheurs et les bons restaurateurs. Ils nous feront découvrir un soir la langouste grillée au beurre à l'ail.... dans un "restaurant" de pêcheur minuscule, perdu dans la mangrove, les cocotiers et quelques cacaoyers....Il nous en coûtera environ vingt cinq francs par personne....(Bière comprise évidemment!)
Pour son anniversaire, Anyvonne aura droit à un repas dans un restaurant un peu plus chic; tenu en face du mouillage selon des normes plus internationales par Sonia, jeune retraitée d'une banque de Rio de Janeiro. Nous y mangerons une langouste grillée accompagnée cette fois d'un bon vin blanc sec. Le fait mérite d'être mentionné car le bon vin brésilien est extrêmement rare et tous nos essais de vin rouge se sont jusqu'alors terminé par dessus bord. Ceux de vins blancs n'ont pas été terribles non plus.
C'est la morte saison ici. (Les vacances scolaires vont de décembre à février) Il n'y a pas la presse dans les bars et les restaurants. Malgré cela, les petits bars qui nous préparent à manger sur commande le font avec réticences dès que la clientèle dépasse 6 ou 7 personnes!!.. COOL je vous dis....
Et la vie coule... douce.... Toutes portes ouvertes et annexe dans l'eau....On se sent assez loin de mises en garde  et des craintes d'attaque à mains armées....Ca doit être ailleurs.... Enfin ici, rien ne fait plus plaisir aux brésiliens que de leur dire que nous ne les considérons plus à priori comme des voleurs. Ils savent la réputation qui leur est faite à l'étranger. (Elle est sûrement justifiée à certains endroits, surtout dans les grandes villes). Mais la relation des vols en série dans les bateaux du port de Binic et des pickpocket du métro parisien les étonne et les rassure à la fois.
En résumé Camamu semble sûr et nous nous y sentons en sécurité. 
Enfin, sans compter les cobras dont nous apprenons l'existence le dernier jour. Il y en a partout, parait-il.... Même dans les jardins de la pousada où nous sommes confortablement installés.... Frayeur rétrospective d'Anyvonne qui repense à nos marches dans la savane de Campinho...Pourtant ça ne parait inquiéter personne par ici. Sonia n'accepte même pas de tuer celui qui est installé quelque part dans la haie de son jardin...

Nous, ce qui commence à nous inquiéter par contre, c'est le temps qui passe. Il va bientôt falloir penser à continuer le voyage vers le nord. 

Mais ça, ce sera l'histoire du prochain numéro.