L'archipel
Le 13 Novembre, nous sommes arrivés dans
l'archipel du Cap Vert qui se trouve à environ 500 Kms au large
des côtes du Sénégal, à la hauteur de Dakar.
L'archipel se présente sous la forme d'un fer
à cheval ouvert à l'Ouest. Il est situé au coeur de
la zone des alizés de Nord Est et est formé au Nord
des îles"au vent" (les Barlaventos) et à l'Est et au Sud
des îles "sous le vent" (les Sotaventos). Les îles
sont toutes d'origine volcanique et sont ou bien très montagneuses
et abruptes ou bien très plates et recouvertes de sable
apporté par les vents d'Est depuis le Sahara tout proche.
La température de la mer reste toute l'année
supérieure à 21°C
Situées à la latitude des Antilles,
ces îles sont beaucoup plus arides car très peu arrosées
par les pluies. Les récits du XIXéme et même d'il y
a quelques dizaines d'années parlent îles boisées,
vertes et très productives de fruits et légumes. Largement
arrosé à l'époque, l'archipel a vu la fréquence
des pluies diminuer jusqu'à quasiment s'annuler. La seule eau apportée
l'est par condensation de l'humidité sous les nuages, sur les versants
"au vent" de ces îles montagneuses (Les versants nord donc...).
Cette "désertification" est donc contemporaine et est sans
doute de même nature que celle du Sahel ??
L'archipel a été découvert inhabité
au milieu du XVème siècle par les portugais et les îles
se sont peuplées progressivement de colons (célibataires)
venus du Portugal et d'esclaves noirs(e) ramenés(e) des côtes
d'Afrique.
La "mise en esclavage" s'effectuait dans des conditions
affreuses. Arrachés à leur milieu naturel (essentiellement
l'ancienne Guinée Portugaise: Mandingues et Peuls) les esclaves
étaient plongés dans un univers de langue, culture et religion
totalement étrangers. Pour "faciliter" l'adaptation et réduire
les capacités de résistance, on prenait soin d'éparpiller
les familles et de séparer les ethnies. Les tentatives de révolte
et de fuite étaient respectivement punies de la mort et du
fouet.
En tout
état de cause, au fil des siècles, blancs et noirs se sont
mélangés à tel point qu'il n'y a aujourd'hui que très
peu d'Africains de race pure au sein d'une population très métissée.
Sao Vicente
Notre arrivée
Pour changer un peu nos habitudes, nous avons abordé
l'archipel par l'Ouest, à Mindelo. D'abord par amour de Césaria
Evora...Un peu aussi parce qu'aborder par l'Est, à Sal, nous
avait été déconseillé aux Canaries. (D'autres
avis nous feront regretter plus tard de n'avoir pas visité Sal...
Mais tant pis, ce sera pour le tour suivant....)
Nous atterrissons
donc à Sao Vicente (Capitale : Mindelo) le Vendredi 13 Novembre
dans l'après midi et nous découvrons un "morceau d'Afrique
" qui nous apparaît bien différent des Canaries espagnoles.
L'émotion est forte, après 8 Jours de mer... Enfin,
la rade par laquelle nous abordons ce "morceau d'Afrique" abrite, tout
de même, une bonne trentaine de voiliers de passage, dont 80%
sont français...
Mindelo est une bonne base de départ pour la traversée
de l'Atlantique. On peut y faire les formalités d'entrée
et de sortie et les denrées alimentaires y sont relativement
abondantes. (Plus tard, à Brava, il nous sera impossible de trouver
une tomate, un chou ou un concombre).
La rade est donc très peuplée de bateaux
à panneaux solaires et éoliennes. Avec le régulateur
d'allure, ce sont les éléments caractéristiques des
futurs "atlanticos". Il faut bien faire de l'électricité
pour alimenter toute son électronique pendant 3 semaines....
Beaucoup de bateaux ne visitent pas le Cap Vert. Ils
atterrissent à Sal ou à Mindelo, refont le plein de vivres
et d'eau et repartent, le plus souvent vers les Antilles et plus rarement
vers le Brésil.
La grande majorité des bateaux ici, est française.
Les anglais, allemands et autres Nordiques partent directement des
Canaries ou de Madère vers les Antilles. Le Cap Vert ne les attire
pas. Sans doute pour les raisons qui précisément attirent
les français: l'exotisme, l'Afrique sans les troubles, l'absence
de structure touristique...Il faut dire aussi que l'échange culturel
France Cap Vert joue un grand rôle dans la promotion de ce pays.
Ainsi que Césaria Evora....
Les menus inconvénients
Tout le monde nous prévient: "ça vole à
Mindelo". Donc, fermer le bateau à chaque escapade, ne rien laisser
traîner sur le pont, ne pas laisser le bateau seul à la nuit
tombée et faire "garder" l'annexe quand on débarque à
terre. En 2
semaines nous assisterons ainsi au vol de 3 annexes et d'un moteur hors
bord de 15CV, ainsi qu'à la visite d'un voilier dont les propriétaires
buvaient l'apéro sur un bateau ami, à moins de 100 mètres
de là...A chaque fois et pour une durée très courte,
l'annexe n'avait été ni cadenassée ni gardée
ou le bateau était resté ouvert. J'ai ainsi acquis la conviction
que les voleurs ne fracturaient pas ou pas souvent. Par contre ils devaient
être en permanence aux aguets et profitaient IMMEDIATEMENT de CHAQUE
occasion où une annexe ou un bateau était laissé seul,
ouvert ou non cadenassé.
L'ennui majeur de ces vols n'est pas la perte financière,
c'est surtout que chaque objet volé est irremplaçable. Il
n'y a rien de rien à acheter ici comme matériel. Et le Cap
Vert sans annexe.... Il n'y a que des mouillages .... Alors, faire appel
à un voisin pour débarquer à chaque course ou promenade....
Dur, dur....
Mindelo, la capitale culturelle
du Cap Vert
Nous découvrirons Mindelo, au hasard de promenades
à pied. Première surprise, (agréable après
l'accueil un peu maussade du tourisme de masse des Canaries) : les gens
vous sourient et disent bonjour. .Les touristes sont plutôt rares
et nous sommes donc devenus "précieux"....Voyant que nous sommes
français, (Ils ont deux chance sur trois de tomber juste) on nous
aborde souvent pour le plaisir d'expérimenter le français
appris à l'école et on nous raconte sa vie en un mélange
de français et de Créole portugais dont nous ne comprenons
pas tout...
Chaque île de l'archipel est “aidée " par
un pays différent. Santo Antao par le Luxembourg, Sal par l'Allemagne,
Boa Vista par l'Italie, Santiago par les US.... Cette île ci est
aidée culturellement et économiquement par la France. Il
y a une Alliance Française assez active à Mindelo avec cours
de langue, bibliothèque et même projection de films américains
en version française. Nous en profiterons un jeudi soir avec un
film policier dont Johnny Depp était la vedette...
Les
rues sont vivantes et joyeuses. Bruyantes en tous cas... Bien qu'il
n'y ait que très peu de voitures il y a malgré
tout une infrastructure de signalisation digne d'une ville européenne.
Des sens interdits et des stops à tous les coins de rues. Nous constaterons
ce phénomène partout; même à Boa Vista où
nous ne verrons jamais circuler 2 voitures à la fois.
Beaucoup d'efforts d'investissement ont été
consentis
pour la jeunesse et le sport. Au milieu de la misère et de rien,
on trouve beaucoup de
petits terrains de jeux et de sports; des écoles aussi, beaucoup
de garderies d'enfants... Il faut dire qu'il y a énormément
d'enfants dans les rues de Mindelo.
Sur certains murs et pignons d'immeuble, beaucoup de
peintures naïves très édifiantes engagent à lutter
contre toutes sortes de fléaux: choléra, sida, drogue, décharges
sauvages...Impressionnant de réalisme!!!
La bouffe
Le marché et"la vente à la sauvette"
sont très actifs dans le centre de Mindelo.
La halle du marché aux poissons, située
au bord de l'eau, est fournie directement par les barques des pêcheurs
locaux et dispose de toutes sortes d'espèces qui nous sont inconnues.
Chaque arrivée de bateau est l'occasion d'un remue ménage
extraordinairement actif et bruyant de toute la halle. Sans doute que des
négociations ont lieu, dont le protocole nous échappe...Tout
autour, des femmes proposent dans des bassines sur le trottoir des"maquereaux
" séchés et des quartiers de thon couverts de mouches.
Leur offre se complète souvent de quelques légumes ou fruits:
une vingtaine de petites tomates vertes, 5 pommes, 3 Kgs de pommes de terre,
une dizaine de morceaux d'ignames...
Mais les légumes se trouvent principalement et
en plus grandes quantités sous la halle du marché aux
légumes. Là,
on trouve à peu près de tout, mais les produits aqueux (
tomates, concombres, citrons, oranges... ) se vendent assez (très?)
cher et souvent à l'unité...Il y a même un peu de salade
verte qui se vend à la feuille!!! Il est clair que la vie ici est
assez chère. Même si nous "bénéficions" du
tarif touristes, le prix des choses parait bien élevé par
rapport à ce que semble être le revenu local moyen.
Pour
le reste de l'alimentation, d'innombrables "mercearias" (toutes petites
boutiques d'épicerie et fournitures diverses) et 2 ou 3 "supérettes
" , sur lesquelles nous nous rabattrons, proposent les produits de
base: farine, sucre, pâtes, café, lait en poudre, quelques
conserves et des haricots secs de toutes sortes: des blancs, des jaunes,
des rouges, des beiges,.... des gros, des petits,.... des ronds, des ovales...du
beurre en conserve hollandais, des laitages parfumés et gélatineux
allemands et quelques yaourts "ethniques" fort aigres.
On trouvera là et à Santo Antao, mais nulle
part ailleurs, un excellent fromage de chèvre de production locale.
Pour la viande, on ne trouve que du poulet surgelé
et une espèce de chorizo en conserve, gras et rude à l'estomac...
On alternera donc poisson, poulet et oeufs; et le voyage,
à défaut de former notre jeunesse va développer notre
imagination culinaire. (Enfin surtout celle d'Anyvonne...)
La vie du port
Nous constatons dans ce port un fort mouvement de "bourses
d'équipiers".
D'un coté, pas mal de skippers ou de couples d'atlanticos,
inquiets de la faiblesse numérique et du manque d'expérience
de leur équipage devant le grand saut....
De l'autre coté, beaucoup de jeunes routards (il
y a pas mal de filles à pratiquer) qui ont découvert ce mode
de stop plus ou moins par hasard. Ils n'ont souvent pas ou peu de connaissances
ni même d'intérêt préalable pour le bateau. Juste
un nouveau moyen pour eux, de traverser la mer ou plus généralement
de voyager. On se demande où sont les jeunes voileux de l'école
française, qui seraient susceptibles de constituer un bon équipage....
Paradoxalement, ils n'ont pas l'air d'avoir le goût de l'aventure
et semblent préférer rester naviguer sur les côtes
françaises.
Bref, une offre et une demande qui ne se correspondent
pas exactement mais qui permettent malgré tout à ces
jeunes sans connaissance, de trouver des embarquements. Je ne sais pas
quelle est l'ambiance dans les carrés 2 à 3 semaines plus
tard, à l'arrivée de l'autre côté...
Le bateau stop semble donc être une expérience
intéressante. Il faut juste arriver au Cap Vert début
Octobre pour pouvoir profiter des premiers départs importants vers
les Antilles.
Les jeunes voileux français.... Ils ont aussi souvent
leur propre bateau.... On a ainsi vu passer à Mindelo un muscadet
rouge, un Sangria pimpant et un superbe armagnac tout jaune. Tous menés
par de jeunes équipages français. Ainsi,
Pierre sur l'Armagnac LA DENGUE est un grand échalas dégingandé,
sautillant, chantant et souriant; photographe reporter de son état
et présentement en longues vacances. Il arrive de Cap Breton avec
Bimbo, Suisse Roman qui n'avait jamais mis les pieds sur un voilier auparavant
et qui avait répondu à une annonce de bourse d'équipiers
dans Voiles et Voiliers. Pierre nous mime leur dialogue pendant les manoeuvres:
Pierre: Bimbo, tu peux border un peu le génois,
s'il te plaît?
Bimbo: Ah oui, tu crois??? (Accent suisse traiiiiiinant...)
P.: Oui je crois! Tu veux bien le border???
B.: Tu en es bien sûr?
P.: Oui oui
B.: Vraiment?
P.: OUI!!!
B.: Ah bon . Alors je vais le border.
Pierre est tordu de rire, en racontant ça.
Bimbo le regarde en souriant, attendri...: Ben oui, quoi!
Il faut bien être sûr, si on ne veut pas faire une connerie....
Christina (suisse aussi) nous expliquera plus tard que
tout suisse souhaite être assuré, voire réassuré
plusieurs fois, avant d'entreprendre quoi que ce soit....
Imaginez les manoeuvres d'urgence! Mais Pierre est ravi
de son équipier toujours souriant et aimable...et dont il va devoir
se séparer à Mindelo, car son équipage de copains
arrive par avion et l'Armagnac n'est pas un très grand bateau.
Bimbo lui, trouvera un nouvel embarquement dans les deux
jours...
Les rencontres
Un après midi nous voyons arriver un couple
de Français inconnus: "Alors les Paimpolais, comment bronze-t-on
ici ????". Ce sont Francis et Anne-Marie qui viennent de Lézardieux,
connaissent notre bateau ainsi que Pascal et Agnès et ont déjà
lu notre journal . Ils naviguent sur"BON VENT", un joli Trismus
en alu et nous allons rester ensemble environ 2 semaines.
On rencontrera aussi Denis, bateau stoppeur des bords
de la Garonne, en panne d'embarquement et qui voulait voir le Canada...;
Carole stoppeuse parisienne qui a navigué sur 4 bateaux différents
depuis La Rochelle et est actuellement embarquée sur un bateau américain
sur sa route de retour vers San Francisco.
On va aussi rencontrer Aldo. C'est un Cap Verdien de
25/30 ans, qui a vécu 18 ans à Paris avec ses parents immigrés
et qui a été prié de rentrer au pays pour 5 ans....(On
ne saura pas pourquoi...) On va rapidement constituer un groupe d'une dizaine
de personnes auquel Aldo servira de guide-interprète, pour le prix
de ses repas et de ses boissons. Il est charmant, bien élevé
et parle le Portugais mieux que nous....Tout ce petit monde se retrouve
le soir pour manger , boire et tenter (sans grand succès )
d'écouter de la musique cap verdienne. Visiblement ce n'est pas
maintenant la haute saison musicale. Ce serait plutôt en été,
lors des retours en vacances des immigrés, que tout bouge plus semble-t-il.
Aldo, originaire de Santo Antao nous convainc de traverser
avec nos bateaux pour aller visiter son île, plutôt que d'utiliser
le ferry comme nous prévoyions de le faire. Le conseil sera bon,
car le port sera agréable ainsi que la traversée sur
GETAWAY et BON VENT qui embarqueront ainsi Aldo, Denis et Carole.
SANTO ANTAO
La
traversée du canal de Santo Antao sera très agréable.
On y sera accompagné par un groupe de dauphins joueurs qu'Anyvonne
s'efforcera de filmer. On ne sait trop pourquoi, mais la vue des
dauphins attendrit toujours tout le monde...
Arrivée à Porto Novo, au sud est de île.
Le port n'est pas très grand, mais est bien abrité des vents
dominants. Le village se situe juste au dessus , au bord d'une corniche.
Problème essentiel: le débarquement. Le
quai, à trois mètres au dessus de l'eau n'est plus équipé
que de souvenirs d'échelles; et la petite plage attenante est séparée
du quai par des rochers abrupts et glissants...Après essais, nous
opterons pour le quai, en escaladant de gros pneus, pendus là en
guise de pare battage pour le ferry. Les
allers iront bien, mais les retours (surtout ceux d'après grogo)
seront bruyants et sportifs. ..avec sauts intempestifs et atterrissages
très peu précis dans le fou rire général.
Santo Antao est une île volcanique, au relief très
abrupt et élevé (1980 mètres). Arrosée sur
son versant nord, elle est riche de possibilités agricoles. Elle
s'est malheureusement peu développée en raison de ses difficultés
de communication extérieures (pas d'abris sûr) et intérieures
(pas de route pour traverser cette île montagneuse). Ces deux problèmes
ont trouvé une solution avec la construction dans les années
60 de la jetée de Porto Novo ainsi que d'une route spectaculaire
qui escalade les sommets de île pour relier les cotes nord et sud.
Ainsi équipée, cette île réussit
à approvisionner Sao Vicente en fruits, légumes et grogo.
Aldo va nous concocter une promenade en"aluguer" (taxi
brousse local, ouvert ou fermé, qui ne démarre que quand
il est complet.) Aujourd'hui, ce sera un aluguer spécialement affrété
pour notre groupe et pour la journée.
L'expédition commence vers 10 heures, sur le plateau
ouvert de notre aluguer. On ne manquera ni d'air ni de mouvement. Les routes
ici sont pavées et ont le profil très "scenic railway".
Les amortisseurs seront très sollicités ainsi que nos fesses,
comme vous pouvez l'imaginer....
Donc secoués, tressautants et rigolants (les trois
premières heures c'est rigolo, si, si!!) nous atteignons l'altitude
de 1200 mètres. La température chute de 10°C et nous
découvrons un ancien cratère volcanique assez spectaculaire.
Nous poursuivons par une route tendue comme une corde à travers
les montagnes, surplombant de profonde gorges, courant le long des crêtes
à travers bancs de brume, forêts de pins et d'eucalyptus....Paysages
intenses de falaises gigantesques et de vallées vertigineuses....
Cette route
nous conduit au nord est de île, sur une côte fouettée
par les alizés et par les rouleaux d'une mer très houleuse.
Superbe terrain de jeux pour les véliplanchistes et autres surfers
très aguerris....
Les vallées (ribeiras) que nous visiterons sont
bien arrosées et donc propices aux cultures.
Dans la "ribeira de Paul", nous remonterons à
pied le lit de la rivière qui est à sec présentement.
C'est la saison sèche. Le spectacle est fastueux: manguiers, bananiers,
caféiers, arbres à pain, papayes, cocotiers surplombent des
bougainvillées à profusion. De petites fermes isolées,
accrochées à flan de montagne cultivent la canne à
sucre. Les paysans y broient la canne, pour en récolter le suc et
en faire du "grogo" (C'est le rhum local).
On croise régulièrement des jeunes filles
ou des fillettes qui font la navette et portent sur la tête
des bidons pleins de grogo (ou d'eau...) . Rapidement et très légèrement,
elles montent et descendent pieds nus le lit asséché.
Il n'y a pas d'autre moyen d'accès à ces fermes.
Nous rentrerons
cassés à Porto Novo vers 18 heures. Il fait nuit et très
frais...Commence alors une manoeuvre importante et difficile: la recherche
d'un endroit où dîner. Porto Novo est un petit bourg de 5000
habitants et nous sommes hors saison touristique. Les restaurants n'ouvrent
donc que sur commande et on s'y prend un peu tard....Aldo nous laisse échoués
dans un bistro, face au port, devant un litre de grogo et part en chasse.
Il trouve quelque chose, revient, propose, repart, rediscute le prix d'un
repas éventuel, revient encore, nous redemande.... veut faire bien,
à l'extrême, a peur que nous soyons déçus, que
nous trouvions l'attente trop longue, le plat trop cher.....Bref, Francis,
Anne marie, Denis, Carole et nous, en sommes à la fin de notre litre
de grogo additionné de mélasse, quand une demi
heure de"démarches" (avec un restau situé à 200
mètres) aboutit à la promesse d'un"poulet frites", à
un prix abordable et qui pourra être servi d'ici une heure et demie...
Là, on commence à comprendre qu'on n'est plus en Europe....COOL
les mecs.... Ici on attend, on parlemente, on re-attend, on rediscute,
on attend encore.....avec le sourire..... Au
Cap Vert, il nous faudra en général compter deux heures entre
l'apparition de l'envie de manger et le passage à l'acte. En 8 jours,
on a fait des progrès.... On ne s'énerve plus....
Enfin, ce soir nous manquerons de perdre plusieurs équipiers
et équipières entre l'annexe et le quai, en rentrant aux
bateaux....Sacré Grogo!!!!
Retour à Mindelo.... Horreur!!! Le rallye des
îles du soleil (30 bateaux français d'un coup.) est
arrivé et la rade est quasiment pleine de voiliers...Il nous faudra
3 essais de mouillage dans ce bazar avant d'arriver à se caser....
Nous apprenons qu'ils partent le surlendemain pour Santa
Luzia. Nous décidons donc avec BON VENT de repartir dès demain,
pour les y précéder et profiter dans le calme, de cette île
déserte .
SANTA LUZIA
Après quelques
heures de "près serré" (eh oui, il faut quelquefois remonter
les alizés...) nous mouillons au sud ouest de l'île, devant
une plage de quelques 6 Kms de long. Le sable blanc donne envie de débarquer
pour se baigner....
Ce que l'on fait le lendemain, malgré la houle
qui déferle de temps en temps en rouleaux sur la plage. Depuis notre
bateau, nous voyons débarquer tranquillement Francis et Anne Marie.
Mis en confiance, nous nous lançons aussi. L'arrivée est
épique.... Une déferlante remplit l'annexe et la vide de
ses occupants (en l'occurrence Gérard et moi) et de ses sacs, mais
ne chavire pas. On émerge vite de l'eau pour hisser l'annexe au
sec, et éviter de noyer le moteur.... Gérard avait judicieusement
enfermé l'appareil photo dans un sac étanche... Par contre,
on annule la promenade à pied, car le vent nous glace à travers
nos vêtements trempés...On restera donc sécher, nus
sur la plage...
Une heure plus tard, le rallye arrive et deux rallyemen
débarquent sagement à la nage. Ils nous aiderons à
réembarquer, pendant une petite période de calme entre 5
ou 6 rouleaux déferlants. Youppie, c'est reparti. Mais quelle
émotion!!!
Deux heures après, Francis et Anne Marie tenteront
la même manoeuvre, dans les mêmes conditions, mais ils chavireront,
moteur noyé, appareils photos noyés, lunettes perdues...Ils
sont effondrés. Ils avaient laissé leur sac étanche
bien au chaud sur le bateau...
Nous resterons ici 4 jours pour laisser au rallye, qui
est reparti le lendemain pour Sao Nicolau, le temps de quitter cette île
avant notre arrivée.
Ce seront 4 jours sans débarquer, avec vent fort et gros rouleaux
déferlants. Les hommes vont à la pêche sur BON VENT.
Lecture et couture pour les dames sur GETAWAY. Rien que de très
habituel en fait....(MACHOOOO!!)
Après ce repos forcé, on reprend la mer
pour 4 heures de près serré jusqu'à Tarrafal, le port
de Sao Nicolau.
SAO NICOLAU
Le petit port de Tarrafal (pêche et commerce) nous
accueillera agréablement. Notre tactique a payé: le rallye
commence à partir au moment où nous arrivons...Et c'est tant
mieux, car avec 30 bateaux, le mouillage semble bien petit....
Les habitants nous apparaissent un peu plus réservés
qu'à Mindelo. Moins bavards et moins souriants. Moins francisés
aussi.
Le matin,
au lever du jour, les barques de pêcheurs reviennent de leur sortie
nocturne. Elles sont attendues sur le quai par un groupe compact et très
bruyant surtout constitué de femmes; dont le débarquement
du poisson, nous parait de loin provoquer le délire. Gérard
et Francis partent aux nouvelles. Le poisson rapporté semble être
exclusivement du maquereau. En fait, c'est assez curieux, chaque femme,
armée d'une bassine ou d'un seau ou d'un récipient quelconque
s'efforce en hurlant d'obtenir qu'on remplisse son récipient. Quand
elle a réussi, elle s'en va... pour quelquefois revenir avec un
autre récipient. Aucune trace de papier ni d'argent apparaît
au cours de ces "tractations".
Immergés dans cette foule, Francis et moi tentons
de faire comprendre à un marin qu'on achèterait bien
5 ou 6 maquereaux.... Il semble comprendre et nous demande un sac plastique.
Ledit sac nous revient avec 5 bons Kgs de poisson et, à notre proposition
de paiement, le marin nous répond qu'il ne veut rien....
Il y a sur le quai une conserverie de poisson qui est
sans doute le principal consommateur des pêches. Peut être
que cette "distribution" (gratuite?) est un peu un produit secondaire
de la pêche "indusrtielle" pour alimenter les familles du village???
De ce poisson, Anyvonne fera des rillettes, dont tout
le monde sait que ce sont sa spécialité.…
(Voir la recette dans
le n° 1 de la gazette, Ndlr.)
Le
lendemain matin, en débarquant pour une promenade sur île,
Gérard va offrir au marin donateur, un pot de rillettes, en tentant
de lui expliquer que c'est ce que nous avons fait du poisson qu'il nous
a donné hier. En repartant, il regarde par dessus son épaule
et voit l'homme se débarrasser de son pot sur un de ses collègues
plus aventureux, qui l'ouvre et goûte prudemment le contenu du bout
d'un doigt. Nous ne saurons jamais s'il l'ont mangé et même
s'ils ont compris que c'était pour manger....
Nous sommes donc partis pour une ballade en Aluguer. Histoire
de traverser île et d'aller voir la côte Est et la mer
au vent de île. Les paysages rappellent un peu Santo Antao, en moins
raide. De belles ribeiras et des gens charmants. De belles promenades à
faire à pied dans la montagne et dans de larges vallées,
cultivées en terrasses. Les touristes semblent être rares...
La capitale, Ribeira Brava, est pimpante et propre, avec
des maisons très colorées et des jardins ombragés.
Nous y trouverons un petit restau pour déjeuner, qui nous
servira en une heure... Un exploit....
C'est ici que nous avons réalisé, qu'en
gros une maison sur trois est une "mercearia",qu'une autre est un coiffeur
et la dernière un logement..... Il faut dire qu'ici, beaucoup de
femmes se promènent 3 jours sur 7 avec des bigoudis et du produit
à défriser sur la tête.
Le mardi soir, nous fêtons notre séparation
d'avec BON VENT. Ils partent demain pour les Antilles via Brava. Ils voudraient
y arriver pour Noël. (En fait nous aurons plus tard des liaisons radio
avec eux et nous apprendrons qu'ils sont arrivés à St Martin
le 24 au matin.)
Nous partons donc tous le mercredi à 13 heures
avec un peu de nostalgie et avec, plus spécialement pour nous,
la perspective d'une nuit de navigation au près serré pour
atteindre Boa Vista. Nous y arriverons à 10 heures le
lendemain.
Réflexion très fine du skipper après
cette navigation: "Le bonheur n'est pas du tout dans le près. Il
est plutôt dans le lagon..." Ah Ah! Ah!u
BOA VISTA
Boa
Vista fait effectivement penser à un lagon. Des Kms de sable blanc;
des eaux transparentes, des palmiers au loin. Île-plage, cette immense
baie sablonneuse est un haut lieu de la planche à voile. Les plus
grands champions viennent, paraît il, y faire des stages en décembre.
Ceux que nous voyons évoluer (une demi-douzaine) sont effectivement
assez impressionnants.
Cette île fait actuellement de gros efforts d'aménagement
touristique, vu son aspect plutôt paradisiaque et ses possibilités
de sport de glisse. Les gens du pays, habitués aux touristes sont
avenants et bavards.
Cette île aurait la particularité de présenter
des anomalies de champ magnétique qui faussent le jeu des compas
marins. Entre 1842 et 1936, 63 bateaux s'y sont échoués...Merci
seigneur GPS... Ceci étant, l'île est portée sur la
carte presque 3 milles plus à l'Ouest que sa situation réelle...C'est
la seule de l'archipel dans ce cas.
Nous resterons une bonne semaine au mouillage et croiserons
9 bateaux français, un américain et un finlandais.
Promenade
Cette île est très plate (altitude maxi:
390 mètres) et pour changer, nous allons pouvoir marcher... longtemps...
Partis à 11 heures, le long de la "Praia de Chave
" (la plage de notre mouillage), nous voyons pour la première fois
au Cap Vert, des
dunes à perte de vue. 1 heure de marche dans le sable, le long des
rouleaux qui déferlent et s'écrasent sur la plage, et nous
croiserons 4 personnes.... Il paraît qu'en venant très tôt
le matin, on peut voir des tortues marines venir se dorer au soleil. Mais
aujourd'hui, il y a trop de vent et de rouleaux.
Nous atteignons les restes d'une ancienne
briqueterie, dont seule la cheminée en briques rouges émerge
vraiment de son ensablement. Ces ruines émergeant à peine
du sable, dispersées sous les "tamareiras" font assez irréelles.
Le fantôme de l'industrie Capverdienne y rôde sûrement
les soirs de tempête...
Sur le retour un peu désertique, on traverse
le village de Rabil, avec son église de 1801 qui rappelle les apports
coloniaux. Nous y absorbons quelques croquettes de poissons arrosées
de CLEB'S (le nom de la bière pression locale) dans un restau tout
neuf, tenu par un Suisso-Capverdien de retour au pays (Fortune faite???).
Un peu plus loin, on trouve une plantation de "Tamareiras
" , sorte de palmiers-dattiers émergeant d'un même pied par
bouquets de 3 à 6 troncs. C'est un havre d'ombre et de fraîcheur.
Une idée de l'oasis...
Les
ampoules pointent dans les chaussures quand, vers 16 heures 30 nous
sommes de retour à notre point de départ, à Sal Rei.
Le nom de ce village rappelle le sel de qualité royale que produisaient
jadis des salines aujourd'hui ensablées.
L'arrêt au bar, face au port nous fait découvrir
qu'un concert de Césaria Evora est prévu sur l'île
la semaine prochaine, le 9 décembre. Dieu est grand! et nous,
décidés à rester!!....
Il est l'heure du retour vers le bateau; et là,
les choses se présentent moyennement bien. Le vent est très
fort aujourd'hui et si l'embarquement sur la plage du port où repose
l'annexe, semble sans problèmes à condition de bien se synchroniser
avec les vagues, on dirait que de temps en temps, au milieu du port, la
houle parvient à déferler.... Comme prévu on embarque
donc sans encombre et vogue la galère, moteur à fond...Et
comme possible sinon prévu, une déferlante se forme en plein
milieu du port et nous rattrape à 100 mètres du rivage....Et
voila tout l'équipage viré à l'eau, qui s'accroche
à l'annexe et tente d'arrêter ce p.... de moteur!!! Encore
une fois, l'annexe ne s'est pas retournée et nous avons pu la réintégrer
et fuir aussi vite que possible cette zone hostile...
The concert.
Ce mercredi, la houle qui nous sépare du débarcadère
(à un bon demi mille du bateau) est impressionnante. Notre aventure
de l'autre jour nous a un peu refroidis et nous nous poserons toute la
journée la question: "J'y va ti , j'y va ti pas???". Le concert
semble compromis...Pour l'aller, passe encore, mais revenir à minuit,
sans lune, dans ces conditions de houle nous effraie un peu...
Allons, courage... Pour se cultiver, qu'est ce qu'on
ne ferait pas... Et nous voila partis en maillot, nos tenues propres dans
le sac étanche. Nous débarquerons rincés, mais sans
problème majeur . On rencontre trois autres équipages français
qui ont eux aussi bravé les éléments pour le concert
de ce soir. On dîne avec eux et on se sent tous plus forts à
l'idée qu'on sera quatre annexes à embarquer (à dessaler???)
à minuit dans le noir.....
Le concert à lieu dans un club italien très
chic, à 1 Km au nord du village. On croise la vedette au bar en
allant prendre un pot d'attente, avant de rejoindre un amphithéâtre
à ciel ouvert où va avoir lieu le concert. Les spectateurs
sont majoritairement des italiens du club. Dommage... Mais des "ethniques
" arrivent aussi, peu à peu. Ce ne sont pas les plus pauvres de
île...(à 30 F. la place, ce qui équivaut à 300
F. chez nous....)
Pendant
tout le concert, on sera sous le charme. Césaria est accompagnée
entre autres, d'un guitariste (BAU) et d'un sax extraordinaires... On termine
le concert tous debouts, contre la scène et c'est assez génial...
On est contents et émus.
Le retour se fera sans problème et tout le monde
regagnera son bateau en jouant un cache cache anxieux dans la houle; complètement
rincé, mais dans des annexes à l'endroit...
C'est à cette occasion que nous avons fait la
connaissance de l'équipage d'ALTAÏR (François et Françoise).
Ils sont partis de BINIC en Septembre. Décidément la Bretagne
Nord est bien présente sous ces latitudes.... Ils projettent comme
nous d'aller voir Santiago, mais ils nous convainquent d'aller mouiller
à Tarrafal (encore un autre) plutôt qu'à la capitale
Praïa comme nous avions prévu.
Le lendemain, nous mettons les voiles pour Santiago à
16 heures.u
SANTIAGO
La traversée durera la nuit, et s'effectuera dans
les "brumes de sable" causées par "l'harmattan". C'est un fort
vent de Nord Nord Est qui porte le sable du Sahara.
Nous arrivons vers 9 heures dans un paysage de carte
postale après avoir évité toute la flottille des barques
des pêcheurs locaux, que nous avons découvertes au dernier
moment dans les creux d'une houle de 3 mètres. Plage blanche bordée
de cocotiers, barques de pêche multicolores alignées sur le
sable...
Trois bateaux se balancent déjà au mouillage.
O surprise, il y a là TANIWHA avec Daniel et Christina, que l'on
avait perdus de vue depuis La Goméra et que l'on pensait partis
à Dakar où ils veulent travailler un an pour refaire la caisse
de bord. Effusions... Petit déjeuner à leur bord... Arrive
Louis, de MISSA VEM mouillé à coté. Ils devaient partir
tous les trois demain pour Dakar. Ils vont rester deux jours de plus, avec
nous.
Christina nous fait découvrir le village,
le marché, les bonnes mercearias...Ils sont là depuis plus
d'un mois et ont eu un vrai coup de coeur pour cet endroit. Avec elle,
nous allons aussi commander notre dîner de ce soir chez Titine, le
petit restau routier très ethnique des conducteurs d'aluguers.
Tous les équipages s'y retrouveront donc le soir
pour manger "feijoada" et poulet sur une longue table tendue de toile
cirée, à côté du petit bar situé dans
le coin de la pièce. Tout cela nous ramène aux bistrots-épiceries
de notre enfance en Bretagne il y a 40 ans. Ils nous en coûtera l'équivalent
de 30 Frs pour deux. (Bières comprises)
Le
lendemain les hommes vont pêcher (François a un fusil) pour
alimenter le BBQ prévu pour la soirée de départ.
Dimanche, TANIWHA et MISSA VEM partent pour Dakar. Coups
de trompe et émotion....
Il est possible que l'on retrouve MISSA VEM à
Salvador, car Louis qui est réunionnais prévoyait d'être
là bas pour le carnaval, avant de filer sur Bonne espérance
et son île natale où il veut s'installer pour pêcher
des langoustes. Je dis "prévoyait", car il est tombé en
avarie de moteur au Cap Vert et c'est juste pour réparer qu'il “
retourne " sur Dakar. Alors...
Lundi on
arrête la Savarine qu'on prenait quotidiennement depuis notre arrivée
au Cap Vert et qui nous donnait tous les jours des nausées. On n'a
pas vu la queue d'un moustique ici! Alors zut! on reverra le problème
au Brésil...
Journée expédition
en Aluguer - Mode d'emploi:
- Trouver le coin d'où ils partent vers votre destination.
- Y aller pour se faire aborder, donner sa destination
(Praïa, en l'occurrence ) demander le prix (exagéré
pour les touristes), proposer le prix habituel (trouvé dans le guide)
et tomber d'accord la dessus.
- (9 heures) Monter dans le véhicule. (Ici les
aluguers sont des Hiace ou Toyotas fermés. Le luxe à 1ère
vue.)
- Attendre ....jusqu'à ce qu'il y ait au moins
10 personnes à bord.
- (9 heures 30) Il démarre..... dans la mauvaise
direction. Bizarre! et fait le tour du village en klaxonnant pour revenir
à son point de départ , avec peut être quelques passagers
en plus.
- (10
heures) On est enfin "plein." C'est à dire 21 dans notre cas...3
à l'avant, 4 rangées de 4 derrière et 2 debout
devant la porte coulissante latérale.…
-C'est parti!
Nos voisins sont souriants mais ne bavardent pas. Nos
voisines sont plus réservées encore, limite hautaines. Elles
font le signe de croix à chaque démarrage....Ca ne nous rassure
pas !!.
Les clients se font déposer où ils veulent
sur le trajet et l'aluguer reprend alors d'autres personnes qui lui font
signe sur la route.
Santiago est très montagneuse et nous retrouvons
des paysages abrupts comme à Sao Nicolau et de belles vallées
très cultivées.
Nous abordons Praïa, capitale administrative
du Cap Vert par les quartiers périphériques assez pauvres,
avec beaucoup de petits enfants quasi nus dans la poussière de cahutes
en parpaings bruts, dont l'intérieur dévoile des clous aux
murs, des mousses par terre, quelques bouts de rideaux déchirés
et des cuvettes plastiques...
Seule consolation dans cette désolation: ils n'ont
pas froid...
Feuilleton administratif
Nous sommes venus à Praïa faire les formalités
de sortie des services d'immigration.. (Nous avions fait celles d'entrée
à Mindelo) Ces formalités ne peuvent être faites qu'à
Sal, Mindelo et Praïa et nous avons été prévenus
par nos copains de TANIWHA que le fonctionnaire de Praïa refusait
de faire la sortie quand le bateau n'était pas dans son port. Il
refusera donc de faire nos formalités s'il sait que le bateau est
resté à Tarrafal...
Pourquoi donc ne pas aller à Praïa en bateau
comme prévu au départ??? Parce que le port est moche, éloigné
du centre ville et peu sûr.... Parce que surtout, la descente de
Tarrafal à Praïa est assez pénible dans les couloirs
d'accélération du canal de Fogo. Voilà pourquoi!!!
Bref,
nous allons tenter de nous faire tamponner nos papiers sans bateau sur
place. Nous avons bien imaginé quelques mensonges du genre panne
moteur, départ obligé sur Brava...que sais je? Enfin nous
ne disposons de rien de convaincant...
1- 14 heures. Descente au port en taxi (10 Francs)
Au bureau d'immigration, personne
Question au collègue du bureau voisin: Il revient
quand.?
Le collègue: Je ne sais pas, je ne connais pas
ses heures.
Nous: Vous êtes sûr qu'il va revenir?
le collègue: Non... Peut-être vers 16 heures....
S'il revient...
Déprime, sur un quai en béton écrasé
de soleil par 35°C à l'ombre.... Des bateaux déchargent
des thons, des femmes hurlent autour(est ce cela la criée?) . Le
coup de chaleur nous guette....
2- On remonte en ville en taxi (Re 10 Francs).
Un banc public ombragé nous console et nous repose....
3- Retour au port à 16 heures (Re 10 Francs).
Re bureau et re personne....
Du monde partout sur le quai, en salopette. Des
travailleurs du port en groupes. Ca s'agite, ca crie... façon manif
ou sit in en France...Mais non ils ne sont pas en grève... Alors????
17 heures, toujours personne au bureau. On hésite
à repartir. Mais on y tient à ce papier. Et puis on est à
l'ombre maintenant. Alors on décide d'attendre encore un peu.
17 heures 15- Un Capverdien décontracté
arrive au bureau. Miracle, c'est le bon et en plus il parle un peu français!
Suit le dialogue dans lequel Gérard tentera de ne pas être
pris en flagrant délit de mensonge....
Lui- Vous êtes arrivés ce matin ?
Nous- Oui...Oui, ce matin...
Lui - Votre bateau est blanc ?
Nous- Oui...Oui...Blanc...
Taille-poids-âge... Poids-âge-taille....
du capitaine, du bateau,....Remplissage de papiers....On n'a toujours pas
menti...
Lui- Vous partez quand ?
Nous- Demain matin
Lui- Vous êtes passés au bureau du port
?
Nous- Non, Pas encore...
Lui- Vous y passez après ?
Nous- mmm...mmm...
Lui- Quelle direction ?
Nous- Le Brésil via Brava.
Il nous demande deux photos et IL NOUS TAMPONNE NOS PASSEPORTS
!!!!
17 heures 45. On est sortis....On se demande comment le
skipper du bateau blanc que nous voyons dans le port et qui a dû
arriver ce matin, sera accueilli quand il viendra faire sa sortie....
Mais on ne se le demande pas trop longtemps, car il est
urgent de rentrer à Tarrafal...
Re taxi donc vers le départ des aluguers. Y A
PLUS d'aluguer pour Tarrafal, à 60 Km d'ici. Il est trop tard ...L'aluguer
restant s'arrête à Assomada, qui est environ à mi chemin.
On le prend, on verra bien.
A Assomada, renégociation pour continuer.... Au
tarif taxi pour touristes....Il est 19 heures, il fait nuit, on est dans
la montagne, à 35 km du but...On cède.... A 20 heures 15
on est rentrés.
Nous ferons une autre ballade en aluguer, dans le coeur
agricole de île. Santiago a été la première
à être colonisée et a toujours eu une vocation agricole.
Les colons y ont fait venir des esclaves à partir de 1520. Les communications
difficiles avec l'intérieur montagneux ont contribué à
en préserver le caractère africain.. Les habitants sont ici
nettement plus noirs que dans les autres îles. C'est
ici que nous verrons le plus de femmes porter des charges sur la tête
Cette charge peut être constituée de 2 cageots pleins, de
bidons, de plaques de 3 douzaines d'oeufs empilées,... Ces gros
poids sont posés sur une sorte de couronne rembourrée de
tissus (façon couronne de Noël sans guirlande). Ca leur donne
une de ces allures....Seules les femmes ou les
filles portent comme cela. Vous pouvez rajouter un bébé de
six mois sanglé dans le dos, par un pagne enroulé sur la
poitrine et vous avez une idée du seul moyen de manutention local...En
plus des ânes...
FOGO
D'un commun accord, avec ALTAIR, nous passerons par Fogo.
Nous partons un jour avant eux à 5 heures 30 du matin. La
mer est agitée et assez creuse. A mi-route, je m'aperçois
que le profil d'enrouleur de génois est cassé...catastrophe!!!
On enroule à la main, en prenant garde à ne rien déchirer
et on envoie une trinquette sur l'étai largable. Juste avant d'atteindre
le couloir d'accélération du canal de Brava et ses 35 noeuds
de vent...Nous arrivons à Porto dos Cavaleiros vers 15h30.
Port
en pleine campagne, jetée en travaux, camions, grues, poussière
et fortes rafales de vent.... Mais pas de houle... Alors on verra demain!
Toute la nuit à me demander comment je vais bien
faire pour réparer l'enrouleur....Le matin, démontage du
génois, de l'enrouleur et de l'étai.... En fait, c'est le
tube d'entraînement du profil d'enrouleur qui a cassé. Une
bonne surprise: il y a suffisamment de réserve de tube enfilé
dans le profil, pour remplacer le bout qui a cassé! Et donc, scie
à métaux, rivets pop, beaucoup d'efforts pour remonter l'étai
sur sa cadène et le tour est joué. On y aura passé
l'essentiel de la journée, mais quel soulagement....Tout est réparé
quand ALTAIR nous rejoint.
Le lendemain, visite du bourg de Sao Felipe à
5 Kms. On fait du stop et ça marche...
Fogo est un volcan encore en activité (Fogo signifie
feu) qui a été peuplé
très tôt, a été une riche colonie et a gardé
un patrimoine urbain et architectural étonnant. Les maisons peintes
en jaune, bleu ou rose ont des toits pentus, des balcons, des cours intérieures,
une courette fermée en façade avec des plantes décoratives.
Beaucoup de petites places plantées d'arbres, des promenades le
long de la falaise qui surplombe la mer. L'ensemble fait assez soigné
et montre un souci esthétique qu'on n'a trouvé nulle part
ailleurs au Cap Vert.
Le lendemain, pluie fine toute la journée. Pas
assez toutefois, pour rincer le bateau qui est tout noir de la poussière
de sable venu du Sahara. Nous en profitons pour repartir vers Brava, que
l'on voit en face à 10 milles nautiques.u
BRAVA
Furna
Le port qui nous accueille est une jolie baie toute ronde,
qui forme un bon abri naturel situé au pied d'un cirque qui
a jadis été cultivé en terrasse. Vue la configuration,
ce doit être un ancien cratère inondé. Quelques maisons
à balcon assez décrépites sur le bord de mer témoignent
d'une splendeur passée. A part quelques exceptions, les constructions
plus récentes sont peu finies et imbriquées en ruelles
biscornues et défoncées...
Mais les sourires!!!... Omniprésents sur tous
les visages, ils font oublier la pauvreté ambiante.
Manifestement, nous sommes attendus.... BON VENT est
passé par ici, sur sa route des Antilles et nous a annoncés....
Tony, puis José (des connaissances de Pascal et
Agnès lors de leur passage il y a quelques années)
sont sur le port au premier débarquement. Nous sommes conviés
à boire un pot le premier soir chez José. Il nous accueille
dans le salon, à l'étage de sa belle maison, au centre du
village (C'est une des exceptions citées plus haut) et nous verrons
passer une bonne partie de sa famille. (José à 8 enfants,
de 2 à 22 ans et sa fille aînée a elle même une
fille de 2 ans.) La conversation cahote en français et en "portugais
simplifié". "Pascual" est resté pour José
un ami"très joli, très joli". (La bonne utilisation des
adjectif n'est pas si facile dans une langue étrangère.,
et José fait des efforts en français.)
Nous
rencontrerons Albert aussi, un jeune pêcheur de 23 ans qui
nous apportera une langouste, pêchée presque sous notre bateau..
A fréquenter les bateaux français il parle assez bien notre
langue qu'il a apprise sur le tas.
Sa fréquentation nous fera mieux comprendre le
système de troc qu'ils pratiquent avec nous.
Jamais Albert n'acceptera d'être payé pour
les poissons qu'il nous apporte.. Il acceptera simplement cigarettes, bières
et repas sur le bateau. Une ceinture de plomb aussi,, pour plonger, qu'il
me demandera gentiment. Il aimerait bien des palmes. Mais là, je
n'ai pas et il n'insistera pas...Il y a à la base une tradition
d'accueil, de don et de gentillesse . Ils donnent, aident, conseillent
et attendent que quelque chose vienne en retour. Quelque chose qui seraient
des objets introuvables ou luxueux ici et dont nous sommes censés
disposer à profusion à l'intérieur de notre bateau..
Ils sont assez accoutumés à recevoir régulièrement
tout cela de leurs parents immigrés en Europe ou aux US et trouvent
donc normal que les"riches européens" apportent leurs objets
alors qu'ils les aident, les guident et les conseillent...
Bref, nous sommes une attraction et une caverne d'Ali
Baba....
Mais aussi, la vie est dure ici. Brava représente
sans doute le plus spéctaculairement la désertification des
îles que nous avons déjà évoquée. Des
récits vieux de quelques années, parlent d'une île
prospère où poussent en abondance les fruits, les légumes,
le mais et la canne à sucre. José parle de cette époque
avec nostalgie. C'était il y a 7 ou 8 ans...Depuis, pas de pluie...
Tout est sec maintenant et les terrasses sont vides de culture. Aujourd'hui,
en 2 semaines, nous n'auront pas réussi à trouver une tomate
ou un chou à acheter dans île. Tout vient de Santiago par
le Ferry, sauf le poisson qui lui repart dans l'autre sens et est maintenant
la seule ressource de île. Je crois qu'à Brava, la vie sera
de plus en plus dure....Albert nous dira très"philosophe": Oui,
mais ici on a toujours à manger, il suffit d'aller pêcher...
C'est là que nous ressentons la"morna" du Cap Vert, cette musique
qui exprime la nostalgie de l'exil obligé et en même temps
l'enfermement de ceux qui restent dans leur petite île.
Nous
passerons la soirée de Noël chez José, devant
un BBQ de poissons et de langoustes que nous sommes allés pêcher
avec lui le matin. A onze heures, aluguer pour la messe de minuit à
Nova Sintra la capitale, à 7 kms dans la montagne. Une procession
et une messe créole, dont nous garderons les oreilles charmées.
La semaine suivante, un vent fort s'est levé et
la mer s'est creusée. Aucun pêcheur n'est sorti de la semaine
et le port est devenu moins sympa. D'autant qu'il fallait le partager avec
le ferry qui passe ses week end au mouillage ici.
Le
premier de l'an devait être aussi l'occasion de participer à
d'autres festivités plus musicales et paiennes. Mais notre nuit
du réveillon s'est passée sur les bateaux, à veiller
les ancres qui menacaient de déraper dans une forte houle, devant
d'énormes rouleaux qui déferlaient sur le bord, à
20 mètres derrière nous. Le ferry a du remouiller dans la
nuit. Et puis encore une fois le matin, nous obligeant alors à en
faire autant. Nous n'aurons donc rien vu des festivités du nouvel
an à Brava....
Nous apprendrons à connaître un peu le village.
Il se résume à deux rues principales à angle droit,
en plus du bord de mer. Autour de ça, s'organisent de petites ruelles
tortueuses faites de petites habitations assez sommaires. Une porte sur
deux dans les rues principales s'ouvre sur une mercearia. Nous essaierons
d'en pratiquer le maximum, car nous sommes observés à la
loupe et nous essayerons de contenter tout le monde. On leur donne des
surnoms pour s'y retrouver: Il y a Claudia Cardinale (son portrait
en noir et en plus enveloppé), La ralouse (qui a toujours l'air
en colère mais n'arrète pas de se marrer), Belles lunettes
(qui parle français derrière d'éternelles lunettes
miroir et que Gérard trouve plutôt"faux jeton")...
Et il y a Ziniah aussi, une grosse sympa, chez qui on
va boire des bières sur le port.
C'est là que nous réaliserons, après
deux mois de Cap Vert, qu'il n'y a aucun artisanat ici. Personne ne travaille
à créer des objets. Pas de"souvenirs" à acheter....Les
gens semblent se moquer éperdument de l'esthétique de leur
environnement, de leur maion, de leur rue... Aucune fleur...Pas"d'arrangements
".... Seul leur propre aspect leur importe. Ils sont bien habillés,
bien coiffés, soignés avec un souci esthétique certain.
On prépare
le départ.
Gérard et François feront le plein d'eau,
entourés des femmes du quartier, à la fontaine du village.
En portant leurs jerricans aux bateaux, ils s'attirent les regards
réprobateurs des hommes en train de palabrer dans les rues: ici,
ce sont les femmes qui sont de corvée d'eau. Elles font ça
très bien en portant les bidons sur leur tête....
C'est dans ce contexte qu'il nous faudra faire l'avitaillement en
frais, pour trois semaines de traversée...Pour avoir le choix, c'est
à dire pour trouver bananes, Pommes de terre, oignons, pommes et
oranges. Il faut faire toutes les mercearias le jour de l'arrivée
du Ferry qui apporte le frais de Praïa, car certaines mercearias auront
des denrées que d'autres n'auront pas.
Mais dans tous les cas, ni choux, ni tomates, ni concombres...
Nous serons au régime légumes secs pendant toute la traversée
C'est ici qu'ALTAIR nous quittera pour les Antilles, deux
jours avant que nous recevions notre courrier et que nous nous lancions
nous mêmes pour le grand saut....avec un pincement au coeur, le 7
Janvier 1999.
Conclusion: Allez y, au Cap Vert. Vous ne le regretterez
pas...
Bibiographie:
"Guide des Iles du Cap Vert", de Pierre Sorgial aux éd.
Karthala, 22 Bd Arago , Paris 13
"Cabotage - à l'écoute du chant
des Iles du Cap Vert" de Marc Trillard aux éd. Phébus
Et pour le plaisir des yeux:
"Heureux qui comme IRIS" de Karine Huet et Yvon Le
Corre aux éd. Gallimard (magnifiques dessin et aquarelles)
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