Madagascar, ce n'est qu'un au revoir...
Et voilà… En cette fin septembre 2008, la décision vient de se prendre… Déjà quelques temps que ça marinait, mais... Au mois de juillet nous avons fait une petite promenade à l'intérieur de la grande île et ça nous a tellement emballés que c'est progressivement devenu évident: "Nous ne passerons pas le cap de Bonne Espérance cette année!" Madagascar nous plait trop! Et le continent africain qui est là… tout
près… Que nous passerions sans rien en voir? Sans presque descendre
de bateau?? L'Afrique continentale? Ca veut dire le Kenya, où nous savons pouvoir trouver à Kilifi un chantier pour caréner Getaway, puis la Tanzanie sur la route de retour vers Nosy Be. Ça veut dire aussi des espaces immenses où nous espérons bien avoir l'occasion d'apercevoir quelques grosses bêtes et nous faire ainsi des souvenirs de "Tartarins" africains…
|
*Mzungu : C'est le nom donné aux blancs par les africains. |
Bilan après inventaire: une mèche de safran tordue
et une poulie de drosse arrachée...
La quantité de travaux à faire à Kilifi
vient de doubler et le moral est dans les godasses.
En plus, le second a toujours sa chique douloureuse… Mauvaise
passe!
Mais on est en Afrique et on n'a sans doute pas les bons "grigris"…
Allons visiter le chantier pour chercher un peu de consolation.
La première impression est plutôt bonne.
Le décor est
agréable: bar resto avec bière fraîche et terrasse sur
la plage, bien aérée et ombragée par des cocotiers judicieusement
disposés au milieu des parasols.
Les locaux sanitaires sont propres
et bien tenus.
Les gens plutôt aimables… Une navette permanente
permet de débarquer à toute heure depuis votre bateau au mouillage.
La partie hôtellerie du chantier se présente plutôt bien…
Avec la perspective d'y passer plus d'un mois au sec, c'est important pour
le moral ces choses là…
Quelques voileux de passage nous renseignent sur les ressources du coin.
Pour aller faire des courses on a deux possibilités:
1- Le marché de Kilifi, à un kilomètre, de l'autre côté de
la rivière, pour les produits locaux et frais.
2- Le super marché "Nakumat", sorte de "Carrefour" local, à une
cinquantaine de kilomètres, (un peu avant Mombasa), pour les produits
plus occidentaux.
Dans les deux cas, il faut d'abord traverser la rivière en utilisant
la navette du chantier, puis rejoindre l'entrée du pont par un sentier
qui escalade la rive.
Pour aller au bourg de Kilifi, il suffit de traverser la route et suivre
le sentier sur un kilomètre, tout droit.
Pour aller à Mombasa, on se poste au bord de la route et on attend
le passage d'un "matatu".
C'est un minibus public équipé pour
14 personnes (il en transporte généralement 17) qui s'arrête
où on veut et quand on veut.
Il n'y a pas d'horaire car il part du
centre de Kilifi quand il est plein ou presque, mais la fréquence est
telle qu'on attend rarement plus de cinq minutes à l'entrée
du pont… Une heure plus tard, pour 100 shillings, on est déposé devant
le centre commercial Nakumat.
Très pratique, vraiment.
La première fois que nous nous aventurerons à Nakumat ce sera
pour consulter un dentiste, installé dans la galerie marchande, qui
nous a été chaudement recommandé par un collègue
français...
Rendez vous pris, la dent fautive sera très bien soignée et
le second super soulagé…
Pour que le capitaine soit soulagé aussi, il ne reste plus qu'à trouver
un chirurgien es mèches qui puisse redresser celle du safran.
Assisté et conseillé par le patron du chantier, Gérard
se démène, parcourt en tout sens le quartier industriel de Mombasa,
téléphone, supplie, harcèle… Et ça finit
par venir…
Il aura fallu ouvrir le safran pour démonter et redresser la mèche,
couper dans la tôle et ressouder beaucoup,
copier en inox l'embase en
aluminium de la poulie de drosse,
revoir la barre d'accouplement,
usiner de
nouveaux paliers en nylon…
Mais enfin, à Mombasa, tout finit par être prêt
pour être remonté.
Mais… Mais… Encore faut il rapporter tout ça à Kilifi!
Le pick-up du chantier qui assure le transport, est parti en révision
et ne revient pas.
Un jour, deux jours, trois jours… Le cap'tain bout…
Il ne reste
plus qu'une semaine avant de rentrer en France et il voudrait bien remonter
les safrans et le système de barre , histoire de vérifier que
tout va bien et qu'il n'y a plus de surprise à attendre...
Trêve de suspense: on y arrivera. Les safrans seront peindus, remontés,
réglés, redémontés, re-réglés… Dans
la joie et (la bonne ?) humeur… Avant de prendre l'avion… Nous aurons même eu le temps de faire aussi quelques retouches de peinture,
après traitement des points de rouille du pont et de la coque.
L'objectif est atteint: à notre retour, il ne restera plus que l'antifouling à faire
avant de remettre à l'eau.
On ne dira pas que l'organisation quotidienne était si simple (elle
ne l'est jamais quand Getaway est au sec et qu'il faut y accéder par
une échelle plus ou moins branlante) mais on a vu pire… C'était
même très convenable car le bateau était bien ventilé.
On se souvient de chantiers style "four à chaleur tournante",
avec en plus des toilettes immondes et pas d'endroit pour se détendre...
De ce côté là on a été gâtés
ici.
Tous les midis on était soignés et bien nourris par Japhed,
Johnson, Amina et Myriam, l'équipe du bar et de la cuisine. Chaleureuse,
joyeuse, accueillante… Ils ont beaucoup fait pour notre moral et on était
tout tristes de les laisser quand on a quitté le chantier.
Lors d'une de ces séances de détente, nous avons été abordés
au bar du chantier par un couple installé à Kilifi:
Beat est Suisse, Yvette est d'origine zaïroise et tous les deux sont
heureux de pouvoir parler français.
Baroudeurs à la recherche d'une activité lucrative, ils se sont
spécialisés dans le traitement des opales d'Afrique…
Ils
importent le matériau brut depuis le Congo et ont monté ici
un
petit atelier de taille et de polissage où ils produisent des pierres
du plus bel effet.
C'est pour nous une grande découverte! On n'en avait jamais
vu: "un arc en ciel dans un caillou"!
Nous serons ainsi incités à quelques achats, mais entraînés
aussi vers quelques rencontres inattendues:
Un retraité suisse recyclé dans
la peinture moderne,
un couple de médecins allemands qui ont exercé plusieurs
années dans les réserves Masaï…
Beaucoup d'européens viennent ici passer l'hiver de l'hémisphère
nord; surtout des Italiens.
Leurs propriétés se succèdent
le long de la côte, dont les somptueux jardins arborant fièrement
quelques baobabs majestueux, descendent en pente douce vers la mer.
Malgré leur
prix exorbitant, les villas sont sans doute plus "rustiques" qu'en
Europe, mais seules la terrasse ombragée et bien aérée,
la piscine et la belle vue importent finalement.
Début décembre, nous fermons notre atelier bricolage pour prendre
un avion qui nous emmène vers les frimas européens.
Au programme:
Les fêtes de fin d'année en France…
Un nouveau
petit fils…
Et beaucoup de projets de retrouvailles…
Ce sera un
entracte de deux mois, de bonheur, de famille et d'amitié; avant de
revenir sur Getaway le 1er février 2008.
Aussitôt revenus à Kilifi nous avons réouvert en grand
notre atelier, et comme prévu, après carénage, peinture
antifouling et quelques menues bricoles, nous avons pu remettre le bateau à l'eau
au bout d'une petite semaine de travail…
Près à partir et Heureux!
Heureux? Pas si longtemps, en fait… En redescendant d'une visite en haut du mat, Gérard s'avise que les
bas-haubans sont en train de casser… Ils ont chacun au moins 3 ou 4
brins rompus… Vu le trajet que nous avons à parcourir contre
le vent dans les mois à venir, on ne peut pas se permettre de traiter ça
par le mépris.
É
videmment il n'y a rien au Kenya pour réparer et il va falloir passer
par l'Europe.
Des contacts sont pris par courriel et téléphone, en France
et en Angleterre. Échanges d'information, de prix, de délais…
Qui
des français ou des anglais vont gagner?
Ce seront les anglais! Eux
savent facturer hors taxe et expédier par DHL pour presque deux fois
moins cher…
Commande et paiement sont transmis; il n'y a plus qu'à attendre…
Jusqu'au 7 mars, au moins...
Non?
Eh si!
D'expérience, sous ces latitudes, on ne peut rien réparer qui
implique l'envoi d'une pièce depuis l'Europe, en moins d'un mois. Quand
tout se passe bien! Le temps de contacter un fournisseur, de s'entendre, de
se comprendre, de payer, d'envoyer, de transporter, de dédouaner…
Pour prendre notre mal en patience et éviter d'attendre en se rongeant
les sangs, nous décidons de profiter de ce délai inopportun
pour aller faire un safari!!!
Avec les troubles que connaît le pays,
nous avons bien hésité un peu mais selon nos informations, ça
se passerait plutôt dans l'ouest du pays et autour de Nairobi.
Ici, sur la côte est, tout est plutôt calme. Et si c'est calme à Kilifi, ça
l'est sûrement encore plus dans la savane… Alors c'est décidé,
nous irons visiter un parc voisin: Le Tsavo.
Pour l'organisation, on a fait très "local":
" Rasta
Gigi" (copain de village de Japhed, le cuisinier du chantier), un chauffeur
de taxi de Kilifi, fait le guide de safari, à l'occasion.
Il nous propose
un voyage de trois jours pour visiter les parcs de Tsavo. 350 euros par tête
tout compris nous parait un prix intéressant et ce n'est pas étranger à notre
choix…
Pour le coup Gigi engage Sam, un chauffeur qui loue un minibus à une
compagnie spécialisée...
Et c'est parti…
Le jour dit, on vient nous chercher au chantier dès six heures du matin.
Mais avant de quitter Kilifi, il faut encore changer en shilling kényans,
le montant de notre paiement, que Gigi a exigé en euros. Et ce n'est
pas une aussi mince affaire qu'on pourrait croire.
A cette heure matinale, on s'enfonce dans les ruelles désertes du bourg
pour s'arrêter au pied d'une haute maison bourgeoise (en pierres!) genre
forteresse… Tout est fermé, portail, portes et fenêtres…
Des
coups de
sifflets répétés éveillent enfin l'attention des
occupants: on ne voit toujours personne mais une ficelle descend d'une ouverture à moucharabieh,
tout là haut… Gigi y attache nos euros en un petit rouleau qui
prend immédiatement son envol vers la fenêtre...
Attente…
Redescente enfin, au bout de la même ficelle, d'un paquet de shillings
kenyan correspondant à 700 euros…
Et voilà: pas de frais bancaires, de commission, de taxes sur les
devises… Pas de tracas et un taux de change sans doute très avantageux… .
Maintenant nous pouvons partir:
D'abord pour Mombasa où s'achètent
les tickets d’entrées dans les parcs, puis sur la route de Nairobi
jusqu'à l'entrée du parc de Tsavo Est, à Voï.
Anyvonne y achète un chapeau d'aventurière, attendrie par le
discours d'un pauvre vendeur ambulant qui lui confie ne plus voir aucun touriste
depuis les violences récentes… "Avec ces maudites élections,
comment je nourris ma famille moi maintenant?"
Le Tsavo est une grande plaine de savane située entre Nairobi et l'océan
indien, irriguée par les eaux descendant des chaînes volcaniques
qui longent la frontière Tanzanienne au sud.
C'est un immense territoire
de 21000 km2 - la taille d'Israël - où se croisent depuis toujours
les grands courants migratoires humains et animaux de l'Afrique de l'est.
On y croise aussi le chemin de fer, construit au début du 20ème
siècle entre Mombasa et le lac Victoria, par sa royale majesté.
Les coolies indiens et les britanniques qui en étaient chargés
ont payé un lourd tribut aux lions du coin, tout contents de trouver
de la chair tendre et fraîche, d'accès aussi facile...
Cinquante ans plus tard, on ressent la même chose… Difficile de mieux dire! Ce peuple originaire du Haut Nil, occupe les plaines sur 1200
kilomètres au sud de Nairobi, débordant largement
jusqu'en Tanzanie.
|
Après la guerre ce sera la "belle époque" des safaris "champagne
chic-choc"…
Celle aussi où le trafic des défenses d'éléphants
et des cornes de rhinocéros videra quasiment l'Afrique de ces animaux...
Jusqu'en 1977, quand l'Etat déclarera la guerre aux braconniers… Au
terme d'une véritable guérilla armée, les massacres ont
quasiment cessé mais la faune a payé un lourd tribut: entre
1948 et 1991 le nombre des éléphants du parc était tombé de
20.000 à 7.000.
Les rhinos, eux, avaient totalement disparu. Récemment on en a réintroduit
quelques couples, depuis l'Afrique du sud, qui se reproduisent sous
haute surveillance.
Mais nous avons pénétré dans le parc maintenant…
Le
paysage n'a pas vraiment changé par rapport à l'extérieur,
seule la route goudronnée s'est transformée en piste de latérite.
Les clichés ont la vie dure: on s'imaginait empilés dans un
4X4 pourri, la tête dans le vent, accablés par la poussière
et le soleil. Eh bien en réalité, nous étions aérés
et abrités du soleil par le toit surélevé d'un minibus
que nous avions pour nous tout seuls.
Le 4X4, beaucoup moins confortable,
n'est pas nécessaire en saison sèche.
Quant à la poussière,
on fait très vite avec…
Rapidement, les animaux se montrent. Sans chercher beaucoup et même
sans jumelles…
Des cous de girafes se détachent au dessus des arbustes…
Des troupeaux de zèbres paissent comme dans une prairie…
Des masses rouges, énormes, apparaissent au dessus des buissons: Ce
sont des hardes d'éléphants qui vivent sereinement leur vie
d'éléphant… Rouges, vous avez bien lu… Et nous n'avons
pas forcé sur le rhum. Après s'être arrosés ils
se roulent dans la latérite* dont la couleur leur fait ce maquillage
seyant.
*Latérite:(du latin later,
brique) Sol rouge vif ou rouge brun, très riche en oxyde de
fer et en alumine. Formé sous le climat tropical, il se transforme
en une cuirasse impropre à la culture sous l'effet de l'alternance
des saisons sèches et humides.
|
Tout ce beau monde parait indifférent à notre passage.
Nous
semblons juste intéresser quelques individus qui nous observent, nonchalamment,
postés un peu à l'écart.
Sans doute des guetteurs.
C'est
vrai tant que nous roulons car dès que notre véhicule s'immobilise,
tout le monde s'arrête de manger ou de s'amuser. Se fige dans l'attente,
prêt à décamper…
Les zèbres et les antilopes
s'enfuient souvent très vite.
Les girafes, les éléphants
et les buffles montrent plus de sang froid.
Quand même, si nous approchons trop le grand éléphant
qui dirige la harde
commence à barrir sec et à secouer violemment les oreilles… Nous
sommes priés de conserver nos distances et de respecter leur intimité!
Les antilopes sont superbes : Cornes en lyre, yeux maquillés,
robe beige ou fauve, bandes décoratives noires. On ne pensait pas qu'il
y en avait tant de sortes différentes: des kobs, des oryx, des élands
du Cap...
Chaque espèce porte évidemment un nom que nous disent
nos guides et que nous oublions illico. Le soir on devra réviser la
leçon!
Un peu moins farouches, des troupes de gazelles gracieuses et bondissantes
se laissent admirer de plus près...
Il y a aussi des autruches et des marabouts… et puis…
"
Mais qu'est ce que c'est que ce drôle d'oiseau là haut, avec
ses plumes dressées sur la tête?"
Réponse de Gigi: "Secretary"???
On a dû mal comprendre…
Consultation de notre guide du Kenya: "Aigle
serpentaire" qui piétine pour les tuer les serpents dont il se
nourrit???
Finalement c'est Giono qui éclaire notre lanterne: "Il
a sa plume sur l'oreille comme les commis aux écritures, c'est pourquoi
on l'appelle aussi secrétaire".
C'est un grand rapace qui peut
atteindre 1,30m et que l'on aperçoit fréquemment au sommet des
baobabs…
Gigi nous signale, sous les feuillages, un petit animal de 30 cm au garrot… Vif,
rigolo, il bondit comme une balle de ping-pong… C'est la plus petite
des antilopes: le "dik dik".
L'appareil photo ne chôme pas… Vive la photo numérique… Nous ferons environ cinq cent photos pendant ce voyage… Hélas, pas toutes excellentes… Les bébêtes collaborent peu!
A 13 heures on arrive au "Tarhi Eco camp" (Tarhi pour le nom indigène
du dik dik et Eco pour Ecolo...) où nous devons déjeuner et
passer la nuit. Disposées entre les buissons, une vingtaine de tentes
vertes plutôt discrètes.
Immenses pourtant, chacune avec lits
doubles, table, coin salon et salle de douche attenante.
La lutte du personnel
contre le sable et la poussière doit être obstinée et
quotidienne, mais le résultat est là: les tentes sont propres
et agréables.
La salle à manger en plein air propose un buffet appétissant…
Et
nous voila rapidement mûrs pour la sieste…
Vite, vite, la sieste… On doit repartir à 15h30 pour aller voir
les bébêtes, à l'heure du pub, autour des points d'eau.
A la tombée du jour, tout le monde se regroupe autour des marigots.
Groupe après groupe, les animaux viennent boire.
Les girafes, les buffles
et les éléphants vont et viennent.
Entre eux, les antilopes
s'infiltrent.
C'est là que nous découvrons les buffles… Beaucoup plus
impressionnants qu'on ne l'imaginait… Massifs et puissants… Arrogants
même: ils ne détournent même pas les yeux quand on les
fixe!
Pendant ce temps, le soleil descend doucement vers l'horizon… Et la
nuit tropicale tombe brutalement…
Nous retrouvons le camp pour dîner sous la tente restaurant.
Trois couples
de convives se partagent la salle prévue pour une trentaine...
C'est
maintenant la haute saison et d'habitude le camp est complet tous les soirs… Depuis
les élections, beaucoup d'établissements ont fermé. Ici,
le patron (un manager suisse) est morose.
Après dîner on s'installe devant un feu en face d'une mare où des
animaux viennent boire… Quelquefois des lions… mais pas ce soir...
Sous les projecteurs on verra juste passer quelques buffles… Allez, demain on repart à 7 heures, alors dodo maintenant…
Ç
a
n'empêchera pas la vie de continuer autour de notre tente. Bruyante… Ç a
grogne, tout près. La savane n'est pas du tout silencieuse la nuit… On
confirme…
Le lendemain, sur cette scène immense, le spectacle est toujours un
peu le même mais on ne s'en lasse pas.
C'est assez étonnant ces animaux tout proches.
Les éléphants
et les buffles se laissent approcher facilement. En fait ils ne se dérangent
absolument pas pour nous… On a toujours cette impression (justifiée)
d'être sur leur territoire, intrus, trop curieux...
Mais on n'a pas
l'air de trop les importuner, surtout que notre chauffeur évite soigneusement
de les surprendre ou les bousculer, évidemment.
Un soir
on se trouvera bloqués derrière un groupe d'éléphants
déambulant en famille au milieu de "notre/leur" piste, en
route vers le marigot...
On les suit au pas, comme un troupeau de vaches de
chez nous; sauf qu'ici il n'y a pas de berger pour faire presser l'allure.
Surgissant de la plaine, une immense plate forme naturelle - les "Mudanda
rocks" - étend son dos arrondi à une trentaine de mètres
d'altitude, sur deux kilomètres.
C'est un point de vue superbe sur
la plaine environnante, qui sert aussi de poste de guet pour les rangers
chargés
de la lutte contre le braconnage. Deux d'entre eux patrouillent d'ailleurs à proximité,
kalachnikov en bandoulière… On nous dit que ce sont les somaliens
qui continuent à braconner (le méchant, c'est toujours le voisin étranger).
En contrebas du rocher, un étang naturel est alimenté par les
eaux de ruissellement. Des hippopotames s'y baignent tranquillement.
Superbe…
Dans l'après midi, en traversant la nationale Mombasa Nairobi, on
passe du Tsavo Est au Tsavo Ouest.
Malgré leur proximité, les
deux parcs proposent des paysages très différents.
L'immensité quasi
plate à l'Est se transforme assez rapidement en collines douces puis
en pentes abruptes en approchant des Ngulia hills.
C'est ici qu'a été établi un sanctuaire pour favoriser
la réimplantation des rhinocéros.
Une immense portion de savane
a été solidement clôturée de barbelés et
on en a évacué les éléphants car les combats qu'ils
menaient avec les rhinocéros étaient trop meurtriers pour ces
derniers… Cette partie du parc est ouverte au public tous les jours de 16 à 18
heures.
Nous la parcourrons donc pendant deux heures, y croisant plein d'animaux
et quelques autres véhicules, mais point de rhinocéros… Il parait qu'il y a actuellement une cinquantaine d'individus, mais le
sanctuaire est tellement grand qu'il faut un peu de chance pour en apercevoir…
Ce soir, nous logeons au "Ngulia Hills Lodge".
Installé à flanc
de colline, avec des terrasses qui servent de belvédères sur
la vallée, il est très intégré au paysage et les
matériaux dont il est construit sont très discrets quand on
l'aperçoit de loin dans la lumière du couchant.
Ici c'est l'accueil à grand spectacle des établissements de
luxe: réception à courbettes, serveurs en uniforme alignés
comme à la parade… Il y a comme une volonté d'imiter les
grands hôtels… Mais ça reste africain et bon enfant…
Notre bungalow, à deux cent mètres du lobby, offre un point
de vue extraordinaire sur la vallée; surtout sur un marigot, creusé quelques
dizaines de mètres en contrebas, où les animaux viennent boire
dès la tombée du jour, à la lumière d'un projecteur.
Voilà notre programme télé fixé pour la soirée… On
y verra les buffles se désaltérer, puis les éléphants… Les
uns après les autres… De temps en temps les hippos qui vivent
dans cette mare grognent, s'insurgent contre ces intrusions… c'est leur
mare… ils étaient là les
premiers, puisqu'ils y sont toute la journée…
Le buffet du soir est sympa mais finalement pas meilleur qu'au camp d'hier
soir…
On pourrait peut être dire que la gestion du manager Suisse
du camp est plus efficace que la gestion purement locale du Lodge de ce soir...
(Décidément on cherche à se faire bien voir des suisses,
on dirait)
Dès notre arrivée, nous avons été mis en garde:
pour le trajet de 200m jusqu'à notre bungalow, jamais tout seuls dès
la nuit tombée…
La zone de l'hôtel n'est pas clôturée
et les léopards chassent… On distingue même des traces
de passage de buffles et d'éléphants autour des bungalows… Ainsi, quand le dîner sera terminé, un gardien armé d'une
lance viendra nous escorter jusque notre chambre!
Effectivement, au milieu de la nuit, quand on entendra des grondements
et autres barrissements , des bruits tout proches de végétation
malmenée, on se demandera si la moustiquaire qui tient lieu de vitre à l'immense
baie dominant la vallée, nous met vraiment à l'abri d'un léopard
en colère ou affamé…
Après cette nuit impressionnante, on ressortira doucement du parc
en visitant au passage les "Mzima Springs".
Ce sont des plans d'eau
alimentés par des sources qui descendent des "Chyulu hills",
une chaîne qui s'élève à 2000 mètres à l'ouest.
L'eau, filtrée par les cendres volcaniques, est plus que cristalline.
Des petits lacs entourés de palmiers et de raphias géants, abritent
crocodiles et hippopotames. C'est calme, frais, ombragé.
Plus au sud, on apercevra au sommet du ciel, émergeant au dessus des
nuages, le Kilimandjaro… Les flancs de la montagne se fondent dans les
nébulosités et on n'en voit que le bonnet de neige qui la coiffe
et émerge au dessus de la brume, à plus de 5800 mètres.
Voila, c'est fini… On revient au bateau la tête pleine d'animaux
et le coeur émerveillé.
Dommage que nous n'ayons pas vu de lion,
ni de léopard! Sans doute qu'on n'avait pas les bons grigris…
Ces parcs africains et la politique de préservation qui les inspire
ont sans doute sauvé de l'extermination cette population animale qui
nous émeut tant . On rappellera quand même que leur création
s'est faite dans la douleur :
Beaucoup de tribus qui vivaient là ont été déplacées
pour laisser la place aux animaux et les braconniers ont mené de véritables
guérillas pour défendre leurs revenus …
De la peine et
des morts…
Relire absolument: " Le Lion" de Joseph Kessel (chez folio) et
revoir le film "Out of Africa" de Sydney Pollack (Ne serait ce que
pour commémorer le décès récent de ce dernier.)
La côte Est de l'Afrique a été, pendant plus de 2000 ans,
le théâtre d'échanges intenses avec la méditerranée,
le golfe persique, et l'orient.
Une culture syncrétique de croyances
arabes et de coutumes africaines s'y est ainsi développée: la
culture Swahili.
La population Swahili s'est constituée progressivement, depuis le
10ème siècle, par métissage entre Bantous, Arabes et
persans.
La langue, d'origine bantoue, est aujourd'hui commune au Kenya, à la
Tanzanie, à l'Ouganda et à l'ex Zaïre.
Autour de 1505, Vasco de Gama arrivant dans la région, intervient dans
les conflits entre les sultans locaux et obtient Mombasa pour le Portugal
.
Pendant deux cents ans, la lutte entre portugais et Omanais pour la suprématie économique
(sous couvert de guerre sainte) va enflammer la côte. Les sultans finiront
par l'emporter.
A partir de 1750 se développe un juteux trafic d'or blanc et d'or noir
(défenses d'éléphants et esclaves) en provenance du centre
de l'Afrique.
Très actif jusqu’à la fin du 19ème
siècle, le trafic d’esclaves a fait une dizaine de millions de
victimes noires, pour fournir des domestiques en Arabie et des ouvriers dans
les plantations de la compagnie française des indes orientales, à la
réunion, l’île Maurice, Mayotte et en Inde.
En 1832 le sultan
d'Oman, tombé sous le charme de l'île de Zanzibar,
décide d’y établir sa nouvelle capitale. Des palais sont édifiés
et le port devient vite le plus grand marché d'esclaves de tout le
continent noir.
Ce n’est qu’à la fin du 19ème siècle que
ce trafic périclitera, sous la pression des anglais qui ont décidé d'abolir
l'esclavage.
Pas précisément pour des raisons humanitaires mais bon, c'est
le résultat qui compte!
Plus à l'intérieur du continent, ce n'est qu'au 18ème
siècle que les explorateurs européens pointent leur nez.
Un
des plus grands, David Livingstone, missionnaire protestant, traverse
une première fois le continent africain en deux ans, découvre les
chutes du lac Victoria et fonde un poste sur le Zambèze… Il disparaît
en 1868 alors qu’il était parti à la recherche des sources
du Nil.
Stanley, journaliste voyageur parti à sa recherche, le retrouvera
en 1871 sur la rive Est du lac Tanganyika! Les premières paroles de
Stanley auraient été " Dr Livingstone, je présume?".
Le monde est finalement bien petit… mais ça on vous l'a déjà dit
plein de fois.
C'est aussi dans cette région, à cheval sur l'équateur, qu'ont été découverts les vestiges les plus anciens de la présence des préhominiens.
En 1885 à Berlin les grandes nations coloniales se mettent en tête
de formaliser les "sphères d'influence" de chacun:
Dans l'est
de l'Afrique, l'Allemagne aura le Tanganyika et les anglais conserveront
le Kenya.
Les îles de Zanzibar, Pemba et Lamu, ainsi qu’une étroite
bande littorale restent au sultan Bargash.
La reine Victoria et l'empereur d'Allemagne décident alors de séparer
leurs domaines par une ligne droite reliant le lac Victoria et l'océan
Indien. Seulement voilà: cette frontière coupe en deux le
mont Kilimandjaro, point culminant de l'Afrique.
C'est fâcheux!
Il est alors
entendu que la frontière passera au nord du Kilimandjaro et donc
que ce dernier appartiendra au Tanganyika.
C’est ainsi que les blancs se coupèrent des parts de gâteaux à grands
coups de frontières rectilignes, sans respect des cultures tribales.
(Le territoire Masaï fut ainsi coupé en deux)
Suite à la première guerre mondiale le Tanganyika passe en 1922
sous contrôle des anglais. Le pays se prêtant moins bien que son
voisin le Kenya à l'établissement de grandes plantations, ses
nouveaux maîtres ne semblent pas s'y être investis énormément.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale les idées d'émancipation se propagent à travers les pays colonisés; les luttes pour l'indépendance s'organisent et se poursuivent jusqu'au début des années 60, le Kenya et le Tanganyika acquièrent alors leur indépendance.
Au Kenya, Jomo Kenyatta sera le premier président.
C'est un Kikuyu,
une des minorités ethniques du pays.
Il engagera le pays sur les traces
de l'occident, avec des slogans du genre "Enrichissez vous!".
Le
Kenya fait partie du Commonwealth et les grands propriétaires anglo-saxons
restent en place.
On peut encore en voir des spécimens typiques au bar du Yacht Club
de Kilifi tous les samedis midi.
Le Kenya est aujourd'hui le pays le plus industrialisé de l'Est africain,
avec une classe moyenne bien formée et une main d'œuvre très
bon marché… Les analystes lui attribuent une qualité importante:
la bourgeoisie noire ayant réinvesti sur place ses richesses et ses
profits (ce n'est pas si courant) elle a un intérêt certain à ce
que le pays conserve un minimum de stabilité. Ce n'est sans doute pas étranger à la
solution "pacifique" apportée au conflit post électoral
de janvier 2008.
Le Tanganyika voisin obtient lui aussi son indépendance en 1961.
Les îles
de Zanzibar et de Pemba s'unissent au Tanganyika en 1964 pour constituer un
seul état: La Tanzanie.
C'est Julius Nyerere, formé à l'université d'Edimbourg,
qui dirige ce nouveau pays et l'engage sur une voie de type "Chine communiste",
créant des communautés villageoises et des coopératives…
Tout ça n'attire évidemment pas l'aide des pays occidentaux
et le marasme économique guette vite.
Fin 1985 le pouvoir passe au président de Zanzibar qui va libéraliser
peu à peu l'économie et autoriser le multipartisme. En 1995,
Mkapa, un des bons élèves de Nyerere devient président
mais poursuit l'ouverture à l'occident.
Dotée d'une population dirigeante moins corrompue, la Tanzanie est
considérée actuellement comme plus sure que le Kenya par les
investisseurs. (En attendant, la Tanzanie côtoie les records mondiaux
de pauvreté)…
Le swahili y est resté la langue officielle et l'anglais, qui n'est
pas enseigné systématiquement, y est plus rarement parlé qu'au
Kenya.
Mais c'est pas tout ça… Maintenant que des haubans tout neufs
ont été reçus et installés, il nous faut penser
aux 700 milles encore à parcourir jusqu'au sud de la Tanzanie, avant
de traverser le canal de Mozambique vers Mayotte puis Nosy Be.
Avec tous
ces contretemps nous sommes maintenant à la mi mars et la
mousson de Nord a déjà disparu.
C'est la saison de transition
et il faut se dépêcher avant que ne s'installent vraiment les
forts vents de sud.
Nous partons donc de Kilifi le 12 mars vers midi, pour une étape de
80 milles jusqu'à Shimoni, dernière escale kényane où nous
comptons accomplir les formalités de sortie du pays.
Mais d'abord il faut franchir, dans l'autre sens, le pont et la ligne électrique
qui surplombent notre accès à la mer.
Après l'incident
qui a coûté la santé à notre safran bâbord à l'
arrivée, nous sommes encore inquiets et nous demandons sans honte à être
guidés par un employé du chantier pour passer la chicane.
Même ainsi l'angoisse règne à bord, mais cette fois sans
conséquence…
L'obstacle franchi, c'est le retour à la mer, vent de travers, fort courant dans le nez et une nuit de veille où nous croiserons plusieurs cargos se dirigeant vers Mombasa. Le lendemain matin, nous mouillons devant Shimoni.
Pas vraiment une ville… A peine un gros village…
Sur la
rive, on distingue quelques constructions qui doivent être des hôtels
de luxe.
On débarque en annexe devant un bel escalier, genre monumental, qui
escalade la rive.
Mais non, ce n'est pas un hôtel... C'est l'accès au bureau des
autorités des parcs nationaux, gardé par des rangers!
Il s'avère que les hôtels du bord de mer sont tous fermés…
Plus
personne ne vient en ces temps "d'insécurité" post électorale…
Du
coup nous avons beaucoup de succès auprès des "beach boys" au
chômage qui guettent le client... Dès la sortie de l'escalier,
entraînés le long de l'unique route ensablée vers le cœur
du village nous sommes, comme toujours, l'attraction.
Premier objectif: les formalités.
Hélas, l'administration vient
de fermer… C'est "lunch time"…
Il va donc falloir que
nous allions luncher, nous aussi…
Et comme les restaus à touristes sont fermés, il va falloir
faire local…
On est alors guidés vers la seule cantine ethnique
du lieu: une case en bambou, pierres volcaniques et tôles…
A l'intérieur, dans la pénombre, quelques tables collantes servent
de pistes d'atterrissages à des escadrons de mouches… Nous sommes
les seuls clients…
Dans un coin, deux superbes mamas africaines, vêtues
de boubous colorés sont étalées sur un banc. Elles observent
et commentent notre arrivée… Qui ne parait pas les perturber
outre mesure: elles ne bougent pas d'un poil… Comme elles ne répondent
pas à nos questions, on en déduit qu'elles ne parlent pas anglais.
Notre guide "en chef" s'affaire autour de nous et tente une médiation...
Après force discours et mimes, on comprend qu'on peut avoir du poisson
cuit; de celui qu'on aperçoit là bas, derrière le grillage
d'un garde manger du plus pur style années 50…
"
Avec du riz? "
"
Oui et quelques légumes si possible…"
Le repas sera à la hauteur du prix: à peine plus d'un euro,
Coca compris…
Une demi heure plus tard on comprendra qu'on est venus déjeuner un
peu tôt dans ce "routier" du coin, quand les habitués
arriveront en nombre et provoqueront le lever des deux mamas qui daigneront
alors les servir…
Dans l'après midi, Gérard retournera seul vers l'administration
et les formalités.
Le fonctionnaire de l'immigration tentera bien d'obtenir
un paquet de sous en échange de son tampon de sortie, mais devant la
fermeté du capitaine qui parle d'en appeler à l'arbitrage des
fonctionnaires des douanes, il renonce avec le sourire.
Ce sera la seule tentative
de corruption qu'on constatera durant ce voyage.
A une vingtaine de milles de Shimoni, la ville de Tanga est située au creux d'une grande rade très fermée, près d'un Yacht club bien caché à l'abri d'une pointe rocheuse. C'est un port actif de Tanzanie, sans doute le second après Dar-es-Salam. En témoignent quelques grues qui paraissent attendre les cargos au mouillage devant les quais, et les nombreux camions qui s'y croisent en tirant leurs containers.
La course aux administrations pour faire l'entrée en Tanzanie va nous demander une petite enquête préliminaire: heureusement d'autres bateaux sont déjà mouillés là, parmi lesquels celui de Paul et Anna, rencontrés en décembre au chantier de Kilifi.
L'accès à la ville est facile, en prenant un "dala-dala" (c'est
le nom tanzanien des "matatus" ou taxis collectifs) à 200m
du yacht club. Cette petite cité va nous plaire tout de suite et paraître
assez différente d'une ville kenyane.
La structure urbaine est plus
nette, l'ambiance plus propre et plus dynamique qu'à Kilifi.
Nous sommes arrivés un vendredi après midi et avant l'heure de fermeture on ne pourra visiter que le capitaine du port et les douanes… Pour l'immigration il faudra attendre lundi. On va se consoler dans la bière du yacht club… Ce dernier, très british évidemment, retient tous les boaties anglo-saxons dans le coin. Ils adorent cette vie de pub midi et soir. On en profitera largement nous aussi, mais on ne prendra pas racine et le mardi matin on sera repartis.
Il faut se rendre à l'évidence, la mousson de nord est terminée
et tous les jours maintenant le vent souffle de secteur Sud Est… Pas
très
fort, parfois hésitant, mais jamais de nord ouest…
Les trois étapes jusque Dar-es-Salam nous permettront d'expérimenter
une tactique de navigation qu'on utilisera ensuite presque systématiquement
jusqu'à Mtwara, tout au sud du pays:
Départ très tôt le matin pour profiter d'un peu d'ouest
concédé à ces heures là par le vent de sud et
tirer un bord vers le large; dans la matinée le vent qui remonte doucement
vers l'est, facilite un bord vers la terre où on arrive au mouillage
choisi en cours d'après midi.
Tout ça améliore un peu un louvoyage qui ne double plus tout à fait
la longueur de la route. Comme ça ne dure pas très longtemps
et que la mer n'est pas trop formée, ce n'est pas désagréable.
Nous mouillerons ainsi successivement au milieu de rien, derrière un
banc de sable qui émerge en pleine mer à 10 milles de la côte,
puis devant le port de Zanzibar, avant d'arriver le jeudi soir devant le
Yacht Club de Dar-es-Salam.
Dar, comme on dit ici, est l'ancienne capitale et la plus grande ville
du pays.
(la capitale administrative est maintenant installée à Doudouma, à 500
kilomètres à l'intérieur, façon Brasilia).
Elle
a été construite pour une bonne part par les allemands, et nous
est apparue plus agréable et mieux entretenue que Mombasa, mélangeant
immeubles de commerce modernes et bâtiments africains plus traditionnels…
Pourtant,
au bar du Yacht Club, une jeune Belge résidente nous confiera qu'elle
va à Nairobi pour faire ses achats car c'est plus branché et
moderne… Va savoir Charles!
Installé dans un grande baie bien abritée du sud est, à quatre
milles au nord de la ville et du port de commerce, le mouillage du Yacht Club
de Dar-es-Salam est très bien organisé.
A peine mouillés,
nous avons la visite d'une navette qui, en guise de bienvenue, nous donne
un "formulaire d'arrivée" qui s'avère être une
longue liste de règlements, d'interdits et de mesures de contrôle.
Plus sympathiquement, elle s'offre à nous débarquer devant le
Yacht Club, à la demande, 24 heures sur 24, sur simple appel VHF. Voilà qui
sera bien pratique car nous sommes quand même mouillés à près
d'un demi mille de la côte.
Dès l'abord, on découvre un yacht club pur anglo-saxon.
C'est
immense, bien tenu et pas chaleureux du tout. Ambiance club "blanc de
chez blanc" plutôt fermé. Les bateaux de passage sont tolérés
mais…le sourire n'est pas compris dans l'accueil.
Massivement les noirs y sont des employés et les blancs des membres
privilégiés… (Genre Port Moresby, en Papouasie).
Tout
est organisé pour les loisirs des blancs: plage, piscine, école
de voile, club de pêche au gros.
Mais enfin la bière est fraîche, la pizza est bonne ainsi que
le BBQ de poisson …
Autour de l'enceinte très close et bien gardée du club, le
quartier est carrément "résidentiel riche": grosses
villas (souvent diplomatiques) barricadées derrière de hauts
murs, et fortement gardées elles aussi... Quelques hôtels très
luxueux…
Peut être la vie en Afrique n'est elle supportable pour les blancs que
comme ça, organisée en ghetto? Qu'en savons nous après
tout?
Nous n'avions pas l'intention de nous attarder ici, juste le temps de confier
un courrier urgent à DHL.
Mais le vendredi de notre arrivée
se révèlera être un jour férié et il nous
faudra attendre lundi pour trouver les bureaux ouverts.
Les commodités
du Yacht Club seront donc bienvenues pour nous faciliter ce contretemps.
(Il faudrait que nous relisions toute la gazette pour noter le nombre de
fois où nous atterrissons des jours fériés…
Il
doit y en avoir un bon paquet…
Serait ce qu'il y a beaucoup trop de
jours fériés? Comment voulez vous que le monde tourne avec tous
ces jours de relâche..ment?)
Les quelques trois cents milles qui restent jusqu'à Mtwara se parcourrons
sur le même
rythme:
Départ très tôt le matin (vers 4h) pour sortir
du mouillage dans le noir, en suivant la trace d'arrivée enregistrée
la veille sur l'ordinateur… Une fois en mer, deux ou quatre bords de
près serré,
selon la bonne volonté du vent, pour arriver au mouillage suivant dans
le courant de l'après midi.
Après avoir traversé le plateau corallien qui entoure Mafia
Island sur plus de 120 milles, nous mouillons le 30 mars devant l'île
de Kilwa Kisiwani, dans l'estuaire d'un grand fleuve, en face d'un superbe
fort en ruine.
C'était, au 16ème siècle, le site d'une grosse agglomération
et un comptoir commercial important.
Il en reste aujourd'hui des ruines qu'on dit intéressantes.
Dans les bureaux de l'administration des antiquités où on achète
les billets de visite et le guide qui va avec, nous rencontrons Paul, un jeune
Hollandais "sacadoïste" et solitaire, en voyage sabbatique,
avec lequel nous partagerons la visite. Sympathique.
Le fort devant lequel nous sommes mouillés a été initialement
construit par les portugais vers 1500, pour protéger leur nouveau territoire.
Au cours des nombreux combats qui vont se succéder, il changera de
mains plusieurs fois et chaque fois sera agrandi, amélioré,
embelli… C'est aujourd'hui une ruine assez imposante, comparable à nos
châteaux forts moyenâgeux.
Le reste de l'agglomération: le palais, les mosquées et le caravansérail
sont plus anciens.
Palais à étages, piscines, théâtres à gradins,
puits de 15 mètres… Les ruines sont éloquentes… Évocatrices
de puissance, de richesse et de gloire.
C'était une grande cité de
10 000 habitants qui abritait les échanges fructueux des richesses
respectives de l'Afrique centrale et de l'Asie transportées jusque
là sur des boutres.
Bien des nations ont traversé les mers pour
conquérir cette Babylone et récupérer l'ivoire, les résines,
les esclaves ou l'or du Zimbabwe, et aussi les porcelaines de Chine, les
soieries et les bijoux.
A leur arrivée ici, les portugais furent impressionnés
par le niveau de vie qu'ils découvrirent, par comparaison avec celui
qu'ils connaissaient en Europe.
La baie de Mtwara est immense et héberge deux ou trois baies plus petites et très fermées, qui constituent autant d'excellents abris. C'est là, à quelques dizaines de milles de la frontière avec le Mozambique, que nous avons prévu de nous installer pour attendre quelques semaines que la saison des cyclones nous paraisse terminée, avant d'entreprendre la traversée vers Madagascar.
Nous mouillons dans la baie de Mikindani, devant le village du même
nom, à une dizaine de kilomètres de l'agglomération de
Mtwara.
Avant le développement de cette dernière par les anglais, qui
voulaient en faire un port à capacité militaire, Mikindani était
la capitale locale.
Il en reste un fort arabe, tout blanc, joliment entretenu
et transformé en hôtel; quelques ruines de bâtiments militaires
et de prison, de l'époque germanique… Un ancien marché aux
esclaves est occupé aujourd'hui par des boutiques et une gargote très "ethniques".
Le reste du village est plus traditionnel, mélange de maisonnettes
en pierre de corail et de cases complètement végétales.
Une mosquée et une église dépassent à peine des
toits de chaume. Les religions sont plutôt discrètes en Tanzanie.
Tout le front de mer bordé de cocotiers fait très carte postale.
Pas de publicité de coca cola sur les murs, mais… le long de
la plage, plusieurs cases sont peintes en rouge sang et conseillent l'achat
d'une marque de téléphone mobile…
Le progrès a
quand même frappé fort...
Sur le plan des mesures de sécurité on
a clairement baissé la garde ces dernières semaines,
engourdis qu'on était par des mois de vie de club, super
protégée... |
Quand on débarque sur la plage, une nuée de petits et grands se rue sur nous en riant.
Quelques mots surnagent:
" Mi police" crie
celui-ci en se montrant du doigt (Ah bon???)…
"Mi watch" hurle
un autre en montrant l'annexe…
Ah mais c'est ça qu'ils veulent:
garder l'annexe et assurer sa sécurité... Contre quelque monnaie, évidemment…
On finit par en choisir un au hasard: "OK YOU watch" appuyé d'un
clin d'œil entendu… Ça ne nous coûtera qu'un tiers
d'euro à chaque fois… Une petite fortune pour eux.
On leur demande pourquoi ils ne sont pas à l'école…
Réponse: "pas
ce matin"… ou alors "pas cet après midi", c'est
selon.
Tous les jours nous serons quand même interpellés par
ce manque d'assiduité des enfants à l'école.
Notre première visite au village sera évidemment aidée
par un guide auto proclamé, qui nous fera découvrir un petit
marché aux légumes.
Les possibilités de contact en anglais sont rares et le dialogue est
succinct; on s'apercevra vite que ce n'est pas la langue nationale.
Un service régulier de "dala-dalas" existe entre Mikindani
et Mtwara.
Dans ce pays, le prix du passage est dérisoire. De l'ordre
de 10 fois moins cher qu'au Kenya!
En contrepartie, ces minibus ne circulent
que lorsqu'ils sont complets… Et complet ici ça veut dire complet:
c'est quand, même en tassant fort, on ne peut plus faire entrer un corps
humain dans le volume du minibus… Et même là, on essaye
quand même… Le métro parisien au pire des heures de pointes…
Il
y a quinze places assises dans le véhicule, mais aucun ne quittera
son terminus s'il n'y a pas 20 passagers à bord.
Et en route, on ne
refuse jamais personne!
Nous avons été plusieurs fois ahuris
de voir charger en chemin deux ou trois femmes avec leurs paniers, alors qu'il
ne semblait plus y avoir la place de loger une épingle… En plus,
les mamas sont souvent "conséquentes" par ici.
On arrive à Mtwara après une petite demi heure de transport
et on découvre que de cité il n'y a point.
C'est un peu comme une ville nouvelle de chez nous, qui n'aurait jamais été terminée… De
longues avenues rectilignes, parsemées de quelques agglomérations
peu denses, séparées d'un ou deux kilomètres.
Pour aller
d'un point à un autre, les distances sont tout de suite importantes.
Heureusement on trouve des Tuk-tuks (sorte de scooters triporteurs, transportant
deux passagers) pour relier les différents hameaux.
Il parait que près de 100.000 personnes vivent à Mtwara!
Les dala-dalas ont leur terminus près du marché et c'est là que
nous venons une fois par semaine faire le plein pour la cambuse de Getaway.
C'est un marché assez important où on trouve de tout: objets
en plastique divers, uniformes d'écoliers, tissus… Réparateurs
de vélos (on roule beaucoup à bicyclette par ici, contrairement
au Kenya)… De la "Hi Fi" aussi, dont on croise des échoppes
de dépanneurs qui officient assis par terre, dans la poussière.
Et partout les nombreuses cahutes rouges de téléphones portables.
On y trouve un quartier fruits et légumes assez vaste, mais la variété des éventaires
n'est pas grande (à notre goût): Pommes de terre, oignons, tomates… Quelques
rares papayes ou maracujas. Des œufs aussi.
Mais où est la viande???
On finit par découvrir un coin où on vend des poulets sur pied.
Qu'on peut aussi vous tuer et plumer, pour quelques centimes supplémentaires.
Pour le bœuf, il y a des boucheries dans une autre agglomération, à deux
kilomètres.
Malgré une enquête serrée exprimée
en "Bêêêhh, miam-miam et mimes de cornes", nous
n'avons jamais réussi à trouver de la chèvre… Même
dans l'échoppe qui s'affichait "International Butcher", où on
ne trouvait, derrière les mouches, qu'un quartier de bœuf à découper.
Rustique quoi!
Nous passerons trois semaines agréables ici, sans mourir de faim… Comme
il suffit de cuire la viande suffisamment longtemps pour l'aseptiser, on a
opté pour le bœuf bourguignon.
Le vin rouge ça désinfecte,
non?
Mais les meilleurs choses ont une fin et le samedi 26 avril, nous quittons
le continent africain pour traverser vers Madagascar.
Afin de réduire
un peu la longueur d'une traversée qui devrait se faire contre le vent,
nous prévoyons de faire escale à Mayotte.
Ce sera aussi l'occasion
de reprendre contact avec les produits français dont nous avons un
peu oublié le goût: Camembert DE Normandie, Saucisson et charcuterie,…