LA GAZETTE DE L'A.R.B
Anyvonne Restaurant Bar
 
Madagascar, une excursion à terre - Le journal de bord
N°34- Décembre 2009

 


 

Revenir à Madagascar

 

Le canal de Mozambique

En mai 2007, nous arrivions à Nosy Be pour une escale de quelques semaines sur notre route vers le cap de Bonne Espérance. C'est peu dire que l'escale nous a plu car en mai 2009: après un deuxième tour "Mada – Kenya – Tanzanie" à peu près identique et aussi plaisant que le celui de l'an dernier – décrit dans le numéro précédent – nous revoici à Mtwara, en Tanzanie, en train d'attendre d'une météo convenable pour retourner à Nosy Bé, via Mayotte.

Traverser le canal de Mozambique d'Ouest en Est, à cette latitude n'est pas une croisière agréable.
De Mtwara à Mayotte, ce sont 350 milles à faire contre 20/25 nœuds de vent pile dans le nez; ou alors au moteur sans vent du tout… Nous ne savons pas bien laquelle de ces deux alternatives nous plait le moins!
Ensuite, de Mayotte à Madagascar c'est aussi très souvent sans vent; sauf que là on peut espérer parfois une petite brise de secteur sud permettant alors de traverser agréablement, sinon rapidement.
En fait nos deux traversées Tanzanie Mayotte se seront beaucoup ressemblées:
Une première phase de 36 heures de navigation loin du cap souhaité, au près tellement serré qu'on ne sait pas bien quelle amure choisir (genre:" Pour aller à Mayotte, le cap sur les Seychelles est-il préférable à celui sur l'Afrique du sud"? - Il faut savoir qu'en conditions "normalement adverses", un dériveur comme Getaway louvoie à 140° bord sur bord, et que sur l'instant c'est très déprimant pour le capitaine… ).
Une deuxième phase, de même durée, presque entièrement au moteur, pour passer Grande Comore et Anjouan sans vent mais avec un fort courant contraire.
L'arrivée enfin, devant la passe nord (Dzamandzar) du lagon de Mayotte après 3 nuits de mer.

Pour cette seconde édition, nous avons quand même eu des émotions : une panne de pilote automatique nous a valu une longue nuit de veille à la barre. Ce n'est que le lendemain matin que le capitaine trouvera le court circuit qui nous avait valu cette punition.


Mayotte

Le modèle Français.


D'où vient donc que Mayotte ne nous ait pas plu d'emblée?
Il faut reconnaître que nous avons eu systématiquement un peu de mal à nous enthousiasmer pour les endroits "sous influence fran çaise" que nous avons visités.

Quand nous arrivons quelque part pour la première fois, ce sont les populations autochtones qui font l'ambiance que nous ressentons; pas les happy fews européens qui vivent parmi elles.
Dans tous les océans, depuis la Guyane jusqu'ici, en passant par la Polynésie (c'était quand même là le mieux), Wallis et la nouvelle Calédonie, nous avons partout été gênés par la forte insatisfaction et la frustration que nous avons perçues dans la population d'origine…. Parfois même un ressentiment palpable à l'égard des français métropolitains, que certains prennent parfois pour du racisme. Nous n'avons pas ressenti cela dans les îles sous influence anglaise où nos sourires et nos bonjours nous ont toujours été retournés spontanément. Notre existence nous y paraissait perçue différemment de celle d'un meuble…
L'attitude de la France vis à vis de ses jardins privés post-coloniaux parait pourtant plus attentive que celle des anglo-saxons, sûrement plus généreuse financièrement; pourtant elle ne semble pas y rendre heureuses ou satisfaites les populations autochtones…

Qu'en est il à Mayotte? Un peu de tout cela, mais sans vraiment d'hostilité… Nous y avons seulement perçu une énorme indifférence aux Mzungus (c'est nous…), à leur culture et à leur contact.
Il nous paraît clair que ce qui les intéresse chez nous ce sont notre système social et le niveau de subventions et d'équipement qui va avec!
Il y a aussi l'indépendance garantie à l'égard de leurs "frères comoriens".
L'histoire montre les habitants des îles du nord des Comores (Grande Comore et Anjouan) comme des guerriers qui venaient chercher leurs serviteurs (esclaves?) à Mayotte… Ça a sûrement été une raison importante parmi celles qui ont conduit les sultans Mahorais à se mettre très tôt sous le parapluie des français, et à vouloir continuer ainsi…

Mais bon, tout ceci n'est qu'opinions personnelles à prendre avec des pincettes… Notre connaissance de cette île est très superficielle et nous n'y avons jamais été qu'en transit entre deux séjours malgaches…

Depuis notre arrivée dans la région, nous sommes venus quatre ou cinq fois dans ce dernier né des départements français (enfin pas encore tout à fait né, mais c'est pour bientôt). Deux fois pour y laisser le bateau en sécurité pendant un séjour en France et une ou deux autres pour un aller retour depuis Nosy Be afin de renouveler nos visas (Les visas touristiques malgaches ne sont valides que 3 mois … Ensuite il faut sortir du pays et y revenir pour en avoir un nouveau. Enfin, ça dépend du moment… Les choses bougent très vite, et dans les deux sens, dans ce pays là. On n'est jamais vraiment sûr de ce qu'elles seront quand on arrive à Nosy Be…).

Si jusqu'alors nous n'avons pas beaucoup parlé de ces séjours "en France exotique" , c'est parce que nous ne nous y sommes pas tellement plu. Les premières fois en tous cas. Les choses se sont ensuite grandement améliorées quand on s' y est fait des amis : la perspective du plaisir de les retrouver agrémentera alors nos traversées vers Mayotte.
Il y a au mouillage de Dzaoudzi une population importante de gens qui travaillent là et habitent sur leur bateau (une vingtaine de bateaux…). Il n'y a pas que des marins d'ailleurs. Certains ont acheté leur bateau sur place sans avoir jamais navigué avant. Certains même ne navigueront sans doute jamais!

Mais on y trouve aussi des anciens du tour du monde, dont les parcours de navigation nous impressionnent et qui attendent là qu'un créneau dans leur activité leur permette de repartir.
"  Glob" qui mouille depuis quelques années dans ce lagon, est de ceux là. Alain et Françoise naviguent depuis quoi? 25 ans? 30 ans? Ils nous parlent (Alain surtout) des gens qu'ils ont croisés (Les frères Poncet, Moitessier, les deux sœurs au Via 42 dont je ne me souviens plus du nom, Antoine, Marcel Bardiaux… Plein de célébrités de notre petit monde de navigateurs.) au cours d'étapes plus ou moins longues au Groenland, à Juan de Nova, en Georgie du sud, en Alaska… Ils évoquent leurs projets pour les années qui viennent: un tour en Asie du Sud Est, un retour au Groenland… qu'ils commencent à préparer soigneusement, en attendant la retraite de Françoise.
Ils ne sont bretons ni l'un ni l'autre, mais ils nous parlent quand même de Paimpol où ils ont résidé, pratiquant des amis que nous ne connaîtrons que bien plus tard, quand nous y dénicherons Getaway …
Nous constatons encore une fois que le monde n'est pas si grand. Même quand on élargit un peu le sentier "navigable" qui tourne autour.

Écoutant respectueusement ces grands anciens, on trouve aussi des petits jeunes…
Marielle et Patrice ont appris petit à petit dans le lagon de Mayotte à quoi ressemblait un bateau. D'abord un petit cata pour les week -end, et puis l'appel du large: un croiseur en acier à retaper sérieusement, qu'ils ont baptisé "Ylang". Ils l’ont préparé pour prendre de longues vacances et rejoindre à la voile un autre lieu de travail.
Leurs deux enfants Liane et Lucie vont découvrir l'école au CNED alors qu'eux même apprécieront les "satisfactions" particulières des enseignants naviguants…
Plus tard, nous les retrouverons sur notre route, quand nous quitterons cette région de l'océan Indien.

A la découverte de la grande terre

Back Home…

Chaque fois que nous revenons dans la baie de Nosy Be depuis Mayotte, nous avons un peu l'impression de rentrer à la maison. C'est le premier endroit visité, où l'équipage de Getaway s'est sérieusement et unanimement posé la question de s'arrêter pour s'installer.
Les gens, les paysages… Surtout les gens… Et puis les conditions de navigation et aussi de mouillages pour vivre à bord… Les courses, le marché, l'ambiance d'Helville… Tout ça nous plait beaucoup.

Depuis deux ans, l'attrait de cet endroit allié à la modestie de nos ambitions de navigation ne nous a guère amenés à fréquenter les eaux malgaches très loin de Nosy Be. Nous avons beaucoup parcouru la baie elle même, mais notre excursion annuelle jusqu'à Antsohihi a marqué deux fois la limite sud de notre audace de marins explorateurs.
Pourtant… Parfois la tentation de savoir ce qui se passe au delà des palmiers de la plage se fait forte, mais c'est bien difficile car pour le découvrir il faudrait se secouer et débarquer un peu.

C'est ainsi qu'un beau jour nous prenons une grande décision: pour explorer Madagascar plus loin vers le sud, nous emprunterons la voie terrestre.
Pour ce faire, nous avons accepté de prendre le risque d'abandonner le bateau à la garde d'une sorte de chantier naval de la baie du cratère, près de Helville, sur un mouillage réputé entretenu et très surveillé. Ce n’est quand même que pour deux semaines… Mais c'est peu dire que nous avons ressenti une crispation de l'abdomen quand nous avons tourné le coin de la route dans notre taxi… Nos copains de Tchokdi avaient laissé une fois leur catamaran sur le chantier juste à côté, surveillé par une société spécialisée. Six mois quand même… A leur retour le bateau était tout vide. La légende dit que ce sont les employés de la société de surveillance qui se sont chargés de la besogne…
Mais enfin, arrêtons là le suspens, nous nous sommes organisés et avons bénéficié d'une excursion à terre tout à fait intéressante, sans que Getaway ait eu à en souffrir un poil… Tout était intact à notre retour.


Voyage ou aventure?

Madagascar, "la grande terre" comme on dit ici: 587 OOO kilomètres carrés, plus de 1500 kilomètres du nord au sud à vol d'oiseau, très peu d'infrastructures et de routes, beaucoup de montagnes et hauts plateaux. Comme ils disent dans le guide Lonely Planet: cette île reste une destination "aventureuse"…
Alors comment s'y prend on pour la visiter?

La réponse à la première question qui se pose, devant ce réseau routier squelettique va être fort importante pour la suite: "de quel moyen de transport ai-je envie"?
- Bien sur, il y a l'avion. Mais pour admirer le paysage, c'est moyen…
- Il y a aussi le taxi brousse. C'est le nom qu'on donne ici au bus local. C'est quelquefois un autocar (un vrai), plus souvent un minibus et parfois même un camion bâché… De Morondava, on ne peut s'approcher de Tuléar, qui est un port important de la côte ouest, qu'en saison sèche trimballé par une sorte de camion 6x6. Dans tous les cas, c'est un véhicule surchargé au delà du raisonnable occidental…
- On peut marcher aussi. Quelques régions sont totalement dépourvues de routes et imposent la marche à pied sur de très longues distances. Certains malgaches doivent toujours compter plusieurs jours de marche pour rejoindre l'agglomération ou la route la plus proche.
- Enfin il y a les prestataires de services qui vous louent à la journée un 4x4 confortable, muni de son chauffeur, pour parcourir des itinéraires praticables en saison sèche!

Avec l'excuse d'offrir un séjour confortable à deux de nos enfants qui nous rejoignent pour cette excursion terrestre, nous optons sans remord pour le confort de la troisième solution. (A deux nous aurions sans doute choisi le même confort, mais on aurait alors eu plus de remords… M'enfin comme dit le philosophe: il vaut mieux avoir des remords que des regrets…) Et puis nous savons maintenant que même en 4x4, on peut mettre six heures pour parcourir cent kilomètres de route "nationale"… C'est toujours un peu l'aventure…
Quelques tâtonnements et échanges de messages sur Internet nous permettront de conclure avec une agence spécialisée: "Ilay tour". Nous disposerons d'un 4x4 tout neuf et de son chauffeur, pour un voyage d'une dizaine de jours sur l'itinéraire Tananarive, Antsirabe, Miandrivazo, Morondava, Belo sur tsiribihina, Bélopaka, parc national des Tsingy de Bemaraha et retour. Au programme: une courte visite de la capitale, la traversée des hauts plateaux centraux, du domaine des baobabs, et la visite du mythique parc national des Tsingy…


Une première étape plutôt civilisée…


De Nosy Be, nous rejoignons Tananarive par avion. Dès l'atterrissage nous retrouvons nos enfants qui nous attendent à l'aéroport avec voiture et chauffeur. Ils sont arrivés ce matin de Paris et ont déjà pu jeter un œil sur la capitale malgache. Nous même n'arrivons qu'en début de soirée et aurons juste le temps d'une nuit récupératrice dans la maison d'hôtes de notre agence, avant de repartir pour notre périple automobile.
Mais déjà ce soir, à l'aéroport, nous avons le plaisir de découvrir notre superbe véhicule quasiment neuf (ce petit détail aura de l'importance plus tard) et de faire connaissance avec son chauffeur malgache: Solofo, un Merina des haut plateaux (prononcer Slouf et Mern), d'une trentaine d'années.

Tôt le lendemain matin, nous nous élançons pour notre première étape vers Miandrivazo, à quelques 430 kilomètres à l'ouest. La visite de Tananarive sera pour le retour.
Profitant d'un arrêt-déjeuner à Antsirabe, une ancienne station thermale du temps de la colonie, nous y ferons quelques provisions de bouche et un stock important d'eau minérale. Nous avons été prévenus par notre chauffeur: demain on sera en brousse et on ne trouvera plus rien à acheter...
Cela se révèlera d'ailleurs un peu excessif… Mais enfin comme on dit dans la marine: « trop fort n’a jamais manqué! »

En fin d'après midi, vers dix huit heures, nous arrivons à destination. La route était très bonne, même évaluée au standard européen. L'étape a donc été rapide et peu fatigante. Si c'est ça l'aventure!!!
L'hôtel qu'on nous a conseillé à Miandrivazo, situé un peu à l'écart de la ville, comporte une demi douzaine de bungalows assez rustiques mais plutôt bien tenus. Son restau est installé sur une terrasse sommaire, sous la forme de trois tables et quelques chaises de jardin en plastique qui y sont égaillées. Il permet de profiter d'une jolie vue sur la vaste vallée de la Tsiribina mais l'ambiance y est un peu "tristounette". Ce soir nous sommes une petite dizaine de convives.

Miandrivazo est une ville provinciale malgache traditionnelle qui ressemble peu à l'idée qu'on se fait d'un carrefour touristique. Pourtant c'est une étape presque obligée sur la route des touristes vers la côte ouest.
C'est aussi le point de départ d'un parcours en pirogue jusqu'à "Belo sur Tsiribihina", loin en aval sur la rivière du même nom. (Nous n'avons pas retenu cette option, mais c'est sans doute une erreur. Nous croiserons plus tard des voyageurs enchantés de ces deux jours de descente fluviale, avec bivouac au milieu.

Souvenirs, souvenirs… Les routes non plus, ne sont plus ce qu'elles étaient…

A huit heures trente le lendemain, nous reprenons la route, pour une étape de 280 kilomètres.
La route? Quelle route? Oui, sur quelques kilomètres après la sortie de la ville… Mais très vite la "voie carrossable" va se révéler trop défoncée pour mériter ce nom… Pire qu'une piste: De minuscules plaques de goudron, flottent sur un océan de trous énormes, rêvant sans doute d'un passé plus glorieux …

La minute d'agro-philosophie


Plus tard sur le chemin du retour, on retrouvera avant Miandrivazo la route destroy et le temps d'admirer encore ces paysages de montagnes rouges, pelées et sèches à perte de vue, les villages pauvres, les joyeux "salut vazaha" des enfants, les zébus tirant leurs charrettes, les maisons de terre rouge…
Déjà vu? Oui mais moins de surprise permet un peu plus de réflexion: Qu'ont donc fait ces gens pour mériter de vivre dans ces conditions? Que mangent ils?
Plus rien ne pousse sur cette latérite stérile… pas de riz et c'est la famine. Et pas d'eau pour faire pousser le riz…
Alors ils pratiquent la seule méthode de culture qui leur paraît possible: Faire brûler la végétation sur les zones encore intactes qui ont conservé leur fine couche de terre arable, retenue par les racines de l'herbe et des arbustes. Sur ces brûlis, on peut planter du riz sec… L'an prochain le ruissellement des pluies emportera la terre arable et il faudra encore se déplacer. A nouveau brûler pour planter…. Et donc stériliser encore.
Et les arbres, la forêt, où sont ils passés? Beaucoup a été transformé en charbon de bois.
Mais comment? diront les ardents défenseurs de la nature qui se chauffent au gaz ou à l'énergie nucléaire, ils saccagent leurs forêts?
Eh oui, ici toute la population cuisine au feu de bois. Le gaz ou le fuel sont beaucoup trop chers pour l'inciter à changer de mode de vie!
Une famille vit avec 25 euros par mois, élevant quelques volailles, plantant un peu de riz, de manioc et de brèdes (sorte d'épinards). Si elle a la chance d'habiter au bord de la mer ou d'une rivière, elle peut y ajouter quelques minuscules poissons ou crevettes qu'on capture, de l'eau jusqu'au épaules et de la vase jusqu'aux genoux, à l'aide de filets en mousseline, genre moustiquaires…
Partout où l'eau peut être retenue, dans les plaines et les dépressions des haut plateaux, la riziculture fournit un produit de bonne qualité. Tellement bonne que ce riz est presque totalement exporté, pour en importer du très ordinaire destiné à la consommation locale!


Et quand je dis trous énormes: à leur passage certains engloutissent la voiture jusque bien au dessus des roues… Une réelle épreuve pour le véhicule et ses passagers…
Nous croisons parfois en chemin quelques taxis brousse qui desservent la région: La plupart sont des camions bâchés, emplis au delà du ras bord. Tout le monde assis dos à la route, couvert de poussière rouge… Et la chaleur!!
Vécue dans nos confortables fauteuils climatisés, chacune de ces rencontres nous confirmera l'excellence de notre choix de confort. Ce n'est plus de notre âge…

Vers midi, un arrêt pique-nique au bord de la route, à l'ombre de l'unique "cactus" visible sur tout l'horizon, nous permet de découvrir les provisions achetées la veille: saucisson de zébu, fromage local de zébu aussi, concombre, tomates… Trrrrrès bon tout çà… Vraiment!
Cet arrêt est bienvenu car le voyage est assez lent et long ( cinq heures pour parcourir 110 kilomètres)…
Heureusement, les paysages sont magnifiques… Les montagnes tout autour sont pelées, rouges… Un relief de hauts plateaux vallonnés, creusé de ravines par les pluies saisonnières. Chaque dépression qui peut retenir l'eau abrite une rizière.
Peu d'arbres, quelques buissons et de la latérite… De la latérite… Partout… C'est joli, mais on sent bien que ce n'est pas l'idéal pour les cultures vivrières... A cette latitude, on imaginait le pays couvert de forêts tropicales humides…Grave erreur: le déboisement gagne du terrain, les pluies saisonnières emmènent la terre arable, la latérite nue ne laisse plus rien pousser et la pauvreté se répand.

Passé Miandrivazo, la population ne paraît pas très nombreuse et les villages sont rares. La "route" par ici est surtout le domaine des charrettes à zébu et des marcheurs… On croise peu de voitures. Presque uniquement des camions (gros) et des taxis brousses… A la vitesse à laquelle on roule, les enfants ont largement le temps de nous crier leurs "salut vahaza" en poursuivant la voiture… Bonjour!!! Nous y répondons par des saluts discrets (façon Stef de Monac...) Ils éclatent de plaisir!

Les maisons en briques crues de terre rouge et bambou se fondent dans le décor avec beaucoup d'allure. Ces constructions, qui paraissent assez sophistiquées, ne sont jamais équipées de cheminées. Les traces de fumée visibles le long des façades témoignent que ce sont les fenêtres qui jouent ce rôle… Pourquoi? La raison que nous a donnée Solofo: Le feu est installé au milieu de la maison, pour chauffer les habitants et éloigner les moustiques…
Parce qu'on a oublié de vous dire qu'il fait froid sur les hauts plateaux. Le soir nos "polaires" sont les bienvenues, que l'on a retirées des placards et d ébarrassées des boules antimites.

Retour sur la riviera.

La tombée de la nuit nous laisse juste deviner la ville, quand nous arrivons à Morondava en bénissant le confort de notre véhicule… Sur ce parcours, la route s'est parfois un peu améliorée mais jamais bien longtemps, et ces dix heures pour moins de 300 kilomètres nous laissent fatigués, même si encore opérationnels…

Morondava a déjà plus le look station balnéaire et touristique.
Architecture "tôle et tradition", rues pavées de sable, mais "grand" choix d'hôtels et de restaurants. C'est aussi un centre fréquenté par les amateurs de "pêche au gros".
Nous réglerons rapidement la question de la nuit par le choix hâtif du premier hôtel venu - assez moyen, mais les pieds dans l'eau - pour nous concentrer sur un bon dîner dans un restaurant chic. Ce sera dans un établissement très actif dans la "pêche au gros". Nous y assisterons, dans un décor "westerno-malgachisé", au retour de mer des sportifs et à l'exposition de leurs prises… Une sorte de défilé de mode pour présenter les poissons préalablement parés par les accompagnateurs locaux.
Mitraillage photographique par les épouses admiratives qui attendaient au bout du comptoir, telles des paimpolaises moyennes, le retour de leurs marins… (Eh non patate! Ici elles ne peuvent pas attendre sur la falaise!. Y en a pas!!!).

Mais enfin, pêché "sportivement" ou pas, le poisson grillé qu'on nous a servi ce soir là était excellent.


Du haut de ces baobabs, plusieurs siècles vous contemplent…

Jean de La Fontaine était il malgache?


Une légende malgache raconte l'origine de ces grands baobabs à branches courtes.
Au début des temps, ils étaient les plus hauts végétaux de la création et étendaient majestueusement sur la terre l'ombre gigantesque de leurs longues branches.
Et ils se pavanaient… Et ils se vantaient d'être tellement si grands… tellement si beaux … Leurs voisins excédés par autant de forfanterie finirent par se plaindre au créateur. Celui ci, venu se rendre compte sur place, trouva qu'effectivement les baobabs la ramenaient un peu trop à propos de leur belle allure. S'ils continuaient ainsi, ils finiraient par lui faire de l'ombre à lui aussi… Il décida donc de les arracher et de les replanter la tête en bas. C'est pourquoi ils ont maintenant des racines très longues et des branches aussi ridiculement courtes …

Quelques kilomètres après Morondava nous découvrons l'allée des baobabs, un peu comme on découvre les pyramides en Egypte…

On avait déjà beaucoup lu sur l'allée des baobabs et on en avait vu plein de photos. C'est une attraction touristique très exploitée dans les brochures spécialisées, très "cartepostalisée"… On s'attendait donc à un site de conservation, équipé de quelques baobabs plantés là pour la cause, (avec guérite à l'entrée, pourquoi pas? )
Eh bien pas du tout! Les environs de Morondava sont vraiment une terre aimée des baobabs géants… Il y en a partout, qui pointent leur haute silhouette dans le paysage, à perte de vue… Comme des clochers en Finistère… Plus nombreux quand même… Alors déjà, avant d'arriver à cette allée, nous étions préparés.

Mais il y a quand même THE "allée des baobabs"... Ce ne sont pourtant que quelques centaines de mètres de piste qui se faufilent entre les arbres simplement plus nombreux à cet endroit. Ça fait un peu comme des cèdres le long d'une allée de manoir breton… Mais tellement plus grands et majestueux… Comme il n'y a pas de manoir au bout de l'allée on se demande si les arbres ont été plantés là pour border la piste, ou bien si c'est la piste qui s'est simplement faufilée à travers cette foison de grands troncs?
Quelques jeunes pas encore très hauts mais surtout des adultes - quelques siècles - immenses, cylindriques, en forme de bouteille. Tous arborent des branches ridiculement petites et courtes, sur des troncs gigantesques.

Pourquoi nous impressionnent ils autant? Il y a de la magie la dedans et on est tous fascinés, par leur majesté… leur ancienneté… leur rareté… (en dehors d'ici et un peu en Afrique). Et puis, pourquoi poussent ils ici et ne s'acclimatent ils pas ailleurs?
Mystère total. On en reste baba et on ne sait toujours pas pourquoi.

Enfin, de la vraie piste…

Après Morondava, il n'y a plus de souvenirs de goudron comme on en a connus hier. Ce sont 200 kilomètres de vraie piste de latérite qui nous amèneront jusqu'à Bekopaka, la porte d'entrée du parc de Tsingys.

La piste de latérite ne se pratique qu'en saison sèche. Pendant celle des pluies, ça devient un bourbier où tout s'enfonce. Certaines ornières laissées par ces batailles contre l'enlisement sont si profondes que les véhicules y disparaissent totalement… Mais à cette saison ci, même en tôle ondulée,c'est beaucoup plus rapide et confortable que le "souvenir de route" que nous avons parcouru après Miandrivazo…
De Morondava à Bekopaka nous rencontrerons deux rivières dont la traversée se fait à l'aide de bacs. On attend avec quelque impatience de voir à quoi ressemblent ces équipements… .


Avec quand même ses relais gastronomiques…

On devra pourtant patienter un peu. Le temps d'une pause déjeuner à Belo sur Tsiribihina où nous découvrirons un restaurant tout à fait remarquable et inattendu: Le "Mad Zébu"
Cet établissement propose une carte genre "grande gastronomie" de chez nous. Le produit de sa cuisine "malgacho-francaise" est servi dans un style très "nouvelle cuisine": Grandes assiettes présentant, artistiquement disposés, des plats succulents et colorés. Bouquet de gambas grillées sur son lit de petits légumes croquants, filet de zébu onctueux et ses frites maison, tilapia (poisson)grillé, sa sauce hollandaise et son riz parfumé…
Surprenant! Et surtout vraiment super bon. A ne pas rater…
On peut vraiment manger très bien sur les itinéraires touristiques malgaches!

Et voilà, on dira encore que quand les français voyagent et se rencontrent, on ne les entend parler que de bouffe… C'est ma foi souvent vrai!

Ses circuits aventures

Toute proche de Belo, la Tsiribihina est la première rivière que nous devons traverser.

Sitôt le déjeuner terminé, on se hâte vers l'embarcadère du bac pour découvrir l'engin… Deux coques semi cylindriques en acier, longues d'une dizaine de mètres, propulsées chacune par un gros mono cylindre diesel chinois. Elles sont solidarisées par quelques madriers qui y sont ficelés et constituent ainsi une sorte de pont de catamaran, à claire voie. Rustique, vraiment…
Mais le plus impressionnant, c'est l'embarcadère, qui brille par son absence…
La piste descend le talus de la rive jusqu'au bord de l'eau. Le "bac" vient s'amarrer juste devant, son pont surplombant la surface de l'eau d'un bon mètre cinquante. Pour permettre aux véhicules d'embarquer, on sort de l'eau l'extrémité de deux planches qu'on pose sur le bord du bac. Chacune a la largeur d'un pneu. On obtient ainsi une voie inclinée - à près de 40° - qui permet d'embarquer.

Nous même le ferons à pied mais l'épreuve sera surtout pour Solofo qui devra y faire passer la voiture… Il nous a avoué n'avoir jamais fait ce trajet auparavant. Alors quand il découvre la tronche du bac et de ses "passerelles" étroites et bancales… On le sent tendu. C'est un examen de passage… Et c'est aussi un beau 4x4… Il va lui falloir viser juste pour éviter de tomber à l'eau…

Bon… Trêve de suspense: On a traversé la grande rivière marron sans encombre et on n'a pas coulé. Il y avait quand même 5 voitures embarquées sur notre galère…

De l'autre côté de la rivière, l'état de la piste se dégrade. Des crevasses, des ornières… Beaucoup de tronçons sont impraticables et les voitures ont ouvert des voies de contournement.
Sur quelques ruisseaux à sec des ponts ont été construits, mais les crevasses qui se sont creusées à chaque extrémité en interdisent l'accès. Là aussi, la piste trace des voies de contournement, en traversant directement le lit du cours d'eau.

Et ses aires de repos et de réparation…

C'est au fond d'une telle dépression que nous rencontrerons un obstacle gênant: en remontant du fond de la "déviation" qui traversait un ruisseau en aval d'un pont, un camion-taxi brousse à cassé son arbre de transmission.
Les voyageurs sont égaillés alentour, à l'abri des rares points d'ombre, et les chauffeurs sont couchés sous le véhicule, affairés à sa réparation. Renseignements pris, il semble qu'ils disposent d'un arbre de rechange! Alors, pas de problème, c'est juste un contretemps; il suffit de réparer…

En attendant, comme nous ne pouvons passer ni par la déviation, ni par le pont qu'elle évite, nous allons ouvrir notre propre voie, en amont de l'ouvrage… Et voilà… C'est impressionnant, mais ça passe et c'est vite fait…
C'est dans ce genre d'endroit qu'on comprend que des 4x4 peuvent être utiles… Pas simplement pour faire genre…

Ici, après le 1er Bac il faut encore passer le second; comme quand on était jeunes…

A la tombée de la nuit nous arrivons au bord de la rivière Manambolo. Sur la rive opposée on distingue le village de Bekopaka, notre destination.
La rivière est moins large et les berges moins abruptes que la Tsinribihina, mais le bac qui permet de traverser est encore plus "roots" que le premier et sa passerelle plus pentue. Au crépuscule, c'est vraiment très intéressant…
On sent Solofo à nouveau tendu. Fragile ce garçon?… Non?... Ça doit être le complexe du bizuth…
D'ailleurs ça passe encore une fois sans encombre, même si dans un bruit d'enfer de moteur pétaradant.

Encore quelques minutes de secouage sur piste, après le débarquement du 4x4 - encore plus scabreux que l'embarquement - et nous pourrons nous installer dans deux bungalows du relais Tanan Koay. C'est un hôtel de cinq ou six bungalows tenu par Elisa et Tony, un couple franco malgache tonique et sympathique, où nous sommes agréablement soulagés de trouver encore de la place. Les hôtels ne sont pas si nombreux par ici…
On y passera deux nuits.

Nous sommes enfin dans le parc mythique des Tsingy.

A ce propos, ça se prononce "tsing". Comme la plupart des mots en Malgache: on ne prononce pas la dernière voyelle, de la même façon on dit Morondav, et Tsiribin.

Pour comprendre ce que sont les Tsingy, il faut remonter très loin dans le temps: Il y a quelques 160 millions d'années la grande île s'est séparée de la plaque africaine. La partie ouest de Madagascar, longtemps restée immergée sous la mer, supporta alors un important développement corallien et la sédimentation d'une énorme quantité de coquilles d'animaux marins. Une épaisse plaque basaltique s'est ainsi formée, qu'un nouveau glissement tectonique a un jour soulevée et remontée au dessus du niveau de la mer. Depuis sa mise à l'air, cette plaque a dû subir l'érosion causée par les vents et l'acidité des pluies, les contraintes causées par les changements de température,… et cette dure existence des reliefs "karstiques" dans l'atmosphère terrestre lui a sculpté les rides et les crevasses qu'on ne se lasse pas d'admirer aujourd'hui.

La surface, relativement plate, est infiniment striée d'innombrables arêtes très pointues et tranchantes, telles qu'on ne peut pas marcher dessus. Comme des planches de fakir minérales. Des crevasses, profondes de plusieurs dizaines de mètres, entaillent la roche en tous sens en un vaste réseau, et forment un labyrinthe au fond duquel on peut cheminer.
Sur les parois des crevasses, on distingue quantité d'empreintes fossiles de coquillages mélangées aux lichens.
Ces cathédrales de pierre laissent passer l'eau de pluie qui dissout le calcaire et le fait goutter pour former stalactites et stalagmites dans les grottes souterraines.
Tout ça a des allures de glacier minéral…
Ce site protégé depuis 1927 est inscrit à l'inventaire du patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1990. Il a même été classé réserve naturelle intégrale réservée aux chercheurs jusqu'en 1997. Depuis, l'état malgache en a ouvert une partie aux visiteurs. (72000 hectares sur les 150 000 de la zone), aménageant des circuits qui permettent de pénétrer cet univers étrange et hostile où l'accompagnement d'un guide reste complètement nécessaire, ne serait ce que pour ne pas se perdre dans ce labyrinthe de couloirs, grottes, passages serrés…

La billetterie du parc est installée à la limite du village, au bord de la rivière.
En y arrivant, dans la matinée, nous pouvons observer le spectacle de la vie quotidienne sur la rive. Des groupes de femmes font la lessive, des enfants aux habits de couleurs vives sont chargés de la vaisselle. Ça bosse tout petit ici, chacun lave son linge dès six ans et aide aux travaux familiaux.

Plongée dans un océan solide, ou escalade alpine?

Pour notre part, ce premier jour, nous nous "attaquons" à la visite des petites tsingy; histoire de nous mettre en jambe. Accessibles à pied depuis Bekopaka, ce site est constitué de crevasses pas trop profondes, abrite une couverture végétale importante et se parcourt en un couple d'heures de marche pas trop sportive. Pourtant l'impression est déjà assez forte. On n'imagine pas bien que de tels endroits existent…
Déjà là, on comprend que sans guide il faudrait un sacré paquet de miettes de pain pour pouvoir retrouver son chemin (vers la boulangerie)!!!

Pour accéder aux Grandes tsingy il faut reprendre le 4X4, sur une piste difficile de 17 kilomètres vers le nord.
La description de cette excursion dans les guides nous affolait un peu. Nous ne sommes plus trop des sportifs aguerris et les commentaires sur le parcours de la piste d'accès évoquent déjà des efforts d'endurance... Ensuite, le circuit proprement dit, devrait durer 6 heures d'évolutions "vertigineuses"…
Nous partons donc un peu circonspects… Mais comme notre guide est encourageant et n'est lui même chaussé que de tongues… D'abord, la piste se révèle n'être pas plus difficile que les pires tronçons de celle qui nous a amenés jusqu'ici. Ouf! Ensuite, depuis le parking, l'approche en pente douce dans la savane donne accès à un circuit minéral très bien aménagé.

Equipés chacun d'un baudrier d'escalade, nous nous aventurons bravement dans le labyrinthe. Les couloirs s'enchaînent, étroits et tortueux. Les sections plates alternent avec de petites grimpettes et des escalades de paroi. On est priés de s'assurer systématiquement à des câbles d'acier qui servent aussi de main courante. On s'aplatit parfois pour entrer dans des grottes et admirer les concrétions. Il fait bon dans les profondeurs de ces murs calcaires. Le rythme de la marche est tranquille… Bref ce n'est pas l'enfer redouté.
Le soleil filtre de là haut et éclaire des arbres coriaces qui ont pris racine là, au milieu des rocs. Ils ont grimpé souvent une bonne vingtaine de mètres pour atteindre la surface. De nombreuses plantes grasses poussent sur les parois verticales. Mais dans quelle terre? Où trouvent elles de quoi s'alimenter?
A force de grimper, on se retrouve sur le toit… Normal... Et là, ça se corse pour ceux qui sont sujets au vertige: le dernier tronçon du parcours, qui donne accès à l'ultime plateforme, emprunte une passerelle suspendue au dessus d'une crevasse plus large, genre pont de lianes des films de tarzan (même si en câbles d'acier). Vertigineux… Et il faut y aller car on ne peut pas revenir sur ses pas!!!

Ouf tout le monde est passé et le spectacle valait l'effort: la surface calcaire, telle une mer grise, hérissée à perte de vue d'un clapot figé… C'est étrange et très beau…

En fait, ce parcours est plus une escalade "facile" qu'une marche, et le circuit "andamozavaki" réputé difficile ne nous aura pris que trois heures. Nous sommes certes fatigués mais pas extenués… Peut être y en a t-il un plus dur, de six heures? En tous cas, on ne nous l'a pas proposé.

Ce matin, comme nous avons un chauffeur matinal, nous avons démarré tôt (huit heures) et eu la chance d'arriver les premiers sur place. Vers dix heures, les animaux n'ont encore été dérangés par personne et ne sont pas cachés: nous verrons donc plein de makis s'affairer dans les arbres suivis par leur longue queue rayée blanc et noir, brun, blanc…Ces lémuriens (antérieurs aux singes dans l'évolution des espèces) sont présents dans toute l'île où ils semblent avoir survécu grâce à l'absence de singes. Ces derniers les ont en effet éliminés presque partout ailleurs dans le monde.

Le chemin du retour.

Notre retour vers Tananarive empruntera le même itinéraire que l'aller. C'est un peu la faiblesse de notre formule. Mais une bonne partie du trajet mérite vraiment cette double vision.
Sur le chemin vers Morondava, les bacs nous impressionnent déjà moins et Solofo montre maintenant le calme des vieux routiers.
Nous repassons par l'allée des baobabs vers 17 heures. L'ambiance y est très différente de celle, matinale, de l'aller.
A l'heure du coucher du soleil, c'est le grand spectacle en technicolor, comme dans les films de la MGM: ciel rose, orange, rouge, baobabs encore plus majestueux avec leurs ombres magnifiques. C'est la séquence "émotion-pose-photos-sous-les-baobabs-au- soleil -couchant". On est venus pour ça n'est ce pas? Et on n'est pas les seuls.
Le matin c'était désert, mais au crépuscule, ça se bouscule un peu. Des enfants nous vendent des fruits de baobabs, la taille d'un gros poing , marrons, oblongs. Il paraît que dans certaines conditions, on peut les manger.

Mieux vaut être riche et bien portant que…

A un détour de la piste, nous buttons sur notre premier embouteillage!!! Deux 4X4 sont coincés devant nous et bloquent le passage.
Kezako?
C'est un groupe de touristes franco-belges qui a descendu la Tsiribihina en pirogues depuis Miandrivazo. Ils ont loué deux 4X4 à Bélo, dont l'un vient de tomber en panne d'essence! Le carburant est cher par ici et les chauffeurs en mettent le minimum quand c'est eux qui payent (Nous même ne risquons rien, c'est NOUS qui payons les pleins!!)
On papote sur le bord de la route pendant que les hommes se concertent et cherchent une solution… Ça se termine par le transvasement d'une vingtaine de litres de gasoil de notre réservoir dans le leur…
En discutant avec les touristes en panne, on apprend que tous les 4X4 ne sont pas égaux; que le leur est âgé de 20 ans et leur secoue passablement les puces et le dos. D'autant qu'à six par voiture, ils ont un peu chargé la mule…
Nous ne connaissions pas notre bonheur… Maintenant si!


Antsirabe

Tananarive se rapproche et on n'a guère envie de s'y précipiter. On décide donc de reculer l'échéance en passant une nuit dans cette station thermale coloniale.
Ici aussi, comme à Hellville, c'est un peu un fantôme du passé qui resurgit. En moins décati tout de même. Les établissement de bain (désaffectés) côtoient un grand hôtel où flotte encore le souvenir des curistes. Une vieille gare aux allures européennes veille sur une voie ferrée dont on n'a pas bien su s'il y passait encore des trains.

Antsirabe est connue pour sa flottille de pousse-pousse. Ces véhicules ont été introduits, il y a longtemps, par les chinois venus construire le chemin de fer. Ils pullulent en ville, très actifs, transportant fret et passagers. Ca dérange un peu certains vazahas qui les perçoivent comme un témoin de l'exploitation humaine et coloniale. Désagréable!
Nous même n'avons pas voulu y goûter et c'est à pied que nous sommes retournés manger au restaurant "l'Arche", qu'on avait expérimenté à l'aller.

Il semble que ce soit un point de rencontre important pour les touristes de passage, mais comme ils ne sont pas nombreux… On y aura la surprise d'une soirée musicale genre traditionnel-jazzy, animée par un orchestre autochtone de très bon niveau… La musique était accompagnée de rhum arrangé appelé "punch poubelle", dont le chef n'a pas voulu nous dire tout ce qu'il y avait jeté…

Tananarive

Après l'effort, le réconfort: Pour le dernier soir on a réussi à réserver des chambres au Sakamanga (le chat bleu).

C'est un hôtel très coté chez les vahazas, où se croisent tout ce que la région compte de baroudeurs brevetés: ONG, journalistes et tour opérators… Bref ceux qui savent, osent et en arborent ostensiblement et bruyamment les attributs...
Quand même, l'ambiance de l'hôtel est très sympathique: Des bâtiments tarabiscotés parcourus de couloirs tortueux, décorés tendance musée, avec un goût certain; de charmantes petites cours intérieures, des chambres aux planchers foncés agréables, un restaurant réputé pour le dîner…
On était donc dans un endroit "hip" pour une fois. Comme on ne crache pas sur une bonne bouffe, on a sacrifié aux spécialités du coin: magrets et foie gras de canard, crevettes sautées à l'ail…

Une rapide visite de la ville ne nous laissera pas un souvenir impérissable. On flânera dans les rues, sans but véritable. Il est étonnant de voir comme le charme qui opère si bien sur nous à Hellville, pourtant nettement plus destroy, ne fonctionne pas du tout ici. Comme dans toute grande ville, il faut sans doute y rester plus longtemps, connaître, s'y créer des points de repère et quelques habitudes?

Parfums de France…

Quand même, au cours de notre promenade, nous ferons deux rencontres étonnantes:

- Dans une rue aussi décatie que les autres, sans rien qui puisse l'annoncer, on croise un magasin Hédiard. Entouré de boutiques pas très reluisantes, il arbore en vitrine les mêmes articles d'épicerie gourmande que celui de la place de la Madeleine à Paris.

- Un peu plus tard, alors que nous longeons la rive du lac qui se trouve au cœur de la ville, nous sommes abordés par un monsieur très digne. Costard, chapeau… Il se présente comme un journaliste de la Télé locale.
On bavarde un peu. En découvrant notre histoire de "voyageurs marins", il en vient à souhaiter venir nous interviewer sur le bateau à Nosy Be!!! Notre interview ici ne serait sans doute pas suffisamment exotique et convaincante… A suivre…

Pour l'heure il nous invite à boire un coup au "cercle français" qui se trouve à proximité. Un hall immense, chichement décoré, un comptoir de bar, quelques tables et chaises éparpillées et pas grand monde. Une ambiance de colonie oubliée.
On se fait servir des bières puis on continue à causer et à faire des projets…
Il aimerait bien revenir en France cet homme, où il a fait ses études "quelques" années auparavant. En fait le bon moyen lui paraît être que nous créions avec lui une ONG franco-malgache. Peu en importe l'objet, pourvu qu'il soit humanitaire… Cela permettrait de récolter quelques menues subventions qui pourraient financer sans trop d'efforts des voyages entre la métropole et Mada!!!
Décidément notre homme aimerait bien voyager!

Une petite heure plus tard, nous nous quittons sur ces perspectives au long cours, en nous promettant de nous revoir s'il vient à passer par Nosy Be, et après avoir nous même payé les bières évidemment…

C'est ainsi que se terminera notre exploration terrestre de la grande terre et que nous reviendrons très satisfaits à Nosy Be. Nous y retrouverons notre bateau qui n'a pas été pillé et reprendrons le tour des mouillages de la baie. Mais ça, on l'a déjà raconté…


Rester ici ou aller voir ailleurs?

Depuis deux ans, nous nous sommes pris au charme de cette île et nous envisageons régulièrement de nous y installer. Les projets succèdent aux projets, sans pourtant qu'aucun puisse être définitivement adopté.
Car tout cela est très séduisant, mais il y a un mais…
Quelques problèmes empoisonnants, auxquels nous n'avons pas trouvé de solution enthousiasmante, limitent la qualité de cette vie maritime malgache qu'on pourrait envisager.

Le premier fait suite à un changement d'objectif dans l'organisation de notre vie de voyageurs: Nous aimerions dorénavant passer plus de temps en France, pour regarder un peu mieux pousser nos petits enfants.
Évidemment, tropicalisés par onze ans de basses latitudes, nous ne pouvons l'envisager que l'été. L'été européen, bien sur… Alors que c'est justement la période agréable pour naviguer par ici. Pendant l'hiver français, quand nous souhaiterions être près du soleil, c'est ici la saison des pluies et des cyclones. Pas vraiment le bon moment pour batifoler en bateau. Oh, on peut quand même imaginer une navigation autour de Nosy Be à cette époque de l'année – il y a suffisamment de bons abris contre les cyclones qui ne sont pas encore surpeuplés (comme dans les Caraïbes) – mais enfin, passer son temps enfermé dans le bateau par une chaleur suffocante, pour se protéger de la pluie quasi quotidienne, et des moustiques porteurs de malaria, n'est pas vraiment une perspective séduisante.

Le second problème, c'est que nous n'avons pas trouvé ici de moyen simple pour abandonner le bateau en sécurité. Ne serait ce que quelques jours pour faire autre chose que naviguer. Il n'y a pas d'endroit ni d'organisation sûrs qui permette d'offrir à Getaway un abri contre le mauvais temps et les voleurs (le chantier à qui nous avions confié le bateau pendant notre expédition à terre a fermé depuis… Et ce n'était pas une solution en saison cyclonique…).
Contre le mauvais temps, il y a bien quelques abris possibles, mais ils sont généralement éloignés et isolés… Il est donc assez difficile d'y organiser le mouillage du bateau et notre retour à terre.

De plus, le bateau est alors très exposé une autre nuisance: le vol.
Car on ne laisse rien sans surveillance permanente à Madagascar. Mettre en place un gardien n'abrite pas toujours du vol par l'entourage de ce dernier… Trouver l'homme de confiance n'est pas si simple, dans ce pays où le dénuement généralisé rend vos possessions d'européens tellement séduisantes…
Comme Getaway contient quasiment tout ce qui est important à notre vie quotidienne, nous sommes très réticents à prendre des risques sur ce plan là. Résultat: on reste vivre sur son bateau, les ballades à terre ne dépassent jamais la demi journée et à la tombée de la nuit on est de retour à bord.
La seule manière de résoudre vraiment le problème serait d'embaucher à plein temps (et éventuellement de former) un marin malgache en qui nous aurions confiance. Nous avons bien rencontré deux ou trois personnes qui auraient pu faire l'affaire mais… A
Mais à ce stade, nous n'arrivons pas à accepter l'idée de partager notre espace intime, déjà fort réduit, avec un occupant supplémentaire qui serait présent en permanence sur le bateau. Bien sûr, ce sont des limitations culturelles assez peu glorieuses… Les malgaches, dont la culture ignore totalement ce qu'intimité veut dire…, n'auraient pas ce genre de problèmes. Mais voilà, nous sommes comme ça et nous n'avons pas pu nous résoudre à cette solution.
(Nous aurions le même problème en Europe et c'est aussi pour ça que nous ne prenons jamais d'équipier lors de nos longues traversées).

C'est pour ces deux raisons principales (saison de navigation et abandon du bateau) que nous finirons par quitter Madagascar un jour, sans nous y installer…
Ce sera alors avec regret!!!
Mais nous n'en sommes pas encore là et entre les projets d'installation sans suite, nous envisageons aussi quelques perspectives de continuation du voyage en bateau…

Mais pour aller où?

Ras le bol du tour Kenya-Tanzanie-Madagascar! Que ça fait déjà deux fois…

Le vieux projet d'un retour aux Caraïbes nous effraie un peu: Nous pratiquons depuis trop longtemps maintenant les mouillages déserts de cette baie, pour ne pas craindre la foule de bateaux qui encombre ceux de là bas.
Et puis c'est une décision sans retour: nous ne reviendrons pas sur nos pas… Pas en bateau en tous cas… Trop vieux!

Nous avons caressé aussi l'alternative consistant à tâter de Bornéo et des Philippines. En retraversant l'Océan Indien d'Ouest en Est. Là bas au moins, les voiliers ne se marchent pas sur les pieds…
En ce début d'année 2009, nous avons même l'impression que c'est quasiment décidé, ce sera Bornéo... Mais voilà, la perspective de traverser d'Ouest en Est, les échos de l'activité des pirates somaliens dans le Nord Ouest de l'océan Indien, la chaleur torride de Bornéo…. Cette perspective peine à déclencher notre enthousiasme .
Quelques conversations avec nos enfants navigateurs lors de notre séjour d'été en France auront raison de ce projet… Et quand nous rentrons à Mada, au mois de Septembre, nous avons finalement décidé que ce seraient le Brésil d'abord, puis les Caraibes seulement plus tard.

Ce sera donc vers l'Ouest…
Cette fois nous y croyons ferme et sommes tout ragaillardis par la perspective de naviguer encore…
Et d'avoir encore un futur de choses à vous raconter!!!