Revenir à Madagascar
Le canal de Mozambique
En mai 2007, nous arrivions à Nosy Be pour une escale de quelques
semaines sur notre route vers le cap de Bonne Espérance. C'est peu
dire que l'escale nous a plu car en mai 2009: après un deuxième
tour "Mada – Kenya – Tanzanie" à peu près
identique et aussi plaisant que le celui de l'an dernier – décrit
dans le numéro
précédent – nous revoici à Mtwara, en Tanzanie,
en train d'attendre d'une météo convenable pour retourner à Nosy
Bé, via Mayotte.
Traverser le canal de Mozambique d'Ouest en Est, à cette latitude
n'est pas une croisière agréable.
De Mtwara à Mayotte, ce sont 350 milles à faire contre 20/25
nœuds de vent pile dans le nez; ou alors au moteur sans vent du tout… Nous
ne savons pas bien laquelle de ces deux alternatives nous plait le moins!
Ensuite, de Mayotte à Madagascar c'est aussi très souvent sans
vent; sauf que là on peut espérer parfois une petite brise de
secteur sud permettant alors de traverser agréablement, sinon rapidement.
En fait nos deux traversées Tanzanie Mayotte se seront beaucoup ressemblées:
Une première phase de 36 heures de navigation loin du cap souhaité,
au près tellement serré qu'on ne sait pas bien quelle amure
choisir (genre:" Pour aller à Mayotte, le cap sur les Seychelles
est-il préférable à celui sur l'Afrique du sud"?
- Il faut savoir qu'en conditions "normalement adverses", un dériveur
comme Getaway louvoie à 140° bord sur bord, et que sur l'instant
c'est très déprimant pour le capitaine… ).
Une deuxième phase, de même durée, presque entièrement
au moteur, pour passer Grande Comore et Anjouan sans vent mais avec un fort
courant contraire.
L'arrivée enfin, devant la passe nord (Dzamandzar) du lagon de Mayotte
après 3 nuits de mer.
Pour cette seconde édition, nous avons quand même eu des émotions
: une panne de pilote automatique nous a valu une longue nuit de veille à la
barre. Ce n'est que le lendemain matin que le capitaine trouvera le court
circuit qui nous avait valu cette punition.
Mayotte
Le modèle Français.
D'où vient donc que Mayotte ne nous ait pas plu d'emblée?
Il faut reconnaître que nous avons eu systématiquement un
peu de mal à nous enthousiasmer pour les endroits "sous influence
fran çaise" que nous avons visités.
Quand nous arrivons quelque part pour la première
fois, ce sont les populations autochtones qui font l'ambiance que
nous ressentons; pas les happy fews européens qui vivent
parmi elles.
Dans tous les océans, depuis la Guyane jusqu'ici, en passant par
la Polynésie (c'était quand même là le mieux),
Wallis et la nouvelle Calédonie, nous avons partout été gênés
par la forte insatisfaction et la frustration que nous avons perçues
dans la population d'origine…. Parfois même un ressentiment
palpable à l'égard des français métropolitains,
que certains prennent parfois pour du racisme. Nous n'avons pas ressenti
cela dans les îles sous influence anglaise où nos sourires
et nos bonjours nous ont toujours été retournés
spontanément. Notre existence nous y paraissait perçue
différemment de celle d'un meuble…
L'attitude de la France vis à vis de ses jardins privés
post-coloniaux parait pourtant plus attentive que celle des anglo-saxons,
sûrement plus généreuse financièrement; pourtant
elle ne semble pas y rendre heureuses ou satisfaites les populations
autochtones…
Qu'en est il à Mayotte? Un peu de tout
cela, mais sans vraiment d'hostilité… Nous y avons
seulement perçu une énorme indifférence aux
Mzungus (c'est nous…), à leur culture et à leur
contact.
Il nous paraît clair que ce qui les intéresse chez nous
ce sont notre système social et le niveau de subventions et d'équipement
qui va avec!
Il y a aussi l'indépendance garantie à l'égard de
leurs "frères comoriens".
L'histoire montre les habitants des îles du nord des Comores (Grande
Comore et Anjouan) comme des guerriers qui venaient chercher leurs serviteurs
(esclaves?) à Mayotte… Ça a sûrement été une
raison importante parmi celles qui ont conduit les sultans Mahorais à se
mettre très tôt sous le parapluie des français, et à vouloir
continuer ainsi…
Mais bon, tout ceci n'est qu'opinions personnelles à prendre
avec des pincettes… Notre connaissance de cette île
est très superficielle et nous n'y avons jamais été qu'en
transit entre deux séjours malgaches…
|
Depuis notre arrivée dans la région, nous sommes venus quatre
ou cinq fois dans ce dernier né des départements français
(enfin pas encore tout à fait né, mais c'est pour bientôt).
Deux fois pour y laisser le bateau en sécurité pendant un séjour
en France et une ou deux autres pour un aller retour depuis Nosy Be afin de
renouveler nos visas (Les visas touristiques malgaches ne sont valides que
3 mois … Ensuite il faut sortir du pays et y revenir pour en avoir un
nouveau. Enfin, ça dépend du moment… Les choses bougent
très vite, et dans les deux sens, dans ce pays là. On n'est
jamais vraiment sûr de ce qu'elles seront quand on arrive à Nosy
Be…). Si jusqu'alors nous n'avons pas beaucoup parlé de ces séjours "en
France exotique" , c'est parce que nous ne nous y sommes pas tellement
plu. Les premières fois en tous cas.
Les choses se sont ensuite grandement
améliorées quand on s'
y est fait des amis : la perspective du plaisir de les retrouver agrémentera
alors nos traversées vers Mayotte.
Il y a au mouillage de Dzaoudzi
une population importante de gens qui travaillent là et habitent sur leur bateau (une vingtaine de bateaux…). Il
n'y a pas que des marins d'ailleurs. Certains ont acheté leur bateau
sur place sans avoir jamais navigué avant. Certains même ne navigueront
sans doute jamais!
Mais on y trouve aussi des anciens du tour du monde, dont les parcours
de navigation nous impressionnent et qui attendent là qu'un créneau
dans leur activité leur permette de repartir. " Glob" qui mouille depuis quelques années dans ce
lagon, est de ceux là. Alain et Françoise naviguent depuis quoi?
25 ans? 30 ans? Ils nous parlent (Alain surtout) des gens qu'ils ont croisés
(Les frères Poncet, Moitessier, les deux sœurs au Via 42 dont
je ne me souviens plus du nom, Antoine, Marcel Bardiaux… Plein de célébrités
de notre petit monde de navigateurs.) au cours d'étapes plus ou moins
longues au Groenland, à Juan de Nova, en Georgie du sud, en Alaska… Ils évoquent
leurs projets pour les années qui viennent: un tour en Asie du Sud
Est, un retour au Groenland… qu'ils commencent à préparer
soigneusement, en attendant la retraite de Françoise.
Ils ne sont bretons
ni l'un ni l'autre, mais ils nous parlent quand même
de Paimpol où ils ont résidé, pratiquant des amis que
nous ne connaîtrons que bien plus tard, quand nous y dénicherons
Getaway …
Nous constatons encore une fois que le monde n'est pas si
grand. Même
quand on élargit un peu le sentier "navigable" qui tourne
autour.
Écoutant respectueusement ces grands anciens, on trouve aussi des
petits jeunes…
Marielle et Patrice ont appris petit à petit dans le lagon de Mayotte à quoi
ressemblait un bateau. D'abord un petit cata pour les week -end, et puis l'appel
du large: un croiseur en acier à retaper sérieusement, qu'ils
ont baptisé "Ylang". Ils l’ont préparé pour
prendre de longues vacances et rejoindre à la voile un autre lieu de
travail.
Leurs deux enfants Liane et Lucie vont découvrir l'école au
CNED alors qu'eux même apprécieront les "satisfactions" particulières
des enseignants naviguants…
Plus tard, nous les retrouverons sur notre route, quand nous quitterons
cette région de l'océan Indien.
A la découverte de la grande terre
Back Home…
Chaque fois que nous revenons dans la baie de Nosy Be depuis Mayotte,
nous avons un peu l'impression de rentrer à la maison.
C'est le premier endroit visité, où l'équipage de
Getaway s'est
sérieusement et unanimement posé la question de s'arrêter
pour s'installer.
Les gens, les paysages… Surtout les gens… Et puis les conditions
de navigation et aussi de mouillages pour vivre à bord… Les courses,
le marché, l'ambiance d'Helville… Tout ça nous plait beaucoup.
Depuis deux ans, l'attrait de cet endroit allié à la modestie
de nos ambitions de navigation ne nous a guère amenés à fréquenter
les eaux malgaches très loin de Nosy Be. Nous avons beaucoup parcouru
la baie elle même, mais notre excursion
annuelle jusqu'à Antsohihi a marqué deux fois la limite sud
de notre audace de marins explorateurs.
Pourtant… Parfois la tentation de savoir ce qui se passe au delà des
palmiers de la plage se fait forte, mais c'est bien difficile car pour
le découvrir il faudrait se secouer et débarquer un peu.
C'est
ainsi qu'un beau jour nous prenons une grande décision: pour
explorer Madagascar plus loin vers le sud, nous emprunterons la voie terrestre.
Pour ce faire, nous avons accepté de prendre le risque d'abandonner
le bateau à la garde d'une sorte de chantier naval de la baie du cratère,
près de Helville, sur un mouillage réputé entretenu et
très surveillé. Ce n’est quand même que pour deux
semaines… Mais c'est peu dire que nous avons ressenti une crispation
de l'abdomen quand nous avons tourné le coin de la route dans notre
taxi… Nos copains de Tchokdi avaient laissé une fois leur catamaran
sur le chantier juste à côté, surveillé par une
société spécialisée.
Six mois quand même… A leur retour le bateau était tout
vide. La légende dit que ce sont les employés de la société de
surveillance qui se sont chargés de la besogne…
Mais enfin, arrêtons là le suspens, nous nous sommes organisés
et avons bénéficié d'une excursion à terre tout à fait
intéressante, sans que Getaway ait eu à en souffrir un poil… Tout était
intact à notre retour.
Voyage ou aventure?
Madagascar, "la grande terre" comme on dit ici: 587 OOO kilomètres
carrés, plus de 1500 kilomètres du nord au sud à vol
d'oiseau, très peu d'infrastructures et de routes, beaucoup de montagnes
et hauts plateaux.
Comme ils disent dans le guide Lonely Planet: cette île reste une destination "aventureuse"…
Alors
comment s'y prend on pour la visiter?
La réponse à la première question qui se pose, devant
ce réseau routier squelettique va être fort importante pour la
suite: "de quel moyen de transport ai-je envie"?
- Bien sur, il y a l'avion. Mais pour admirer le paysage, c'est moyen…
- Il y a aussi le taxi brousse. C'est le nom qu'on donne ici au bus local.
C'est quelquefois un autocar (un vrai), plus souvent un minibus et parfois
même un camion bâché… De Morondava, on ne peut s'approcher
de Tuléar, qui est un port important de la côte ouest, qu'en
saison sèche trimballé par une sorte de camion 6x6. Dans tous
les cas, c'est un véhicule surchargé au delà du raisonnable
occidental…
- On peut marcher aussi. Quelques régions sont totalement dépourvues
de routes et imposent la marche à pied sur de très longues distances.
Certains malgaches doivent toujours compter plusieurs jours de marche pour
rejoindre l'agglomération ou la route la plus proche.
- Enfin il y a les prestataires de services qui vous louent à la journée
un 4x4 confortable, muni de son chauffeur, pour parcourir des itinéraires
praticables en saison sèche!
Avec l'excuse d'offrir un séjour confortable à deux de nos
enfants qui nous rejoignent pour cette excursion terrestre, nous optons sans
remord pour le confort de la troisième solution. (A deux nous aurions
sans doute choisi le même confort, mais on aurait alors eu plus de remords… M'enfin
comme dit le philosophe: il vaut mieux avoir des remords que des regrets…)
Et puis nous savons maintenant que même en 4x4, on peut mettre six heures
pour parcourir cent kilomètres de route "nationale"… C'est
toujours un peu l'aventure…
Quelques tâtonnements et échanges de messages sur Internet nous
permettront de conclure avec une agence spécialisée: "Ilay
tour". Nous disposerons d'un 4x4 tout neuf et de son chauffeur, pour
un voyage d'une dizaine de jours sur l'itinéraire Tananarive, Antsirabe,
Miandrivazo, Morondava, Belo sur tsiribihina, Bélopaka, parc national
des Tsingy de Bemaraha et retour. Au programme: une courte visite de la capitale,
la traversée des hauts plateaux centraux, du domaine des baobabs, et
la visite du mythique parc national des Tsingy…
Une première étape plutôt civilisée…
De Nosy Be,
nous rejoignons Tananarive par avion. Dès l'atterrissage nous retrouvons
nos enfants qui nous attendent à l'aéroport avec voiture et
chauffeur. Ils sont arrivés ce matin de Paris et ont déjà pu
jeter un œil sur la capitale malgache. Nous même n'arrivons qu'en
début de soirée et aurons juste le temps d'une nuit récupératrice
dans la maison d'hôtes de notre agence, avant de repartir pour notre
périple automobile.
Mais déjà ce soir, à l'aéroport, nous avons le
plaisir de découvrir notre superbe véhicule quasiment neuf (ce
petit détail aura de l'importance plus tard) et de faire connaissance
avec son chauffeur malgache: Solofo, un Merina des haut plateaux (prononcer
Slouf et Mern), d'une trentaine d'années.
Tôt le lendemain matin, nous nous élançons pour notre
première étape vers Miandrivazo, à quelques 430 kilomètres à l'ouest.
La visite de Tananarive sera pour le retour.
Profitant d'un arrêt-déjeuner à Antsirabe, une ancienne
station thermale du temps de la colonie, nous y ferons quelques provisions
de bouche et un stock important d'eau minérale. Nous avons été prévenus
par notre chauffeur: demain on sera en brousse et on ne trouvera plus rien à acheter...
Cela se révèlera d'ailleurs un peu excessif… Mais
enfin comme on dit dans la marine: « trop fort n’a jamais
manqué! »
En fin d'après midi, vers dix huit heures, nous arrivons à destination.
La route était très bonne, même évaluée
au standard européen. L'étape a donc été rapide
et peu fatigante. Si c'est ça l'aventure!!!
L'hôtel qu'on nous a conseillé à Miandrivazo, situé un
peu à l'écart de la ville, comporte une demi douzaine de bungalows
assez rustiques mais plutôt bien tenus. Son restau est installé sur
une terrasse sommaire, sous la forme de trois tables et quelques chaises de
jardin en plastique qui y sont égaillées. Il permet de profiter
d'une jolie vue sur la vaste vallée de la Tsiribina mais l'ambiance
y est un peu "tristounette". Ce soir nous sommes une petite
dizaine de convives.
Miandrivazo est une ville provinciale malgache traditionnelle
qui ressemble
peu à l'idée qu'on se fait d'un carrefour touristique. Pourtant
c'est une étape presque obligée sur la route des touristes vers
la côte ouest.
C'est aussi le point de départ d'un parcours en pirogue jusqu'à "Belo
sur Tsiribihina", loin en aval sur la rivière du même nom.
(Nous n'avons pas retenu cette option, mais c'est sans doute une erreur.
Nous croiserons plus tard des voyageurs enchantés de ces deux jours
de descente fluviale, avec bivouac au milieu.
Souvenirs, souvenirs… Les routes non plus, ne sont plus ce qu'elles étaient…
A
huit heures trente le lendemain, nous reprenons la route, pour une étape
de 280 kilomètres.
La route? Quelle route? Oui, sur quelques kilomètres
après la sortie de la ville… Mais très vite la "voie
carrossable" va se révéler trop défoncée
pour mériter ce nom… Pire qu'une piste: De minuscules plaques
de goudron, flottent sur un océan de trous énormes, rêvant
sans doute d'un passé plus glorieux …
La minute d'agro-philosophie
Plus tard sur le chemin du retour, on retrouvera avant Miandrivazo la
route destroy et le temps d'admirer encore ces paysages de montagnes
rouges, pelées et sèches à perte de vue, les villages
pauvres, les joyeux "salut vazaha" des enfants, les zébus
tirant leurs charrettes, les maisons de terre rouge…
Déjà vu? Oui mais moins de surprise permet un peu plus
de réflexion: Qu'ont donc fait ces gens pour mériter de
vivre dans ces conditions? Que mangent ils?
Plus rien ne pousse sur cette latérite stérile… pas
de riz et c'est la famine. Et pas d'eau pour faire pousser le riz…
Alors ils pratiquent la seule méthode de culture qui leur paraît
possible: Faire brûler la végétation sur les zones
encore intactes qui ont conservé leur fine couche de terre arable,
retenue par les racines de l'herbe et des arbustes. Sur ces brûlis,
on peut planter du riz sec… L'an prochain le ruissellement des
pluies emportera la terre arable et il faudra encore se déplacer.
A nouveau brûler pour planter…. Et donc stériliser
encore.
Et les arbres, la forêt, où sont ils passés? Beaucoup
a été transformé en charbon de bois.
Mais comment? diront les ardents défenseurs de la nature qui se
chauffent au gaz ou à l'énergie nucléaire, ils saccagent
leurs forêts?
Eh oui, ici toute la population cuisine au feu de bois. Le gaz ou le
fuel sont beaucoup trop chers pour l'inciter à changer de mode
de vie!
Une famille vit avec 25 euros par mois, élevant quelques volailles,
plantant un peu de riz, de manioc et de brèdes (sorte d'épinards).
Si elle a la chance d'habiter au bord de la mer ou d'une rivière,
elle peut y ajouter quelques minuscules poissons ou crevettes qu'on capture,
de l'eau jusqu'au épaules et de la vase jusqu'aux genoux, à l'aide
de filets en mousseline, genre moustiquaires…
Partout où l'eau peut être retenue, dans les plaines et
les dépressions des haut plateaux, la riziculture fournit un produit
de bonne qualité. Tellement bonne que ce riz est presque totalement
exporté, pour en importer du très ordinaire destiné à la
consommation locale!
|
Et quand je dis trous énormes: à leur
passage certains engloutissent la voiture jusque bien au dessus des
roues… Une
réelle épreuve pour le véhicule et ses passagers…
Nous croisons parfois en chemin quelques taxis brousse qui desservent
la région: La plupart sont des camions bâchés, emplis au
delà du ras bord. Tout le monde assis dos à la route, couvert
de poussière rouge… Et la chaleur!!
Vécue dans nos confortables
fauteuils climatisés, chacune de ces rencontres nous confirmera l'excellence
de notre choix de confort. Ce n'est plus de notre âge…
Vers midi, un arrêt pique-nique au bord de la route, à l'ombre
de l'unique "cactus" visible sur tout l'horizon, nous permet de
découvrir les provisions achetées la veille: saucisson de zébu,
fromage local de zébu aussi, concombre, tomates… Trrrrrès
bon tout çà… Vraiment!
Cet arrêt est bienvenu car le voyage est assez lent et long ( cinq heures
pour parcourir 110 kilomètres)…
Heureusement, les paysages sont
magnifiques… Les montagnes tout autour sont pelées, rouges… Un
relief de hauts plateaux vallonnés, creusé de ravines par les
pluies saisonnières. Chaque dépression qui peut retenir l'eau
abrite une rizière.
Peu d'arbres, quelques buissons et de la latérite… De la
latérite… Partout… C'est
joli, mais on sent bien que ce n'est pas l'idéal pour les cultures
vivrières...
A cette latitude, on imaginait le pays couvert de forêts tropicales
humides…Grave erreur: le déboisement gagne du terrain, les
pluies saisonnières emmènent la terre arable, la latérite
nue ne laisse plus rien pousser et la pauvreté se répand.
Passé Miandrivazo, la population ne paraît pas très
nombreuse et les villages sont rares. La "route" par ici est
surtout le domaine des charrettes à zébu et des marcheurs… On
croise peu de voitures. Presque uniquement des camions (gros) et des taxis
brousses… A
la vitesse à laquelle on roule, les enfants ont largement le temps
de nous crier leurs "salut vahaza" en poursuivant la voiture… Bonjour!!!
Nous y répondons par des saluts discrets (façon Stef
de Monac...) Ils éclatent de plaisir!
Les maisons en briques crues de terre rouge et bambou se fondent dans
le décor avec beaucoup d'allure. Ces constructions, qui paraissent
assez sophistiquées, ne sont jamais équipées de cheminées.
Les traces de fumée visibles le long des façades témoignent
que ce sont les fenêtres qui jouent ce rôle… Pourquoi?
La raison que nous a donnée Solofo: Le feu est installé au
milieu de la maison, pour chauffer les habitants et éloigner les
moustiques…
Parce qu'on a oublié de vous dire qu'il fait froid sur les hauts
plateaux. Le soir nos "polaires" sont les bienvenues, que l'on
a retirées
des placards et d ébarrassées
des boules antimites.
Retour sur la riviera.
La tombée de la nuit
nous laisse juste deviner la ville, quand nous arrivons à Morondava
en bénissant le confort
de notre véhicule… Sur ce parcours, la route s'est parfois un
peu améliorée mais jamais bien longtemps, et ces dix heures
pour moins de 300 kilomètres nous laissent fatigués, même
si encore opérationnels…
Morondava a déjà plus le look station balnéaire et touristique.
Architecture "tôle et tradition", rues pavées de sable,
mais "grand" choix d'hôtels et de restaurants. C'est aussi
un centre fréquenté par les amateurs de "pêche au
gros".
Nous réglerons rapidement la question de la nuit par le choix hâtif
du premier hôtel venu - assez moyen, mais les pieds dans l'eau - pour
nous concentrer sur un bon dîner dans un restaurant chic. Ce sera dans
un établissement très actif dans la "pêche au gros".
Nous y assisterons, dans un décor "westerno-malgachisé",
au retour de mer des sportifs et à l'exposition de leurs prises… Une
sorte de défilé de mode pour présenter les poissons
préalablement parés par les accompagnateurs locaux.
Mitraillage
photographique par les épouses admiratives qui attendaient au bout
du comptoir, telles des paimpolaises moyennes, le retour de leurs marins… (Eh
non patate! Ici elles ne peuvent pas attendre sur la falaise!. Y en
a pas!!!).
Mais enfin, pêché "sportivement" ou pas, le poisson
grillé qu'on nous a servi ce soir là était excellent.
Du haut de ces baobabs, plusieurs siècles vous contemplent…
Jean de La Fontaine était il malgache?
Une légende malgache raconte l'origine de ces grands baobabs à branches
courtes.
Au début des temps, ils étaient les plus hauts végétaux
de la création et étendaient majestueusement sur la terre
l'ombre gigantesque de leurs longues branches.
Et ils se pavanaient… Et
ils se vantaient d'être tellement si grands… tellement si
beaux … Leurs voisins excédés par autant de forfanterie
finirent par se plaindre au créateur. Celui ci, venu se rendre
compte sur place, trouva qu'effectivement les baobabs la ramenaient un
peu trop à propos de leur belle allure. S'ils continuaient ainsi,
ils finiraient par lui faire de l'ombre à lui aussi… Il
décida donc de les arracher et de les replanter la tête
en bas. C'est pourquoi ils ont maintenant des racines très longues
et des branches aussi ridiculement courtes …
|
Quelques kilomètres après Morondava nous découvrons
l'allée des baobabs, un peu comme on découvre les pyramides
en Egypte…
On avait déjà beaucoup lu sur l'allée des baobabs et
on en avait vu plein de photos. C'est une attraction touristique très
exploitée dans les brochures spécialisées, très "cartepostalisée"… On
s'attendait donc à un site de conservation, équipé de
quelques baobabs plantés là pour la cause, (avec guérite à l'entrée,
pourquoi pas? )
Eh bien pas du tout! Les environs de Morondava sont vraiment une terre
aimée des baobabs géants… Il y en a partout, qui pointent
leur haute silhouette dans le paysage, à perte de vue… Comme
des clochers en Finistère… Plus nombreux quand même… Alors
déjà, avant d'arriver à cette allée, nous étions
préparés.
Mais il y a quand même THE "allée des baobabs"... Ce
ne sont pourtant que quelques centaines de mètres de piste qui se faufilent
entre les arbres simplement plus nombreux à cet endroit. Ça
fait un peu comme des cèdres le long d'une allée de manoir breton… Mais
tellement plus grands et majestueux… Comme il n'y a pas de manoir au
bout de l'allée on se demande si les arbres ont été plantés
là pour border la piste, ou bien si c'est la piste qui s'est simplement
faufilée à travers cette foison de grands troncs?
Quelques jeunes pas encore très hauts mais surtout des adultes - quelques
siècles - immenses, cylindriques, en forme de bouteille. Tous arborent
des branches ridiculement petites et courtes, sur des troncs gigantesques.
Pourquoi nous impressionnent ils autant? Il y a de la magie la dedans et
on est tous fascinés, par leur majesté… leur ancienneté… leur
rareté… (en dehors d'ici et un peu en Afrique). Et puis, pourquoi
poussent ils ici et ne s'acclimatent ils pas ailleurs?
Mystère total.
On en reste baba et on ne sait toujours pas pourquoi.
Enfin, de la vraie piste…
Après Morondava, il n'y a plus de souvenirs
de goudron comme on en a connus hier. Ce sont 200 kilomètres de vraie
piste de latérite qui nous amèneront jusqu'à Bekopaka,
la porte d'entrée du parc de Tsingys.
La piste de latérite ne se pratique qu'en saison sèche. Pendant
celle des pluies, ça devient un bourbier où tout s'enfonce.
Certaines ornières laissées par ces batailles contre l'enlisement
sont si profondes que les véhicules y disparaissent totalement… Mais à cette
saison ci, même en tôle ondulée,c'est beaucoup plus rapide
et confortable que le "souvenir de route" que nous avons parcouru
après Miandrivazo…
De Morondava à Bekopaka nous rencontrerons deux rivières dont
la traversée se fait à l'aide de bacs. On attend avec quelque
impatience de voir à quoi ressemblent ces équipements… .
Avec quand même ses relais gastronomiques…
On devra pourtant patienter
un peu. Le temps d'une pause déjeuner à Belo sur Tsiribihina
où nous découvrirons un restaurant tout à fait remarquable
et inattendu: Le "Mad Zébu"
Cet établissement propose une carte genre "grande gastronomie" de
chez nous. Le produit de sa cuisine "malgacho-francaise" est servi
dans un style très "nouvelle cuisine": Grandes assiettes
présentant, artistiquement disposés, des plats succulents et
colorés. Bouquet de gambas grillées sur son lit de petits légumes
croquants, filet de zébu onctueux et ses frites maison, tilapia (poisson)grillé,
sa sauce hollandaise et son riz parfumé…
Surprenant! Et surtout vraiment super bon. A ne pas rater…
On peut vraiment
manger très bien sur les itinéraires touristiques malgaches!
Et voilà, on dira encore que quand les français voyagent et
se rencontrent, on ne les entend parler que de bouffe… C'est ma foi
souvent vrai!
Ses circuits aventures
Toute proche de Belo, la Tsiribihina est la première
rivière que nous devons traverser.
Sitôt le déjeuner terminé,
on se hâte vers l'embarcadère du bac pour découvrir
l'engin… Deux coques semi cylindriques en acier, longues d'une dizaine de mètres,
propulsées chacune par un gros mono cylindre diesel chinois. Elles
sont solidarisées par quelques madriers qui y sont ficelés et
constituent ainsi une sorte de pont de catamaran, à claire voie.
Rustique, vraiment…
Mais le plus impressionnant, c'est l'embarcadère, qui brille par
son absence…
La piste descend le talus de la rive jusqu'au bord de l'eau. Le "bac" vient
s'amarrer juste devant, son pont surplombant la surface de l'eau d'un bon
mètre cinquante. Pour permettre aux véhicules d'embarquer, on
sort de l'eau l'extrémité de deux planches qu'on pose sur le
bord du bac. Chacune a la largeur d'un pneu. On obtient ainsi une voie inclinée
- à près de 40° - qui permet d'embarquer.
Nous même le ferons à pied mais l'épreuve sera surtout
pour Solofo qui devra y faire passer la voiture… Il nous a avoué n'avoir
jamais fait ce trajet auparavant. Alors quand il découvre la tronche
du bac et de ses "passerelles" étroites et bancales… On
le sent tendu. C'est un examen de passage… Et c'est aussi un beau 4x4… Il
va lui falloir viser juste pour éviter de tomber à l'eau…
Bon… Trêve de suspense: On a traversé la grande rivière
marron sans encombre et on n'a pas coulé. Il y avait quand même
5 voitures embarquées sur notre galère…
De l'autre côté de la rivière, l'état de la piste
se dégrade. Des crevasses, des ornières… Beaucoup de tronçons
sont impraticables et les voitures ont ouvert des voies de contournement.
Sur quelques ruisseaux à sec des ponts ont été construits,
mais les crevasses qui se sont creusées à chaque extrémité en
interdisent l'accès.
Là aussi, la piste trace des voies de contournement, en traversant
directement le lit du cours d'eau.
Et ses aires de repos et de réparation…
C'est au fond d'une telle
dépression que nous rencontrerons un obstacle gênant: en remontant
du fond de la "déviation" qui traversait un ruisseau en aval
d'un pont, un camion-taxi brousse à cassé son arbre de transmission.
Les voyageurs sont égaillés alentour, à l'abri des rares
points d'ombre, et les chauffeurs sont couchés sous le véhicule,
affairés à sa réparation. Renseignements pris, il semble
qu'ils disposent d'un arbre de rechange! Alors, pas de problème, c'est
juste un contretemps; il suffit de réparer…
En attendant, comme nous ne pouvons passer ni par la déviation, ni
par le pont qu'elle évite, nous allons ouvrir notre propre voie, en
amont de l'ouvrage… Et voilà… C'est impressionnant, mais ça
passe et c'est vite fait…
C'est dans ce genre d'endroit qu'on comprend que des 4x4 peuvent être
utiles… Pas simplement pour faire genre…
Ici, après le 1er Bac il faut encore passer le second; comme quand
on était jeunes…
A la tombée de la nuit nous arrivons au
bord de la rivière Manambolo. Sur la rive opposée on distingue
le village de Bekopaka, notre destination.
La rivière est moins large et les berges moins abruptes que la Tsinribihina,
mais le bac qui permet de traverser est encore plus "roots" que
le premier et sa passerelle plus pentue. Au crépuscule, c'est vraiment
très intéressant…
On sent Solofo à nouveau tendu. Fragile ce garçon?… Non?... Ça
doit être le complexe du bizuth…
D'ailleurs ça passe encore
une fois sans encombre, même si dans un bruit d'enfer de moteur pétaradant.
Encore quelques minutes de secouage sur piste, après le débarquement
du 4x4 - encore plus scabreux que l'embarquement - et nous pourrons nous installer
dans deux bungalows du relais Tanan Koay. C'est un hôtel de cinq ou
six bungalows tenu par Elisa et Tony, un couple franco malgache tonique et
sympathique, où nous sommes agréablement soulagés de
trouver encore de la place. Les hôtels ne sont pas si nombreux par ici…
On
y passera deux nuits.
Nous sommes enfin dans le parc mythique des Tsingy.
A ce propos, ça se prononce "tsing". Comme la plupart des
mots en Malgache: on ne prononce pas la dernière voyelle, de la même
façon on dit Morondav, et Tsiribin.
Pour comprendre ce que sont les Tsingy, il faut remonter très loin
dans le temps: Il y a quelques 160 millions d'années la grande île
s'est séparée de la plaque africaine. La partie ouest de Madagascar,
longtemps restée immergée sous la mer, supporta alors un important
développement corallien et la sédimentation d'une énorme
quantité de coquilles d'animaux marins. Une épaisse plaque basaltique
s'est ainsi formée, qu'un nouveau glissement tectonique a un jour soulevée
et remontée au dessus du niveau de la mer. Depuis sa mise à l'air,
cette plaque a dû subir l'érosion causée par les vents
et l'acidité des pluies, les contraintes causées par les changements
de température,… et cette dure existence des reliefs "karstiques" dans
l'atmosphère terrestre lui a sculpté les rides et les crevasses
qu'on ne se lasse pas d'admirer aujourd'hui.
La surface, relativement plate, est infiniment striée d'innombrables
arêtes très pointues et tranchantes, telles qu'on ne peut pas
marcher dessus. Comme des planches de fakir minérales. Des crevasses,
profondes de plusieurs dizaines de mètres, entaillent la roche en tous
sens en un vaste réseau, et forment un labyrinthe au fond duquel on
peut cheminer.
Sur les parois des crevasses, on distingue quantité d'empreintes
fossiles de coquillages mélangées aux lichens.
Ces cathédrales
de pierre laissent passer l'eau de pluie qui dissout le calcaire et le fait
goutter pour former stalactites et stalagmites dans
les grottes souterraines.
Tout ça a des allures de glacier minéral…
Ce site protégé depuis 1927 est inscrit à l'inventaire
du patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1990. Il a même été classé réserve
naturelle intégrale réservée aux chercheurs jusqu'en
1997. Depuis, l'état malgache en a ouvert une partie aux visiteurs.
(72000 hectares sur les 150 000 de la zone), aménageant des circuits
qui permettent de pénétrer cet univers étrange et hostile
où l'accompagnement d'un guide reste complètement nécessaire,
ne serait ce que pour ne pas se perdre dans ce labyrinthe de couloirs, grottes,
passages serrés…
La billetterie du parc est installée à la limite du village,
au bord de la rivière.
En y arrivant, dans la matinée, nous
pouvons observer le spectacle de la vie quotidienne sur la rive. Des groupes
de femmes font la lessive, des enfants aux habits de couleurs vives sont chargés
de la vaisselle. Ça bosse tout petit ici, chacun lave son linge dès
six ans et aide aux travaux familiaux.
Plongée dans un océan solide, ou escalade alpine?
Pour notre
part, ce premier jour, nous nous "attaquons" à la visite
des petites tsingy; histoire de nous mettre en jambe. Accessibles à pied
depuis Bekopaka, ce site est constitué de crevasses pas trop profondes,
abrite une couverture végétale importante et se parcourt en
un couple d'heures de marche pas trop sportive. Pourtant l'impression est
déjà assez forte. On n'imagine pas bien que de tels endroits
existent…
Déjà là, on comprend que sans guide il faudrait un sacré paquet
de miettes de pain pour pouvoir retrouver son chemin (vers la boulangerie)!!!
Pour accéder aux Grandes tsingy il faut reprendre le 4X4, sur une
piste difficile de 17 kilomètres vers le nord.
La description de cette
excursion dans les guides nous affolait un peu. Nous ne sommes plus trop des
sportifs aguerris et les commentaires sur le parcours de la piste d'accès évoquent
déjà des efforts d'endurance... Ensuite, le circuit proprement
dit, devrait durer 6 heures d'évolutions "vertigineuses"…
Nous
partons donc un peu circonspects… Mais comme notre guide est encourageant
et n'est lui même chaussé que de tongues… D'abord,
la piste se révèle n'être pas plus difficile
que les pires tronçons de celle qui nous a amenés jusqu'ici.
Ouf! Ensuite, depuis le parking, l'approche en pente douce dans la savane
donne accès à un circuit minéral très bien aménagé.
Equipés chacun d'un baudrier d'escalade, nous nous aventurons bravement
dans le labyrinthe. Les couloirs s'enchaînent, étroits et tortueux.
Les sections plates alternent avec de petites grimpettes et des escalades
de paroi. On est priés de s'assurer systématiquement à des
câbles d'acier qui servent aussi de main courante. On s'aplatit parfois
pour entrer dans des grottes et admirer les concrétions. Il fait bon
dans les profondeurs de ces murs calcaires. Le rythme de la marche est tranquille… Bref
ce n'est pas l'enfer redouté.
Le soleil filtre de là haut et éclaire des arbres coriaces qui
ont pris racine là, au milieu des rocs. Ils ont grimpé souvent
une bonne vingtaine de mètres pour atteindre la surface. De nombreuses
plantes grasses poussent sur les parois verticales. Mais dans quelle terre?
Où trouvent elles de quoi s'alimenter?
A force de grimper, on se retrouve sur le toit… Normal... Et là, ça
se corse pour ceux qui sont sujets au vertige: le dernier tronçon du
parcours, qui donne accès à l'ultime plateforme, emprunte une
passerelle suspendue au dessus d'une crevasse plus large, genre pont de lianes
des films de tarzan (même si en câbles d'acier). Vertigineux… Et
il faut y aller car on ne peut pas revenir sur ses pas!!!
Ouf tout le monde
est passé et le spectacle valait l'effort: la surface
calcaire, telle une mer grise, hérissée à perte de vue
d'un clapot figé… C'est étrange et très beau…
En
fait, ce parcours est plus une escalade "facile" qu'une marche,
et le circuit "andamozavaki" réputé difficile ne nous
aura pris que trois heures. Nous sommes certes fatigués mais pas extenués… Peut être
y en a t-il un plus dur, de six heures? En tous cas, on ne nous l'a pas proposé.
Ce matin, comme nous avons un chauffeur matinal, nous avons démarré tôt
(huit heures) et eu la chance d'arriver les premiers sur place. Vers dix heures,
les animaux n'ont encore été dérangés par personne
et ne sont pas cachés: nous verrons donc plein de makis s'affairer
dans les arbres suivis par leur longue queue rayée blanc et noir, brun,
blanc…Ces lémuriens (antérieurs aux singes dans l'évolution
des espèces) sont présents dans toute l'île où ils
semblent avoir survécu grâce à l'absence de singes. Ces
derniers les ont en effet éliminés presque partout ailleurs
dans le monde.
Le chemin du retour.
Notre retour vers Tananarive empruntera le même itinéraire que
l'aller. C'est un peu la faiblesse de notre formule. Mais une bonne partie
du trajet mérite vraiment cette double vision.
Sur le chemin vers Morondava, les bacs nous impressionnent déjà moins
et Solofo montre maintenant le calme des vieux routiers.
Nous repassons par l'allée des baobabs vers 17 heures. L'ambiance y
est très différente de celle, matinale, de l'aller.
A l'heure
du coucher du soleil, c'est le grand spectacle en technicolor, comme dans
les films de la MGM: ciel rose, orange, rouge, baobabs encore plus majestueux
avec leurs ombres magnifiques. C'est la séquence "émotion-pose-photos-sous-les-baobabs-au-
soleil -couchant". On est venus pour ça n'est ce pas? Et on n'est
pas les seuls.
Le matin c'était désert, mais au crépuscule, ça
se bouscule un peu. Des enfants nous vendent des fruits de baobabs, la
taille d'un gros poing , marrons, oblongs. Il paraît que dans certaines
conditions, on peut les manger.
Mieux vaut être riche et bien portant que…
A un détour de la piste, nous buttons sur notre premier embouteillage!!!
Deux 4X4 sont coincés devant nous et bloquent le passage.
Kezako?
C'est un groupe de touristes franco-belges qui a descendu la Tsiribihina
en pirogues depuis Miandrivazo. Ils ont loué deux 4X4 à Bélo,
dont l'un vient de tomber en panne d'essence! Le carburant est cher par ici
et les chauffeurs en mettent le minimum quand c'est eux qui payent (Nous même
ne risquons rien, c'est NOUS qui payons les pleins!!)
On papote sur le bord de la route pendant que les hommes se concertent
et cherchent une solution… Ça se termine par le transvasement
d'une vingtaine de litres de gasoil de notre réservoir dans le leur…
En
discutant avec les touristes en panne, on apprend que tous les 4X4 ne
sont pas égaux; que le leur est âgé de 20 ans et leur
secoue passablement les puces et le dos. D'autant qu'à six par voiture,
ils ont un peu chargé la mule…
Nous ne connaissions pas notre
bonheur… Maintenant
si!
Antsirabe
Tananarive se rapproche et on n'a guère envie de s'y précipiter.
On décide donc de reculer l'échéance en passant une nuit
dans cette station thermale coloniale.
Ici aussi, comme à Hellville, c'est un peu un fantôme du passé qui
resurgit. En moins décati tout de même. Les établissement
de bain (désaffectés) côtoient un grand hôtel où flotte
encore le souvenir des curistes. Une vieille gare aux allures européennes
veille sur une voie ferrée dont on n'a pas bien su s'il y passait encore
des trains.
Antsirabe est connue pour sa flottille de pousse-pousse. Ces
véhicules
ont été introduits, il y a longtemps, par les chinois venus
construire le chemin de fer. Ils pullulent en ville, très actifs, transportant
fret et passagers. Ca dérange un peu certains vazahas qui les perçoivent
comme un témoin de l'exploitation humaine et coloniale. Désagréable!
Nous même n'avons pas voulu y goûter et c'est à pied que
nous sommes retournés manger au restaurant "l'Arche", qu'on
avait expérimenté à l'aller.
Il semble que ce soit un point de rencontre important pour les touristes
de passage, mais comme ils ne sont pas nombreux… On y aura la surprise
d'une soirée musicale genre traditionnel-jazzy, animée par un
orchestre autochtone de très bon niveau… La musique était
accompagnée de rhum arrangé appelé "punch
poubelle", dont le chef n'a pas voulu nous dire tout ce qu'il y avait
jeté…
Tananarive
Après l'effort, le réconfort: Pour le dernier soir on a réussi à réserver
des chambres au Sakamanga (le chat bleu).
C'est un hôtel très coté chez les vahazas, où se
croisent tout ce que la région compte de baroudeurs brevetés:
ONG, journalistes et tour opérators… Bref ceux qui savent, osent
et en arborent ostensiblement et bruyamment les attributs...
Quand même, l'ambiance de l'hôtel est très sympathique:
Des bâtiments tarabiscotés parcourus de couloirs tortueux, décorés
tendance musée, avec un goût certain; de charmantes petites cours
intérieures, des chambres aux planchers foncés agréables,
un restaurant réputé pour le dîner…
On était donc dans un endroit "hip" pour une fois. Comme
on ne crache pas sur une bonne bouffe, on a sacrifié aux spécialités
du coin: magrets et foie gras de canard, crevettes sautées à l'ail…
Une rapide visite de la ville ne nous laissera pas un souvenir impérissable.
On flânera dans les rues, sans but véritable. Il est étonnant
de voir comme le charme qui opère si bien sur nous à Hellville,
pourtant nettement plus destroy, ne fonctionne pas du tout ici. Comme dans
toute grande ville, il faut sans doute y rester plus longtemps, connaître,
s'y créer des points de repère et quelques habitudes?
Parfums de France…
Quand même, au cours de notre promenade, nous ferons deux
rencontres étonnantes:
- Dans une rue aussi décatie que les autres, sans rien qui puisse
l'annoncer, on croise un magasin Hédiard. Entouré de boutiques
pas très
reluisantes, il arbore en vitrine les mêmes articles d'épicerie
gourmande que celui de la place de la Madeleine à Paris.
- Un peu
plus tard, alors que nous longeons la rive du lac qui se trouve au
cœur
de la ville, nous sommes abordés par un monsieur très digne.
Costard, chapeau… Il se présente comme un journaliste de
la Télé locale.
On bavarde un peu. En découvrant notre histoire de "voyageurs
marins", il en vient à souhaiter venir nous interviewer sur le
bateau à Nosy Be!!! Notre interview ici ne serait sans doute pas suffisamment
exotique et convaincante… A suivre…
Pour l'heure il nous invite à boire
un coup au "cercle français" qui se trouve à proximité.
Un hall immense, chichement décoré, un comptoir de bar, quelques
tables et chaises éparpillées et pas grand monde. Une ambiance
de colonie oubliée.
On se fait servir des bières puis on continue à causer et à faire
des projets…
Il aimerait bien revenir en France cet homme, où il a fait ses études "quelques" années
auparavant. En fait le bon moyen lui paraît être que nous créions
avec lui une ONG franco-malgache. Peu en importe l'objet, pourvu qu'il soit
humanitaire… Cela permettrait de récolter quelques menues subventions
qui pourraient financer sans trop d'efforts des voyages entre la métropole
et Mada!!!
Décidément notre homme aimerait bien voyager!
Une petite heure plus tard, nous nous quittons sur ces perspectives au long
cours, en nous promettant de nous revoir s'il vient à passer par Nosy
Be, et après avoir nous même payé les bières évidemment…
C'est ainsi que se terminera notre exploration terrestre de la grande terre
et que nous reviendrons très satisfaits à Nosy Be. Nous y retrouverons
notre bateau qui n'a pas été pillé et reprendrons le
tour des mouillages de la baie. Mais ça, on l'a déjà raconté…
Rester ici ou aller voir ailleurs?
Depuis deux
ans, nous nous sommes pris au charme de cette île et nous envisageons
régulièrement de nous y installer. Les projets succèdent
aux projets, sans pourtant qu'aucun puisse être définitivement
adopté.
Car tout cela est très séduisant, mais il y a un mais…
Quelques
problèmes empoisonnants, auxquels nous n'avons pas trouvé de
solution enthousiasmante, limitent la qualité de cette vie maritime
malgache qu'on pourrait envisager.
Le premier fait suite à un changement d'objectif dans l'organisation
de notre vie de voyageurs: Nous aimerions dorénavant passer plus de
temps en France, pour regarder un peu mieux pousser nos petits enfants. Évidemment,
tropicalisés par onze ans de basses latitudes, nous ne pouvons l'envisager
que l'été. L'été européen, bien sur… Alors
que c'est justement la période agréable pour naviguer par
ici. Pendant l'hiver français, quand nous souhaiterions être
près
du soleil, c'est ici la saison des pluies et des cyclones. Pas vraiment
le bon moment pour batifoler en bateau. Oh, on peut quand même imaginer
une navigation autour de Nosy Be à cette époque de l'année – il
y a suffisamment de bons abris contre les cyclones qui ne sont pas encore
surpeuplés (comme dans les Caraïbes) – mais enfin, passer
son temps enfermé dans le bateau par une chaleur suffocante, pour
se protéger de la pluie quasi quotidienne, et des moustiques porteurs
de malaria, n'est pas vraiment une perspective séduisante.
Le second problème, c'est que nous n'avons pas trouvé ici de
moyen simple pour abandonner le bateau en sécurité. Ne serait
ce que quelques jours pour faire autre chose que naviguer. Il n'y a pas
d'endroit ni d'organisation sûrs qui permette d'offrir à Getaway
un abri contre le mauvais temps et les voleurs (le chantier à qui nous
avions confié le bateau pendant notre expédition à terre
a fermé depuis… Et
ce n'était pas une solution en saison cyclonique…).
Contre le mauvais temps, il y a bien quelques abris possibles, mais ils
sont généralement éloignés et isolés… Il
est donc assez difficile d'y organiser le mouillage du bateau et notre retour à terre.
De
plus, le bateau est alors très exposé une autre nuisance:
le vol.
Car on ne laisse rien sans surveillance permanente à Madagascar. Mettre
en place un gardien n'abrite pas toujours du vol par l'entourage de ce dernier… Trouver
l'homme de confiance n'est pas si simple, dans ce pays où le dénuement
généralisé rend vos possessions d'européens tellement
séduisantes…
Comme Getaway contient quasiment tout ce qui est
important à notre vie quotidienne, nous sommes très réticents à prendre
des risques sur ce plan là. Résultat: on reste vivre sur son
bateau, les ballades à terre ne dépassent jamais la demi journée
et à la tombée de la nuit on est de retour à bord.
La seule manière de résoudre vraiment le problème serait
d'embaucher à plein temps (et éventuellement de former) un marin
malgache en qui nous aurions confiance. Nous avons bien rencontré deux
ou trois personnes qui auraient pu faire l'affaire mais… A
Mais à
ce stade,
nous n'arrivons pas à accepter l'idée de partager notre espace
intime, déjà fort réduit, avec un occupant supplémentaire
qui serait présent en permanence sur le bateau. Bien sûr, ce
sont des limitations culturelles assez peu glorieuses… Les malgaches,
dont la culture ignore totalement ce qu'intimité veut dire…,
n'auraient pas ce genre de problèmes. Mais voilà, nous sommes
comme ça et nous n'avons pas pu nous résoudre à cette
solution.
(Nous aurions le même problème en Europe et c'est aussi pour ça
que nous ne prenons jamais d'équipier lors de nos longues traversées).
C'est pour ces deux raisons principales (saison de navigation et abandon
du bateau) que nous finirons par quitter Madagascar un jour, sans nous
y installer…
Ce
sera alors avec regret!!!
Mais nous n'en sommes pas encore là et entre les projets d'installation
sans suite, nous envisageons aussi quelques perspectives de continuation
du voyage en bateau…
Mais pour aller où?
Ras le bol du tour Kenya-Tanzanie-Madagascar! Que ça fait déjà deux
fois…
Le vieux projet d'un retour aux Caraïbes nous effraie un peu: Nous pratiquons
depuis trop longtemps maintenant les mouillages déserts de cette baie,
pour ne pas craindre la foule de bateaux qui encombre ceux de là bas.
Et puis c'est une décision sans retour: nous ne reviendrons pas sur
nos pas… Pas en bateau en tous cas… Trop vieux!
Nous avons caressé aussi l'alternative consistant à tâter
de Bornéo et des Philippines. En retraversant l'Océan Indien
d'Ouest en Est. Là bas au moins, les voiliers ne se marchent pas sur
les pieds…
En ce début d'année 2009, nous avons même l'impression
que c'est quasiment décidé, ce sera Bornéo... Mais voilà,
la perspective de traverser d'Ouest en Est, les échos de l'activité des
pirates somaliens dans le Nord Ouest de l'océan Indien, la chaleur
torride de Bornéo…. Cette perspective peine à déclencher
notre enthousiasme .
Quelques conversations avec nos enfants navigateurs lors de notre séjour
d'été en France auront raison de ce projet… Et quand
nous rentrons à Mada,
au mois de Septembre, nous avons finalement décidé que ce seraient
le Brésil d'abord, puis les Caraibes seulement plus tard.
Ce sera donc vers l'Ouest…
Cette fois nous y croyons ferme et sommes tout ragaillardis par la perspective
de naviguer encore…
Et d'avoir encore un futur de choses à vous
raconter!!!
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