LA GAZETTE DE L'A.R.B
Anyvonne Restaurant Bar
 
Polynésie I - Le journal de bord
N°17- Octobre 2001


Chroniques Galapagosiennes
Contre temps et altérations: ainsi vont la musique et la vie des  marins...


Après notre tentative avortée vers l'île de Pâques, nous nous sommes installés à Isabella un petit mois, dans l'attente des moyens de réparer l'étai de Getaway. Le début fut idyllique, nous étions seuls dans la baie de Puerto Villamil, avec juste deux fois par semaine un peu d'animation pendant les arrivées et  les départs de la petite navette Isabela - Santa Cruz. Partout autour, seuls les fous et les otaries.
 

Majestueuse visite
Un soir apparaît une superbe goélette à phares carrés (je crois que c'était une brigantine) qui arrive au mouillage à la voile. Et pas au chiqué: on voit bien les gabiers là haut, sur les vergues, à amener les voiles... Au matin nous nous approchons pour en faire le tour en annexe et nous trouvons  invités à monter à bord pour une visite. 
C'est un superbe bâtiment en bois, d'origine scandinave et battant pavillon anglais. 
Mené par un équipage anglais d'une dizaine de personnes, il embarque dans une croisière autour du monde une trentaine de passagers. Aucun ne fait le tour complet, mais le bateau en embarque et débarque à chaque étape. En général pas "tout jeunes" les passagers.  Souvent anglais ou canadiens. 
Le capitaine nous fait visiter son bâtiment et nous montre fièrement le GPS  obligatoire, encapuchonné à demeure, pour laisser le plaisir d'une navigation à l'ancienne, aidée du seul sextant et du soleil. Superbes vernis refaits en permanence par le charpentier du bord; antique et énorme moteur choyé par le mécanicien et que côtoie, dans la salle des machines, un désalinisateur de belle taille... 
Leur prochaine étape se trouve être l'île de Pâques. Nostalgie nostalgie...
Un tel bateau requiert 3 mois par an de maintenance à terre. Ils prévoient de caréner dans le radoub de Papeete. Peut être les reverrons nous à cette occasion.
 
Le rush sur l'autoroute.
Subitement la population de la baie de Puerto Villamil s'est mise a croître exponentiellement. Cela a commencé un jour avec l'apparition quasi simultanée de trois bateaux scandinaves arrivant de Panama et voguant vers les Marquises. Depuis, le flot n'a plus cessé. Très vite quinze à vingt bateaux occupent la rade. Beaucoup d'américains et de canadiens mais aussi quelques européens, Allemands, Suisses et Français. Le trafic moyen est de 5 à 6 arrivants par semaine et autant de partants. (Plus tard, nous apprendrons par la radio, qu'en mai il y avait plus de cinquante bateaux à l'ancre à Puerto Villamil...
La caractéristique commune de tous ces voyageurs c'est leur destination: Les Marquises.  Nous n'en  rencontrerons aucun  qui nous ait fait une autre réponse. Par exemple: les Gambier...

Vivement que nous soyons du nombre  des partants et que nous mettions le cap sur les Gambier...
 

La maintenance de Getaway ou le mythe de Sisyphe...
Le temps passe et nos pièces finissent par arriver. Ma'Ohi nous rapporte une pièce bricolée au tour par les mécaniciens d'Esmeraldas et qui pourrait convenir. Mais comme nous avons réussi à en commander une d'origine en France, nous préférons l'attendre. 
Elle arrive peu après. Un peu en retard, à cause d'une grève du tri postal entre Paimpol et St Brieuc: 3 semaines pour arriver à St Brieuc; 5 jours pour faire Saint Brieuc - Puerto Villamil... Le monde n'est plus si grand...
Juste avant le départ de Ma'Ohi pour les Marquises, Patrick et Gérard ont pu tout remonter et remettre en ordre de marche. 
Le capitaine est satisfait et serein... Enfin presque:
La réparation de l'étai vient juste d'être terminée et il procède à une dernière inspection du gréement, à quelques jours du départ. Horreur et désespoir: Il découvre deux brins cassés à la sortie du sertissage  du câble qui forme  le bas hauban tribord. Panique... Va t on devoir encore commander un câble de rechange et attendre un nouveau mois son arrivée ici? Va t on se lancer dans cette longue traversée avec un bas hauban qui se prépare à casser? 
Finalement on renforce le point fragile par un bout de câble et quatre serre- câble puis, sachant que ce bas hauban devrait être sous le vent pendant toute la traversée et ne serait donc pas très sollicité, on décide qu'on partira dans cet état.
Un second sujet de préoccupation, moins grave, hante les insomnies du  capitaine.  Il concerne les batteries dont la capacité semble fondre à vue d'oeil. Au point qu'on se demande si durant toutes ces nuits de navigation à venir, elles pourront alimenter le pilote, les feux de route et le frigo. Sans compter les jours sans soleil pour les panneaux solaires ....la consommation du désalinisateur  etc.... Au moins 150 Ampères heures à fournir chaque jour. 
On se rassure en décidant de préserver l'essentiel: On coupera le frigo toutes les nuits et on en fera  quelquefois autant avec les  feux de route... Au pire, l'hydro générateur devrait pouvoir alors assurer l'essentiel: le pilote et le GPS.
 
Heureusement, il y a toujours des copains.
Pendant que Gérard entretient consciencieusement son anxiété, nos amis François et Françoise sur Altair, avec qui nous communiquons assez régulièrement par E mail ont fini par avoir un calendrier qui se rapproche du notre. (Sommes nous devenus si lents???). 
A tel point que nous avons décidé de retarder un peu notre départ et de les attendre, pour avoir une chance de les revoir un jour. 
Nous sommes restés pour cela une semaine de plus à Isabela, mais ce fut un bien grand plaisir de les voir arriver...
D'autant plus que nous avons joint l'utile à l'agréable et qu'ils nous apportent de panama: du pétrole pour la lampe du carré et de la crème fraîche pour les pâtes au thon... Autant de denrées introuvables ici. Ils ont mis la surprise sur le gâteau en nous apportant un excellent demi jambon sec, dont nous n'avions plus le souvenir du goût depuis plus d'un an.. Nous en ferons grand profit durant la traversée qui se révélera peu poissonneuse.
Durant ces retrouvailles, insidieusement, une idée  s'est glissée dans les têtes de l'équipage de Getaway: Et si Altair quittait l'autoroute « Panama-Marquises » et  prenait avec nous le chemin des  Gambier?
Quelques apéritifs plus tard, le fait est acquis: 
Nous traverserons ensemble vers les Gambier!!!!
Une traversée, somme toute, assez ordinaire
Des milles et des jours...


C'est le jeudi 29 mars à 13.00 locales que nous quittons les Galápagos et Isabela. 
Nous dirons que nous avons mis en route à 19.00 TU (Temps Universel ou heure de Greenwich). 
Il faudra nous habituer a causer régulièrement en TU pour tout ce qui touche a la navigation et aux communications, car en avançant vers l'Ouest, il faudra retrancher une heure à l'heure locale tous les 15° de longitude. Et c'est très embrouillant pour tracer sa navigation et se rappeler les horaires internationaux (Météo, vacations radio, etc....)
On admettra donc qu'à 19.00 on finit juste de déjeuner et qu'il fait grand jour... 
N'essayons pas de comprendre... Acceptons le fait...
Tous les jours à 19.00 TU donc, nous ferons le point et le décompte des milles parcourus en 24 heures.
Tant qu'on a fait au moins 100 milles, on est content. A 140, c'est le délire... Sous les 100 milles, on commence à râler. 
(Nous entendrons régulièrement, à la BLU, un catamaran qui traverse à une semaine derrière nous. Lui parle en permanence de plus de 180 milles par jour. On ne joue pas dans la même cour...)

Les 5 premiers jours, sans beaucoup de vent, entre voile et moteur, on sera plutôt limite. 80 à 90 milles par jour. Les onze jours suivants, le vent d'Est s'est établi. On joue avec les ris et on atteint les 120 à 140 milles par jour. On commence à rêver: les femmes se jettent sur leur calculette et leur almanach pour prévoir la date d'arrivée. Les hommes, plus réalistes, refusent tout pronostic.
Ils auront malheureusement raison, car après 18 jours de traversée, le vent devient capricieux et la moyenne retombe à 80 milles. Le moral baisse: Le cheval sentait l'écurie et voilà qu'on lui retire le foin... (Et on entend toujours notre cata derrière qui fait régulièrement ses 180 à 200 milles...)
L'espoir remonte pendant deux jours, quand on atteint à nouveau les 120 milles. Mais le dimanche 22 Avril on se traîne à 58 milles... Horreur... Ce calme sera suivi d'un coup de vent qui nous  a fait  expérimenter notre troisième ris pour la première fois. Après une nuit de chahut à bonne vitesse dans la mer qui s'est creusée, le lundi 23, nous sommes enfin à 60 milles de l'arrivée. C'est comme si c'était fait...
 

A deux, c'est encore mieux!
C'est une grande première dans notre expérience hauturière: Traverser en naviguant de conserve avec un autre bateau . Donc en compagnie d'un autre équipage. 
Deux raisons à cela: D'abord le plaisir de la compagnie de F y F. Nous ne les avons pas vus si souvent depuis deux ans et les moments passés ensemble restent des souvenirs forts!
Ensuite, pour des raisons de sécurité: Les inquiétudes du capitaine au sujet de son gréement et donc de la solidité de son mat le portaient à trouver rassurante une présence humaine dans les parages de Getaway.
La décision a donc été prise de "tenter" de naviguer ensemble. Altaïr ne possédant  pas de BLU, nous devrons naviguer en conservant la liaison VHF. Vu la portée de cet engin, cela veut quasiment dire naviguer en vue l'un de l'autre et savoir que si on perd une fois la liaison, on n'a quasiment aucune chance de la rétablir...Mais cela marchera très bien.
Les dix premiers jours au moteur puis au bon plein par petit vent, Altaïr va largement plus vite que Getaway. Nous le rattrapons tous les jours, en utilisant une ou deux heures de moteur pour accélérer et faire de l'eau douce sans dommages pour les batteries.
- Toute notre traversée se fera avec un oeil sur le gréement et l'autre sur les batteries... D'ailleurs le capitaine louche un peu depuis...- 
Altaïr jouera l'accompagnateur pendant cette partie. Jusqu'à ce que son moteur le lâche tout à fait et que le vent se renforce en s'établissant de secteur Est. Au grand largue avec un ou deux ris, notre dériveur reprend l'avantage et c'est maintenant Getaway le bateau accompagnateur. Un autre équilibre de poursuite s'installe alors: Altaïr rattrape sous Spi dans la journée, le terrain qu'il perd la nuit sous génois. Nous irons ainsi jusqu'au bout, avec la perspective rassurante de pouvoir remorquer Altaïr pour rentrer aux Gambier, si nécessaire.
Où nous découvrons l'ambiance d'une traversée en compagnie.

Le côté "enfermement" du couple sur son bateau ( son dialogue, son rythme, son radotage) n'existe plus . Plusieurs fois par jour, nous échangeons avec Altaïr  des petits messages, des blagues, de la musique même ... par le canal de la VHF.
Un matin, le calme du petit déjeuner sur Getaway est rompu , nous sursautons au son des Tri Yann et de la jument de michaux. Panique, d'où vient ce !!!??? De la VHF bien sûr...

Habituellement, Les femmes parlent cuisine, broderie... Les hommes c'est plutôt  moteur, allure, gréement...
exemples:
François - Dis moi Gérard, tu as quoi comme toile en ce moment?
Gérard - J'ai un bout de génois tangonné au vent et la grand voile tout dessus.
F - Ah, tu as tangonné sur bâbord...  Et ca tient bien?
G - Ben,  ma foi oui...
F - Ah bon, moi ca ne tient pas terrible. Je vais essayer ton allure...

Plus tard
G - Dis donc, tu ne trouves pas que ça forcit? Je vais prendre un ris. Et toi?
F - Oui j'y pensais justement. Et tu fais quoi comme cap?
G - 190 
F - Ah, moi je fais du 210
G- C'est trop Ouest
F - Tu crois? Oh non.
G - Si, etc....etc....

Tous les jours à 19 heures TU, qui est l'heure anniversaire de notre départ d'Isabela, on s'échange le point quotidien:
Anyvonne - Allô allô, adjudant A. au rapport.
françoise - Ici Cdt Fse, je vous écoute
A - Getaway a parcouru 121 milles ces dernières 24 heures
Fse - Ah, pour moi, nous n'en avons fait que 113
Rigolade générale. Nous sommes au même endroit et partis en même temps; mais tous les jours ce sera le même gag et nous arriverons ensemble aux Gambier sans avoir jamais parcouru la même distance...

D'autres fois ce sont des entretiens logistiques:
A - Il te reste quoi comme légumes?
Fse - Du chou, des carottes, des pommes de terre ... quelques concombres... des pamplemousses aussi.
A - Ah! Nous, il ne nous reste plus de carottes. Mais on a un vrai stock de patates...
Fse - Et qu'est ce que tu brodes en ce moment?
A - Une tortue des Galápagos. Et toi?
Fse - Je finis mon ange bleu. Ca avance bien...
A - Super. A plus tard..

Les conditions de mer et de temps auront été "moyennes"
Nos craintes d'interminables calmes blancs, là bas en plein milieu, avec les voiles qui pendouillent lamentablement, la bôme qui bat contre les haubans etc. ne seront pas confirmées.... Le départ a été un peu difficile, et on a quand même fait 70 heures de moteur en 4 jours. (celui d'Altaïr fonctionnait encore à peu près.) mais avant que nous ayons à nous soucier du gas oil, le vent s'est installé et ne nous a jamais lâchés très longtemps.
Le temps a hésité entre la bruine, la pluie fine et les grains orageux:  du nuageux gris au franchement noir . Quelques fois une bonne brise sous  un très beau soleil. La palette des gris a été largement explorée. Un peu moins celle des bleus ...
Le vent s'est souvent installé entre 15 et 20 noeuds. Quelques fois il s'est excité à 25, 30 noeuds. La mer a toujours été assez houleuse. Souvent agitée, mais rarement forte et jamais déferlante.

Des allures plutôt confortables:
Un peu de bon plein, puis du travers et enfin du grand largue et même du vent arrière.
La nuit du 13 au 14 Avril fut mémorable. On l'a appelée la nuit du tangon... Nous avons dû empanner et donc changer le tangon de bord une bonne dizaine de fois dans la nuit.
Il faut savoir qu'entre grand largue et vent arrière, nous tangonnons le génois au vent, la grand voile étant largement débordée sous le vent. Ca marche très bien et en restant près du grand largue, le risque d'empannage incontrôlé est amoindri. Mais quand le vent est instable, il faut veiller à ne pas être pris a contre et changer d'amure quand  il tourne. La nuit, c'est un peu gênant. Comme il faut être deux sur le pont pour la sécurité, l'équipage est très sollicité et son sommeil en est tout perturbé, pensez donc!

La pêche assez minable...
Toutes nos lectures sur le pacifique datent de nos grands ancêtres: Moitessier, Heyerdahl,... Tous nous racontent le poisson qui vient quasiment tout seul sur le barbecue. Que yaka tendre la main pour n'importe quel repas du jour...
Eh  bien: ca eut été, mais ca nl'est plus...
Pas vu la queue d'un requin, ni d'une baleine, ni même d'un dauphin... Non, nos lignes de traîne n'ont pas ces ambitions, c'est juste pour dire que le Pacifique paraît drôlement dépeuplé par rapport à nos lectures.
En 4 semaines de traîne, nous n'aurons attrapé qu'un poisson respectable: Un thazar d'une bonne dizaine de kilos. 
Comme c'était un peu gros pour nous tous seuls, on a voulu en passer la moitié a Altaïr. 
Ca a été l'occasion d'une manoeuvre grandiose: Comme ils n'avaient déjà plus de moteur, il a fallu les approcher alors qu'ils marchaient à la voile. On ne pouvait pas jouer le coup d'abandonner le butin en avant d'eux, sur un bout avec flotteur pour qu'ils le gaffent. La mer était assez formée et s'ils le rataient une seule fois, c'était fichu. Donc Getaway les a approchés au moteur, à 4 ou 5 mètres par leur arrière et à leur vent. En les dépassant ainsi, doucement, chaque barreur très attentif à s'écarter à la première alerte d'abordage, nous en lofant au moteur, eux en abattant à la voile; nous avons réussi à leur envoyer  notre livraison dans un sac étanche  accroché à un bout.  Des qu'ils ont saisi le bout, nous avons balancé le sac à la mer pour pouvoir nous écarter sans délai. Ouf! Je vous assure que dans des creux d'un à  deux mètres, ce genre d'accostage fait grimper la tension... Nous ne sommes pas mûrs pour les abordages à la pirate...
Ce thazar  sera notre unique prise de la traversée. Bien sur, après ce coup là, nous n'avons plus pêché pendant 4 ou 5 jours; le temps de vider un peu le frigo. Mais pendant les deux semaines suivantes, la ligne a toujours été à poste et aucune touche n'est venue la perturber. Altair a pris un petit thon un peu plus tard mais ce fût tout.  Lors de cette dernière prise, la mer était trop forte pour une seconde manoeuvre de partage et ils ont dû le manger seuls..
Heureusement nous avions le jambon sec....

Les nuits de veille plutôt cool.
La nuit, nous ne sommes pas des rigoureux des quarts, comme sur beaucoup de bateaux où  les équipiers  se relaient scrupuleusement toutes les trois heures et où les hommes de quart ne ferment pas l'oeil.
Nous, nous essayons globalement de tenir des quarts de 4 heures. Mais selon comme on se sent, le quart peut se réduire à 3 heures et même s'allonger jusqu'à cinq. 
Souvent Gérard  prend le premier quart, jusque vers minuit. Anyvonne prend le suivant jusque vers 4 heures, et ensuite on alterne toutes les deux heures.
A bord, la règle veut qu'aucune manoeuvre qui implique la sortie du cockpit ne s'effectue seul, pendant que l'autre dort. Du coup, tous les changements d'amure du tangon, prise ou largage de ris etc.. sont l'occasion de réveiller l'équipier qui dort. Les nuits à grains ou a vents capricieux sont donc assez hachées du point de vue sommeil. Mais enfin, elles n'auront pas été très nombreuses.
Pour nous sustenter la nuit nous sommes des adeptes de la soupe. Fraîche ou en sachet. Il est loin le temps du bateau en Bretagne, quand les quarts ne s'envisageaient qu'à coup de pots de café ou de thé... Sur un mois, ce n'est pas envisageable; l'estomac ne tiendrait pas le coup...
Il faut dire que pendant nos quarts, surtout ceux où il n'y a pas grande probabilité d'évènement, nous nous autorisons à dormir par tranche de 20 minutes. Pour rythmer les moments d'inattention (voire de sommeil) et ceux de  veille attentive  et de vérification, nous disposons d'une montre réveil qui sonne régulièrement pour nous appeler sur le pont. Aucune manipulation n'est nécessaire et si d'aventure une sonnerie nous échappait et nous laissait endormi, la montre se remettrait à sonner à la fin de la période suivante. Avouons que durant nos traversées, ce petit incident de veille arrive; surtout quand nous naviguons au milieu de rien où il  ne passe jamais personne... Mais...
Malgré tout, allongé dans le carré plutôt que dans une couchette, le sommeil n'est jamais très profond et nous nous réveillons régulièrement. Le temps d'aller jeter un coup d'oeil sur le cap, les voiles et durant notre dernière traversée, sur les feux de route de notre "co-traversant".

Enfin, nous finirons par arriver à Mangareva.

En fin d'après midi du 23 Avril, nous approchons des  Gambier
La nuit est déjà tombée quand nous arrivons dans les parages de l'archipel et nous n'avons encore rien vu de la montagne flottante. ( Mangareva signifierait "la montagne flottante" en polynésien.) Juste avant le coucher du soleil, nous avons aperçu l'atoll de Temöe, à 4 ou 5 milles sous le vent. Ce dernier est situé à une vingtaine de milles de l'archipel lui même et n'est pas abordable.  Mais c'est la première terre que nous apercevons depuis Isabela, il y a 25 jours... Emotion... Et coup de rhum pour le capitaine qui l'a vue le premier...
Aujourd'hui il est trop tard pour espérer dormir à Rikitéa.... Il n'est pas question de pénétrer la nuit dans l'archipel et il nous faudra patienter  au large, à la cape.
Ce ne sera finalement pas si désagréable et bien que la houle soit forte, nous dormirons convenablement un bon morceau de nuit, avant de remettre en route au matin pour franchir la passe vers 8.00 locale. Le vent nous porte et sur les bas fonds de la passe, deux belles vagues feront surfer nos douze tonnes. (Anyvonne qui était à la barre, l'affirme ...). C'est bon pour l'adrénaline...

Nous naviguerons encore deux heures dans le lagon et les chenaux de Mangareva qui se révèlent mal pavés mais bien balisés. (Vive la France...). Derrière nous, Altaïr qui n'a pas de moteur va aller jusqu'à tirer des bords dans le chenal et évitera ainsi le remorquage infamant... Finalement il arrivera à la voile jusqu'au mouillage de Rikitéa en faisant ainsi honneur à l'école des Glénan.. 
Le Mardi 24 Avril à 10.00 locales (19.00 TU) après 26 jours de navigation, nous mouillerons sous le village de Rikitéa qui est, comme chacun sait, la capitale des Gambier...  Séquence émotion...
 
 

Sous le tropique des Français

Les Gambier: Un zeste de parfum français sous les tropiques
Au pied de la montagne; émergeant au bord du lagon d'une végétation très dense; Rikitéa s'étire sur un petit kilomètre. A notre arrivée, quatre voiliers sont déjà mouillés devant le village. Deux d'entre eux sont là depuis près d'un an et ils nous feront gagner beaucoup de temps en nous communiquant quelques clés de  l'organisation locale.
Rikitéa est construit le long d'une rue unique qui longe la baie. Les farés y sont bâtis au coeur de petits terrains remplis d'arbustes,  de fleurs et de fruits. On y trouve aussi la gendarmerie, la poste,  un marchand d'oeufs, un boulanger, deux ou trois magasins, l'école et un collège technique tenu par des frères du sacré coeur. A première vue, nous sommes bien dans un village français. Au bout de la rue, on aperçoit la cathédrale, gigantesque bloc d'une blancheur éclatante qui célèbre avec ostentation la présence de l'église catholique et plus particulièrement le passage du père Laval.
Coquettement abrité sous les palmiers, un dispensaire tout blanc, assure tous les jours consultation de médecine générale et soins infirmiers. En Polynésie, les prestations médicales comme les médicaments sont distribués gratuitement. Pour les dents, c'est un autre problème. Une ou deux fois par an, un dentiste passe quelques jours aux Gambier. Le plus gros de son travail consiste donc à arracher. Si vous voulez vous faire faire des soins plus raffinés, le billet d'avion pour Tahiti coûte 3000 FF!!! Entre les passages du dentiste, il paraît que l'infirmier de l'île ferait quelques extractions?
L'infirmier de l'île c'est Hervé. Il habite un peu plus loin, près de la gendarmerie.
Disposant d'un micro ordinateur et d'un téléphone, il offre informellement, les service d'un "cybercafé - yacht club". 
A l'extérieur du village, sur la route qui grimpe dans la montagne, on trouve une station de mesure de Météo France. Exploitée par trois techniciens, elle concourt à la prévision météo pour la Polynésie.   Le chef de station, Gérald, un popaa de Nice est charmant et en  allant le visiter, on peut se procurer une carte météo et des prévisions marines à 48 heures qu'il reçoit par fax de Tahiti. 
C'est tout de même navrant que la France ne diffuse pas ses bulletins et ses cartes par radio fax, comme le font encore les anglais et les allemands en Europe ainsi que les américains, les Néo zélandais et les australiens dans le Pacifique. Seul un abonnement via Inmarsat permet de se les procurer en mer. C'est excessivement cher et donc personne ou presque n'en dispose. Du point de vue de la sécurité en mer, c'est quasi scandaleux...
 
Faire ses courses à Rikitéa?...  C'est d'abord trouver de l'argent pour payer.
En débarquant de 26 jours de mer, nous sommes  avides de trouver une bonne viande (tranche de boeuf ou cotes d'agneau) pour changer un peu des riz-nouilles-patates-conserves de la traversée.

Le premier problème que nous rencontrons est assez inattendu et concerne l'argent. Le pauvre billet de 100 francs conservé pieusement dans le fond de la valise ne sert à rien. Les dollars ne servent guère plus, à part dans un ou deux magasins qui acceptent de les changer mais alors, à un taux prohibitif... Nulle part on ne connaît les cartes de crédit. Seul le franc CFP a cours sur cette  île, mais il n'y a ni banque ni aucune possibilité de change officiel pour s'en procurer!!! 
Mais enfin, comment obtenir des francs CFP? 
Même si vous possédez un compte chèque à la poste en France, la poste d'ici n'accepte pas de délivrer d'argent. 
Un banquier vient bien de Tahiti passer une semaine ici, tous les deux ou trois mois. Mais il vient juste de repartir hier...
La seule solution: moyennant 300FF de frais, se faire envoyer un mandat télégraphique depuis la métropole. 
Voici la procédure.
- Première étape: Trouver quelqu'un qui puisse vous envoyer ce mandat et le lui demander. Pour cela téléphone et fax sont à votre disposition, si vous avez de l'argent pour payer... Vous pouvez même utiliser Internet si vous avez trouvé Hervé.
Le résultat dépend beaucoup de la bonne volonté de votre correspondant bancaire. 
Nous qu'on a un accès Internet sur le bateau, un échange d'Email avec notre banquière briochine nous permettra d'arranger le coup sans délai. Elle nous a envoyé un mandat télégraphique dès le lendemain de notre demande. 
Nous avons bien de la chance d'avoir une banquière si efficace, parce que nos amis d'Altair qui possèdent un compte à la même banque mais dans une autre ville, ont voulu utiliser la même procédure. Trois ou quatre  jours après leur demande, leur banquier (sans doute refusant de se déplacer à la poste) leur répondait qu'il ne pouvait rien pour eux.... Eh oui... Un autre copain s'est même fait répondre par la poste française que le mandat télégraphique n'existait plus... Ambiance...
- Deuxième étape: Passer régulièrement à la poste pour voir si quelque chose est arrivé pour vous.
Là, nous avons eu moins de chance. Dans l'intervalle, la poste polynésienne s'est mise en grève illimitée. Pendant une petite semaine nous passions juste pour voir si la poste etait ouverte.
Pendant ce temps, on pourra tout de même subsister en achetant du mouton en dollars, à des taux usuraires... Il était absolument délicieux. Merci de votre question pleine de sollicitude..!
-Troisième étape: Trouver la poste ouverte, y présenter son passeport et constater que votre argent vous y attend. Et là, on est les rois du pétrole...
 

Puis, c'est trouver la marchandise.
Les légumes pour accompagner le mouton?

C'est le plus délicat!
Une enquête serrée de plus d'une semaine nous a permis d'apprendre le sens du circuit pour tenter de glaner quelques  tomates, un chou et trois concombres:

Première possibilité:
Quelques légumes poussent sur l'île, par la grâce de Tékura qui est quasiment  le  seul mangarévien  à jardiner pour vendre. Il vous faudra monter vers 13 heures 30 à son  jardin. C'est à deux  kilomètres dans la montagne. En principe, à cette heure là il arrose ses cultures, avant de redescendre vers 14 heures 30 reprendre son travail au village. S'il n'y est pas, eh bien vous aurez quand même fait une bonne promenade . C'est bon pour la santé et en plus vous pourrez vous arrêter au retour pour dire bonjour à Gérald à la station météo. 
S'il est là, vous pourrez constater avec lui ce qui est disponible: 
Le carré de choux qui était si prometteur la semaine dernière n'existe quasiment plus. Il a été arraché pour livrer la cuisine des écoles... Les deux qui restent vont faire l'affaire pour cette fois, mais il ne faut plus espérer de choux avant plusieurs semaines...
Deux ou trois tomates sont mures aussi. 
Pour les concombres, il est juste en train de les semer... 
Par contre il vous trouvera une poignée de haricots verts qui feront très bien avec une côtelette d'agneau... 
Pour éviter la montée au jardin, il est possible de lui passer commande la veille, par l'intermédiaire de sa femme qui tient un petit snack au village. 
Il semble que personne n'ait jamais  rien obtenu en procédant de cette façon...

Deuxième possibilité:
Jocelyne, une  impressionnante mangarévienne, tient elle aussi un petit snack sur la rue du village. (On y fêtera d'ailleurs dignement l'anniversaire du capitaine avec François et Françoise ainsi que nos nouveaux amis suisses Anne et Daniel). Son mari, autre mangarévien à connaître, fait pousser quelques tomates, choux, salades et concombres en culture hors sol, dans de la bourre de coco, arrosés en permanence d'une solution nourrissante.
(Quand je lui ai demandé pourquoi il ne cultivait pas en pleine terre, il m'a répondu sans hésiter que la terre ici était bien trop basse et trop dure pour cela...)
En priant Jocelyne avec suffisamment d'insistance et d'humilité, on parvient quelquefois a obtenir quelques concombres et tomates, pour un prix double de celui de Tekura. Mais là aussi, il faut avoir de la chance, car la cuisine de l'école est un gros consommateur...

Troisième et dernière possibilité:
Deux fois par mois, la "goélette" apporte quelques légumes "frais" après une traversée d'une quinzaine de jours depuis Tahiti. (Elle dessert en passant quelques atolls des Tuamotus.) Aussitôt débarqués, ces légumes sont en vente dans les deux magasins recensés du village, en général vers 15 heures, à la réouverture d'après midi. Si vous arrivez à 15 heures 15, tout est déjà vendu. Il est donc conseillé de guerroyer pour faire la queue dès 14 heures 30. Mais même alors, les demandeurs indigènes sont manifestement favorisés et le premier arrivé n'est pas toujours le premier servi. Normal...
Si vous arrivez malgré tout au poste de vente, vous y glanerez peut être quelques oignons et une moitié de chou. Nous n'avons jamais reussi à nous y procurer des carottes. 
On s'en fout, on n'aime pas ça... 
Ce n'est pas vrai:  Peu avant notre départ, au bout d'un mois de séjour et après avoir fait copain avec deux épiciers, nous étions autorisés à réserver une petite quantité de légumes, la veille de l'arrivée probable de la goélette. Résultat: 2 kg de carottes..
Dans ce paysage d'abondance relative, seuls les oignons, l'ail et les pommes de terre sont assez régulièrement disponibles .Pas toujours, mais souvent...
En résumé, dans ce pays ensoleillé, arrosé et où tout pousse, c'est le régime permanent de la pénurie. Au moins de notre point de vue de popaa, car Tékura à qui nous posions la question de la pénurie de légumes, trouvait que ça allait très bien comme ça et que le marché n'était pas assez demandeur pour une production supplémentaire.
Les mangareviens sont peu attirés par le travail de la terre et les épiciers peu enclins à se charger de marchandises périssables qui leur arrivent après quinze jours de transport et de manutention. Alors??? Si un français jardinier vient s'installer ici, il a toutes les chances de survivre. Sous réserve qu'il épouse une mangarévienne pour pouvoir disposer de terrain.

Pour les fruits qui poussent partout en abondance, c'est à la fois plus facile et plus compliqué.
Sur tous les terrains alentour poussent en abondance pamplemousses, arbres à pain, citrons, papayes;, maracujas, mangues et bananes. Comme tout le monde en a sa disposition, on n'en trouve jamais à vendre dans les magasins. De plus, traditionnellement à Mangaréva, les fruits sont gratuits et s'offrent à l'étranger comme cadeaux. Quand vous commencez à être connus, les gens vous en proposent  spontanément. Mais réciproquement, tous ces arbres et leurs fruits appartiennent toujours à quelqu'un et il serait très mal vu de vous faire surprendre à vous servir vous même...
Au début nous étions un peu juste en fruits, mais après un mois de séjour Getaway repartira de Rikitéa avec 25 kilos de Pamplemousses (Merci Maïtirita au si charmant sourire), un régime de bananes partagé avec Altaïr (merci Yves), des citrons, des papayes et des maracujas en quantité, tous offerts avec une grande gentillesse.
En échange, Anyvonne a fait des confitures de pamplemousses dont elle a pu offrir quelques pots. 
Maïtirita la remerciera avec effusion en lui disant: "C'est bon mais vous savez nous autres polynésiens n'en faisons jamais. C'est trop  fatiguant."

Shopping au Faubourg Saint Honoré local...


Après les émeraudes de Colombie: les perles noires des Gambier. 
Le monde est plein de pièges pour attraper nos femmes... 
Depuis que nous sommes arrivés,  nos équipières échangent fébrilement leurs tuyaux pour se procurer ou se faire réaliser de superbes bijoux pour "pas cher"... L'essentiel de l'activité laborieuse de l'île tourne autour de la perle et de la nacre. Culture, récolte, montage de perles, polissage et gravure de nacres... Alors ce ne sont pas les occasions qui manquent. 
Il faut savoir qu'un marché parallèle existe les soirs de week end ou quelques lots de perles sont offerts dans la rue pour le prix d'une caisse de bière ou d'une bouteille de vin. L'urgence du besoin facilite la négociation...
Mais au prix de l'alcool ici, ca ne rend pas les choses si économiques... (300 FF la caisse de 24 canettes)
On se laissera tenter bien sûr...

Trekking à Mangareva
L'île, longue de 9 kilomètres, est entourée de  28 kilomètres de rivage et le mont Duff la domine à 440 mètres d'altitude. Ses pentes couvertes d'une  végétation très dense se précipitent directement dans la mer et il n'y a quasiment aucune plaine côtière. 
Rikitéa est tapie le long de la mer sur la côte Est. De là, deux sentiers traversiers s'enfoncent dans la végétation et permettent sans trop d'effort de passer la crête montagneuse et d'atteindre la coté Ouest de l'île. On peut aussi en faire le tour le long d'une piste côtière. Si les 28 kilomètres peuvent rebuter, pas de panique, il se trouvera bien une voiture de passage qui vous embarquera pour le retour au village. Il faut avouer que nos deux expériences se termineront ainsi. 
La première fois, une charmante mangarévienne nous a embarqués sur son pick up et nous a entraînés pour notre plus grand plaisir dans une cueillette de citrons avant de nous déposer sur le quai de Rikitéa.
Le seconde fois, partis à la récolte de pamplemousses chez Maïtirita, sur la côte Ouest; nous nous y sommes retrouvés avec une charge de 30 kilos de fruits, ce qui est un handicap certain pour marcher allègrement. Le camion de ramassage scolaire vint à passer et accepta de nous ramener, assis sur des bancs minuscules au milieu des bambins des écoles  surveillés par un robuste policier municipal.
Pour dire rapidement, le stop ici ne pose pas de problème et les mangaréviens s'arrêtent spontanément pour vous proposer d'embarquer. Ils ne comprennent pas vraiment l'engouement des popaas pour la marche à pied. 
Les folles soirées de Rikitéa
Tous les week end, dès le vendredi soir,  les 4x4 convergent des quatre horizons de l'île  vers les  magasins du village où ils font provision de caisses de bière. On voit ensuite les hommes se rassembler en petits groupes dans les coins écartés du village. Assis en rond autour de leurs provisions de boisson, ils font la "bringue"... Discussions véhémentes accompagnent les libations. De plus en plus véhémentes à mesure que la soirée s'avance, dans une brume légère de fumée de paka.. 
Alors, la fréquentation des rues du village devient moins sereine . Il vaut mieux alors ignorer les hommes que l'on croise et leur regard un peu trouble qui vous dévisage avec insistance.

De notre côté, sur une idée originale de Daniel et Anne nos copains suisses, nous organiserons à Rikitéa une soirée «  cochon grillé ». L'idée initiale était de le cuire sur la plage  dans un four tahitien, mais les conditions de mouillage n'ont pas permis le lieu et  les hurlements de rire de Yves ont condamné le moyen, quand on lui a expliqué ce qu'on voulait faire. On finira donc un vendredi soir dans le jardin d'Hervé avec un cochon à la broche et de la braise dans un trou comme pour un vulgaire méchoui....
Quatre bateaux se sont occupé de l'organisation et de l'approvisionnement de ces agapes. Les femmes se chargent de préparer quelques accompagnements et desserts. Les hommes creusent le trou, produisent la braise et se relaient jusqu'en début de soirée à la manivelle de la broche. 
Dès le matin, Hervé ira à la pêche avec le "bonitier" de l'île. Il en rapportera un superbe thon que nous mangerons cru, avec une sauce hot préparée par Gérald.
Ainsi, vers 18 heures nous sommes là, une quinzaine de personnes pourvues abondamment de nourriture et de boissons. L'ambiance est chaleureuse.
Vers 20 heures tout le monde s'en va. Pas pour se coucher, non non... Pour assister au spectacle des danseuses locales de tamouré à la salle omnisports. 
Deux écoles de danse polynésienne fonctionnent à Rikitéa. Les jeunes filles de l'île s'y entraînent assidûment toute l'année sous l'autorité sourcilleuse d'un maître de ballet colossal. En principe, les ballets polynésiens sont mixtes mais il semble difficile de motiver les partenaires masculins. Ces groupes se produisent régulièrement  lors des festivités locales et  participent au grand concours inter îles qui est organisé pour les fêtes du Heiva en juillet à Tahiti. Sachant que les mangaréviens ont gagné le concours l'an passé on s'attend à une prestation de choix. 
Et on n'est pas déçu. 
C'est beau et émouvant. Les costumes éphémères, fabriqués exclusivement à base de végétaux fraîchement cueillis pour l'occasion, sont magnifiques. Comme chaque danse raconte une histoire de la vie quotidienne ou de la mythologie on voudrait comprendre le sens de ces gestes qui obéissent à une symbolique complexe.
Autour de nous, manifestement, les mangareviens apprécient le spectacle et certains moments de la danse tirent clameurs et applaudissements de l'assistance.
Après cet entracte culturel nous retournerons à nos agapes pour manger les desserts et rentrerons enfin terminer quelques bouteilles sur "Joran" où on discutera passionnément avec Hervé des mérites de la démocratie, jusque fort tard le matin.
 
 


A l'aventure dans le lagon, autour de Mangaréva


Akamaru


Du mouillage de Rikitéa,  nous apercevons l'île d'Akamaru entourée d'eau turquoise à 4 milles de là.. La carte marine est un peu moins séduisante: l'île est entourée de grands platiers de corail à fleur d'eau et pour accéder à un bassin de mouillage situé à l'abri de l'île, il faut traverser, dans moins d'1.40 mètre d'eau, de vastes zones de sable très encombrées de têtes de corail. C'est tout cela qui  rend ce site magnifique mais aussi, difficile à atteindre en bateau.
Nous finirons par céder à la tentation et nous emmènerons sur Getaway l'équipage d'Altaïr qui laissera seul, pour deux ou trois jours son bateau au tirant d'eau trop important (1;80 mètre). C'est l'occasion d'apprécier les avantages de notre dériveur.
L'entrée dans ce petit lagon se fait sur un alignement qui nous place devant une passe en zigzag, assez profonde mais pas super large. François dans les barres de flèche, Gérard et Françoise à l'avant, lunettes polaroid à poste sur leur regard acéré... Anyvonne à la barre affiche le plus de sérénité possible... Elle tente de réagir placidement aux ordres et "dés-ordres" que lui transmettent les "eyeballers", quelquefois contradictoires mais toujours courtois.
Au delà de la passe, il faut chercher une route possible entre les patates et sur des fonds suffisants. Quelquefois c'est l'impasse, ou bien les nuances de bleu jaunâtre qui ne nous laissent pas espérer suffisamment d'eau. C'est alors la marche arrière lente, qui tente de rester rectiligne mais qui finit toujours cul au vent... Ambiance... On cherche alors une autre route... Et on arrive enfin dans ce grand trou de 15 mètres de profondeur, encombré de quelques flotteurs de stations perlières et  dans le calme duquel nous pouvons mouiller l'ancre. 

Un autre voilier s'y balance déjà. Son dispositif de mouillage montre qu'il est là depuis un certain temps et qu'il ne pense pas mettre à la voile de sitôt.
Nous voici donc dans ce lagon "dont le bleu transparent évoque celui de sa célèbre soeur Bora Bora.". Ainsi s'exprime notre guide Hachette. Amis consommateurs de paysages à cocotiers Bonjour!
Rémi, un jeune homme qui a observé notre approche et guidé notre mouillage final entre les flotteurs des stations perlières vient nous saluer. C'est un jeune Popaa reconverti Polynésien qui vit ici avec son père alsacien, sa belle mère Polynésienne et ses deux petites soeurs. Son père et lui sont arrivés aux Gambier sur le bateau qui est mouillé à côté, il y a quatre ans et ils  ont décidé de s'y installer.
Quand nous débarquons quelques heures plus tard, nous sommes accueillis sur le rivage par les "femmes" de la famille. Absolument adorables, elles ont cueilli pour nous un tas de pistaches qui pullulent ici et que nous mangeons fraîches pour la première fois de notre vie. De la taille d'une grosse olive, c'est un noyau entouré d'un peu de pulpe violine dont le goût se situe entre la mure et la prunelle... Le sol est jonché d'amandes, genre "pistaches à apéro", mais non grillées et donc absolument non comestibles.
Notre promenade nous emmène par une belle allée de cocotiers vers une petite église cachée dans la végétation. Très blanche et bien entretenue, c'est un vestige de l'activisme forcené du père Laval. Autour de l'allée, nous distinguons les restes de chemins et de ruines d'habitations envahis par la jungle. 
Quand elle s'est  établie ici, il y a deux ans, la famille de Rémi était la seule occupante de cette île qui avait été abandonnée de longue date. Depuis, une vieille Polynésienne est revenue y vivre et quelques mangaréviens viennent y passer le week end. Leurs efforts de débroussaillage conjugués ont rendu praticable une petite zone de vie autour de la plage. 
L'accès  à l'église a aussi été dégagé et la vieille Polynésienne y célébrerait une prière (une messe?) tous les dimanches pour les 8 habitants de l'île...
La famille de Rémi a construit son faré devant la plage. Panneaux solaires et citernes assurent l'électricité et l'eau de pluie. Chasse, pêche et jardinage apportent une bonne partie de la subsistance..
Le vrai retour à la nature, façon Moitessier existe encore. Nous l'avons rencontré...
Mais enfin, Akamaru est située à un quart d'heure de bateau rapide de Rikitéa (quand la mer est belle) et ça simplifie quand même l'organisation de la vie de la famille.
Rémi et son père se sont lancés, à Akamaru, dans la culture de la perle en association avec Yves un autre popaa de Rikitéa. Et ca, c'est plus "moderne"...
Notre sortie du lagon, pilotée par Rémi sera plus rapide et moins stressante que l'entrée...
 

Aukéna 
Nous passerons deux jours à Aukéna en compagnie d'Altair et de deux autres bateaux. L'île est à moitié privée et propriété de Wang Pearl, l'empereur chinois de la culture perlière en Polynésie. L'autre moitié est habitée par la famille de Bernard un mangarévien très accueillant. Comme la plupart, il y cultive la perle, mais il y élève aussi des cochons dont nous profiterons pour un barbecue à venir. Nous aurions aimé le faire sur la plage avec lui mais le matin du troisième jour, le vent a tourné au nord  et le clapot rend ce mouillage très inconfortable. Nous fuirons vite vers Rikitéa, 
 
 
Taravaï
Le cadre de ce mouillage est sans doute le plus beau et majestueux des Gambier. Nous y passerons  quelques jours sans jamais voir personne. Deux familles habitent sur l'île mais leur village est inaccessible par terre depuis l'anse où nous étions. Comme le vent et la mer ne nous permettront pas de les rejoindre en annexe nous ne les verrons pas. Pourtant nous aurions bien aimé voir de plus près la petite église blanche que nous apercevons depuis la passe d'entrée dans l'archipel. 
C'est la fin du paradis, par ici la sortie...
Mais c'est pas le tout , il faut penser à s'arracher à ce paradis. (Yann de Papoose, qui a déjà parcouru la Polynésie, nous a prévenus: Ne partez pas trop vite... Vous le regretterez. Vous n'êtes pas prêts de retrouver un endroit aussi sympa vers l'ouest...) 
On veut bien le croire mais pas encore prendre racine.

Alors: départ vers Tahiti via les Tuamotu le samedi 9 juin. 
Le même jour, Altaïr mettra en route lui aussi pour les Marquises et  Majunga pour un direct Tahiti. 
Joran est déjà reparti vers la Suisse via Tahiti et Raïatea au début de la semaine. Ils retournent travailler six mois et prévoient de revenir autour d'Avril prochain

 Quand nous reverrons nous?  Mystère... Cette parenthèse d'amitié Mangarévienne se referme. Pincement au coeur et nostalgie... 
Heureusement que devant nous se profilent d'autes étapes Polynésiennes où nous aurons l'occasion d'en retrouver certains. Par exemple, Ma'Ohi devrait être de passage en même temps que nous à Tahiti. 
A suivre donc...