Le Laos, dernière station avant l'autoroute.
Et voila… Après 3 mois passés à se prélasser à terre,
dans le salon de beauté de "Boat Lagoon", Getaway est maintenant
pimpant et flottant. Nous avons fait l'aller retour Phuket Langkawi pour effectuer
les premières 50 heures de fonctionnement du moteur tout neuf et permettre
sa première révision. Tout est donc quasiment prêt en vue
du départ vers Madagascar projeté mi janvier.
N’étant que mi décembre et n'ayant pas besoin d'un mois
entier pour faire l'avitaillement, nous avons encore la possibilité de
caser une bonne semaine de vacances autour de Noël…
Un voyage au Laos? Ce pays parait bien grand pour un temps si court mais
en se concentrant sur le nord, entre Vientiane et Luang Prabang, ça
parait faisable. Et comme c'est sans doute la dernière occasion qui
nous est offerte d'aller y jeter un œil…
Une courte séance sur Internet pour acheter des billets d'avion, une
visite à Phuket pour trouver le "Lonely-Planet" ad hoc et
nous sommes prêts à partir… Même si le vernis des
plancher de l'avant n'est pas terminé… On verra ça au
retour!
Le Laos, un pays discret
Un pays sans mer.
D'une surface équivalente à celle
de la France ou de l'Italie (dont il a un peu la forme) mais peuplé seulement
de 5 millions d'habitants, ce pays sans accès à la
mer, est enclavé entre la chine au nord, le Viêt-Nam à l'est,
la Birmanie et la Thaïlande à l'ouest et le Cambodge
au sud.
Doté d'un relief très accidenté, l'essentiel de
ses 4% de terres cultivables se trouvent au bord du Mékong qui
constitue sa frontière au sud ouest. On y cultive tout le riz
du pays auquel on peut juste ajouter quelques cultures d'altitude que
les Hmongs pratiquent sur brûlis pour leur subsistance (riz, maïs,
opium). L'exploitation de forêts de Teck représente aussi
une ressource importante du pays.
Sa situation géographique et son morcellement en "petits" royaumes
ont fait que le Laos a longtemps été un objet de convoitise
pour ses grands voisins et les colonisateurs de ceux-ci (comprendre la
France et le Royaume Uni)… Au cours des siècles précédents
les royaumes laotiens ont été les suzerains des birmans
avant d'être dominés par le royaume de Siam, jusqu'à l'arrivée
des français qui feront accepter leur protectorat au royaume de
Luang Prabang en 1887.
|
Ce pays ne possède rien de comparable aux temples d'Angkor, à la
baie d'Halong, aux tombeaux impériaux de Hue ou aux fastes du royaume
de Siam… Pas d'horreur notoire comme les tentatives d'écrasement
du Viêt-Nam ou les massacres des Khmers rouges, pour y attirer le chaland… En
fait, nous ne connaissons rien du Laos mais le compte rendu dithyrambique
que nous en ont fait nos copains de SMAC nous a rendus curieux.
La participation des Laotiens aux "débats idéologiques" du
XXème siècle.
Après 50 ans d'administration française, le Laos, pour la première
fois unifié, retrouve son indépendance en 1953, après
une longue lutte de résistance, menée dans le nord du pays par
le Pathet Lao, soutenu par le Vietminh voisin… C'était à l'époque
de la "guerre d'Indochine" (1946-1954) qu'on appelle ici la 1ère
guerre mondiale.
Hélas, le pire était encore à venir… La guerre
du VietNam (2ème guerre mondiale pour les laotiens) succède à la
précédente et le Laos est alors le théâtre d'une
lutte acharnée entre le mouvement pro communiste Pathet Lao qui domine
au Nord et les forces "de droite" pro occidentales qui gouvernent à Vientiane.
En 1975 le Pathet Lao prend le pouvoir et installe la "république
populaire démocratique du Laos".
Pour éviter "cette extrémité épouvantable",
les Etats Unis n'avaient pourtant rien épargné, dans la limite
d'une guerre ni déclarée ni avouée contre un pays formellement
neutre. En popularisant la théorie des dominos, ce cher président
JF Kennedy avait publié haut et fort les intentions des USA pour la
région: aucun pays ne devait "tomber" dans le communisme,
et donc le Laos non plus, sinon tous ses voisins "tomberaient" inévitablement,
dans la foulée…
Nous découvrirons ici une conséquence de cette ‘’partie
de dominos’’: Les bombardements du Nord VietNam à partir
des bases US installées en Thaïlande ont été l'occasion
d'un pilonnage intensif du nord du Laos et particulièrement de la plaine
des Jarres. Les bombardiers américains qui rentraient à leur
base Thaï, au retour d'un "traitement" du Vietnam, avaient
la consigne de larguer tout ce qu'ils n'avaient pas utilisé, en repassant
au dessus du Laos… Sans que la guerre y ait jamais été déclarée,
ce pays a reçu au cours de cette période la plus grande quantité de
bombes par tête d'habitant jamais enregistrée DANS LE MONDE…
Quand les bombes ont cessé de pleuvoir.
Toute cette violence n'aura servi à rien:
La république démocratique du Laos est toujours en place et
le Laos partage avec son voisin vietnamien le privilège d'être
un des derniers pays communistes du monde. Pourtant, l'ambiance qui y règne
ne ressemble en rien à celle que nous avons ressentie au Viêt-Nam
l'an dernier: Les laotiens paraissent beaucoup plus "cool" que leurs
voisins.
L'esprit laotien est très influencé par le bouddhisme Theravada
qui valorise, au dessus de tout, la maîtrise des passions et des envies
humaines. Les passions fortes sont taboues et tout stress inutile est systématiquement évité.
L'avidité est bannie. En conséquence, le laotien ne travaille
pas trop au futur de sa vie présente et est souvent taxé de
manque d'ambition. Si on arrive pressé, soit on repart tout de suite,
soit on prend sur soi et on s'habitue, car RIEN ne les fera s'agiter ni courir.
Un français aurait dit un jour:" le Vietnamien plante le riz,
le Cambodgien le regarde pousser et le Laotien l'écoute pousser…"
Quoique sensibles au modernisme et aux investissements extérieurs,
les laotiens aimeraient conserver leur philosophie et leurs traditions. Le
challenge actuel est donc de trouver l'équilibre entre développement économique
fébrile et préservation culturelle.
Promenade "nonchalante" à Luang Prabang
C'est ici que nous avons atterri au Laos. On n'y est pas arrivé par
hasard, Alain et Christina de SMAC nous en avaient fait le panégyrique
et la lecture de quelques guides nous avait convaincus que cette étape
valait à elle seule le voyage.
La préservation de la cité coloniale et de son architecture,
sa situation au milieu des montagnes, au confluent du Mékong et de
la rivière Nam Khan lui donnent un caractère qui l'a fait classer
au patrimoine mondial par l'UNESCO.
Cette ville nous a plu tout de suite; pas seulement pour ce qu'on vient
d'énumérer, mais plutôt pour son ambiance très
particulière: Touristique sans agressivité, animée mais
pas trop… Avec un potentiel de visites suffisant pour prévenir
l'ennui mais aussi suffisamment vague, pour permettre des déambulations
sans contrainte. C'est un lieu où on a envie de se poser quelques jours.
C'est le premier et le seul qui nous ait donné cette envie, tout au
long de nos visites de l'Asie du sud est.
Les colons "unijambistes"
Au hasard de nos déambulations, on croise ça
et là des bâtiments aux frontons vieillots: "Assurances
Générales", "Banque du Commerce", "Ecole".
On se surprend à les rechercher. Et puis on parle beaucoup
français dans les rues… La nostalgie du colonisateur
nous rattraperait elle?
Un Bavarois rencontré plus tard nous a suggéré que
c'était peut être le syndrome du membre fantôme: vous
savez l'illusion de posséder encore le membre dont on a été amputé qui
traduit la persistance de la conscience du corps dans sa totalité!
-
Luang Prabang serait elle la sensation nostalgique de nos colonies amputées?
Ce n'est pas si b ête au fond.
|
Le centre "historique" est assez petit et tout y est à portée
de marche d'un touriste 3ème âge… On y trouve des pagodes,
un musée royal et tout plein de jolies maisons pour constituer des étapes
de promenade.
Des cafés-restos à terrasse se succèdent le long du Mékong.
Les échoppes qui bordent les rues abritent artisans locaux, bars "ethniques",
restaurants sans prétention… Bien sûr la rue principale
est largement occupée par les tour- opérateurs, bien sûr
les boutiques "chics chocs intellos" gagnent du terrain, mais c'est
assez localisé et même là, l'ambiance n'est pas agressivement
commerciale.
"
Nonchalance" est sans doute le maître mot.
Dès que sortis
de l'artère principale, on se promène dans des rues presque
vides, le long des berges des deux fleuves qui bordent la ville, on entre
dans les cours des monastères où on s'assied à l'ombre
des arbres.
Sous l'un d'eux, très grand, un groupe de jeunes enfants s'amuse. Le
jeu consiste à attraper les feuilles qui tombent de là haut
en tournoyant, avant qu'elles ne touchent le sol. C'est un peu comme
le volley, mais en beaucoup plus simple…
Partout des taches orange safran éclairent l'ombre des ouvertures:
les jeunes bonzes vaquent aux tâches quotidiennes de la communauté.
D'autres conversent assis au creux des branches basses. Un grelot, un gong,
annoncent des cérémonies.
La sérénité nous
gagne.
En début de soirée un marché artisanal de nuit s'installe
près du centre. La rue principale se couvre de tapis où s'étalent
appliqués Hmongs, céramiques, lampes de bambou, abat jours
en fibres de mûrier, bijoux, broderies… Tous produits de l'artisanat
local?
Les vendeuses souriantes vous hèlent avec gentillesse… Il est
vrai que la concurrence est rude et que, sauf quelques exceptions, les
articles se ressemblent fort. Pourtant, plus tard, on regrettera de ne
pas avoir fait
le plein de cadeaux souvenirs ici car on ne trouvera quasiment plus rien
d'intéressant… (Mais
nous n'avons pas visité Vientiane.)
Nous passerons trois jours à flâner ici… Oh bien sûr,
les plus actifs peuvent aussi "faire" des choses: aller voir des
temples ou des grottes dans le voisinage, kayaker, trekker, grimper, faire
du vélo… On peut aussi, mais on n'est pas obligé…
La région du Nord Est et la plaine des Jarres.
La plaine des Jarres… Ce nom résonne dans notre mémoire:
les bulletins d'information de l'époque de la guerre, dans les années
60 – 70. L'horreur au quotidien… Une abstraction si lointaine
alors…
Aujourd'hui cette abstraction est à notre portée… Et puis
on y trouve effectivement des jarres préhistoriques… auréolées
du mystère de leur origine.
Autant de raisons pour louer un minibus avec chauffeur et aller visiter
cette région, autour de Phonsavan.
C'est au cours de ce voyage que nous découvrons le relief impressionnant
du pays: montagnes couvertes de végétation inextricable, séparées
de vallées profondes et encaissées où ne se distingue
jamais ni chemin ni route autre que celle où nous roulons. Un pays
rêvé pour faire de la résistance et de la guérilla.
Mieux que le maquis corse et surtout beaucoup plus vaste…
Un paysage où les kilomètres s'étirent de virages en
virages, taillés dans des versants aux à-pic impressionnants.
Et il y en a beaucoup des kilomètres: 250 pour relier Luang Prabang
et Phonsavan. Notre chauffeur qui parcourt cette route au moins deux fois
par semaine fait montre d'un flegme et d'une sûreté de conduite
rassurants.
En chemin, nous traversons quelques villages Hmongs accrochés à des
flancs de vallée. Nous découvrons alors notre chance: toute
cette semaine est consacrée à la célébration du
nouvel an Hmong. Les jolies robes des demoiselles sont de sortie et ça
fait des places de villages pleines de couleurs…
Phonsavan, ville nouvelle…
Quelques dizaines de kilomètres avant
Phonsavan le paysage s'aplatit et la route devient droite quand nous débouchons,
en fin d'après midi, sur un haut plateau. C'est la plaine des Jarres
où est construite la capitale du district.
Nous passerons le moins de temps possible dans cette ville: elle est
laide, Il y fait froid,et il n'y a strictement rien à voir… La ville
est "neuve", construite à partir de rien pour remplacer l'ancienne
capitale, complètement détruite pendant la deuxième "guerre
mondiale" - Il faut dire que c'était assez international quand
guerroyaient ici les laotiens, les vietnamiens, les américains, les
russes et les chinois - Quelques très larges avenues bordées
de petits bâtiments d'un étage abritent boutiques, restaurants,
hôtels, banques et administrations. Tout ça est gris, vide et
triste. Les concepteurs de cette cité on voulu prévoir grand,
large… Mais pas du tout joli ni vivant…
De plus, en cette saison il fait un froid de canard et le chauffage est
inconnu. Alors on sort chaussettes et polaires, on empile les couvertures
sur le lit et on rentre le bout du nez qui gèle.
Après la guerre, la vie continue…
Le jour suivant nous parcourrons la région alentour à bord
de notre minibus. Deux types de traces y témoignent abondamment des
bombardements du Laos évoqués ci dessus:
- Les conteneurs des bombes de plusieurs centaines de kilos qui pleuvaient
alors sur la région ont été récupérés
pour construire des murets et des enclos… On en voit partout dans la
campagne, dans tous les villages. Ces conteneurs se présentent comme
des demi cylindres longs d'un mètre cinquante à deux mètres
pour un diamètre de 50 à 70 centimètres. Ils sont plantés
jointivement dans le sol, un peu comme les "pal planches" de chez
nous. Ça donne une idée du nombre et de la taille des engins
explosifs qui sont tombés ici…
- Les cratères d'explosion qui ravinent la campagne et lui donnent
par endroit un aspect lunaire. Les trous correspondants sont généralement
profonds de 3 à 4 mètres pour un diamètre de vingt à trente.
Moins visible, il y a aussi un troisième type de traces de "cette
animation du paysage" (comme disent les artilleurs): Les explosions "accidentelles" dont
les habitants ont été - et sont encore régulièrement – victimes,
depuis l'arrêt des hostilités. Un programme international de
déminage est en cours mais on compte encore chaque année une
soixantaine de victimes de ces cadeaux empoisonnés.
La Plaine des Jarres
Sur cette vaste plaine on compte trois sites de quelques hectares chacun,
sur lesquels sont dispersées des centaines de grandes jarres en pierre.
La plus grosse pèserait six tonnes. Personne ne sait vraiment qui les
a mises là ni à quoi elles servaient: Sarcophages? Réserves à vin?
Stockage du riz?
Le parcours de ces sites est balisé, et c'est une promenade agréable,
quoique bizarre, entre les cratères de bombes.
Les Hmongs chez eux…
La rencontre des Hmongs qui habitent cette région est intéressante
et dépourvue de toute préparation touristique.
Dans presque tous les hameaux que nous traversons, nous voyons des groupes
de villageois, adultes et enfants, occupés à frapper le sol
avec des branches sur le bord de la route … Renseignements pris, ce
n'est pas pour chasser les mauvais esprits, c'est un procédé pour
débarrasser de leurs graines ces rameaux récoltés près
du village.
Des chinois les achètent pour fabriquer des balais et les vendre dans
tout le sud est asiatique.
Il est assez amusant d'observer que les villageois considèrent la
route qui traverse leur village comme une annexe domestique avant d'être
le domaine des voitures qui y passent. Des chiens qui errent aux enfants qui
jouent, en passant par les frappeurs de "balais", tout le monde
se considère prioritaire sur les véhicules de passage…
Le grand jeu du nouvel an
Dans chaque village, nous assisterons au jeu des jeunes filles en fleur qui
s'organise tous les jours pendant cette période de célébration
du nouvel an.
Vers l'âge de 14 ans*, arrive pour les jeunes filles Hmongs le moment
de trouver un mari et le nouvel an en est la grande occasion. Pendant toute
cette semaine de fêtes, elle passent des socquettes blanches et des
escarpins à très hauts talons, revêtent leur plus beau
costume traditionnel, très coloré et dont les teintes dépendent
de leur tribu, sortent leur ombrelle et se présentent sur la place
du village pour se ranger avec leurs copines en deux lignes face à face.
Elles vont passer ainsi la journée à se lancer une balle (genre
balle de tennis) d'une ligne à l'autre… Il semble que celle qui
rate la balle encoure un gage infligé par celle qui l'a lancée.
Les jeunes gens intéressés viennent s'insérer dans un
rang, face à la fiancée convoitée, et participent au
jeu, mollement, d'une seule main, histoire de ne pas trop se dévoiler….
Et ainsi va la journée, avec des rires et des gloussements. Ce rituel
remplace le bal du samedi soir chez nous et va durer toute la semaine.
* l'âge légal du mariage au Laos est de18 ans mais une exception
est faite pour les Hmongs: les femmes de ces tribus auront en moyenne une
dizaine d'enfants et leur mari est généralement plus âgé de
10 ans.
La kermesse héroïque.
C'est le dernier week-end du nouvel an et nous irons faire un tour à la
grande fête qui est organisée à Phonsavan le dimanche
après midi, en point d'orgue de cette semaine de célébrations.
Tous les Hmongs des environs sont venus.
A l'intérieur d'une clôture érigée pour l'occasion
autour d'un terrain vague à l'orée de la ville: sont montés
les habituels stands de bouffe locale, de tirs aux fléchettes sur ballons
gonflables, des loteries, des étals de babioles diverses… Même
une structure gonflable genre château de Disneyland pour les plus petits… Et
toujours ces lignes de jeunes gens qui se lancent la balle…
Tout cela rappelle fort les kermesses paysannes de notre enfance.
Notre guide nous entraîne vers une salle de danse en nous promettant
un spectacle intéressant… "Chic, du folklore…" Un
hall parqueté de ciment brut abrite un clavier électronique
et un animateur tonitruant. Le pauvre s'époumone à réveiller
une foule éparse silencieuse mais très attentive, debout autour
de la piste vide… Il crie, s'agite, rit tout seul de ses blagues… Le
musicien enchaîne des morceaux de pop music internationale… Enfin
un couple se décide timidement à danser en se dissimulant derrière
un poteau! Quelques autres le suivent… Et c'est parti… C'est vraiment étrange
de voir ces jeunes filles en costume traditionnel se trémousser de
la même façon et sur les mêmes musiques que dans une boite
occidentale.
La chevauchée fantastique.
Près du "dancing" où s'éclatent les aînés,
un manège de chevaux de bois attire les plus petits. Les bêtes
taillées à la main et peintes itou, sont pendues par des tiges
de fer au plafond solidaire du pivot central. (Ça ressemble à ce
qu'on appelait il y a cinquante ans des balançoires dans les petites
fêtes foraines de Bretagne.)
On assiste là à des expressions de pur bonheur: des fillettes
colorées, graves, assises en amazone, qui tournent dignement sans abîmer
leur costume et sans même faire bouger les perles de leur coiffure… Des
tout petits, tenus par des plus grands et accrochés à la crinière
de leur monture, respirent la joie et l'allégresse… Mais les
champions ce sont les deux grands (six ans?) qui explosent de bonheur concentré,
intensément sérieux car il y a danger: ils impriment un mouvement
de balancier à leur engin et ils montent… ils montent… leur
cœur saute… il va éclater! Ils chevauchent les montagnes!
Ils sont Gengis Khan ou John Wayne… Ils sont les rois du manège.
Rien que pour sentir cette joie de vivre, le voyage valait le détour.
Un autre type de spectacle s'organise aussi à Phonsavan à cette
occasion: les combats de buffles. Nous ne souhaiterons pas y assister, au
grand effarement de notre guide qui pensait faire un tabac en nous proposant ça… Lui
même avait sans doute très envie d'y aller…
Le retour des émigrants
A côtoyer les Hmongs dans Phonsavan, nous arrivons vite à distinguer
des différences et nous observons que si une partie de la population
reste très rurale, dans ses vêtements et ses attitudes, une autre
partie parait beaucoup plus coquette, moderne et même un peu arrogante.
Dans les rangs du jeu de balle des jeunes filles, celui là par exemple:
la main gauche nonchalamment enfouie dans la poche de son costume cravate
(par cette chaleur il faut vouloir), il fait son avantageux, regarde la jeune
fille en face d'un regard appuyé, sûr de lui, très hollywoodien…
Au restaurant, ces gens que l'on reconnaît à leur assurance de
citadins, sont installés au haut bout de tablées nombreuses,
le plus souvent vêtus de blousons de cuir ou de fourrure (si si…)
et ils paient ostensiblement l'addition de toute la tablée…
Renseignements pris, ces gens sont des expatriés qui constituent les
communautés Hmong de Californie. Ou d'ailleurs, sans doute, mais il
y en aurait pas mal là bas.
Les jeunes hommes qui commencent à y faire leur pelote, reviennent
souvent tout exprès des Etats Unis pour assister aux fêtes et
chercher femme au village.
Nous avons eu de la chance de tomber sur cette célébration du
nouvel an car en temps ordinaire il n'y a pas grand- chose à voir par
ici et une journée y suffit largement. A moins de pousser vers le nord
est et la frontière Vietnamiemme.
Vang Vien, ses Montagnes, ses Télés…
Vang Vien sera notre dernière étape, avant de quitter le pays.
C'est un peu la Mecque des sacadoïstes occidentaux en quête d'activités
sportives.
L'agglomération elle même n'a à peu près aucun
intérêt et semble n'exister que pour le tourisme. Elle se déploie
parallèlement à la rive gauche de la rivière "Nam
Song ", le long de deux larges avenues principales reliées par
des ruelles transversales sans aucune grâce. Toute l'agglomération
est organisée en bars, restaurants et agence de treks. Boaf…
L'intérêt de la région??? La Nam Song elle-même
qui est large et majestueuse. Et surtout le paysage qui s'étale sur
sa rive opposée: les montagnes proches dont les formations karstiques
constituent des décors à plans multiples entre lesquels, tous
les jours, soleil et ombre se donnent la réplique. Ces collines sont
truffées de grottes qui regorgent de concrétions superbes et
forment autant de buts de ballade. Un terrain idéal où pratiquer
pendant la journée, plein d'activités plus ou moins sportives:
descentes de la rivière légèrement tumultueuse en Tub
(grosse chambre à air de camion), grimpettes, treks et escalades diverses,
vélo,…
Plus tard, en fin d'après midi, sur la rive gauche de la rivière,
les meilleurs hôtels proposent depuis leurs terrasses, coucher de soleil
et apéro de carte postale.
Tout ceci explique l'engouement des jeunes touristes et la multiplication
des agences ad hoc… Mais le soir? Avec autant de jeunes gens désoeuvrés, ça
doit être une ambiance torride…Ehhh bien là!!! Une grosse
surprise nous attend… Du jamais vu…
Tous les bars alignés le long de la grand'rue proposent une terrasse
ouverte équipée de "couches", façon fumerie
d'opium du siècle dernier. Toutes sont tournées dans la même
direction, vers un téléviseur grand écran, pour consommer
la drogue du XXIème siècle: les feuilletons de télévision… Eh
oui, en fin d'après midi et le soir on peut admirer cette belle jeunesse,
veau-trée, se gavant de sagas Américaines... Faire 10 000 kms
pour ça… Etonnant non? Paméla Anderson (oui, on sait elle
date un peu mais c'est la seule qu'on ait connue…) est elle plus pimentée
sous les tropiques ?
La fin de notre séjour asiatique.
Et voila, c'est la fin de notre court périple laotien. Comme SMAC,
nous ne pouvons que vous encourager à venir voir.
Ici n'est pas comme ailleurs (pas encore???) et si on n'assimile pas retard
de développement à pauvreté, on peut imaginer ici une
alternative à l'expansion économique frénétique
qui serait le seul horizon possible pour nos sociétés occidentales
et leurs disciples orientales.
Nous quitterons Vang Vien pour Vientiane, dans un bus qui mettra 5 heures
pour faire 200 kilomètres. Là nous passerons la frontière
pour retrouver la modernité thaï et un train couchette qui nous
déposera le lendemain à l'aube au centre de l'immense Bangkok.
Nous aurons la journée pour y flâner et surtout visiter le musée
royal, mais Getaway n'est plus loin et nous y serons revenus le soir même.
Le moment est maintenant venu de nous atteler sérieusement à la
préparation de notre départ.
Premier tronçon d’autoroute… Jusqu’aux Maldives
Yaourt connection
L'avitaillement, calculé pour trois mois d'autonomie, est assez vite
fait: quelques chariots de pâtes, riz, farine, margarine, confitures…dans
les super marchés; quelques bidons d'huile d'olives, de gros morceaux
de jambon de parme et de parmesan, dans une épicerie italienne découverte
près d'Ao Chalong. On ne mourra pas de faim dans les semaines qui viennent.
Tout est quasiment prêt, sauf qu'on n'a pas trouvé le produit
miracle avec lequel nous produisons nos yaourts, que notre réserve
est en voie d'épuisement et que nos petits déjeuners à venir
vont en pâtir. On a pourtant sollicité internet, les copains,
tout… mais rien n'y fait: il n'y a pas de Easiyo en Thaïlande…
Soudain, voila t'y pas que nos amis Zakia et Alain de Siloe, nous annoncent
par courriel qu'ils ont dégotté le produit dans une épicerie
australienne près de Telaga, à Langkawi... On leur demande alors
de nous en acheter une provision pour un an, car les pays où nous allons
n'ont sûrement pas ce type de produit… Chose sera faite, en dévalisant
complètement le stock du magasin qui n'en avait jamais vendu une telle
quantité à la fois.
Mais c'est pas tout ça, il faut encore
livrer notre commande sur Getaway… A Phuket…
Pour ce faire, Zakia
et Alain confient la marchandise à un voilier français qui doit
arriver rapidement en Thailande, mais ce dernier est toujours à Langkawi
quand nous nous mettons dans les starting-blocks. Nous demandons alors de
re-transborder le paquet sur Siloe et décidons de faire une dernière
fois notre croisière favorite Phuket- Langkawi pour y récupérer
notre poudre blanche, avant de mettre le cap vers l'ouest.
Partis,
enfin!!!
C'est donc depuis Langkawi que nous nous élançons, le samedi
20 janvier à l'aube, pour une première étape de 1600
milles à travers l'océan Indien.
Peu de vent pour cette première journée, mais déjà quelques émotions
tout de même…
Un bout à la mer…
Le profil des collines malaises commence à s'estomper à l'horizon
mais nous croisons encore de nombreux pêcheurs qui traînent leurs
filets sur notre route. La mer est calme, le vent de NE par le travers, la
veille nonchalante, tout baigne, pour cette journée d'amarinage.
Et puis voila que tout à coup "l'homme" de quart signale
au capitaine un long "bout" qui flotte droit devant. Ça,
pour être long, il est long!!! Vers le nord, on n'en voit pas la fin
et vers le sud??? On abat pour essayer de le passer par le sud mais de ce
côté là aussi le bout est long… Avant qu'on ait
pu tenter autre chose, la grand voile empanne à grand bruit et la dérive
s'allie aux safrans pour accrocher déjà plusieurs boucles flottantes… Il
faut mettre en panne…
Affalage des voiles en urgence et nous voila penchés sur le problème, à l'arrière
du bateau… Du bien beau bout mon vieux!!! Du gros, du tout neuf…
Allez, vite, enfilage de "palmes-masque-tuba" et le capitaine plonge
pour essayer de dégager tout ça - Attaché au bateau cette
fois, on se souvient de la leçon de Fortalezza… - Comme il n'y
a pas de vent c'est assez vite fait et il remonte bientôt à bord
après avoir libéré Getaway de ses entraves. Juste à temps
pour voir arriver à toute vapeur un bateau de pêcheurs qui vient
récupérer son bien, sans doute échappé à son
insu, lors d'une fausse manœuvre… Il doit bien y en avoir deux
bons kilomètres…
Sourires aux pêcheurs. On se sèche, on renvoie les voiles et
c'est reparti.
Panne d'éclairage sur la voie publique.
Le soir arrive sans nouvel incident, et avec lui le moment de se préparer
pour la nuit et d'allumer les feux de route. Et là surprise! Ces feux
qui hier soir encore brillaient si fort en tête de mat restent cette
fois obstinément sombres!
M… P… de Ver… Exubérance verbale du capitaine…
Si on ne veut pas naviguer sans feux jusqu'aux Maldives, il va falloir
monter là haut. En pleine mer… Ça ne nous est encore jamais
arrivé!
La nuit tombe, nous ne sommes pas encore dans une zone de trafic intense...
On pourrait peut être attendre demain matin qu'il fasse grand jour?…
Oui mais… Ce soir la mer est assez plate pour permettre une montée
rapide… Il ne faut jamais remettre au lendemain…
Enfin quoi, la mauvaise conscience fait son boulot et le capitaine finit
par affaler la GV, enfiler son harnais et une ampoule de rechange entre les
dents le voila qui escalade les échelons du mât, dûment
assuré par le second. Dans la stabilité relative des sommets
du gréement, la panne est rapidement réparée, sans rien
laisser tomber. L’électricien est donc vite redescendu, la GV
renvoyée et l'ambiance sur le bateau est à la satisfaction du
devoir accompli. Tout est propice à un apéro serein.
L'avenir donnera raison à cette détermination à faire
vite: dès le lendemain matin, la mer sera très formée
et ne s'apaisera plus avant les Maldives. On n'aurait sans doute pas eu l'audace
de monter là haut avec les vagues qui seront alors notre quotidien
et sans feux de route on aurait été très inquiets…
D'autant que la circulation s'intensifiait autour de nous…
Eh oui, le "Great Channel" qui sépare le nord de Sumatra
du sud des Nicobar marque la fin du rail de circulation étroit qui
emprunte jusqu'ici le détroit de Malacca depuis Singapour.
Selon le
principe d'incompressibilité des cargos, l'intensité du trafic
maritime qui nous avait si tant impressionnés à Singapour ne
pouvait que se retrouver ici… Et il se retrouve effectivement… Sauf
que là bas, nous l'avions ou bien croisé perpendiculairement,
ou bien suivi le long de sa limite est; alors qu'ici il est moins bien localisé et
que nous sommes en plein dedans…
On voit des cargos partout autour de
nous… A pleine vitesse… Enfin on en voit quand les grains incessants
nous en laissent le loisir! Car régulièrement, nous sommes plongés
dans la cécité totale par une pluie diluvienne accompagnée
d'un vent qui oblige à fermer les yeux. Et alors là, même
notre radar est aveugle… Ambiance… On espère que les leurs
ne sont pas aveugles…
Et puis quoi, à la voile nous sommes quand
même prioritaires??? Non mais sans blague…
Bref, ça dure comme ça trois jours, pendant lesquels nous tenterons
d'échapper au trafic en nous écartant par le nord, sans succès;
puis par le sud, ce qui nous permettra en moins d'une vingtaine de milles
de ne plus voir personne!!! Eh oui, c'est bon à savoir…
Le vaisseau fantôme, loin de Bayreuth...
Autant vous dire que la veille sur Getaway était assidue et attentive… Pourtant, ça
ne nous a pas évité de frôler le danger au moins une fois.
(S'il y en a eu d'autres, on ne l'a pas su…).
L'histoire commence pendant le quart du capitaine. La routine: à notre
nord, une majorité de cargos nous double en faisant de l'ouest alors
qu'à notre sud elle nous croise en faisant de l'est. Nous en apercevons
en général deux ou trois à la fois, de chaque côté,
toujours sur des routes quasi parallèles à la notre.
La fin du quart arrive et les yeux blasés du veilleur aperçoivent,
très loin, outre les cinq ou six voisins habituels, des feux en vrac
qui ne sont pas alignés sur une route Est Ouest. Une ou deux observations
plus tard, rien ne change vraiment et le capitaine en conclut que c'est un
bateau qui s'éloigne vers le nord. C'est un problème réglé,
l'heure d'aller dormir et on n'en parle même pas à la relève…
Quelques ronflements plus tard, le profond sommeil du capitaine est écourté par
l'appel du second: "Viens voir, il y a des lumières pas loin sur
notre tribord et je ne comprends pas ce que c'est…"
Après quelques frottements d'yeux le diagnostic est clair: "pas
loin" est en fait "tout près"…
C'est un bateau qui nous arrive dessus, perpendiculairement à notre
route, éclairé de tellement de lumières qu'on ne distingue
rien de ses feux d'identification réglementaires.
Il parait devoir passer sur notre avant, mais très près et si
on ne fait rien on va se le payer, c'est sûr… D'ailleurs il y
va maintenant de sa sirène de brume… Lui de toutes façons
n'a plus le temps de faire quoi que ce soit…
Et nous? Oh, nous on pourrait lofer et mettre en panne sur une route parallèle à la
sienne mais il n'est pas évident que ça nous évite l'abordage…
On pourrait abattre aussi et ça devrait nous permettre de passer derrière
lui. On abat donc et on voit défiler la muraille noire sur bâbord,
tout près, si près… Trop près… Il faut abattre
encore! Et évidemment c'est l'empannage incontrôlé… Le
vent souffle à plus de 25 noeuds et c'est assez brutal… Une poulie
explose dans la manœuvre, mais le reste tient bon.
Le cargo fantôme arrête enfin sa sirène et nous présente
son c… Il est passé!
Nous n'avons rien abordé et nous flottons toujours mais il faut maintenant
remettre sur la route… Et pour ce faire, procéder à un
nouvel empannage. Contrôlé celui là?
Oui bien sûr!
Enfin plutôt non… La fatigue, l'émotion… Et ça
repart en vrac… Broum! Une deuxième poulie explose…
Cette fois les nerfs lâchent et le capitaine explose lui aussi… Oh
c'est rapide - sans doute pas plus de 15 secondes - mais c'est bruyant itou:
Bon D… de M…, mais qu'est ce qu'on est donc venus f… ici??? Et puis ça se calme, le mât est toujours debout, on remet sur
la route et on réparera demain matin, au jour.
Le capitaine se demandera longtemps comment il a pu conclure, en fin de quart, à un
cargo qui s'éloignait sur une route perpendiculaire, alors qu'il ne
l'avait pas repéré avant. D'où aurait il pu sortir??? Ça
aurait dû être tellement clair qu'il ne pouvait que venir à notre
rencontre! Tout ça incite à pas mal d'humilité… ainsi
qu’à raccourcir la durée des quarts.
Enfin, tant qu'on flotte toujours…
Enfin seuls
Une fois la bonne tactique d'éloignement de la route des cargos adoptée,
notre itinéraire vers Malé passant assez loin au sud du Sri
Lanka et de l'Inde, nous sommes sortis définitivement du chemin des
mastodontes. Ne restaient plus à guetter que les rares hurluberlus
en route sur un axe nord-sud, ralliant directement l'est de l'Inde à l'ouest
de l'Australie. Il n'y en avait pas beaucoup, mais un seul peut suffire...
Comme à mesure que nous faisions de l'ouest, les grains se raréfiaient
eux aussi, le reste de notre route jusqu'aux Maldives sera plutôt calme
et comme tel ne mérite pas de commentaires supplémentaires…
Tant va le spi à l’eau…
Ah si, tout de même… Non seulement, sur cette route au sud, les
cargos nous ont lâché les baskets, mais encore le vent s'est
fait régulier, de trois quart arrière autour de 15 nœuds.
Le temps idéal pour essayer le spi asymétrique tout neuf qu'on
s'est fait faire à Phuket. La manœuvre est un peu tâtonnante,
pour ce premier vrai envoi… Mais finalement, la chaussette libère
l'engin et nous laisse admiratifs du beau rond rouge qui s'élève
au dessus de nos têtes…
Le vent bien stable, le bateau aussi,
arrive l'heure de casser la croûte et on oublie un peu le spi.
Nous
sommes installés à la table du carré quand une agitation
de couleur, inhabituelle, attire l'œil du capitaine vers le hublot de
coque. Blanc et rouge ont remplacé le bleu habituel de l'eau qui nous
entoure!!! On se précipite dans le cockpit et…
Eh oui, le beau
spi tout neuf est dans l'eau… Pour une raison encore à identifier,
la drisse a cassé et 130 mètres carrés de tissu léger
flottent autour de Getaway. Comme le vent n'est pas violent et que la mer
est assez calme la récupération du naufragé est rapide,
même si ce dernier, tout mouillé mais intact, réintègre
sa chaussette avec quelques réticences.
De nouveaux essais de spi devront maintenant attendre les Maldives, car
la drisse cassée est retombée à l'intérieur du
mât et est inaccessible Comme elle a dû faire des boucles autour
des autres drisses, on ne peut même pas la récupérer par
en bas. Il reste à prier pour qu'elle n'entrave pas la manœuvre
de ses collègues, en particulier celle de Grand Voile quand il faudra
l'affaler.
On peut désamorcer tout de suite ce suspense haletant en dévoilant
que le moment venu, la grand voile sera affalée sans problème;
que la récupération de la drisse cassée, dans un lagon
des Maldives, sera un peu laborieuse mais couronnée de succès
et que cette drisse sera aisément regréée, avec un fourrage
près du mousqueton pour la protéger du ragage.
On peut encore mentionner qu'avec ou sans spi, vents et courants favorables
nous ont permis d'enregistrer plusieurs fois, pendant cette traversée,
des moyennes journalières de 160 milles, proches du record de Getaway
(170 milles, constatés une seule fois en descendant le golfe de Gascogne).
Si les vaisseaux sont fantômes, le courant équatorial lui, est
bien réel et super favorable!!!
Les Maldives, une poussière d’îlots.
Arriver quelque part.
Comme toujours, voir apparaître à l'horizon la terre que l'on
vise depuis plus d'une semaine, a quelque chose de magique. Sans doute rien
de comparable avec les temps d'avant le GPS, mais tout de même… Ça
raffermit toujours la confiance en l'électronique et les lois de la
physique…
C'est encore plus magique quand, comme ce 31 janvier, l'atterrissage se
déroule le matin avec la terre qui se dévoile progressivement,
accompagnant la montée du soleil.
Mais cette fois elle ne s'annonce pas de bien loin… Quelques milles… Quatre
ou cinq… Ici, c'est comme aux Tuamotus, les points les plus hauts culminent à moins
de quatre ou cinq mètres d'altitude. Seuls quelques buildings à Malé dépassent
la dizaine de mètres et l'essentiel de la partie émergée
de l'atoll reste invisible, jusqu'à s'approcher à moins d'un
mille ou deux.
Bienvenue aux Maldives
Grâce à St GPS et à St CMAP, nous atteignons sans encombres
le mouillage de quarantaine où nous sommes supposés attendre
la bienvenue de notre agent et des autorités locales.
Car notre arrivée n'est pas une surprise ici: Grâce à Sailmail,
nous avons contacté un agent depuis déjà trois jours
et lui avons communiqué nos caractéristiques: taille, poids,
age, taille, age, poids, age, taille, poids…
On ne rigole pas avec les
formalités par ici…
On verra plus tard qu'on ne rigole d'ailleurs pas avec grand-chose dans
ce pays…
L'utilisation d'un agent qui représente le bateau auprès des
autorités est "obligatoire" aux Maldives. Le notre s'appelle
Abdullah et son entreprise AMSCO. Contacté par VHF lors de notre approche,
vers 10 heures, il nous a demandé d'attendre au mouillage qu'il obtienne
le feu vert des autorités pour pénétrer dans le bassin
du port de commerce.
Mais la zone de mouillage dans l'atoll montre plus de 30 mètres de
profondeur, sur des fonds coralliens et quand on peut éviter de laisser
descendre son ancre dans de telles conditions, on évite… On décide
donc d'attendre en faisant des ronds autour des cargos mouillés, à vitesse
lente. En fait, c'est vers 13 heures, sans doute après le repas, qu'il
nous rappelle pour nous demander de venir à quai. Cela faisait plus
de 2 heures qu'on tournait en rond et on commençait à s'impatienter
un peu…
Dans le petit bassin du port de commerce, une manœuvre de mouillage cul à quai,
un peu pénible par bon vent de travers, et nous voila prêts pour
accueillir les autorités qui attendent sur le quai. Pas extraordinairement
marins, leurs représentants parviennent à nous aborder sur une
annexe empruntée à un bateau voisin; avec leurs vêtements
et leurs papiers tout mouillés, quand ces derniers ne se sont pas tout
simplement envolés… Tout le monde cependant fait bonne figure
et reste calme et serein. Une fois les fonctionnaires à bord, l'opération
est expédiée en moins d'un quart d'heure.
Aussitôt ces formalités accomplies, nous sommes conviés à quitter
le bassin pour aller mouiller dans le lagon des "small crafts" et
des yachts, à Huluhmale, trois à quatre milles au nord.
L’atoll de Malé.
On s'aperçoit vite que ce pays extrêmement étendu n'est
constitué que d'atolls dont les barrières de corail sont presque
entièrement immergées. Seule une poussière d'îlots émerge
de ces atolls et la surface utile est une denrée rare aux Maldives.
L'atoll de Malé s'est organisé en spécialisant ses plus
grands îlots:
L'île de Malé, capitale administrative et économique du
pays est couverte d'immeubles. Elle est entourée d'un platier de corail
très étroit; trop pour y construire un port conséquent.
On n'a pu y loger que quelques petits bassins "de poupée",
pour abriter les vedettes militaires, une escale pour quelques bateaux de
pêche et petits caboteurs, et des terminaux de navettes qui desservent
les îlots voisins. Les nombreux cargos et porte-conteneurs mouillent
en rade dans l'atoll, par 30 à 40 mètres de fond et viennent
transborder l'un après l'autre à un quai construit sur le bord
du platier.
Tout près de Male, l'île d'Ulhumale héberge l'aéroport.
De gros travaux de remblaiement du lagon qui l'entoure ont déjà permis
de dégager la surface nécessaire pour construire un quartier
dortoir, relié par ferry à la ville proche. C'est dans ce qui
reste de ce lagon que les yachts sont conviés à mouiller.
Quelques
milles à l'ouest, un îlot abrite l'activité industrielle
et de traitement des déchets (Ses fumées en témoignent
régulièrement). Un autre encore héberge les stocks de
produits pétroliers.
Enfin, il y en a tout de même qui ne portent que des villages traditionnels:
Incroyable non? Les platiers qui les entourent sont alors généralement
squattés par des hôtels-resorts organisés en îlots
de rêve, où travaille la main d'œuvre locale.
Malé, la grande ville.
Après avoir accompli nos formalités d'entrée, nous sommes
donc allés mouiller dans le lagon d'Ulhumale, à portée
d'annexe d'un terminal "ultra moderne" d'où part toutes les
demi heures une navette vers Malé. Le trajet jusqu'à la ville
dure une vingtaine de minutes et coûte moins d'un euro. La situation
est donc plutôt confortable pour procéder au ravitaillement.
Le seul point négatif, ce sont tous ces avions qui passent régulièrement
au ras de nos mâts, pour décoller ou atterrir. C'est bruyant
et salissant…
La ville de Malé n'est pas désagréable. Front de mer
aéré, rues un peu ombragées, boutiques ou on trouve un
peu de tout, genre bazars chinois - Ici ce serait d'ailleurs plutôt
indiens - Le marché aux poissons, fruits et légumes se situe
en bord de mer, mais on se ravitaille autant sinon plus dans des échoppes
qui sont ouvertes tout autour. Côté fruits et légumes,
on trouve quasiment tout ce qu'on veut. Ou plutôt ce à quoi on
s'est habitués depuis quelques années. On a fini par trier les
trucs importants (et trouvables) et on s'y tient: carottes, choux, tomates,
poivrons, oignons, pommes de terre, aubergines, squash et poireaux (plus exceptionnels).
Pour les fruits: papayes, oranges, bananes et mangues.
Ce qui est plus difficile dans cette ville, c'est de dénicher un endroit
sympa où boire un coup et déjeuner… L'ambiance est très
islam strict… Pas de bière à la vente… Nulle part… Ça
ne favorise pas la prolifération des troquets à terrasse…
Les traversées en navette nous permettent de côtoyer les beautés
locales… Bien cachées pour l'essentiel, même si elles font
montre d'originalité en choisissant parfois des voiles de couleurs
vives (même rouge), assurés par de jolies broches. Elles vont à l'école
ou travailler à Malé… Ça ne rigole pas franchement,
moi je vous-l-dis. Un petit sourire à notre adresse et les yeux se
baissent très vite: comme les apprenties bonne sœurs dans les
années 60. Bon d'accord, c'est moins bruyant qu'une classe de perruches
françaises lâchées dans un bus scolaire, mais tout ça
respire quand même beaucoup l'ennui et le tristounet, finalement.
Resort lagoon à Himmafushi
Nous ne nous attarderons pas à Ulhumale plus que nécessaire
au ravitaillement et nous irons rapidement chercher un peu de calme à Himmafushi,
un îlot doté d'un petit lagon, situé une quinzaine de
milles au nord.
Dans ce lagon, nous mouillerons à mi chemin de deux îlots séparés
par deux ou trois milles d'eau calme.
Au sud: un luxueux hôtel et ses
ensembles de bungalows sur pilotis; au nord: un village traditionnel qui sert
de base arrière au précédent et de cité dortoir
pour la population qui y travaille.
Au milieu du lagon, quelques centaines
de mètres à notre sud, un petit ponton flottant accueille les
clients de l'hôtel qui s'y font débarquer en hydravion et sont
récupérés par des vedettes (ou l'inverse).
Avec les bateaux
navettes entre les deux îlots qui figureraient le trafic de transhumance
banlieusard et ce trafic d'hydravions, on a un peu l'impression d'être
mouillés entre Orly et Paris (en porte clefs)…
Un peu de snorkeling sur la barrière toute proche nous montre du corail
mort, mais aussi pas mal de jolis poissons qui vivent sur le tombant.
Nous n'irons pas visiter le resort, mais notre débarquement dans le
village nous réservera une surprise.
Nous laissons l'annexe le long
d'un petit quai, sous un grand portique un peu décrépi qui nous
souhaite la "bienvenue à Himmafushi". Cette construction
marque l'entrée d'une large avenue sableuse, bordée de boutiques
de souvenirs et totalement déserte quand nous débarquons…
Déserte? Pas pour longtemps…
Notre venue a réveillé les
marchands et ils se précipitent pour nous attirer vers leurs échoppes
qui proposent toutes à l'identique les inévitables paréos,
poissons en bois peint et souvenirs de pacotille... tous fabriqués à Taiwan
ou quelque part par là. Ils se nous arrachent avec acharnement et nous
collent aux basques avec insistance… On résiste, refuse le plus poliment possible en
s'éloignant rapidement de cet enfer marchand.
On avait oublié cette
nuisance en Thaïlande.
Partout ailleurs dans le village les rues sont balayées, très
propres et peu fréquentées.
On y croise quelques hommes, mais
rarement des femmes… Mais où sont elles donc? Sans doute derrière
les jolis murs de corail qui bordent les rues et ferment aux regards les cours
des habitations. A l'autre bout de l'île, sur la côte au vent,
on en aperçoit quelques unes avec des petites filles…Charmantes
et surprises de voir des touristes égarés aussi loin du port
et du quartier commerçant (un km au moins..).
Au retour on s'arrête au "bar du port" pour un jus de fruits
frais et un bout de gâteau: 4 euros!!!! La Thaïlande est déjà bien
loin…
Coca lagoon à Thulusdhoo
Le retour des enfants prodigues.
Nous sommes sans
nouvelles de Joran depuis près de 2 semaines.
On sait qu'ils sont partis de Thaïlande par une mauvaise session
BLU alors qu'ils n'avaient pas encore passé les Andaman mais
aucune nouvelle depuis. Ni BLU ni mails… Le 5 février ils
se manifestent enfin par VHF. Ils sont à Malé, leur BLU
serait en panne et ils nous auraient envoyé des courriels que
nous n'aurions pas reçus… Sans doute quelque part une fausse
manœuvre… Daniel était furieux et inquiet de notre
silence comme nous étions furieux et inquiets du sien à la
radio… Enfin, tout s'éclaircit et nous nous retrouvons,
apais és, dans le lagon de Thulusdoo |
Située à une quinzaine de milles au nord d'Himmafushi,
Thulusdhoo est un peu plus grande mais surtout plus industrieuse.
Outre un chantier naval
on y trouve une usine qui produit la consommation nationale de Coca Cola.
Le hangar de tôle (rouillée) qui l'abrite n'est pas vraiment à l'image
aseptisée que peaufine cette marque.
Globalement, le village ressemble beaucoup à celui d’Himmafushi,
sauf qu'il n'y a pas de grande rue occupée par les marchands du temple.
Ici c'est plus subtil…
Dès que débarqués de nos annexes, nous sommes pris en
charge par un monsieur plus très jeune, qui fait l'important (et devient
assez vite importun), baragouine mal l'anglais et dont on ne comprend pas
bien ce qu'il veut.
Qu'est ce qu'il cherche? Mais qu'est ce qu'il veut à la fin???
Enfin la lumière se fait: il veut nous entraîner vers son épicerie,
juste à gauche! "C'est pas loin, j'vous dis"… On se
disait bien aussi!!!
On refuse poliment… Plus tard? Peut être?
Mais il ne décroche pas et nous emboîte le pas, quelques mètres
en arrière, pendant notre ballade.
Un autre jeune homme, plus timide, nous aborde, au mécontentement manifeste
du premier et se propose pour nous montrer son île, très content
d'exercer son anglais. Il nous accompagne discrètement, distillant
quelques indications, au hasard des rues.
Fitzcaraldo aux Maldives…
Notre jeune accompagnateur nous introduit dans un hangar immense situé sur
la côte nord, dans lequel nous découvrons, abasourdis, un très
gros bateau en construction. Une bonne trentaine de mètres, deux ponts,
sans doute une centaine de tonnes. Très jolie construction traditionnelle
en bois, sans clous ni vis, il est destiné à promener des touristes
entre les atolls.
Nulle part dans le hangar nous n'apercevons de plans de construction. Tout
a l'air de sortir de la tête du seul homme qui sait… Les ouvriers
sont sri lankais et le beau bois rouge vient de Malaisie.
Le bateau remplit quasi complètement le volume du hangar qui l'abrite.
Quand il sera terminé (c'est un chantier de deux ans) on démolira
le hangar, on creusera un canal dans le platier de corail vers lequel on le
poussera avec un bulldozer, sur un tapis de rondins de bois, pour le mettre à l'eau.
Belle ouvrage…
Mais c'est assez curieux de découvrir cela ici, à l'écart
de tout, quasiment caché; alors que les chantiers navals, qui semblent
travailler plutôt le plastique, sont ostensiblement installés
sur la côte sud.
Séquelles du Tsunami.
Un peu plus loin, on passe près d'un terrain qui a dû servir
de terrain de sports mais qui est maintenant tout encombré de baraquements
d'aspect provisoire, entre lesquels vaque une population à l'air désoeuvré.
C'est un camp de réfugiés d'îlots voisins, chassés
de chez eux par le tsunami de 2005. Ces pauvres gens n'ont plus de domicile
car leur île a été engloutie et leur futur ne parait pas
très clair ni lumineux.
Notre cicérone nous raconte comment il a été réveillé en
ce matin de Noël 2005 par le bruit de locomotive qui a précédé l'invasion
brutale de sa chambre par l'eau bouillonnante. Il a eu de la chance, sa maison
a résisté et il est toujours vivant. Nous verrons, le long de
la côte nord de l'îlot, des ruines de maisons moins chanceuses.
Retour au port, après un passage inévitable et coûteux
des femmes à l'épicerie de notre guide où elles pourront
quand même admirer de superbes "souvenirs - œuvres d'art" quitchissimes
comme ce gros dindon en coquillages collés…
Près du quai, elles retrouvent les "capitaines" égaillés
sur des bancs publics très "ethniques" - cadres de métal
supportant des filets de hamacs - C'est d'ailleurs le rendez vous de tous
les hommes du village qui sont là, affalés eux aussi, en pleine
activité de palabres.
Point ne sert de courir…
Au moment de repartir vers Hulumalé, le capitaine se coince le dos
sérieusement en se battant avec le guindeau et la chaîne de l'ancre
qui ne voulait pas remonter. Retour vers la cabine à quatre pattes,
descente de l'échelle dans des positions complètement inédites
et arrivée bruyante sur la couchette dont il ne pourra plus bouger
pendant quatre jours: anti- inflammatoires et repos forcé…
Le retour est donc différé d'une journée, après
quoi le second ramènera seule Getaway au moteur jusqu'à Hulumale,
en naviguant de conserve avec Joran, après que Daniel eut dû plonger
pour dégager la chaîne de Getaway entortillée autour d'une
tête de corail…
Que sont nos amis devenus…
Après cette semaine de retrouvailles rituelles avec nos amis de Joran,
nos routes se séparent vraiment: ils repartent aujourd'hui vers la
Méditerranée et l'Europe quand nous continuerons dans une semaine
vers le sud et l'Afrique. Cette fois est la vraie dernière fois… C'est
hyper triste ce coup ci... Il n'y a plus d'espoaaaaar et c'est avec la tripe
un peu serrée qu'on les voit s'éloigner. En plus, on a un peu
la trouille pour eux avec le passage vers la Mer Rouge. On les suivra à la
BLU tous les jours.
A l'heure où nous écrivons ceci, nous sommes en juin et on peut
vous dire que tout s'est bien passé, leur bateau est au chaud en Turquie
et eux sont au frais en Suisse.
On est malheureux mais rassurés.
Et un malheur ne vient jamais seul: On a reçu récemment la confirmation
qu'on ne croiserait plus non plus le sillage d' Altaïr, nos vieux copains
du début de voyage (depuis le Cap vert…) Ils se sont arrêtés
vers la Nouvelle Calédonie et n'ont plus l'air de vouloir continuer
vers l'ouest. Décidément, tout fout le camp… No future…
Les Maldives des Resorts.
Il semble que la plupart des îlots qui émergent des atolls des
Maldives (en tous cas de celui de Male) soient occupés par un hôtel
de luxe et ils n'ont pas tous la réputation d'être accueillants
aux voiliers de passage… Il faut essayer au coup par coup.
Une fois, dans l'atoll de Male Sud, nous avons débarqué pour
en visiter un à l'heure de l'ouverture du pub.
Après avoir montré patte
blanche aux vigiles du débarcadère (noms, prénoms, taille,
poids, age…), on a fait un petit tour dans les allées sablonneuses
le long des plages blanches ombragées de cocotiers, devant les bungalows à terrasse
nichés au milieu de la verdure et des fleurs.
On n'accède ici
que par bateau et ça parait l'archétype du paradis d'agence
de voyage... Farniente, plage, plongée, tennis et coups au bar…
Ah
ben justement… Qu'est ce qu'ils proposent au menu de ce soir? Barbecue
sur la plage à 40 $ par tête (30 euros?)…Ouh là là… Trop
cher pour nous… On va juste se boire un coup et on mangera au bateau…
L'ambiance n'est pas à la franche rigolade sur la terrasse, tout le
monde a l'air de s'emm… un peu et au bout d'une petite heure, on retourne
sans regrets sur Getaway, se manger nos nouilles au pesto.
Une autre fois encore, dans le lagon d'Hulhumale, nous avons voulu aller
prendre un verre au bar de ce qu'on croyait être le Club Med.
En fait,
ce n'est plus notre club national et le gérant, un indien appelé d'urgence
par les vigiles dès notre débarquement, nous a signifié que
l'on ne servait pas les visiteurs après 18 heures, que si on voulait
revenir demain on pourrait profiter de la piscine et de la plage, moyennant
une redevance de 10 dollars par personne.
Nous ne sommes pas revenus!!!
Cap sur ailleurs
Nous quitterons les Maldives sans grand regret.
On doit pouvoir y trouver son bonheur sous la surface de l'eau (encore
que le peu de snorkeling que nous ayons fait nous a surtout montré du
corail mort…), mais au dessus de l'eau, qu'il s'agisse des paysages,
des gens ou d'ambiance, ça ne nous a pas trop émus.
Après un plein de bouffe, de gas-oil et d'eau, nous repartons le 28
février pour une traversée de 1300 milles vers les Seychelles.
Une croisière de rêve…
Cette traversée vers Victoria se passera comme un rêve.
Enfin
presque… On produira très peu d'adrénaline jusqu' à Victoria,
notre destination. Un vent constant d'une bonne dizaine de nœuds par
le travers, du genre juste suffisant pour pousser le bateau si on met assez
de toile dessus, mais qui laisse la mer presque plate. Quasiment aucun navire
autour de nous.
L'allure dont on rêve pour faire une longue croisière.
Presque aussitôt sortis de l'atoll de Male, nous envoyons le nouveau
spi tout neuf, avec son si beau rond rouge qui le fait ressembler au drapeau
japonais, et nous n'y reviendrons plus pendant quatre jours et nuits. Quel
confort!
Curiosité de pêcheurs solitaires
Un jour, quand même, le deux ou troisième de la traversée,
alors que nous sommes encore à proximité (relative) des Maldives,
le capitaine aperçoit loin sur l'horizon un bateau - le premier depuis
notre départ - genre petit cargo ou gros pêcheur, qui parait
croiser notre route, très loin.
Situation classique, que des coups d'œil routiniers mais réguliers
suffisent pour contrôler.
Pourtant, au bout de quelques dizaines de minutes, le profil de ce bateau
change brusquement. Il vient de changer de route et on dirait bien qu'il se
dirige vers nous. L'œil du capitaine devient plus attentif.
Quelques dizaines de minutes encore et on peut distinguer aux jumelles
un petit bâtiment genre chalutier, au pont recouvert de bâches
et à la coque pissant abondamment la rouille, assez moche en fait,
qui vient clairement à notre rencontre.
Mais qu'est ce qu'il peut bien nous vouloir??? On est loin des côtes
de Somalies et des pirates de la mer Rouge, mais quoi???
Le capitaine informe le second, histoire de le prévenir. On n'a pas
encore la trouille ni ne pense déjà à se défendre,
mais on veut rester vigilant…
Les minutes passent… Et le moment de vérité approche:
le rafiot est maintenant à un demi mille sur notre avant, nous présentant
son flanc babord, et rien ne bouge sur le pont!
Quelques caractères d'allure chinoise se distinguent sur sa coque,
sous la rouille qui dégouline.
Enfin la tension retombera rapidement quand ce demi mille qui nous sépare
ne diminuera plus. Le pêcheur "curieux" nous passera à cette
distance, à portée d'œil nu, sans qu'on voie rien bouger à son
bord, avant de s'éloigner en croisant notre sillage.
On dit en Asie que cette manœuvre porte chance pour la pêche…
Un grain dans les engrenages du tapis roulant…
Cette rencontre sera la seule décharge d'adrénaline de cette
traversée idyllique??? Presque...
Il y a eu tout de même les
deux derniers jours, en arrivant sur les Seychelles, ou nous avons été régulièrement
cernés par des grains orageux. Tous pourtant se tenaient à distance
suffisante pour ne pas appeler de réaction de notre part et un vent
constant nous permettait de les observer de loin, sans avoir à intervenir
sur la marche de Getaway. Mais…
A la fin de l'avant dernière nuit, alors que le petit déjeuner
se prépare à l'intérieur, l'horizon noircit méchamment
tout près de notre route. Ouuuuaaahhhh que c'est donc vilain!!!
Le
capitaine, un peu ramolli par tous ces jours de navigation confortable, réagit
sans précipitation. Genre recommandations au second d'assurer les choses à l'intérieur
pendant qu'il amène un premier ris, de précaution.
Et puis ça
arrive… brusquement… Pluie et vent, tout ensemble… L'anémomètre
passe d'un coup de 10 à 35/40 nœuds, quand le capitaine s'efforce
enfin de rentrer du génois.
Un peu tard camarade… Oh on y parvient
quand même, mais la bande anti UV se découd sur toute sa longueur
et ça n'apporte rien à l'élégance de la voile…
Maintenant, il faudrait vraiment prendre un deuxième ris, mais… La
pluie frappe à l'horizontale… Frappe vraiment: 40 nœuds à l'anémomètre.
Ç
a fait mal aux yeux…
Heureusement, piloté par son régulateur
d'allure, Getaway a suivi les changements de direction du vent. Il conserve
une allure portante et la grande voile ne souffre pas. Ça va vite,
pas du tout dans la bonne direction (on tourne même carrément
le dos aux Seychelles), mais rien ne menace à court terme et on peut
temporiser un peu.
Un petite demi heure plus tard, c'est fini. Le vent s'est rétabli dans
son lit habituel, Getaway est revenu sur sa route et on peut ressortir le
petit déjeuner. Seule la bande anti-UV du génois pendouille
lamentablement pour nous rappeler cet épisode peu glorieux…
N'empêchera pas une arrivée impeccable.
Le 10 mars, au petit matin, soit après une traversée de 1330
milles en dix jours, nous atteignons le plateau sous marin qui supporte les
Seychelles, quand le sondeur passe brusquement de plus de 1000 à moins
d'une vingtaine de mètres. Le reste de la journée se passera à contourner
les îles de Praslin et La Digue, pour arriver vers 15 heures locales à Mahé,
l'île qui héberge la capitale Victoria où nous devons
faire les formalités d'entrée dans le pays.
Prévenues de notre arrivée par VHF, les autorités nous
attendent au quai des douanes auquel nous allons nous amarrer. Les formalités
(Santé, douanes et immigration) sont expédiées en un
petit quart d'heure après quoi il ne nous restera plus qu'à aller
nous signaler le lendemain au capitaine du port.
Après ce contact rapide avec les autorités, nous sommes invités à nous
trouver une place dans le bassin des "petits bateaux" qui se trouve
juste au nord du quai des douanes. Bien occupé ce bassin… Quelques
voiliers de passage, mais surtout beaucoup de bateaux locaux de professionnels
du tourisme, dont de gros catamarans de croisière à la journée.
Sur le conseil d'un marin d'un de ces catamarans, nous optons finalement pour
une vilaine bouée de corps mort encore libre, qui ne doit pas servir
souvent. On s'amarre, tire un peu dessus et comme elle parait tenir, on se
dépêche de l'oublier pour aller boire un coup au Yacht Club tout
proche…
Les Seychelles, changement d’hémisphère et d’univers.
L'hospitalité du Yacht Club des Seychelles.
Eh oui on est revenus à la civilisation anglo-saxonne avec pub et
tout et tout… Mais ce club est réservé à ses membres
et nous sommes censés souscrire une adhésion temporaire avant
de pouvoir nous y doucher, manger ou boire. Mais comme c'est aujourd'hui samedi,
le "manager" qui peut recevoir notre adhésion n'est plus
là… Les serveuses du bar nous prennent en pitié et nous
serviront tout de même... Pour les inscriptions, on verra plus tard…
Des voileux du coin qui font escale dans le port (comprendre par "le
coin" l'ensemble: Mayotte - Madagascar - Réunion - île Maurice
- Suisse) nous mettent au parfum des trucs, clefs et astuces qui facilitent
la pratique de l'endroit. Il n'y a pas de doute, ça va plus vite quand
on est "accueilli" en français...
On apprend ainsi comment obtenir deux fois plus de roupies locales, en
changeant dans la rue plutot qu'à la banque… Il faut évidemment
détenir des euros ou des dollars…et être trrrès
discret car c'est trrrès interdit par la LOI. Passible de prison même,
ce n'est pas une blague. Quand on vit ainsi, à moitié prix,
le coût de la vie devient abordable mais il faut disposer de devises
et ne pas utiliser sa carte de crédit (tarif officiel).
Ce Yacht Club nous verra boire de la bière et dîner tous les
soirs, durant nos escales ravitaillement à Victoria. Ce sera l'occasion
de partager nos expériences avec les voileux "main-droitophones" (comme
dit notre copain Michel qui trouve que les anglophones parlent de la main
gauche... Sacré G2 va!) déjà mentionnés plus haut.
Shopping à Victoria, mode d'emploi.
On a rapidement fait le tour des ressources de Victoria. Capitale très
provinciale - une grosse dizaine de rues assez animées – affublée
du nom de la célèbre reine si tant rigolote... adossée à des
collines verdoyantes dont les pentes portent quelques belles maisons coloniales,
on y trouve beaucoup d'échoppes chinoises, deux ou trois banques, deux
gros bistros et trois petits super marchés. L'activité dans
la rue semble partagée à égalité entre le tourisme
et la vie quotidienne d'une bourgade tropicale.
Faire ses courses aux Seychelles demande un opportunisme développé.
Comme les devises sont difficiles d'accès dans ce pays et que tout
l'approvisionnement international se paie en devises, les arrivages sont "rares" et
les stocks pleins de trous. Les listes de courses ne sont pas très
utiles et il faut plutôt acheter ce qui se vend que chercher ce qu'on
désire…
Ainsi, au retour d'une expédition exploratoire, GG signale à Anyvonne
un gros rayon de crème longue conservation - produit rare dans ces
régions; on n'en n'a pas trouvé aux Maldives par exemple… -
dans un super marché proche. Chic, on va pouvoir refaire nos stocks!
Quand nous y retournons, deux jours plus tard, plus une seule boite de crème.
Le rayon est vide… Totalement!
Le lendemain, il sera de nouveau rempli,
mais cette fois de yaourts gélifiés importés d'Oman.
Une autre fois ce seront des centaines de kilos de tomates d'Egypte…
Un
super marché regorge de margarine, alors que les autres n'en ont
pas du tout. Et puis soudain c'est le contraire, ou alors il n'y en a plus
nulle
part…
Ainsi, plusieurs jours de suite, les rares boulangeries de la ville seront
vides de pain… Dur dur pour une boulangerie… Explication: Il n'y
a plus de farine en ville. Il faut attendre la prochaine livraison. Quand?
Ben??? On ne sait pas... Bientôt…
Le marché du centre ville qui propose les produits frais locaux - fruits,
légumes et poissons - est plutôt bien achalandé. Des amis
rencontrés plus tard à Madagascar ont été très
surpris qu'on ait trouvé tant de choses à acheter: venus ici
il y a trois ans, il n'y avait presque rien. Ça s'arrange donc!
Pour manger, il est toujours très tentant d'utiliser les plats "à emporter" tout
préparés que vendent des échoppes spécialisées,
un peu partout en ville. Ils sont généralement très bons
et pas chers. A tel point qu'il est très difficile de faire mieux soi
même, en faisant son marché… Je sens qu'on ne va pas retrouver
ici l'habitude de cuisiner qu'on a perdue en Thaïlande.
Mémoires coloniales
Des présences coloniales successives, il reste que la plupart des îles
et des villages ont des noms français: Mahé, Praslin, la Digue,
Curieuse, etc... Seule ou presque la capitale porte un nom anglais et expose
au centre d'un carrefour une superbe reproduction miniature de l'horloge
de la gare Victoria à Londres…
On y croise beaucoup de seychellois blancs, en particulier quand ils se
retrouvent au "Pirate arms", le pub où il est très
mode de déjeuner ou de prendre le café. Pour beaucoup, ce sont
sans doute des représentants des grandes familles de planteurs qui
ont naguère colonisé ces îles et y ont encore aujourd'hui
une grande importance économique. Une certaine morgue permet de les
différencier des touristes australiens en ballade…
Paradoxalement, malgré une durée de présence beaucoup
plus longue de l'administration anglaise, le créole local, qui est
aussi la langue officielle, comporte surtout des mots français, et
les gens parlent souvent très bien le français, autant sinon
plus que l'anglais!
Les Seychelles un pays qui se développe.
Le gouvernement, très moyennement démocratique, est tenu par
le même parti, de tendance socialo-communiste, depuis trente ans.
S'il
est difficile de soutenir l’idée que la liberté politique
s'épanouirait dans le pays depuis son indépendance, ce dernier
nous est apparu comme l'un des plus "gouvernés" que nous
ayons croisés toutes ces années. Nous entendons par là que,
même s'il y a sans doute des fuites, l'argent public y semble largement
utilisé au service de la communauté, que le domaine public y
est convenablement développé et plutot mieux entretenu que dans
beaucoup de pays tropicaux et que la population bénéficie des
protections que peut leur offrir le niveau de richesse du pays. Ç
a
nous rappelle un peu les Samoa occidentales.
Il existe un système de
sécurité sociale. Le taux de mortalité infantile est
identique à celui des pays européens (à comparer avec
celui de l'Afrique voisine et de Madagascar), l'école est obligatoire
ainsi que l'apprentissage de l'anglais ET du français.
C'est vrai que tout cela s'accompagne d'un certain dirigisme protectionniste
vis-à-vis des investissements étrangers.
Jusque récemment,
chaque étranger qui voulait faire ici des affaires d'importance était
convié à apporter son aide au pays en investissant dans la production
de coprah ou de vanille où il emploierait du personnel local.
Actuellement
encore, les entreprises touristiques font leur chiffre d'affaire en devises
et sont tenues de changer 85% de celles-ci, à la banque centrale, au
taux de change officiel évidemment.
Des quotas de personnel local sont imposés aux compagnies qui exploitent
le tourisme. On trouve ainsi une majorité de seychellois dans les compagnies
de location de bateau qui proposent souvent ici des locations avec skipper
et personnel de service. Ces skippers et marins locaux que nous avons vu manoeuvrer
autour de nous, dans les mouillages et dans les ports, nous ont généralement
paru à la hauteur de leur tâche.
A la découverte des principales îles.
Petite classe d'histoire-géo
Remontons dans le temps de quelques semaines, jusqu'à la
période jurassique… Au moment où le Gondwana
commençait à se fracturer, il y a environ 240 millions
d'années. Rappelons que le Gondwana était alors le
vaste continent de l'hémisphère sud, dont l'éclatement
donnera naissance à l'Amérique du sud, l'Afrique,
l'Australie et l'antarctique. En provoquant le "départ" de
Madagascar, du Sri Lanka, de l'Inde, de l'Australie et de l'Antarctique
il a créé l'océan indien.
On pense que les Seychelles se sont formées à ce moment
là et elles sont considérées comme les plus vieilles îles
granitiques du monde.
On se disait bien aussi qu'elles avaient un air de déjà vu: "mais
c'est donc bien sûr, on se croirait revenus à Bréhat
ou à Ploumanac'h!". Tous ces gros blocs de granit rosâtre
sont inhabituels sous les tropiques où on trouve plutôt
des formations coralliennes et basaltiques.
Les Seychelles sont constituées d'une trentaine d'îles
granitiques et d'une soixantaine d'îlots coralliens émergeant
d'un vaste plateau sous marin peu profond. 80000 habitants y vivent
du tourisme, de la pêche et de l'agriculture
Leur histoire connue commence avec le passage des inévitables
découvreurs européens. Cette fois ce sont des portugais,
vers 1502. Ils avaient certainement été précédés
depuis longtemps par les navigateurs arabes mais les îles étaient
alors totalement inhabitées. Les français les occupent à partir
de 1756, installant des planteurs qui y font venir de la main d'œuvre
africaine. Ils sont relayés par les anglais en 1814 jusqu'à le
pays devienne indépendant en 1970
|
Mahé, ses parcs, ses péages…
C'est la plus grande île de l'archipel (une trentaine de kilomètres
dans sa plus grande dimension, du Nord au Sud).
D'un relief assez escarpé (autour
de 300 mètres), elle arbore sur tout son périmètre, de
grandes masses de granit noirâtre qui s'écroulent vers la mer
en amas de boules, de gros blocs et de menhirs, perçant la végétation
foisonnante et enserrant des cascades d'arbres d'où émergent
discrètement de-ci de-là, noyés dans la verdure, quelques
toits verts ou rouges.
La pointe nord est vierge et sans accès terrestre. Elle abrite quelques
petites plages de sable immaculé et on y croise peu de bateaux.
On restera une semaine sur la côte nord-ouest, dans la baie de Port
Launay, sous la protection de la montagne qui la surplombe. Cette baie est
classée "parc national", ce qui est un bon moyen de faire
payer un droit de mouillage aux bateaux de passage.
Le jeudi matin de notre arrivée, on voit arriver le gardien du temple,
très jeune, vêtu d'un bel uniforme genre douanier, et vautré dans
sa petite annexe toute neuve: C'est 10 dollars (ou euros au choix) pour l'entrée
du parc et 50 roupies pour la nuit de mouillage ( 4 euros)…
Devant notre mine circonspecte il argumente qu'ici l'entrée du parc
est payable par bateau alors qu'à d'autres endroits elle est requise
par personne…
On paye ce qu'il demande en se disant que 50 roupies la
nuit, c'est encore cinq fois moins cher que St Peter Port, sur Guernesey… (Le
tarif de ce port a dû nous traumatiser car il est resté notre
référence de comparaison depuis que nous sommes partis autour
du monde…)
On s'attend à le voir revenir ainsi tous les matins pour récupérer
le droit d'une nuit de mouillage, mais on ne le reverra que huit jours plus
tard. Toujours la même demande: Le droit d'entrée dans le parc
et une nuit de mouillage… D'accord pour une nuit de mouillage mais on
refuse de payer l'entrée du parc une deuxième fois….
Devant le problème qui se pose ainsi, il se gratte la tête, réfléchit
et soudain nous déclare avec un sourire éclatant: "OK pour
le parc, je dirai que vous n'aviez que 100 dollars et que je n'avais pas de
monnaie"…
Il y a parfois moyen de s'entendre par ici.
Notre seule déception ici, sera le snorkeling: les coraux sont tous
morts depuis El Nino, en 2001 je crois. Ca commence timidement à repousser
mais ce sera pour nos petits enfants, au mieux...
Praslin, ses granits
Après un tour de Mahé et un réapprovisionnement à Victoria,
on remonte visiter les îles situées au nord est.
La première que nous rencontrons est Praslin, la deuxième grande île
des Seychelles (11 kilomètres sur 8). Après une âpre navigation
de 20 milles au moteur, sans vent, nous l'abordons par la baie Ste Anne, là où débarqua
Marion Dufresne en 1768 quand il la débaptisa "d'île des
palmes" en " île Praslin" (voir encart).
Nous
passerons quelques jours à Ste Anne, bien abrités, dans
un petit port que fréquentent le ferry bi-quotidien de Mahé et
un ou deux minuscules cargos qui assurent l'approvisionnement de l'île.
Le spectacle de leur déchargement est souvent intéressant. On
voit aussi passer ici pas mal de bateaux de location, dont il y a d'ailleurs
une base au fond du bassin. Mais enfin, cet endroit est beaucoup plus calme
et propre que le port de Victoria et nous nous y plaisons bien.
On y trouve peu de commerces et ils sont éparpillés tout autour
de la baie, sur des distances assez longues pour nos petites jambes… L'approvisionnement
en est rendu un peu difficile mais heureusement il y a quelques fournisseurs
de plats à emporter, dont le Coco Rouge où nous prendrons nos
habitudes. Inutile de demander au patron ses tendances politiques, c'est écrit
dessus… Mais c'est aussi un excellent cuisinier qui nous fournira tous
les jours en plats créoles délicieux..:
On trouve autour de Praslin quelques jolis mouillages où on peut admirer
de superbes amas granitiques sous tous les éclairages de la journée.
- L'anse Lazio, si le vent est à l'est, quand le soleil couchant illumine
de rose les rochers de la pointe Chevalier. Là, c'est vraiment Ploumanac'h
en été…
- L'anse Volbert, moins intime que la précédente mais mieux
abritée du nord ouest, où on mouille entre l'amas rocheux le
plus photographié des Seychelles: l'îlet St Pierre, et l'îlet "chauve
souris" où est installé un petit hôtel qui compte
parmi les plus chers du coin (6 bungalows à plus de 2000 euros la nuit).
- La baie sud de l'île Curieuse est un refuge proche quand on ne peut
plus rester à l'anse Lazio. C'est aussi l'entrée d'un parc national
qui abrite un grand nombre de tortues géantes, et un endroit très
fréquenté par les catamarans de location.
Et sa foret primitive
Depuis la baie de Ste Anne, nous ferons comme tout un chacun, qui vient ici
pour visiter la vallée de Mai. Une petite course en bus depuis le port
vous hisse à l'altitude de la vallée pour vous déposer
devant l'entrée (payante et chère…).Cette petite vallée,
nichée au sein du relief escarpé de l'île, abrite une
végétation préservée témoignant du spectacle
qui devait s'offrir aux yeux des premiers européens qui abordèrent
ici. Elle est maintenant classée réserve naturelle et inscrite
au patrimoine mondial depuis 1983.
Dès les premiers pas, on pénètre dans ce que certains
qualifient de paradis terrestre. C'est vrai que la nature y est particulièrement
luxuriante, géante, humide, pleine de parfums… Arbres du voyageur,
bois dur, bois rouge,canneliers,goyaviers, acacias, pandanus, jacquiers et
plein d'autres palmes et fougères géantes rendent cette promenades
de trois heures fraîche et agréable, dans un silence juste troublé par
les oiseaux et le glou glou des sources, sans que l'on croise quasiment jamais
personne.
C'est ici qu'on découvre, souvent pour la première fois, le
célèbre "Lodoicea seychellarum".
Le Viagra de ce temps là...
Cucul la Praline
César Gabriel de Choiseul, duc de Praslin, secrétaire d'état à la
marine sous Louis XV, fut à l'origine de la grande expédition
de Bougainville autour du monde.
Après la découverte du coco de mer sur l'île des palmes
en 1768, on en expédia un lot à Versailles.
En raison de
leur forme très suggestive elles furent baptisées "cucul…la
praline", en référence à leur provenance, car
entre temps l'île avait été rebaptisée Praslin
en l'honneur de César Gabriel…
Moins érotique, son nom scientifique "lodoicea" lui
a été donné par le naturaliste Philibert Commerson
- qui faisait partie du voyage - en l'honneur de Louis XV (Ludoicus=Louis
en latin).
|
Le «coco de mer», qui ne pousse qu'aux Seychelles, possède
une forme très suggestive qui l'a fait appeler «coco fesses» par
les seychellois.
Longtemps les navigateurs indiens et maldiviens ont prétendu
les trouver en mer avant de les vendre ou de les offrir à leurs sultans
qui étaient très demandeurs car ils leur trouvaient évidemment
des vertus aphrodisiaques… La croyance d'alors était qu'ils étaient
produits par des arbres sous marins, d'où leur nom de «coco de
mer».
En fait, étant donné que dans cette partie de l'océan
indien les courants s'écoulent dans le sens est-ouest, il est peu vraisemblable
que des cocos aient pu faire seuls le voyage des Maldives contre le courant.
En plus, ces noix lourdes et très denses ont du mal à flotter.
Il parait plus probable que leurs découvreurs aient longtemps gardé secret
le lieu de leur récolte pour s'assurer l'exclusivité de cette
denrée rare et précieuse.
Lazare Picault re-découvrit ces cocos à Praslin, et plus tard,
le botaniste Pierre Poivre (administrateur colonial français) déduisit
que c'étaient là les fameuses noix tant recherchées par
les sultans Indiens.
Ce cocotier très particulier est couronné de feuilles en éventail
larges de 3 à 5 m. Il peut vivre de 800 à 1000 ans et sa taille
peut atteindre 30 mètres. Il ne grandit que de 5 cm par an et ne produit
des fruits qu'à l'âge de 25 ans. Le fruit mûrit en sept
ans pour produire une jolie noix femelle à la forme si suggestive.
Le coco mâle est lui aussi assez remarquable avec un énorme phallus
de 60 cm …
Les abeilles et les vers se chargent de la fécondation
mais d'aucuns affirment que les nuits de pleine lune…
On ne sait pas
car le parc ferme à 16 heures…
Aujourd'hui, le coco de mer est une denrée soigneusement protégée
par le gouvernement des Seychelles. Chaque coco est recensé dès
qu'il apparaît sur l'arbre où il sera cueilli à maturité puis
estampillé et numéroté, avant d'être mis en vente
dans des boutiques autorisées, autour de 150 euros pièce. Être
pris en possession d'un coco "illégal" est passible d'une
très forte amende et même de prison!
La Digue, atmosphère de vacances.
Après avoir visité toutes les anses de Praslin, nous sommes
partis pour "La Digue", à quatre milles à l'Est de
Ste Anne. Comme vous pouvez voir, les navigations ne sont pas au long cours
dans les Seychelles… En cette période de transition, quand les
vents ne sont pas encore installés au sud est, la côte ouest
des îles n'est pas souvent praticable pour le mouillage. A la Digue,
il est alors préférable d'utiliser le petit bassin du port de
la passe.
Suivant les conseils de ceux qui connaissent, on y est arrivés assez
tôt dans la journée pour pouvoir mouiller à l'aise, avant
l'arrivée du gros de la flotte de location. Dans ce bassin, le mouillage
se pratique cul à la côte avec un bout à terre et c'est
un avantage certain d'avoir de la place pour manœuvrer et pas de vent.
A la fin de l'après midi, le nombre de bateaux s'était multiplié par
trois et on était quasiment à couple de nos voisins. Ca faisait
très HLM à Palavas les Flots…
La Digue a la réputation d'être la plus belle île des
Seychelles: "D'énormes blocs de granit croulent des collines vertes
jusque dans la mer, en un chaos titanesque. Du large on croirait voir les
pans d'une forteresse rose battue par les vagues"… Si si, c'est écrit
dans notre guide… Alors!
Surtout, elle n'est pas très grande (4 kilomètres sur 5) et
les voitures - même les motos - y sont très rares. Tout le monde
circule à bicyclette. On voit même passer quelques charrettes
attelées d'un bœuf (enfin… un zébu drôlement
bien membré), mais c'est surtout pour balader les touristes. C'est
du dernier chic de se rendre à son hôtel, véhiculé là dedans.
L'ambiance est bucolique, calme et vacancière. C'est ici que nous avons
le plus senti la présence du tourisme, dont la plus grande partie de
l'île doit vivre, mais de manière calme et bon enfant. Pas de
grands palaces occupant ostensiblement les bords de mer, l'infrastructure
touristico-hôtelière reste plutôt discrète.
Nous sommes allés promener des bicyclettes de location le long de
la route du nord. C'est vraiment très beau, avec les blocs roses comme
ils disent plus haut... Nous y ferons connaissance avec une grosse tortue
terrestre qui vaquait à ses affaires au bord de la route. Le capitaine
la soupçonne d'arrondir ses fins de mois par une rémunération
du ministère du tourisme
Vers le sud du port, s'étire le village "utile", avec ses
commerces parmi lesquels on trouve même un petit super marché...
Tout le monde circulant à vélo ou à pied, même
très fréquentée, la rue reste calme. Si le port n'était
pas aussi encombré, on trouverait plaisir à rester ici longtemps.
Sortir du jardin d'Eden…
Le début du mois de mai est arrivé. Après avoir passé plus
de deux mois dans ces îles, nous n'avons pas l'impression d'avoir épuisé le
sujet et nous prolongerions volontiers ce séjour agréable… Mais
la fenêtre météo permettant d'espérer un passage
confortable vers Madagascar n'est pas très large: Attendre que le risque
de cyclone soit devenu assez faible mais pas trop non plus pour que l'alizé ne
soit pas encore bien établi car il est réputé être
très musclé dans cette région.
Ces conditions se rencontrent pendant la période de transition, c'est-à-dire
juste maintenant, durant la première quinzaine de mai. Il faut donc
songer à préparer le départ…
D'abord les formalités avec ces messieurs de l'immigration qui ont
besoin de quelques jours pour faire leur travail, avant de vous donner une
lettre de recommandation pour aller visiter les autorités des douanes
et du port... Si si, c'est effectivement une lettre manuscrite à l'attention
de leurs collègues du port, que les "immigrateurs" vous remettent
sous pli cacheté, en plus du bête tampon dont ils ont décoré votre
passeport… Ils y racontent que vous avez tout bon et que vous pouvez
partir sans laisser de mauvais souvenirs dans le pays…
La tournée d'avitaillement n'est pas très difficile pour une
traversée de moins de 10 jours, et comme il parait qu'à Nosy
Bé on trouve tout le nécessaire, pas besoin d'accumuler des
réserves de précaution.
Moucher son nez et dire au revoir à la dame…
Restent les dernières soirées d'adieux avec nos nouveaux futur "ex
copains" du coin: Michel et Monique de "Sacré G2" qui
vont partir bientôt pour les Chagos. Bébert et Laurence sur "Ty
Armor" (non ils ne sont pas bretons… Ce sont des mauriciens de
souche… Ils ont juste acheté leur bateau à un breton de
passage) qui partent pour Madagascar via les îles éloignées
du sud des Seychelles.
Hervé sur
son cata Altaïr est le seul à rester ici car
il veut y créer une activité de croisière- plongée
pour petits groupes (www.blue-expérience.com). Ça
fait deux bons mois qu'il est arrivé ici, juste avant nous, et son
expérience
que nous avons observée témoigne bien des difficultés
faites aux étrangers pour installer un commerce dans le pays. Il espère
obtenir sa licence d'exploitation pour le mois d'Octobre et pouvoir alors
commencer à travailler…
C'est un côté toujours attristant du voyage que de toujours
devoir faire ses adieux quand on ne sait, ni où, ni quand, ni si on
reverra tous ces gens sympathiques. Mais bon, si on ne voyageait pas on n'aurait
pas fait leur connaissance non plus…
C'est ainsi que le 9 mai au matin, nous mettons à la voile vers le
Sud, au départ de Port Launay où nous avons voulu passer une
dernière nuit au mouillage. Direction Madagascar.
Le temps est beau, le vent presque portant et pas bien fort, l'amarinage
va donc bien se passer.
Après???
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