LA GAZETTE DE L'A.R.B
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La Nouvelle Calédonie - Histoire et habitants
N°25 - Décembre 2004

 

Géologie et géographie sont sur un bateau…

Quelques éléments de l'histoire des habitants de Nouvelle Calédonie.

Les voies du progrès sont impénétrables

Quelques définitions pour une sociologie "moderne" néo Calédonienne

La coutume chez les Kanak.

Curiosités de la faune et la flore


 

Géologie et géographie sont sur un bateau…

L'archipel de Nouvelle Calédonie s'organise autour de "la Grande Terre" (ici on dit le Caillou) qui en est l'île principale et mesure 400km par 50 km.

Elle est orientée SE-NO et constituée sur toute sa longueur par une chaîne montagneuse qui atteint 1620 m à deux endroits.

Sur chaque versant, de nombreuses rivières la dévalent, avec des crues fréquentes.
La côte SW présente une longue plaine côtière assez sèche. La côte NE plus humide et luxuriante plonge directement depuis les sommets dans la mer.

Cette île ne résulte pas d'une activité volcanique; elle faisait partie du super -continent Gondwana, qui s'est un jour disloqué en donnant naissance au "petit" Gondwana qui comprenait l'Australie, la Nouvelle Zélande et la Nouvelle Calédonie, avant qu'elles ne se séparent elles même, il y a 65 millions d'années .
Ensuite, des massifs coralliens se sont développés sur ses cotes, créant un immense lagon très long et étroit.

Cette origine géologique explique la présence de la flore originelle des forêts tropicales humides du Gondwana oriental, qui a subsisté ici dans les zones humides.
La grande terre est en partie recouverte de péridotite, roche verte qu'on ne trouve normalement qu'à des profondeurs de 50 kilomètres et qui est très riche en chrome, nickel et platine.

Autour de la grande terre, l'île des Pins au sud et les îles Loyauté au Sud Est sont plus récentes et d'origine volcanique sous marine. 

 


 

Quelques éléments de l'histoire des habitants de Nouvelle Calédonie.

 

Il y a quelques temps, au Pléistocène (50 000 ans avant notre ère) …


A la faveur d'une baisse du niveau des eaux, les premiers habitants du Pacifique occidental arrivent depuis l'Asie du Sud Est en Indonésie, en Nouvelle Guinée et jusque dans les Salomon. Ce sont les Papous.
Quelques temps plus tard, vers 2000 avant JC, toujours de l'Ouest, arrivent les Lapita. Plus aventureux , ils continuent vers l'Est et atteignent le Vanuatu. 500 ans plus tard ils atteignent la Nouvelle Calédonie.
Excellents marins mais aussi, chasseurs-cueilleurs , commerçants et agriculteurs, les Lapita vont exercer une grande influence sur une vaste région du Pacifique, jusqu'en 500 avant JC.
Leur métissage avec les Papous donne naissance à diverses ethnies appelées par convention: Mélanésiens.

 


Presque hier, entre 1000 et 1800 après JC.


Des îles Polynésiennes occidentales cette fois (Samoa, Tonga, Wallis) arrive une vague de migration. Surtout au nord de la Grande Terre et sur les îles Loyauté, oùl; elle va se métisser avec les tribus mélanésiennes.
On peut donc avancer que les mélanésiens locaux sont un mélange de Papous, d'Austronésiens et de Polynésiens; et qu'ils ont les mêmes ancêtres que les Papous de Papouasie et les Aborigènes d'Australie. CQFD
 


Enfin, s'amorce le chemin du progrès…


Le 5 septembre 1774, au cours de sa seconde expédition dans le Pacifique, James Cook découvre le caillou. Il le baptise Nouvelle Calédonie car son relief lui rappelle les montagnes écossaises. (Rappelons que l'Ecosse avait été baptisée ainsi par les Romains. )
L'île est alors habitée par 60000 Mélanésiens et Polynésiens. Cook offre aux kanak deux chiens et deux cochons : Ce seront les premiers animaux de ce genre sur l'île.


En 1788, la France s'intéresse à la région et y envoie des explorateurs: La Pérouse puis Dumont d' Urville qui cartographiera les îles en 1827.


Ces passages vont ouvrir la voie à la cohorte habituelle de marchands, de baleiniers, de santaliers, etc…
Un malheur ne venant jamais seul, les missionnaires suivront de près… Prosélytes catholiques et Protestants, représentant en fait les intérêts de deux nations concurrentes (la France et l'Angleterre) vont se battre à coups de conversions pour leur camp. Pauvres mélanésiens…


En 1853, Napoléon III, sous prétexte de protéger les missionnaires français, ordonne l'annexion de la Nouvelle Calédonie. Les anglais, assez occupés avec la Nouvelle Zélande et l'Australie, ne réagissent pas et la colonisation française peut alors s'installer dans ses meubles.


La découverte du nickel en 1864, accélère l'immigration coloniale avec son lot de dépossessions de terres tribales, de transformation des champs de cultures vivrières Kanak en pâturages pour les fermes des colons… La famine plane sur le peuple Kanak.


Le besoin de main d'œuvre gratuite, traditionnel des colonies, ainsi que le scandale international que provoquent les conditions carcérales atroces du bagne de Guyane, conduit l'état français à installer ses bagnards sur ces nouveaux territoires. Nouméa voit arriver son premier contingent de forçats en 1864 .
Plus de trente mille bagnards feront le voyage de quatre mois par le cap de Bonne Espérance, dans des conditions inimaginables… Les prisonniers politiques seront nombreux parmi eux: 4300 communards après l'insurrection parisienne de 1871, dont Louise Michel, qui après l'amnistie de 1879 restera travailler un certain temps à Nouméa et soutiendra la lutte des Kanak contre le régime colonial.


En 1897 le flux de forçats s'arrête et pour pallier à la pénurie de main d'œuvre bon marché qui s'ensuit, on se retournera vers le Vanuatu, le Viet-Nam et le Japon.
 


Progrès que les Kanak apprécient moyennement…


Les européens ont beau faire, les indigènes se laissent difficilement convaincre des bienfaits de leur présence et la révolte éclate dès 1878…

Massacres de gendarmes, de familles de colons, d'ouvriers, de Kanaks… En sept mois, 200 français et 1200 Kanaks seront tués et 800 indigènes exilés.


Les français "rétablissent l'ordre" et instaurent le "code de l'indigénat". Ce code accorde aux kanak un statut qui les place en dehors du droit commun français et les relègue dans des réserves dispersées qui occupent 11% de la surface de la Grande Terre.
Ce code sera aboli en 1946: Devenus citoyens français, les Kanak pourront alors quitter leur réserve sans autorisation. Leurs chefs, prêtres et anciens combattants obtiennent le droit de vote! Le reste de la population attendra 1957.

En 1953 apparaît le premier parti politique comprenant des Kanak: C'est l'Union Calédonienne où ils militent avec des petits propriétaires blancs et des syndicalistes. Puis c'est Mai 68 et son lot d'étudiants de retour de Paris, l'indépendance des Fidji (1970) et de la Papouasie Nouvelle- Guinée(1975)…
Toutes ces évolutions politiques et culturelles ainsi que l'essor des mines de nickel génèrent de nouvelles aspirations (contradictoires?) dans les différentes communautés du caillou:



Les Kanak vont vouloir récupérer leurs terres et les Caldoches se libérer de la tutelle française!


En 1975 le FULK (Front uni de libération Kanak) réclame l'indépendance nationale et la restitution des terres kanak. En 1981 débute une période d'actions violentes, jalonnée de nombreux assassinats…


En 1983, des négociations aboutissent à une reconnaissance du "droit inné et actif du peuple kanak à l'indépendance" contre l'acceptation par ceux ci de la présence d'autres communautés sur le territoire, dont celle des caldoches qualifiés de "victimes de l'histoire".


En 1984, à l'approche des élections territoriales, le Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste (FLNKS) naît de la fusion de plusieurs partis indépendantistes. Son premier leader est Jean Marie Tjibaou.
Ce parti boycotte les élections, le RPCR de Jacques Lafleur (Rassemblement Pour la Calédonie dans la République) reste au pouvoir et le FNLKS proclame un gouvernement indépendantiste.
 


Ça ne pouvait être que dramatique


Dix jours plus tard, près de Hienghène, Jean Marie Tjibaou échappe par chance à une embuscade, organisée par des colons du coin, au cours de laquelle sont tués dix kanak (dont deux frères de JM Tjibaou).

En 1985, Eloi Machoro, un chef de file radical et très populaire du FLNKS, est abattu par le GIGN…
Sa mort déclenche des émeutes dans toute la Calédonie. Etat d'urgence pour six mois…. Nouvelles réformes foncières et accroissement de l'autonomie kanak... Le calme semble revenir en mai 1986.


En 1987 le non lieu ‘’surprenant’’ prononcé au procès des meurtriers de Hienghène, des dissensions entre les militants kanaks et la politique ‘’habile’’ de la métropole, entraînent une "mobilisation musclée" du FLNKS qui aboutit en avril 1988 au drame d'Ouvéa: Un groupe kanak attaque la gendarmerie locale, tue 4 gendarmes et emmène les autres comme otages dans une grotte de l'île. Le GIGN intervient et prend la grotte d'assaut. Bilan: les 19 Kanak présents sont tous tués ainsi que 2 gendarmes.


Ce drame trouvera son épilogue un an après, quand Jean Marie Tjibaou et son adjoint Yewene yewene sont tués par un militant radical Kanak, au cours des cérémonies coutumières célébrées à Ouvéa pour la fin du deuil des victimes de la grotte.
 


Enfin les choses se calment..


A partir de 1988 le gouvernement français va entamer, après les accords de Matignon, un plan de rééquilibrage de l'économie du territoire et d'augmentation de la part de ressources revenant aux kanak. Plans de formation, téléphone, électricité, tourisme, exploitation minière au nord…


En mai 1998 l'accord de Nouméa prévoit le transfert progressif des compétences de l'Etat au profit du gouvernement du territoire. La Nouvelle Calédonie, de Territoire d'Outre Mer (TOM) devient Pays d'Outre Mer (POM). Un référendum sur l'indépendance y sera organisé d'ici 15 ou 20 ans.


Dernières nouvelles: en 2004 le RPCR de la bande à Jacques Lafleur perd le pouvoir au profit d'un parti plus modéré.

 

A suivre…

 


 

 

Les voies du progrès sont impénétrables

N’écoutant que leur bon cœur, trois groupes de messagers du progrès parmi d'autres, sont venus jusqu’ici dispenser lumière et civilisation...

Les baleiniers

Très présents dès la découverte par les européens, de cette partie du monde, leur activité décroîtra en même temps que l'importance de l'huile de baleine pour l'éclairage, au profit du pétrole, vers 1860.
Dommage, il y avait encore quelques baleines à harponner…

Les santaliers

En 1841 un marin découvre du bois de santal sur l'île des Pins et vend l'information aux santaliers australiens. Les îles du Pacifique nord ayant déjà été pillées, les australiens vont créer des comptoirs ici et dévaster l'île des Pins, les îles Loyauté puis la côte Est de la grande terre pendant plus de vingt ans.
En échange du bois, les habitants reçoivent clous, hameçons ,tabac ,alcool et maladies nouvelles: variole, rougeole, dysenterie, syphilis, lèpre…


Les chasseurs de merles

En 1863, le déclin du commerce de bois de santal va entraîner l'essor d'une autre forme d'activité dans le Pacifique: La chasse aux merles.
Cette expression désigne poétiquement la traite des noirs dans les îles du Pacifique.
Elle durera jusqu'au XXème siècle, et se développera sur le Vanuatu, la Papouasie Nouvelle Guinée, les îles Salomon et un peu aussi sur les îles Loyauté.
Des mélanésiens y sont capturés et envoyés, pour un "contrat" de 3 ans ou plus, dans les champs de canne à sucre des Fidji et d'Australie et dans les cocoteraies des Samoa.
Des villages entiers sont ainsi kidnappés et "déplacés".

Cette traite sera interdite en Australie en 1904, et dix ans plus tard dans les autres îles.


Quelques définitions pour une sociologie
"moderne" néo Calédonienne

Les Kanak
Dérivé du mot Hawaïen Kanakas (Homme), ce nom aurait été utilisé par les premiers européens installés en Polynésie pour désigner les peuples du Pacifique déportés par les négriers au XIX ème siècle… Longtemps utilisé de manière péjorative par les colons calédoniens pour désigner les autochtones et considéré comme insultant par ces derniers, il a été retourné dans les années 1970 par les indépendantistes pour en faire un repère d'identité et un symbole de revendication.

Les Caldoches
Apparu dans les année 60, ce terme viendrait de ‘’Calédo-chose’’ et désigne les blancs qui ont fait souche en Nouvelle Calédonie. Initialement péjoratif, car rapproché de ‘’caléd’’  et ‘’boche", il suscite encore quelques réticences. Pourtant il est nécessaire d'avoir une famille présente sur le Caillou depuis quasiment le début de la colonisation pour pouvoir prétendre à ce titre.

Les Zoreils (ou Zors)
Ce sont les français qui viennent de s'installer ou qui sont ici depuis quelques année. Ce terme évoquerait les gardiens du bagne essayant de surprendre les conversations des bagnards !??… Largement ostracisés par les vrais caldoches, les zoreils ne sont pas près de pouvoir prétendre à ce titre.

Les Chinois
Tous les extrêmes orientaux qui exercent une activité commerciale, qu'ils soient vietnamiens, coréens, laotiens ou même chinois…

Les Tahitiens (de Polynésie Francaise) et Les Wallis (de Wallis et Futuna )
Ils ont été incités à immigrer lors du premier boom du nickel dans les années 50, puis plus récemment par le RPCR pour grossir les rangs des électeurs francophiles contre les indépendantistes. L'importance de leur communauté soulève pas mal de problèmes avec les Kanak.


La coutume chez les Kanak.

La "coutume" est LE code de conduite traditionnel qui régit les rites et les relations sociales au sein de la société Kanak. Les règles qui la constituent forment une espèce de Loi Constitutionnelle qui s'applique à l'intérieur des clans comme aux relations entre les tribus. Elle s'intéresse aussi au maintien du lien avec les ancêtres et le passé.

Le groupe (tribu, famille…) constitue la base de la culture Kanak, hors duquel un individu ne peut survivre… L'homme n'est rien en dehors de son groupe et comme un groupe ne peut se développer que sur une terre, le territoire est un des fondements de la société mélanésienne.
Le territoire du clan comprend champs, cultures, sources, rivage… Même la mer et ses poissons... Les travaux pénibles y sont exécutés collectivement et toutes les ressources sont mises en commun.

Les groupes (clans ou tribus), sous l'autorité d'un chef local, font partie d'un district dirigé par un grand chef. Ce dernier représente la descendance de l'ancêtre commun. Ces chefs constituent le conseil qui régit tout le domaine foncier: autorisations d'exploitation ou d'installation, constructions, successions…

L'échange de cadeaux accompagne tous les évènements de la vie Kanak: Rencontres, cérémonies familiales (mariages, baptêmes…), cérémonies rituelles… C'est un élément important de la coutume car il génère entre les participants, une trame d'obligations mutuelles très respectées. Celui qui offre tire du prestige de son geste tout en créant une obligation que le récipiendaire n'oubliera pas de rendre. Il est donc important quand on offre, de ne pas placer son interlocuteur dans une situation oùl; il ne pourrait pas rendre l'équivalent, sauf à accepter d'être vassalisé.

Les enfants en général restent très liés au clan maternel par l'intermédiaire d’un frère de la mère qui est leur gardien et mentor à vie, le rôle du père étant surtout celui de géniteur.
Ces interdépendances et responsabilités croisées contribuent à la paix entre les clans et les tribus.
 

 

 


 

Curiosités de la faune et la flore

 Le Tricot Rayé

Une vedette nationale, le tricot rayé! C'est un serpent amphibien (laticauda semifasciata quand on veut faire pédant…) endémique de Nouvelle Calédonie.
Il est très visible et reconnaissable avec ses rayures noires et jaunes (ou beiges) comme un pull marin et il passe autant de temps dans l'eau que dehors. Il est venimeux mais, équipé d'une mâchoire minuscule, il mord très rarement, est très peureux et fuit à votre approche. Heureusement car il paraît que son venin est mortel, qu'il existerait bien un antidote mais qu'on ne dispose que de quelques dizaines de minutes pour l'administrer!
On en voit partout, rampant ou dormant sur les plages comme nageant dans l'eau. Au début on scrute l'eau avant de se baigner, mais peu à peu on n'y pense plus.

Les Pins colonnaires (ou Araucarias)

Ce sont de grands conifères qui peuvent atteindre 60m de haut. Ils sont constitués de courtes branches de longueurs identiques, disposées le long d'un tronc rectiligne et portant un manchon triangulaire de feuilles coriaces.
Ça leur donne cet aspect de colonne velue qui rappelle un peu un écouvillon à bouteilles.
Nous, on préfère les bons vieux cocotiers des familles et ça étonne tout le monde autour de nous.