2004: Retour à la
navigation???
Nous sommes le 1er janvier 2004
à Opua, dans Bay of Islands (en Nouvelle Zélande) et depuis déjà quatorze
mois que nous avons passés dans ce pays, nous n'avons plus navigué sur de
longues distances.
Pour rompre avec cette mauvaise habitude,
nous avons décidé de commencer l'année 2004 par une croisière vers le
Marlborough Sound. Ce n'est pas une grande traversée mais ça représente tout
de même 530 milles, soit près de 5 jours de mer, à effectuer sans vraiment
de possibilité d'escale, dans une région où la météo est généralement
"dynamique".
Quant au Marlborough Sound, c'est un
système de fjords qui se situe tout au Nord de l'île Sud et depuis le temps
que nous parlons d'aller naviguer par là bas, (dans le genre retenez moi ou
je fais un malheur!!!) nous allons enfin passer aux actes.
L'an nouveau commence donc plutôt bien et
se présente même comme un grand cru. C'est bien normal: Cette année tout
l'équipage de Getaway va basculer dans le soixantenariat… On ne peut pas
faire moins!!!
En attendant cette "heureuse"
échéance, nous passons donc à la réalisation de ce vieux projet de
croisière,
Depuis trois bonnes semaines qu'on a
décidé cette traversée, on se fait livrer tous les matins par Email, des
prévisions météo à 5 jours dans lesquelles on guette une fenêtre
favorable. On en a déjà vu passer une vers la mi décembre, mais on l'a
"gâchée" en restant fêter le réveillon de Noël à Opua avec
Fmurr, alors on espère que la suivante ne se fera pas désirer trop
longtemps.
Pour cette fenêtre, notre attente est
pourtant simple : on souhaite pour commencer, une journée de vent de secteur
Sud-Est, suivie de 4 jours de secteur Nord, la force du vent ne devant jamais
dépasser 20 nœuds dans aucune direction… élémentaire!
Hier 31 décembre, les prévisions à 5
jours étaient: vent faible de secteur Est. Ce n'est pas exactement ce qu'on
désirait mais on va considérer que ça ira bien et que, si le vent est
faible c'est mieux que de l'avoir fort et dans le nez…
Et puis on aura toujours le moteur…
C'est décidé: on y va
!
Première conséquence: Réveillon un peu
solitaire et plutôt "sage". Un tête à tête juste arrosé d'un
peu de Saumur local en apéro (Un vin qui s'appelle quand même "Diva!!!)
et d'un peu de vin rouge pour accompagner les pattes de canard confites aux
pommes de terre rissolées "bien d'chez nous" qui forment
l'ordinaire de nos "fêtes" depuis qu'on a quitté la France.
Ensuite, couchés tôt et levés pas tard,
nous sommes en pleine forme pour profiter, en ce jour de l'an 2004, d'un temps
superbement ensoleillé. L'été est maintenant bien installé dans la
région.
La journée commence par un plein de gasoil
et d'eau douce à la marina d'Opua, histoire de manœuvrer un peu pour
transpirer les miasmes de notre "réveillon"…
On profite de la marina pour passer un coup
de fil à ceux de nos enfants qu'on peut joindre et qu'on interrompra, avec
nos vœux, en plein milieu de leurs propres agapes (nous avons 11 heures
d'avance sur eux…) et puis, en fin de matinée, nous voilà partis.
Par cette belle journée qui marque le
début des vacances pour de nombreux néo Z, nous croisons plein de voiliers
locaux qui s'offrent une petite ballade dans la baie des îles.
Le vent prévu faible d'Est se révèle
faible de Nord et c'est au moteur qu'il nous faut sortir de la baie avant de
mettre les voiles au près serré pour remonter vers North Cape.
Départ dans un fauteuil.
Notre voyage commence donc lentement et
confortablement. Le vent est juste suffisant pour pousser le bateau à quatre
nœuds et la mer reste plate. Dans ces conditions, même le près serré est
agréable…
Pourtant, notre capitaine unique et
préféré a des doutes. Il commence à se demander:
" le choix météorologique de ne pas
avoir trop de vent ne va -t-il pas être un choix trop timoré, avec pas assez
de vent? La distance est trop longue pour tout faire au moteur… Va-t-on
rester encalminés au milieu?
On continue? On retourne? On s'arrête , on
attend?"
Oh Nooooon!!! Let's go…
Retour aux nuits de veille.
Après une première nuit sans histoire, au
cours de laquelle nous éprouvons la difficulté habituelle à nos départs
pour trouver le rythme de veille, le lever du jour nous surprend en approche
de North Cape.
Notre deuxième journée se passera à
tourner l'extrémité du pays. En fin d'après midi, nous sommes devant Cape
Rienga dont le phare, carte postale typique vantant le tourisme dans l'île
Nord, attire beaucoup de visiteurs. Depuis notre cockpit, nous apercevons
effectivement aux jumelles une foule de touristes rassemblée près du phare
au pied duquel nous passons. Dans cet environnement souvent hostile aux
bateaux, on a un peu l'impression de faire partie de leur spectacle, comme un
voilier qui passe la pointe du Raz, un dimanche d'été.
Dès que doublé Cape Rienga, la descente
vers le Sud peut commencer. La route n'offre alors que peu ou pas d'abri avant
New Plymouth, à 300 milles de là. Seules deux ou trois rivières hébergent
des ports le long de la côte, mais l' accès de ceux ci est encombré de
barres dont le passage demande une bonne connaissance des lieux et n'est
envisageable que par très beau temps.
Nous n'avons donc pas prévu d'escale et
ferons route au large, à 50-70 milles de la côte. Nous n'approcherons de
celle ci que devant Cape Egmond, près de New Plymouth, avant de plonger vers
l'île sud et la Tasman Bay, 150 milles plus loin.
Une fin d'après midi, alors que nous
progressons lentement à la voile, Gérard qui se prélasse dans le cokpit,
entend par moments comme des bruits de ressac. Aussi loin de la côte et de
tout danger c'est assez curieux… Une hallucination sans doute…
Et puis aussi, de temps à autre, il croit
distinguer dans le lointain une sorte de petite colonne d'eau. Comme une mini
tornade... Très discrète... Tellement discrète qu'il se frotte les yeux
pour s'assurer que ce n'est pas une illusion.
Mais tout ça se reproduit plusieurs fois. Y
aurait il une relation entre l'image et le son???
Soudain, Euréka! Les deux phénomènes sont
perçus en même temps et on comprend d'où ils viennent: Ce sont des souffles
de baleines.
En regardant de plus près, avec des
jumelles, on peut distinguer le dos d'un cétacé, à un petit mille de nous.
Séquence "Hémotion". C'est la première fois que nous faisons une
telle rencontre depuis notre départ. On a bien vu quelques globicéphales aux
Canaries, entre Ténériffe et la Gomera, mais on n'a encore jamais eu une
vraie baleine à portée de vue et d'ouïe.
Aujourd'hui, elle est bien un peu loin, mais
enfin elle est là… On rêve plus qu'on n'observe, mais c'est quand même
très excitant. Un peu comme quand nous avons aperçu nos premiers dauphins,
un beau jour de 1997, au large des îles Scilly…
Le bouquet du spectacle sera pour le
capitaine: Vous savez cette photo mythique de la grosse queue qui sort de
l'eau à la suite du monstre qui plonge? Eh bien c'est ce qu'il a vu le
capitaine… Absolument!!! Ce sera d'ailleurs la fin de la représentation…
Comme avec tout bouquet qui se respecte…
D'ailleurs, c'est l'heure de l'apéro et ça
tombe bien: on va fêter l'événement…
A la séance BLU du soir, Daniel notre
copain suisse qui erre alors en compagnie d'Anne dans le lagon de Nouvelle
Calédonie, nous met sentencieusement en garde contre les collisions nocturnes
avec les baleines qui dorment en surface… Ben oui mais qu'est-ce-qu'on peut
y faire? Même en scrutant la surface dans le noir, on ne les verrait pas…
On ne va tout de même pas se mettre à l'avant du bateau avec une lampe
torche pour les repérer? Alors…
Inch Allah!!!
Si ça continue à rester calme comme ça, qu'est ce qu'on
va bien avoir à vous raconter???
Le lendemain matin on constate qu'on n'a pas
cogné de cétacé et qu'on flotte toujours.
On constate aussi l'absence de vent, sur une
mer qui semble un lac d'acier poli où se reflète le ciel, façon Monet…
Alors, moteur! Nos prévisions météo de départ se
révèlent correctes: Pas beaucoup de vent, c'est sûr… Cette traversée
totalisera 70 heures de moteur…
Mais le calme et la mer plate, même avec de
temps en temps, le bruit du spinnaker d'acier, c'est quand même mieux que la
mer déchaînée et le vent dans le nez…
Alors…
On se souviendra de la plus grande
partie de cette traversée comme d'une période de repos, juste troublée par
la nécessité des quarts de veille. Ces derniers seront d'ailleurs d'autant
plus mal vécus que nous n'apercevrons jamais aucun autre bateau durant tout
le voyage. Ni le jour, ni la nuit… Ces quarts sont ils bien utiles?
Bref, vivre en bateau c'est quand même bien…surtout
quand on est au mouillage!
Mais nous ne sommes pas encore arrivés et
la météo que nous surveillons de près tous les jours malgré sa bonhomie
apparente, nous annonce la détérioration de ce calme et de cette
sérénité, avec l'approche d'une dépression et une perspective de vent fort
de secteur Nord pour le dernier jour du voyage.
Effectivement, au matin de ce dernier jour,
devant l'entrée de Tasman Bay, à 50 milles du but, le vent se lève du Nord
Ouest et nous invite rapidement à prendre un ris, puis deux et à rouler du
génois. ça souffle vite à 35 nœuds et nous filons vent arrière, tribord
amure à 7 nœuds: ça change d'hier !…
A l'approche de Farewell Spit, une langue de
sable très longue qui déborde l'Ouest de l'entrée de Tasman Bay au ras de
la surface de l'eau et qu'il convient de déborder d'au moins deux ou trois
milles, la pluie se met de la partie et la visibilité devient quasi nulle.
L'obstacle est trop bas pour être localisé
au radar mais le GPS nous montre bien que ça ne va pas le faire, que nous ne
passerons pas sous cette amure et qu'il va falloir abattre et empanner.
Exécution donc…
La mer est croisée et agitée mais pas
encore trop creuse et le bateau reste bien obéissant à la barre. L'empannage
est donc "presque" contrôlé.
Assez brutal tout de même: Dans le
mouvement, on voit gicler sur le pont, le pontet qui retient le palan de grand
voile à la bôme: il vient de se faire arracher...
Heureusement, un "bout" de
sécurité double cette fixation depuis notre première traversée du golfe de
Gascogne, il y a déjà bien longtemps.
Nous avions alors expérimenté pour
la première fois la fragilité de ces pontets, en voyant tomber le frein de
bôme lors d'un empannage involontaire. Le capitaine avait alors réparé
provisoirement et doublé par précaution tous les pontets sensibles (dont
celui du palan de grand voile) avec des anneaux de "bout". Plusieurs
fois depuis, comme rien ne se passait, il a été tenté de nettoyer la bôme
de ces "excès" de précaution qui sont des bricolages pas très
jolis, mais il a toujours renoncé.
Il a bien fait! Aujourd'hui, six ans
après, la précaution vient de se révéler utile: Malgré la rupture de sa
fixation, le palan de grand voile est resté en place et a évité à la bôme
d'aller se fracasser sur les haubans… Ce "bricolage" nous
permettra même d'arriver jusqu'à l'abri sans avoir à réparer
acrobatiquement dans le clapot.
Il sera tout de même temps d'arriver: Le
soir quand l'ancre tombera dans l'eau, le "bout" de sécurité qui
venait d'être soumis à quelques heures éprouvantes de louvoyage sera usé
et réduit à un fil prêt à casser…
Et prépare toi à t'adapter…
Nous avions prévu d'aller mouiller à
l'abri de l'enracinement de Farewell Spit, à près de 18 milles dans l'Ouest
de son extrémité et donc pile dans le vent. Sitôt la pointe passée, nous
avons viré dans cette direction, et nous sommes engagés dans une bagarre
humide contre le vent et la mer. Une bonne heure d'efforts au louvoyage nous
montre qu'à cette allure, les 18 milles vont en devenir 35 et que nous ne
serons pas arrivés avant la tombée du jour.
Nous décidons donc de laisser
porter et de viser une pointe de la côte, à notre Sud, qui devrait nous
procurer un abri satisfaisant. C'est à peu près à la même distance, mais
c'est sous le vent; le chemin nous prendra donc deux à trois fois moins de
temps avec quatre fois moins de peine…
Ainsi, vers 19 heures nous terminons notre
traversée en mouillant devant une superbe plage, blottis derrière une petite
avancée rocheuse qui en forme l'extrémité nord, en compagnie de deux
bateaux locaux.
L'abri sera excellent, pendant ce qui se révèlera être un
fort coup de vent d'Ouest qui durera trois jours.
Durant tout ce coup
de vent qui a salué notre arrivée, nous pourrons admirer l'immense plage de
sable "orange" de Totaranui Beach, entourée de montagnes à la
végétation sauvage et impénétrable. L'endroit est situé à la limite nord
du célèbre "Abel Tasman National Park"; cela signifie que la
nature y est superbe, très protégée et que beaucoup de touristes
backpackers, à la mode kiwi, y font de la randonnée et du camping.
La plage n'est donc
pas exactement déserte, mais elle est tout de même très peu peuplée et on
n'y aperçoit aucune infrastructure depuis la mer. Quelques camps sont cachés
dans le bush mais, vue du bateau, la nature paraît complètement vierge .
Seuls signes
d'activité touristique, de petits bateaux-taxi viennent tous les jours, sur
la plage devant nous, livrer leur cargaison de campeurs et en charger une
autre. Beaucoup de randonneurs se font débarquer ainsi quelque part sur la
côte pour marcher quelques jours avant de se faire récupérer plus loin. Le
long de leur parcours il peuvent louer des kayaks de mer et se livrer au sport
nautique le plus populaire du pays.
Toute cette
activité sportive nous fait un spectacle sympathique pendant notre attente
d'un temps meilleur.
Trois jours durant,
nous vivrons le coup de vent typique, très courant dans la région: des
rafales à 40 nœuds accompagnant la pluie, quasiment sans interruption. On
est bien abrités et l'ancre est bien accrochée; la vie reste donc très
cool. Seul inconvénient: on n'ose pas descendre à terre car on a beau avoir
de l'eau à courir sous le vent, on préfèrerait être à bord si jamais on
dérapait.
L' étape suivante,
une petite journée de navigation, nous conduit à Nelson.
Il fait beau et vue
de loin, accrochée à des collines verdoyantes adossées aux montagnes de
l'île sud, la ville nous paraît bien accueillante.
C'est la "grande
ville" de la région: située tout au fond de la Tasman Bay, elle abrite
un port plutôt actif à la pêche et au commerce, derrière une très longue
digue naturelle de sable et de cailloux.
Le chenal d'accès
au port traverse une zone de petits fonds qui transforment la houle de nord en
méchant clapot, très vite déferlant. A notre arrivée, comme la profondeur
est partout suffisante pour faire flotter Getaway, on avait un peu tendance à
prendre des libertés avec le balisage et à couper un peu les virages; mais
ces conditions de mer nous ont très vite ramenés dans l'axe du chenal, là
où c'est le plus profond…
Tout au fond du
port on trouve une marina qui a l'air bien calme et très protégée. C'est
là que nous pensons laisser Getaway pendant notre voyage en France prévu au
mois d'avril, après deux mois d'errances dans la région et le Marlborough
Sound,
Le centre ville a
le bon goût de se trouver à une portée de pédale du port de plaisance et
vite, nous sortons les vélos, car après 10 jours sans descendre à terre, on
a très envie de se dégourdir les jambes.
Un super marché
est situé à mi chemin du centre et la vie en est toute simplifiée. On devra
faire les vivres pour deux bonnes semaines en repartant d'ici: deux tours de
vélo et l'affaire sera dans le sac ( plus justement l'avitaillement sera dans
les soutes…).
Première
impression: apparemment de la même taille que Whangarei, cette ville a tout
de même un peu moins l'air d'une ZAC et fait plus chic/ branchée. Un peu
d'activité touristique donne un semblant de tonus à son atmosphère de
petite ville de province. On y trouve des cafés, des terrasses, des pubs
Irlandais, avec souvent des spectacles et de la musique live…
Ce n'est pas
Wellington bien sûr... Mais on peut facilement y passer quelques jours sans
s'ennuyer, à explorer les troquets en écoutant de la musique et plus
généralement à humer l'atmosphère culturelle de la ville.
Pour notre part,
nous y passerons cinq jours pour faire le plein d'agitation, avant de
reprendre la mer vers le Marlborough Sound,
A 40 milles au Nord
Est de Nelson, le French Passage commande l'accès au Marlborough sound depuis
la Tasman Bay.
De nombreux noms de
lieux ont des consonances françaises dans la région. Ils témoignent de
l'activité exploratrice de nos compatriotes au 18ème siècle,
avant que les choses n'évoluent définitivement, ici, à l'avantage des
britanniques. Ainsi, la grande île qui forme le côté Nord du French passage
s'appelle d'Urville Island, en souvenir du passage des bateaux de Dumont d'Urville.
Le French passage
est un goulet d'environ trois cent mètres de large, dont 25 seulement sont
navigables et dans lequel les marées génèrent jusqu'à neuf nœuds de
courant. C'est le genre d'endroit que l'on prend soin d'emprunter avec le
courant plutôt que contre, et même de préférence à l'étale.
Juste avant de nous
y engouffrer, une cinquantaine de dauphins joueurs nous feront une haie
d'honneur, comme pour nous dire "vous êtes sur la bonne route".
Ce jour là, il
fait beau, la mer est belle et c'est tant mieux: table de marées en main,
nous passerons juste au bon moment, au milieu de marmites de courant déjà
bien impressionnantes…
Avec en plus la
sensation tenace que le chenal se rétrécit au passage de Getaway…
Tellement vanté…
Tellement espéré…
Sur le coup, il
faut dire que nous ne sommes pas déçus.
Mille après mille,
un paysage de fjords encaissés entre des côtes abruptes couvertes d'une
végétation impénétrable, se dévoile lentement. Tout autour de nous…
Plus d'horizon nulle part. Après le large, le dépaysement est total…
Les montagnes à
demi dénudées, aux lignes de crêtes bien découpées, sont comme dessinées
par un gamin. Certaines sont toutes plissées: on dirait de gros chiens
assoupis, le museau entre les pattes. (vous savez ces chiens chinois qui ont
beaucoup trop de peau pour recouvrir leur corps et que ça leur fait des plis
partout…) D'autres ont opté pour une coiffure à l'iroquoise, vert sapin,
sur le sommet de leur crâne rasé.
Nos promenades à
terre sont limitées car les sentiers sont peu nombreux au départ du rivage
et le bush est quasiment impénétrable. Quand c'est possible, nos ballades
nous régalent du chant des cigales, de quelques touches de civilisation avec
des hortensias bleus demi sauvages et de sous bois qui abritent 36 sortes de
fougères, de la plus fine à la plus géante.
Bien que ce soient
les vacances d'été à "kiwiland", peu de voiliers croisent par ici
et nous serons fréquemment seuls, au milieu de la nature vierge…
Idyllique…
Le
"progrès" se glisse vraiment partout…
Enfin presque,
parce que le Marlborough sound abrite aussi quelques nuisances …
Une activité
intense d'élevage de moules et de saumons a entraîné un peu partout
l'installation de fermes marines. Elles sont bien balisées, ne gênent pas la
navigation et il reste encore beaucoup de place et plein d'endroits pour
mouiller sans les voir et pour les oublier. Mais quand même…
Certaines montagnes
ont été indéniablement belles, mais les hommes n'ont pas fait dans la
finesse architecturale en y éparpillant de petits cubes de béton anarchiques
et moches. Parfois, de vilaines routes saignent le flanc de collines
dépouillées de leur bush originel.
Par endroits, le
bush a été remplacé, par d'immenses plantations de résineux. Après
l'abattage, ces zones sont aussi belles qu'un paysage de ville bombardée.
économie oblige: les résineux, ça doit rapporter plus que le bush...
Ceci est un peu
contradictoire avec les informations des guides touristiques qui décrivent
l'âpreté sauvage de ces paysages … Bah, on peut supposer que leurs
commentaires s'adressent plutôt aux marcheurs du "Tasman Track",
qui ont sûrement une vision terrestre très différente de la notre.
Dans ces canaux
très encaissés, la navigation est assez protégée et on s'y sent dans un
petit paradis chaque fois qu'on écoute la météo annoncer les coups de vents
qui constituent le quotidien de la zone météo voisine (Cook strait).
Car nous écoutons
toujours régulièrement et religieusement la météo à 7h30, 13h30 et 17h30
tous les jours. Dans ces régions, on ne rigole pas avec ça... Même dans les
sounds, il est important de savoir comment le vent va se comporter. Pour
naviguer à l'aise, mais aussi pour dormir confortablement. En effet les vents
de 40 à 50 nœuds du large nous atteignent jusqu'ici par rafales. Même dans
les coins protégés, car le choix d'une crique abritée du secteur de vent
prévu (par exemple du sud) n'empêche pas celui ci de contourner les
montagnes, faire le tour de la baie et vous arriver dessus par le Nord…
Circonstance
aggravante pour le confort du sommeil: La plupart du temps les fonds sont trop
importants pour mouiller aisément et il n'est pas rare qu'il faille le faire
par plus de 25 mètres. Pour compenser cela, les yacht club locaux ont
équipé de corps morts beaucoup des endroits "mouillables" et c'est
bien pratique… Nous chercherons donc généralement pour dormir ces corps
morts bien solides, installés à l'abri du vent prévu pour la nuit. Ce ne
sera jamais bien difficile.
Par contre,
le shopping se fait rare…
Mais c'est pas tout
ça, au bout de douze jours on n'a plus de légumes ni de fruits… Et par ici
les épiceries ne courent pas le bush.
Un jour, on
aperçoit une sorte de village au loin et l'espoir nous gagne…
Renseignements pris, à terre, ce n'est qu'une base d'expédition de moules
où il n'y a rien à vendre. Même pas de moules... Alors on continue…
Contre toute
attente, dans une crique paumée de chez paumée (Wilson Bay) on tombe sur une
maison isolée qui se révèle être un bar-restau-épicerie basique tenu par
un couple de germains amoureux de la "Robinsonnade Crusoesque". Nous
avons pu y acheter quelques légumes du jardin (super garantis sans
pesticides) et des blancs de poulet surgelés( moins garantis sans OGM… ).
Le sourire des
tenanciers n'était pas compris dans le prix mais bon, nous avons pu continuer
notre périple dans le vert, en évitant le scorbut…
Eh oui toutes les
nuances du vert bleu au plus jaunâtre, en passant par le roussâtre, le
cendré, l'éclatant, le tendre, le vieux… Que de verts! Nous n'imaginions
pas qu'il pouvait y en avoir autant!
Mais voilà, ce qui
devait arriver arriva: on s'est mis à saturer de tout ce vert de l'eau et des
rivages.
Circonstance
aggravante: après un ou deux jours magnifiques de soleil, avec hamac
accroché à l'arrière et tout le toutim, la pluie revenait toujours,
fidèle, régulière… Et alors là, peut être l'avez vous remarqué, le
vert sous la pluie devient encore plus verdâtre, plus glauque et plus
aquarium que d'habitude. C'est encore plus vrai dans cet univers dont
l'horizon est absent…
Alors on s'est mis
à rêver sans réserve de bleus et de lagons, et on a bien dû se rendre à
l'évidence: on n'est décidément pas des gens de rivière. Nous ne passerons
pas notre retraite sur une péniche…
Pour conjurer cette attitude
négative, une solution: retrouver la civilisation avec bistros, marina,
douches chaudes, restaus et rues animées… Non, nous ne sommes pas si
exigeants: une seule grand rue, même non animée, fera l'affaire. Alors le 2
février au matin, nous mettons le cap sur Havelock, petite bourgade située
tout au bout du sud du Pelorus sound .
Nous commencerons
notre traitement le soir même avec un superbe plateau de fruits de mer
arrosé d'un Stoneleigh blanc du tonnerre de Brest. Le lendemain nous le
continuerons avec une grasse matinée jusque 9h30!!! Il fait doux, la douche
de la marina est chaude, abondante et bien installée. La vie redevient
belle!!!
On flânera le long
de LA rue principale et quasi unique. On essaiera tous les fish and chips, bar
du port et autres restaus à moules.
Ah oui, on a
oublié de mentionner que Havelock s'auto-proclame capitale mondiale de la
grosse moule verte. (C'est un peu comme une moule d'Espagne qui aurait une
coquille vert fluo.) Tous les restaus en proposent, accommodées de plein de
manières différentes: marinières, grillées, gratinées, séchées, au four…
Après quelques hésitations devant la taille des bêtes, on s'est lancés
dans la dégustation et ma foi c'était fort bon!
On profitera de
cette escale pour régler les problèmes bi mensuels habituels: lavage du
linge dans la laverie self service de la marina , courses pour deux semaines
à l'épicerie "general store", pleins de gasoil et d'eau potable.
Ensuite on pourra repartir, parés pour l'aventure…
Impatience
et Nostalgie …
Notre projet
initial était de rester dans cette région jusque fin mars, pour prendre à
Nelson l'avion vers la France. Pourtant, dès à présent il est clair que
cette ambiance de rivière nous pèse un peu et l'idée va bientôt germer
d'abréger notre séjour…
Chacun sur Getaway
commence à penser à voix haute:
"-Et si on
retournait dans l'île nord avant de rentrer en France?
-Il n'y a après
tout que 5 jours de navigation jusqu'au Northland…
-Même que pour
quitter le pays pour la Nouvelle Calédonie, en mai prochain, ce serait plus
facile en partant d'Auckland…"
Ce qui aurait pu
jusque là nous paraître un peu débile devient tout à coup très logique…
Poussée par
l'envie, la décision est vite prise: "On repart vers le nord dès
que la météo s'y prête".
La météo s'y prêtera
d'ailleurs admirablement car dès le 5 février nous quittons le
Marlborough sound avec la perspective joyeuse de retourner à Great Barrier
pour revoir Carol et Tony ainsi qu'à Opua, pour Sue et Ladislav…
Heureux quoi!!!
Pour les même
raisons qu'à l'aller, nous empruntons le chemin par la côte Ouest et le Cap
Rienga. Cela permet moins d'escales que la cote Est mais météorologiquement
parlant, c'est clairement plus sûr pour arriver vite.
Tôt le matin, nous mettons cap au Nord, juste avec le début du coup de vent
habituel, prévu sur la zone Cook. Plus haut, ça devrait s'arranger mais ici
ça va devenir pire. Alors, avant que ça ne se déchaîne vraiment, on se
dépêche.
En fait, le vent
est déjà assez fort quand nous sortons des "sounds". La mer est
hachée, clapoteuse et se creuse rapidement. Tout pour plaire... On va vite
devoir prendre deux ris et ramasser la moitié du génois pour étaler plus
confortablement les 35 nœuds de vent qui nous courent après.
Enfin, le capitaine
ne ronchonne pas trop puisque nous sommes vent arrière et que nous avançons
bien. Nous ferons ainsi plus de 140 milles pendant les premières 24 heures.
Côté amarinage,
ce n'est pas aussi brillant. Après des semaines à se baguenauder sur la mer
plate des fjords, nos petit estomacs ne sont plus amarinés et pour midi nous
nous contenterons de sandwiches. Le plus clair de notre "activité",
cette première journée, va consister à ramper des sièges du carré à la
table à carte, à la couchette et régulièrement quand même jusqu'au
cockpit aussi, pour surveiller la mer…
Pour
un parcours en pantoufles…
Le soir, comme
prévu, le vent se calme un peu. On peut alors renvoyer un ris et manger de
bon appétit l'ajiaco que la cuistot avait eu la bonne idée de préparer la
veille.
Qu'est-ce qu'on
apprécie un plat cuisiné tout prêt en pleine mer, quand on n'a pas le cœur
à préparer quoi que ce soit!
Durant la nuit le
vent va mollir jusqu'à dix nœuds et le ciel nous fera cadeau d'une
magnifique pleine lune.
Vous a-t-on déjà
dit combien il est agréable d'avoir la lune pour nous accompagner durant les
quarts de nuit? Les traversées par nouvelle lune, avec un ciel noir comme de
l'encre, sont nettement moins agréables… Enfin pour nous…
La journée du
lendemain sera faste: beau temps, vent de 20 nœuds par le travers et tout
dessus… Derrière nous, plus au sud, ça se déchaîne mais nous sommes
passés à temps.
A bord, la vie
normale reprend son cours: lecture, dessin, broderie… Pour couronner le
tout: à la tombée de la nuit, on pêche un superbe thon de 4 kilos! Assez
rare pour nous, cette pêche mérite d'autant plus d'être signalée que c'est
le premier thon que nous capturons de tout notre voyage. Nous avons ramené
plusieurs fois des bonites, mais jamais de vrai thon. Voilà, c'est fait… Et
en plus, c'est succulent…
La remontée durera
cinq jours pendant lesquels nous nous féliciterons régulièrement du choix
de route par l'Ouest, en écoutant la météo qui annonce régulièrement des
vents forts sur la côte Est.
Nous terminons en beauté notre
voyage retour , dans la baie de Whangaroa, tout au Nord Est de l'île
nord.
Cette escale décidée
inopinément, pour mettre un terme à une navigation devenue louvoyante depuis
que nous avions tourné North Cape, s'est révélée une super bonne surprise.
C'est une baie absolument magnifique, bien fermée donc bien protégée, et
odoriférante de toutes les plantes sauvages qui l'habitent. On y accède par
une étroite ouverture dans une falaise imposante qui donne le sentiment un
peu magique d'entrer dans un pays merveilleux… Wonderland…
Le lendemain, un
petit tour au "bourg" (3 maisons autour d'une petite marina, mais un
general store) nous permet de refaire le plein de légumes frais pour
accompagner notre thon .
Après ce petit
repos bien mérité (nos repos sont toujours mérités…) nous repartons pour
24 heures de navigation jusqu'à Great Barrier Island où nous allons
surprendre nos amis Tony et Carol, fidèles au poste à Whangaparapara.
Nous passerons
ensuite les mois de février et mars à errer le long de la côte nord est, de
la presqu'île de Coromandel jusqu'à Whangarei.
Nous y subirons à
peu près toutes les sortes de temps: du plus mauvais, avec plusieurs fois 50
nœuds de vent, au plus beau, permettant même quelques baignades… Disons de
10 secondes à 5 minutes (le record): le temps de rincer le savon et hop on
remonte!
L'annonce d'un coup
de vent de Sud Ouest nous incite un soir à aller nous "cacher" dans
une crique bien abritée de Port Fitzroy, sur Great Barrier: Kiwiriki bay.
Qui trouve t'on en
arrivant, déjà installée dans la baie? Toute l'équipe d'Oracle (rescapé
Américain de l'América's Cup), avec le voilier de la coupe, une escadrille
de six vedettes (des petites et des grosses) et un petit paquebot de
"soutien logistique"… L'équipe au complet. Ils remplissent la
baie à eux tous seuls…
Le lendemain matin,
tout ce beau monde se met en route: le fier coursier, grand voile haute, manœuvré
par son équipage vedette, suivi de ses satellites … Vu l'état de la mer au
loin et les rafales de 50 nœuds annoncées, on les pense partis pour un petit
cabotage d'entraînement; on n'imagine pas qu'ils vont traverser vers
Auckland, à près de 50 milles de là.
C'est pourtant ce
qu'ils feront… On ne pourra pas dire, lors de la prochaine coupe, que ceux
là ne se sont pas exercés par gros temps. Peut être ont ils été
échaudés par la piètre performance de Team New Zealand l'an dernier, qui
n'était pas préparé pour les vents forts?
Ils sont arrivés
à bon port à Auckland; on a vérifié plus tard !!!
La plaisanterie des
50 nœuds a duré trois jours de suite. Trois nuits aussi, pendant lesquelles
on a dormi en pointillés entre les embardées du Getaway, quelques dérapages
de l'ancre et les changements de mouillages pour chercher le meilleur abri en
fonction des humeurs du vent qui hésite entre le SE et le SW…
C'est la vie de
bateau quoi!
Suivent deux jours
de temps calme pour nous reposer un peu et ça repart!
Avec de la bruine
cette fois ci, mais pour un jour seulement car le temps se met enfin presque
au beau…
On va pouvoir se
permettre de laisser sans crainte Getaway tout seul au mouillage, pour aller
faire quelques courses de frais à terre. L'Epicerie de Port Fitzroy est bien
achalandée et, en prime, les tenanciers sont gentils et très souriants, ce
qui ne gâte rien.
C'est à Port
Fitzroy que nous croiserons à nouveau Akimbo et son équipage que l'on
n'avait plus revus depuis Bay of Islands en décembre. Michel, le skipper,
entraînera Gérard à la chasse sous marine; ce qui aura le double mérite de
dégourdir le capitaine et de nourrir l'équipage. On profitera d'être
nombreux pour aller faire honneur au seul bistrot du coin qui se trouve juste
en face de notre mouillage. Ca nous fait, comme qui dirait, un air de retour
à la civilisation, car cela fait plus d'un mois qu'on n'avait pas fréquenté
ce genre de lieu de perdition.
Nous sommes
maintenant mi mars et avec la St Patrick approche l'anniversaire d'Anyvonne.
On se décide brusquement à repartir vers le nord pour retourner à Whangarei
et fêter tout ça là bas… On sait qu'on y retrouvera F'murr, qui
n'engendre pas précisément la mélancolie, et qu'Altaïr nous y rejoindra.
Ca va chauffer...
Le 18, la St
Patrick sera un entraînement convenable à la soirée d'anniversaire du
lendemain:
Le resto "le
Tango" abritera nos agapes, et la "piste" continuera
jusqu'assez tard dans la nuit avec la visite de plusieurs bars avec music live
.
Croyez nous, la
soixantaine d'Anyvonne a été bien fêtée!
Le lendemain, la
toute nouvelle soixantenaire a même reçu un super cadeau: l'annonce de la
naissance d'une nouvelle petite fille!!!
Selva est arrivée
avec 15 jours d'avance sur les prévisions.
Vite, vite, on
rentre en France…
Après un séjour d'un mois en
métropole, où nous avons arrosé les "futurs" 40-20 ans de GG
(Comme il se plaît à dire. Cabotin va!) et l'arrivée de Selva (qui est
belle comme un cœur) nous revenons au Getaway.
Ce retour a été
un peu vécu comme une punition: deux fois 36 heures de voyage dont 24 de vol,
à un mois d'intervalle, ça nous a paru vraiment trop. Rarement la vue
Getaway n'a été attendue avec autant d'impatience…
Dès notre arrivée
à l'aéroport, l'hiver néo Z est là... Froid… Pluvieux... Mais nous
bénéficions ce jour là d'une éclaircie locale, lumineuse et très
personnelle: François et Françoise sont là aussi, très fiers de nous faire
profiter du tout nouveau "CampingVan" qu'ils viennent d'acheter au
marché de Second-hand . Il faut dire qu'il ne passe pas inaperçu leur
véhicule: Sur fond "blue lagoon", un nuage de poissons coralliens
se dispute toute la surface de la carrosserie. Des petits, des gros et même
quelques énormes… De toutes les couleurs… Juste comme sous la surface!
ça donne envie de sortir palmes, masque et tuba…
Au début, on est
un peu étonnés de voir les gens dans la rue se retourner sur notre passage,
les enfants rire aux anges et nous faire coucou en traversant au feu rouge,
mais on s'y habitue vite . C'est plutôt sympa, de provoquer ainsi de la joie
et du bonheur…
L'arrivée à la
marina où nous attend Getaway, est un peu moins cool.
Pendant notre
absence, sans doute poussé par le vent, un bateau beaucoup trop entreprenant,
en route vers sa propre place, s'est laissé aller à venir
"caresser" notre annexe qui pendait tranquillement sous le portique
arrière de Getaway.
Elle a dû trouver
ça sympa et s'accrocher un peu aux chandeliers de son séducteur. Pour se
dégager de ce subit attachement, ce dernier a dû mettre en œuvre des moyens
brutaux car tout un boudin gonflable a été arraché du fond en polyester de
notre pôvre annexe et ce fond lui même s'en est trouvé tout fissuré…
Le capitaine est
dans tous ses états…
C'est ennuyeux car
notre visa est limité à fin mai, et avec la mauvaise volonté que montre la
partie adverse pour résoudre rapidement le problème, on commence à
envisager de quitter le pays avec l'annexe non réparée, ce qui n'est pas
réjouissant. (voir encart sur les assurances en Néo Zélandie)
Par l'entremise du
directeur de la marina, les choses finissent par se normaliser assez vite; les
informations nécessaires ont pu être échangées entre les parties et notre
assurance alertée. Bref, en une quinzaine de jours, l'annexe est réparée,
avec l'accord de NOTRE assurance, et le problème réglé.
Après toutes ces
émotions, nous pouvons nous préparer vraiment à mettre le cap sur la
Nouvelle Calédonie.
Le délai imposé
par la réparation de l'annexe va être mis à profit par le capitaine pour
intégrer à bord un nouvel équipier en vue de la prochaine traversée. C'est
un barreur expert, venu tout exprès d'Allemagne.
Après nous être
séparés, à Whangarei, de notre vieux pilote de barre à roue, nous
dépendions du seul pilote électrique "in board" pour barrer
Getaway. Donc en cas de panne : plus rien!.. Avec la perspective des longues
traversées à venir, jusqu'à Nouméa d'abord et de l'Océan Indien ensuite,
c'était lui accorder une bien grande confiance. On pouvait en racheter un
second, en secours, mais GG a préféré diversifier et pouvoir, en cas de
besoin, confier la barre au vent. Il a donc fait venir à Auckland ce nouvel
équipier qui s'appelle Windpilot et est régulateur d'allure de son état.
Fier de sa robuste constitution en
fonte d'aluminium, ce dernier s'est laissé installer sans problème sur la
plate-forme arrière de Getaway. Il a bien fallu concéder quelques
aménagements pour qu'il coexiste avec l'échelle de bains, mais tout s'est
passé gentiment et ce nouveau jouet est à poste, à temps pour le départ.
Une
traversée bien préparée
Côté
avitaillement, le camper-van-aquarium des copains va nous permettre de faire
les courses de départ "dans un fauteuil".
Vous rigolez?
Vous ne connaissez
pas votre bonheur, vous les citadins véhiculophones , qui faites vos courses
au super marché sans même y réfléchir… Auto-parking-caddy-coffre, direct
fournisseur-consommateur. Faites donc les courses pour quinze jours comme
nous, avec votre petit vélo, vos petits bras et votre gros sac à dos, au
super marché qui est à six kilomètres de là, vous m'en direz des
nouvelles.
Eh bien pour une
fois, on se l'est jouée "Royale de Luxe" en remplissant le van de
cartons de bouffe, directement sur le parking du super marché.
L'avitaillement était d'autant plus important et lourd que la Nouvelle
Calédonie étant réputée trrrrès chère, on a fait un plein maximum de
denrées diverses et variées.
Côté météo,
nous analysons depuis trois semaines les prévisions à 5 jours que nous nous
procurons quotidiennement (et gratuitement) par Email, auprès des services
américains.
Quand une fenêtre
pas trop défavorable est apparue pour le début de notre traversée, nous
l'avons fait confirmer et prolonger, en achetant au gourou de la météo néo
zélandaise une analyse personnalisée selon notre plan de navigation. Livrée
par email le lendemain, cette dernière prévoit pour un départ le 16 mai, un
peu de calme les premiers jours, puis l'agitation associée au passage d'un
front, avant de retrouver le régime des alizés à l'approche de la Nouvelle
Calédonie. Donc du calme d'abord puis rien qui devrait dépasser 25 nœuds:
On considère que
ça devrait le faire…
Côté amis, nous
avons fait le week end précédent un aller retour en bus jusqu'à Opua pour
un dernier adieu plein d'émotion à nos chers amis Sue et Ladislav.
Nous pouvons donc
mettre les voiles sereinement et c'est super lestés et sous régulateur
d'allure que nous mettons en route le samedi 15 mai à midi à Auckland.
La traversée
devrait durer une dizaine de jours, pour parcourir les quelques 1100 milles
qui nous séparent de Nouméa.
Pour le début de
la traversée, les prévisions météo se confirment: beau temps et vent
faible. On entendra donc beaucoup le moteur pendant les 3 premiers jours…
ça fait bien du bruit pour nos pauvres oreilles mais ça fait aussi des
milles derrière nous, sur la route de Nouméa. Et puis, à part le bruit, ça
fait tout de même des jours bien confortables avec la mer quasi plate et le
peu de vent par trois quarts arrière.
Dans la nuit de
mardi le front annoncé se présente au rendez vous. Le vent se lève au sud
ouest et se renforce à 25 nœuds. Cette allure, entre travers et "bon
plein", nous rend très rapide mais aussi nous présente la mer par le
travers, et ça c'est moins rigolo. Si la vitesse augmente, le niveau de
confort diminue beaucoup … ça dure comme ça tout mercredi et jeudi. Le
vent remonte lentement vers le nord ouest et par moments on se retrouve
carrément au près serré avec une mer très creuse.
Le jeudi soir on
est dans la zone de traîne du front , les grains et les rafales sont toujours
aussi brutaux mais on espère que ça va se calmer bientôt.
Vers une heure du
matin, dans la nuit de jeudi à vendredi, l'équipier de quart se fait
bousculer par une embardée et s'affale sur la commande du pilote électrique,
dans la descente du cockpit. Ainsi, sans avoir rien demandé, le pilote se
trouve débrayé et le bateau laissé à lui même! Suivant ses mauvais
penchants habituels, Getaway abat alors en grand et avant d'avoir compris le
pourquoi du comment de ce qui nous arrive, c'est l'empannage.
Brutal et
bruyant!!!
Réveil en sursaut
du capitaine…
A première vue il
n'y a rien de cassé. Du moins on ne voit rien, car il fait une nuit d'encre
(toujours cette fichue nouvelle lune) et la lumière de la torche est bien
faiblarde… On remet sur la route en re-empannant prudemment, et le capitaine
décide alors de confier la barre à Windpilot. Pour voir…
A première vue ça
se passe très bien. Le régulateur d'allure fonctionne à merveille et
malgré la mer et les rafales, il nous maintient sur le cap presque aussi bien
que son collègue électrique. Il a bien l'inconvénient de nous obliger à
monter régulièrement dans le cockpit pour le régler, mais c'est tellement
agréable de savoir qu'on ne consomme pas d'électricité… Et le capitaine,
qui veille dans la descente, rêvasse en regardant son nouvel équipier à la
tâche (plutôt en le devinant, car il fait vraiment très noir…).
Vers quatre heures,
un grain nous arrive brutalement dessus, déclenchant un déluge qui précède
de peu des rafales de vent à plus de 40 nœuds. Pour le coup, on ne voit
vraiment plus rien du tout dehors. Le bateau se couche un peu. Ca doit être
dur pour le pilote qui semble étaler admirablement...
Soudain, un bruit sec
précède une nouvelle abattée du bateau et c'est encore un empannage
involontaire, brutal et bruyant… La fixation d'une poulie de renvoi de
drosse du régulateur a cédé. Le fournisseur de l'appareil suggérait de se
servir de cette fixation comme d'un fusible, en cas d'effort trop important,
et ça a marché… Le fusible a bien sauté et le pilote s'est a nouveau
trouvé débrayé.
Ce que ne
prévoyait pas ce fournisseur, ce sont les dangereuses abattées dans
lesquelles Getaway a coutume de se lancer dès qu'il est laissé à lui même…
Il va falloir réfléchir à ça!!!
En attendant,
torches à bout de bras, on constate les dégâts sous le déluge qui
continue:
Les pontets de
fixation du palan de grand voile et du frein de bôme ont été arrachés. Le
"bout" de commande du chariot d'écoute de grand voile a cassé, le
chariot lui même étant retenu en butée sur son rail.
Heureusement
l'erseau de sécurité qu'on avait refait, pour doubler le pontet de fixation
du palan de grand voile, en arrivant à Nelson a encore rempli son office
(voir plus haut, notre arrivée dans l'île sud). La bôme a ainsi été
retenue et n'est pas allée se jeter sur les haubans, au risque d'en casser un
ou de se rompre elle même. Encore une fois la prévoyance a payé et on a eu
de la chance: Le mat est toujours debout, la bôme est intacte et les dégâts
sont réparables…
Et il pleut! et il
pleut!…
Comme le bateau
s'est équilibré plus ou moins à la cape après qu'on ait rentré un peu de
génois, rien ne presse maintenant. On attend donc que la pluie cesse avant de
s'aventurer sur le pont en folie, lampe frontale à poste, pour tenter de
re-fixer avec des "bouts" tout ce qui a cassé.
Un peu avant six
heures du matin, après avoir réduit la grand voile au 3ème ris,
nous remettons en route en empannant très prudemment …
Ce sera le seul
incident d'une traversée qui ne sera même pas distraite par un poisson
suicidaire qui se serait accroché sur la ligne de traîne…
Le samedi matin le
front est passé et le beau temps revenu.
Cela nous aura tout
de même permis de parcourir plus de 300 milles en 48 heures.
C'est une jolie
moyenne pour Getaway et du coup, nous nous prenons à rêver:
-Nous arriverions
dans la journée de dimanche.
-Le soir, nous
fêterions nos retrouvailles avec nos copains de Maohi, après avoir négocié
la passe vers le lagon de Nouméa dans l'après midi…
-Ce serait la fête
aussi avec Marc et Marcel de Yari-enla…
On envoie même des
emails dans cette perspective...
Hélas, hélas!…
Le vent qui hier nous a poussés si fort, aujourd'hui s'est complètement
calmé… Même pas un souffle d'alizés pour nous déhaler vers notre but…
Donc: moteur un peu et patience beaucoup…
En fait, c'est vers
23 heures que nous arriverons le dimanche 23 mai devant la passe Boulari qui
traverse la barrière de corail, à 15 milles de Nouméa.
On vous redit
encore comment était la nuit? Trrrès noire…
Heureusement le
phare Amédée qui signale la passe est bien là où on l'attend et
l'alignement lumineux d'entrée est très clair. Nous nous confions donc à
ces lumières amies et c'est dans le noir absolu que nous franchissons la
barrière du lagon. Oh, la passe est quand même large de près de quatre
cents mètres… Mais ça génère plein d'adrénaline, de savoir qu'on
traverse ce genre de danger sans absolument rien en voir; juste des lumières
qui nous guident.
Enfin, aidé par
Saint GPS, le balisage (français et donc de bonne réputation, Cocorico…)
fait son office et vers 2 heures du matin le lundi 24 mai, nous pénétrons
dans la rade de Nouméa. Nous y mouillons à la lumière de notre projecteur,
devant la marina de port Moselle, au milieu d'une foule de bateaux qui
dorment.
La traversée a
duré huit jours et demi. ça convient complètement à nos ambitions et nous
nous endormons contents. Demain il fera jour, pour affronter la Nouvelle
Calédonie.
Après une nuit de
bon gros sommeil profond, le lundi vers 10 heures on se lance dans la
procédure d'entrée appliquée à tous les bateaux arrivant de l'extérieur
du pays.
Dans l'ordre:
On appelle la
marina par VHF, sur le canal 67, pour qu'ils préviennent les autorités et
nous attribuent une place au ponton visiteur.
On envoie le
pavillon jaune de quarantaine et on met en route vers la marina.
Un employé nous
attend au bout du ponton, pour nous indiquer notre place et nous aider à y
amarrer Getaway.
Ceci fait, on nous
demande d'attendre la venue des autorités (douanes, immigration et
quarantaine) sans quitter le bateau.
Rapidement, un
fonctionnaire de l'administration de protection sanitaire (la quarantaine)
vient nous rendre visite: Sur le conseil donné par Altaïr, nous avions
épluché tous les légumes et fruits restants du voyage.
Le fonctionnaire
ravi de notre zèle peut donc repartir très vite, muni de son pochon d'
épluchures et de nos poubelles, après juste quelques questions sur le
contenu du frigo concernant la viande et les productions animales. Nous
n'avons rien à déclarer.
Et voilà. Reste à
attendre les douaniers et l'immigration…
En fait, ce sont
les copains qui arrivent rapidement: Marc, Marcel et leurs copines, puis
Patrick. Tous, prévenus par Email, surveillaient le port depuis hier midi.
Embrassades émues… RDV est pris pour ce soir au bar…
Et on se remet
patiemment en attente des autorités… On les relance un peu dans l'après
midi, par l'intermédiaire de la marina. Réponse: On arrive, on arrive…
Dix huit heures,
toujours personne… Et puis zut! On quitte le bateau pour aller retrouver les
copains au bar d'en face. Tant pis pour les Zautorités…
En fait, ils ne
sont pas venus du tout, ce jour là… mais le mardi 25 à huit heures du
matin, "l'immigration" nous sort du lit, suivie à dix heures par
les douanes. Là aussi, n'ayant rien à déclarer, les formalités sont vite
expédiées et nous sommes enfin "libérés" de notre quarantaine.
Retrouvailles
avec nos racines aussi...
Dès que terminées
les formalités, nous profitons grâce à Patrick, d'une automobile et d'un
guide pour une première découverte et un inventaire rapide des possibilités
de Nouméa.
Premier avantage de
cette ville: un marché aux légumes /fruits /poissons se tient tous les
matins en face du port. On retrouve bien là notre vieille France et ses
marchés tant vantés par les étrangers. On n'a même plus besoin d'être
prévoyants!
On a retrouvé les
bons fromages bien d'chez nous, les poissonneries achalandées, les viandes
coupées comme on en a l'habitude, la blanquette de veau…. Vive la France!
Par contre les
supermarchés et les grandes quincailleries sont loin du port… le vélo va
être utile.
Le lundi soir ce
sont les retrouvailles, sur leur bateau, avec tout l'équipage de Ma'ohi.
Comme au bon vieux temps d'il y a trois ans. Ne manquait que Lenka qui
poursuit ses études supérieures à Barcelone. Ses oreilles ont dû siffler
ce soir là…
Voilà, notre
découverte de la Nouvelle Calédonie peut commencer.
On vous
racontera...
|