LA GAZETTE DE L'A.R.B
Anyvonne Restaurant Bar
 
Un tour en Amérique du Sud - Journal de bord 2ème partie
N°39 - Octobre 2012

 


 

Le voyage bolivien commence.

Arrivant de Colombie, nous devons atterrir à La Paz vers 23 heures, c'est donc une arrivée en nocturne qui nous attend en Bolivie.
Une arrivée en altitude surtout – l'aéroport de la Paz est situé à 4000 mètres – ce qui nous inquiète un peu après la "Soroche" de La Quiaca, il y a un mois… Dès l‘arrivée, on aperçoit derrière les guichets de l'immigration une antenne médicale spécialisée dans le traitement des troubles provoqués par le mal d'altitude. Bouteilles d'oxygène et tout… L'œdème pulmonaire guette... Gérard espère vraiment qu’il va mieux résister cette fois ci!
En fait, nous avons prévu de descendre dès demain matin à Cochabamba – 2700 mètres seulement – pour y passer le réveillon. Nous remonterons ensuite vers les hauteurs de La Paz, pour une acclimatation progressive.
Passés les guichets de l'administration, l'Aérogare est quasi déserte. Seuls trainent quelques chauffeurs de taxi qui espèrent leur dernier client de la journée et nous serons rapidement embarqués vers notre hôtel.

La ville de la Paz se développe en contrebas du plateau où est situé l'aéroport, sur les pentes abruptes d'une sorte de vallée dont le fond se trouve à moins de 3000 mètres d'altitude.
Oui, vous comptez bien: 4000 moins 3000… c'est une ville qui s'étale sur plus de 1000 mètres de dénivelé. Ça fait de la pente, c'est sûr!!!
Un premier choc nous attend quand nous arrivons au bord du plateau, pour entamer "à fond la caisse" sur une voie express en lacets, la descente vers la vallée. Un amphithéatre de lumières s'étale sous nos yeux… à perte de vue!
L'impression d'être en avion.
C’est fabuleux... Aussi mémorable qu'arriver pour la première à Las Vegas fois de nuit, même si dans un tout autre registre.
Situé en bordure du boulevard qui pénètre en ville, notre hôtel paraît bien sombre quand nous débarquons sur le trottoir... Heureusement, le gardien, réveillé par la sonnette, nous accueille gentiment. Il est tard et c'est tout de suite au lit et dodo... Enfin dodo, on essaye... car le bruit de la circulation sur le boulevard tout proche est intense. Mais bon, pour une nuit...
Plus tard, quand nous reviendrons à La Paz, nous adopterons un hôtel dans un quartier plus central. Plus touristique aussi... A proximité d' une sorte de marché artisanal où des dizaines d'échoppes proposent aux touristes des objets de manufacture locale et beaucoup de textiles en lama et alpaga. C'est là que nous ferons nos achats de souvenirs latinos.

Le paysage offert par cette ville est très impressionnant. Depuis les fenêtres de l'hôtel, on peut voir les contreforts du plateau andin complètement et uniformément recouverts de maisons et d'immeubles. A quasiment 360°, sans interruption. Fascinant...
Le revers de la médaille, c'est que ce relief est quasi dissuasif pour entreprendre de longues promenades de découverte dans les rues de La Paz.

Une ville pour les alpinistes…

Le lendemain de notre arrivée, après un petit déjeuner succinct, nous nous acheminons, sacs au dos et dès 8 heures, vers la gare routière toute proche.
Lentement, car c'est vraiment raide.
Heureusement que ce n'est pas bien loin – 3 ou 4 blocs je crois – mais ça nous fait toucher du doigt une caractéristique des déplacements locaux, qui ne se devine pas sur les plans: la pente et le dénivelé. Dans cette ville, chaque fois que vous descendez une rue, vous pensez sans cesse à l'effort qu'il faudra faire pour la remonter. Du coup, pour nous en tous cas, ça limite sérieusement les ambitions de visite...
Bref, nous parviendrons comme prévu au terminal de bus, mais après quand même quelques arrêts pour reprendre notre souffle.
Pourtant, autour de nous, les gens du cru se meuvent comme si de rien n'était. Certains courent presque... Chargés de bagages ou d'énormes sacs de marchandises... Ils doivent être bourrés de coca, c'est sûr!

Découverte des bus boliviens.

Dès l'entrée du terminal, on retrouve l'ambiance des gares routières, comme on l'avait découverte au Vénézuela, il y a treize ans. Pas beaucoup de signalétique et un immense tohu-bohu. Beaucoup moins d'organisation qu'en Argentine ou à Rio. Tout le monde, debout ou assis, immobile ou en pleine course, se frotte et se bouscule dans le bruit assourdissant de l'activité fébrile et des moteurs.

Trouver la bonne compagnie de bus pour la bonne destination est quand même facilité par le regroupement des guichets selon les régions desservies. Les compagnies qui desservent Cochabamba sont installées près de l'entrée et nous prenons immédiatement la queue sans effort de recherche. En fait, tout peut aller très vite, si on sait qu'avant d'acheter le billet de bus, il faut d'abord aller s'acquitter de la taxe d'utilisation du terminal. Une formalité à accomplir dans une autre queue... Évidemment...
Eh oui, l'apprentissage des usages locaux se paye en temps perdu…

Finalement, nous nous retrouvons vers 9 heures devant une tasse de café, avec en poche un ticket pour partir à 10 heures et arriver à Cochabamba vers 17 heures.
Ce bus est bien parti à l’heure, mais il ne sortira des faubourgs de la ville haute que vers midi... Après avoir remonté rapidement la voie express d'hier soir jusqu'aux environs de l'aéroport, il a encore longtemps sillonné les rues de l'immense banlieue qui s'étale sur le plateau, pour trouver des clients. Une banlieue pauvre et très populeuse sur le plateau, les bourgeois de La Paz habitent le fond de la vallée où l'oxygène est moins rare. Pour des raisons différentes, c'est pareil qu'au Brésil: les riches en bas, les pauvres en haut. Juste le contraire de chez nous...
Le reste du trajet nous fera découvrir le haut plateau, qui deviendra vite un peu monotone, avant la descente spectaculaire de ses contreforts pour absorber un dénivelé de près de 1500 mètres.
Les bus péruviens sont un peu du même modèle que les argentins, avec sièges couchette et tout, mais ils sont beaucoup plus usagés et nettement moins bien entretenus. Les toilettes y sont systématiquement hors d'usage. Pour pipi, il faut attendre les arrêts prévus pour ça. Toutes les deux à trois heures!!! Le capitaine, mal préparé, a dû négocier – en espagnol – l'ouverture de la porte et l'autorisation d'aller se soulager au bord de la route, lors d'un arrêt à un péage d'autoroute.

D’ailleurs, aux arrêts pipi officiels, il faut aussi faire attention... Pendant le trajet retour, sur la route en lacets qui s'élève vers le plateau bolivien, le bus s'arrête pour pipi. Rien d'autre à faire d'ailleurs, à cet endroit... Quelques minutes d'arrêt puis on repart vers les hauteurs... Jusqu'à ce qu'un passager fasse remarquer qu'on avait dû oublier des gens.. Un peu tard!!!
Le bus s'arrête au bord de la route. Pas assez large pour faire demi tour, alors on attend... Quelque minutes, avant qu'un autre bus s'arrête derrière nous et débarque nos 4 passagers qu'on avait oubliés dans les WC!!! Pas contents les oubliés...
C'est vrai qu'à tous les arrêts, particulièrement ceux d'une vingtaine de minutes destinés à nous restaurer, nous avons toujours la trouille de voir repartir le bus sans nous. C'est dire si nous restons vigilants…

Nous n'arriverons qu'à la nuit tombée à Cochabamba. La gare routière, y est encore plus populeuse et moins organisée qu'à La Paz... Impressionnant... La nuit n'aide pas non plus et on a du mal à trouver notre chemin. Où sont les taxis? Rien n'indique même qu'il y en ait!
Quelques questions posées autour de nous ne trouvent pas de réponse. On finit par sortir dans la rue. La même foule qu'à l'intérieur... avec des voitures en plus... qui tentent de se faufiler entre les amas de piétons. Quelques taxis aussi, dont un qui voudra bien s'arrêter et nous amener à l'hôtel

Cochabamba

Hôtel de luxe, ce soir. Avec comptoir à potiches dans le hall...
Situé dans un quartier central, mais très loin du tohu-bohu qu'on a laissé à la gare. De larges avenues sans doute chics, une grande place plantée de palmiers. Quelques cafés, plus ou moins restau, avec terrasses. On est presque chez nous dit!!!

La visite de la ville ne nous laissera pas de souvenir inoubliable. Un peu plate... Des constructions plutôt récentes... Malgré quelques places plantées d'arbres et une température convenant bien à la promenade, son charme ne nous apparaît pas trop.
Nous serons quand même surpris par le marché où nous avons voulu aller voir ce que proposait l'artisanat local.
Un marché immense! Et c'est un euphémisme... Le plus grand d'Amérique latine, paraît il. Centré sur de grands pavillons qui lui sont dédiés, il s'étale sauvagement le long de toutes les rues alentour. Sur plusieurs kilomètres...
L'organisation générale et l'ambiance rappellent un peu le marché aux puces de la porte de Clignancourt, à Paris. En beaucoup beaucoup plus grand. Il est fréquenté par une foule d'une densité qu'on a rarement rencontrée auparavant – dans les allées, on est quasiment portés. Ça nous rappelle une nuit de carnaval à Salvador!
Trouver l'artisanat local se révèle difficile. Cet immense marché propose surtout la pacotille d'origine asiatique habituelle... Vêtements et chaussures dominent. Pas mal d'électronique et d'électroménager aussi... Nous cherchons longtemps le marché artisanal. Nombreuses questions autour de nous; nombreuses réponses aussi, qui toutes nous envoient dans la même direction (ce qui est rassurant), mais sans qu’on trouve jamais de marché artisanal... Finalement, après avoir renoncé plusieurs fois et tout de même réessayé; après avoir déjeuné aussi dans une cantine locale puis nous être remis à chercher, nous découvrons enfin deux allées qui proposent ce que nous cherchons. Deux allées seulement dans tout ce déballage... Et rien de bien original en plus. Rien que ce qu'on rencontre dans les boutiques pour touristes de l'aéroport et près des grands hôtels. Finalement, nous trouverons beaucoup mieux à La Paz pour faire nos achats de souvenirs et de cadeaux.

Réveillon tropical, en fanfare…

Nous sommes ce soir le 31 décembre. La nuit du réveillon... Pour fêter ça dans l'intimité, nous trouverons près de l'hôtel un restaurant qui sert des sushis remarquables!
Eh oui, en Bolivie! Et ce n'est pas un restau japonais en plus... Pas du tout, même!
Le chef, d'allure très bolivienne, doit avoir fréquenté les japonais et aimer les sushis, car il a mis au point quelques compositions originales, tout à fait remarquables et délicieuses. Nous y reviendrons plusieurs fois!
Notre repas entamé vers 20 heures ne nous amène pas bien tard dans la célébration du nouvel an. Notre réveillon sera donc très sage et nous nous retrouverons assez tôt à l'hôtel.

Soirée calme donc. Sauf que vers 23 heures une musique vigoureuse nous envahit, jusque dans la chambre. Une sorte de concours de fanfares s'est installé presque sous nos fenêtres, sur le terre plein central de l'avenue voisine. Et ça va durer comme ça toute la nuit. Sans arrêt, jusqu'à l'heure du petit déjeuner.
Le matin vers 9 heures, l'avenue est encore parcourue par quelques irréductibles qui s'acharnent à souffler dans leur trompette, au milieu d'une forte odeur de bière et de monceaux de cannettes vides. Sur le trottoir, devant les portes des boutiques et dans tous les renfoncements disponibles, des familles d'indiens se sont installées pour passer la nuit... Adultes et enfants pêle-mêle… A cette heure la plupart dorment encore, pendant que quelques femmes s'activent à préparer le petit déjeuner.
Nous avons ainsi découvert l’importance de la fanfare dans les Andes, pour les célébrations importantes.

Vers le cœur de l‘empire Inca.

Si nous sommes si pressés de retourner à La Paz dès le 3 janvier, c'est que nous devons y accueillir David, le plus jeune de nos fils. Avec Scarlett, sa copine américaine, ils doivent nous y rejoindre depuis les États Unis et venir avec nous visiter Cusco et le Machu Picchu.
A l'aéroport de La Paz où nous sommes venus les accueillir le 4 en fin d'après midi, nous voyons sortir David tout seul. Il cherche fébrilement un distributeur de billets. Scarlett? Elle est restée coincée aux guichets de l'immigration car ils n'avaient pas la somme nécessaire pour payer le visa demandé ici aux américains. Autour de 150 euros je crois... David, avec son passeport français en est dispensé mais Scarlett doit payer! Vite lesté de l'argent nécessaire, il remonte sur son blanc destrier et retourne la délivrer.

Comme ils ne disposent que d'une petite semaine, il ne faut pas trainer et le départ vers le Pérou est déjà organisé pour le lendemain matin. La soirée de retrouvailles est donc brève.
Pour aller de La Paz à Cusco en bus (une douzaine d‘heures de route), on a choisi de passer par Copacabana, une petite station "balnéaire" située sur la rive du lac Titicaca. Nous irons ensuite passer la nuit à Puno , avant de poursuivre le lendemain jusqu’à Cusco. Cet itinéraire comprend une traversée du lac Titicaca – à un endroit où il présente un détroit assez resserré – sur des barges pour le bus et des barcasses pour les passagers. Folklore assuré!
La route longe longtemps la rive du lac qui nous apparaît pour ce qu'il est vraiment: une sorte de mer intérieure. Un plan d'eau immense dont les berges de prairies verdoyantes, qui s'arrêtent souvent sur des falaises, nous rappellent les côtes de Bretagne nord. Paysage marin surprenant à près de 4000 mètres d'altitude…

Arrivée à Copacabana vers midi. Un autre bus doit nous emmener jusqu'à Puno vers 14 heures. En l’attendant, nous profitons de l'heure et du soleil pour déguster une truite du lac dans une des nombreuses échoppes spécialisées installées en bord de plage (c'est la spécialité locale, succulente...).

Après un rapide passage de frontière, nous arrivons à Puno en fin d'après midi.
Les guides n'en disent pas grand bien; ce serait tout juste bon pour un arrêt dodo en attendant de continuer vers Cusco.
Nous même avons pourtant trouvé ce centre ville plutôt sympa. Boutiques, cafés et restos font une animation touristique de bon aloi... Nous y avons même rencontré un joyeux défilé de fanfares et de danseurs qui se produisaient autour de la grande place centrale. Ce spectacle réjouissant était assuré par la police locale. Policiers musiciens et danseurs!!! Un espoir et une opération de relations publiques intéressants...

Le lendemain, entre Puno et Cusco, nous emprunterons un bus touristique spécialisé. Son programme prévoit plusieurs arrêts le long de la route, pour visiter des sites "archéologiques" incas. Peu à dire de ces arrêts, sinon qu'ils sont une sorte de mise en bouche pour ce qui va suivre bientôt...

Cusco d'abord.

Cusco est vraiment une très jolie ville. A l'arrivée des espagnols, c'était la capitale de l'empire inca. Après leur victoire totale, pour bien montrer l'irréversibilité de leur présence, les conquérants y construisirent leur propre capitale, avec la volonté de dépasser en splendeur les réalisations incas.
Des théories d'églises somptueuses, de couvents et de maisons religieuses. De nombreux palais pour les autorités civiles...
Tous ces bâtiments, disposés le long des avenues qui structuraient déjà la cité inca, forment encore aujourd'hui une ville magnifique. On ne se lasse pas d'y errer, le nez en l'air, en tentant de capter la magie de l'atmosphère. Évidemment tout ça est un peu touristique; mais quand c'est beau…

Il faut dire que les péruviens s'y entendent particulièrement bien pour exploiter au mieux leur patrimoine touristique. Tous les services qui y sont consacrés sont en situation de monopole et coûtent assez cher.
Sauf à y arriver par "l'Inca trail", un treck de quatre jours très au dessus de nos possibilités, on ne peut atteindre le Machu Picchu que par le train qui relie Cusco au village d’Aguas Calientes, au pied des ruines. Aucune route n'est ouverte pour y arriver autrement. Ce train, l'entrée sur le site lui même, le bus pour y monter... Tout ça coûte pas mal d'argent. Les hôtels et les restaurants par contre se trouvent à tous les prix.

Quand on arrive à Cusco depuis La Paz, on éprouve un vrai soulagement au mal d'altitude. La ville est située à moins de 3000 mètres (le site du Machu Picchu lui même n'est qu'à 2438 mètres). On y respire quasiment normalement et la fatigue des mouvements redevient ce qu'on connait. Quelques jours par ici vont nous faire des vacances avant de retourner à La Paz.

La vallée sacrée

Le train pour le Machu Picchu part de Cusco, mais on peut aussi aller le prendre à Ollantaytambo - l’unique arrêt intermédiaire - après avoir visité en chemin les sites de la "vallée sacrée". C'est une jolie balade que nous avons faite en louant un taxi le matin à Cusco, qui nous a déposés en fin d'après midi près de la gare d'Ollantaytambo.

Notre première visite n'avait rien à voir avec la civilisation Inca: c’était une sorte de refuge-clinique, pour oiseaux en mauvais état. Deux ou trois condors sont hébergés là pour se refaire une santé, en semi liberté sous une immense "cloche" de grillage. Disposant astucieusement des appâts pour les attirer, le gardien du refuge les présente en "vol" aux visiteurs. Impressionnant...
Ce qui nous a marqué le plus dans ce refuge, c'est le destin des perroquets en assez mauvais état, qui y sont soignés. Ces oiseaux font l'objet d'un important trafic de contrebande vers les USA. Capturés dans la foret amazonienne, ils sont enfilés par dizaines dans des tuyaux de PVC (genre tuyau de gouttière) pour être embarqués clandestinement sur un cargo. Seuls quelques individus sur cent survivent à l'épreuve mais ce commerce est tellement lucratif que même avec un "rendement" aussi faible, il reste encore "profitable". De temps à autre les douaniers saisissent un "colis" au moment de l'embarquement et les oiseaux encore vivants sont envoyés ici pour y être soignés. On n’en a jamais fini avec la découverte de ce dont l’homme est capable…

A Pisac ensuite, ce sont les restes d'une cité agricole inca. Haut perchées sur le versant nord de la vallée, les ruines de l'agglomération nous montrent la prodigieuse précision avec laquelle les incas taillaient et assemblaient leurs pierres, sans aucun mortier ni calage... Juste pour des bâtiments utilitaires…
Tout autour, des terrasses aménagées pour la culture apparaissent encore telles qu'elles devaient déjà exister à l'époque. Pour conserver les murs qui les soutiennent depuis tellement d'années, elles sont aujourd'hui interdites à l'agriculture.

Le site de Moray, consacré lui aussi à l'agriculture inca, est situé sur le plateau de l’autre côté de la vallée.Très impressionnant: Une gigantesque dépression, vaguement circulaire et profonde de 300 mètres, où sont aménagés de nombreux étages de terrasses. Le fond de la dépression semble naturellement drainé (l'eau ne s'y accumule jamais) sans qu'on ait jamais compris comment. Les micro climats correspondant aux différentes altitudes des terrasses auraient permis aux incas d'y mener des expérimentations agronomiques. Aujourd'hui, ça ne sert plus qu'à être beau mais c'est vraiment réussi!

On arrive enfin à Ollantaytambo, dont les ruines du fort inca dominent la vallée.
Pour nous c'est surtout l'occasion d'un peu de repos en attendant le train pour Aguas Calientes.
Le départ est prévu vers 19 heures alors que la nuit sera déjà tombée; ça va donc être noir noir quand on arrivera à destination... Lonely planet parle d'un petit village endormi et sans équipement, seulement animé dans quelques hôtels où s’arrêtent parfois les visiteurs du Machu Picchu... On espère tout de même qu'il y aura un peu d'éclairage dans la rue pour trouver notre d'hôtel...

En fait, quand on arrive à destination vers 22 heures, on a un peu l'impression de débarquer à Montmartre, sur la place du tertre... C'est super éclairé, mais c'est surtout très animé. Plein de restos à terrasses, d'hôtels et de boutiques encore ouvertes... de la musique partout...
Ce village tente d'offrir de quoi retenir quelques jours sur place les touristes du Machu Picchu. Abondance de bars, mais aussi mise en valeur de l'attraction dont le village tire son nom: les sources chaudes qui alimentent un complexe de bassins où on peut se baigner. Le même principe que les bains de Papallacta en équateur. Même si ceux ci sont beaucoup moins séduisants, nous les pratiquerons tout de même avec plaisir.

Le Machu Picchu.

Le site du Machu Picchu est situé au sommet d'un versant de vallée, au dessus d’Aguas Calientes.
Mille mètres plus haut, tout de même!
On peut y arriver par une grimpette de 3 bonnes heures, le long d‘un sentier en lacets. Le truc est alors de partir très tôt le matin, vers 4 heures, pour arriver sur le site dès son ouverture. On précède ainsi le gros de la foule et on a de bonnes chances d'obtenir, si on le souhaite, l'autorisation de monter au Huayna Picchu (un sommet secondaire qui domine le site et dont l'accès est limité à 200 visiteurs par jour – un premier contingent de 100 à 7 heures et un second à 10 heures).
Heureusement pour nous, il y a un moyen un peu moins sportif pour monter là haut... A partir de 7 heures, une noria de bus fait la navette entre le village et le site. Beaucoup plus rapide et bien moins fatiguant!

Qu'on y arrive à pied ou en bus, le premier contact avec le site est vraiment très émouvant. Face à la majesté de l'endroit, on oublie vite les infrastructures touristiques de l'entrée. Le charme qui s'en dégage incite à lui prêter quelque pouvoir magique ou sacré.
Le relief d'abord, formé d'une grande cuvette surmontée de deux pics en pain de sucre (le Huayna Picchu et le Machu Picchu). L'harmonie des constructions aussi, dont les ruines forment un ensemble très élégamment intégré dans le paysage.
Même si ça n'a pas grand rapport, la mise en valeur des ruines par le relief rappelle le site du temple d'Hatchepsout à Deir el Bahari, en Egypte. Ambiance magique et un peu surnaturelle. Ici aussi on jouerait bien Verdi...
Côté détail, la qualité d'assemblage des pierres utilisées pour les constructions est tout à fait étonnante. D'énormes blocs, rigoureusement taillés, assemblés en empilage sans mortier. Très beau.
Il semble que ce site ait surtout été un lieu sacré.
Bien qu’il ait aussi été la résidence de l'empereur inca Pachacutec, il n’aurait jamais eu d'objectif militaire.

On se promènera trois bonnes heures parmi les ruines, sur une centaine de mètres de dénivelé, accompagnés par une foule assez dense mais sans être vraiment gênés pour apprécier. C'est pourtant le genre d'endroit où on rêve de se promener tout seul! Quel pied ce serait…

Ce site a été largement ignoré par le conquérant espagnol. Il semble bien en avoir eu connaissance mais n'y aurait que rarement pénétré. Aucune église n'a jamais été édifiée dans cette région. Après la défaite des incas, pendant quelques siècles, la nature a repris ses droits sur les constructions humaines au pied du Machu Picchu.
Le site a alors disparu du monde connu des occidentaux. Son importance ne leur a été révélée qu'au début du 20ème siècle, lorsque l'universitaire américain Hiram Bingham le redécouvrit en 1911 et y mena de vastes études archéologiques.

De retour à Aguas Calientes, nous plongerons dans les bassins d'eau chaude. Le lendemain ce sera le retour à Cusco par le train.

Retour vers le futur…

Après ce bain dans le passé Inca, nous revenons en Bolivie pour visiter les traces laissées par le conquérant espagnol. Aussi pour accompagner David et Scarlett à l'avion qui les ramènera en Californie...
Nous même quitterons La Paz assez rapidement, après avoir fait le plein d'alpaga et autres souvenirs.

Un saut d'une heure d'avion nous mettra à Sucre, l'ancienne capitale du pays; le trajet en bus, d'une bonne douzaine d'heures, nous a un peu rebutés.
Ce survol du territoire bolivien nous permet de prendre conscience des difficultés qu'un relief aussi tourmenté doit opposer à l'organisation d'un pays.
La Bolivie n’est pas qu’un plateau, même haut… Sur quelques 400 kilomètres nous n'avons aperçu aucune surface plate… Ni plaine ni plateau… Rien que des crêtes de chaines de collines, séparées par des vallées profondes, sinueuses et étroites. Faire passer un réseau routier rapide là dedans doit être assez coton.
La région entourant Sucre ne déroge pas. Peu de surface plate pour établir un aéroport, dont l'approche se fait sur plusieurs dizaines de kilomètres en se faufilant au fond d'une vallée où on a l'impression que les ailes de l'avion balaient les versants. Même si ça finit généralement bien, tout au bout de la courte piste d'un aéroport minuscule, c’est une expérience plutôt stressante! .

Quelques minutes de taxi et nous découvrons une jolie ville, tout à fait à notre goût. Touristique mais pas trop... Bien entretenue, avec un relief permettant les balades à pieds... Au moins dans le centre ville... Immeubles et églises, très espagnols bordent les rues. Les hôtels s'ouvrent sur des patios frais et ombragés. Des bars et des restaurants permettent le repos, entre deux promenades.
Une grande place "centrale" plantée de palmiers et d'un kiosque à musique, semée de bancs publics. Quelques musées aussi: "religieusetés", peintures et sculptures...
Une ambiance de capitale provinciale, beaucoup moins agitée que La Paz. On y passera deux jours à se baguenauder sans but précis. A préparer, puis se reposer d'un aller retour en bus à Potosi.

En effet, nous souhaitions vivement profiter de notre passage pour aller voir à quoi ressemble cet endroit légendaire qui a fait la richesse de l’Europe et est devenu un lieu de référence: "… c'est pas le Pérou !"

Potosi

Comme la plupart des cités boliviennes, Potosi s'étale sur le versant d'une colline. Bien moins vaste que La Paz, mais assez pentue tout de même. Plus élevée surtout: Potosi est entièrement située à plus de 4000 mètres d'altitude (4176, pour être précis). Respirer y est donc encore plus difficile...
Une haute colline conique surplombe la ville. C'est là que se cachaient les richesses minières dont la région tira sa célébrité.

L'argent d'abord, pour lequel fut créée la cité. C'était au 16ème siècle le plus gros centre d'extraction d'argent du monde. Cette richesse permit la construction d'immenses palais, églises et couvents. L'hôtel de la monnaie, construit en 1572 en témoigne aujourd'hui, comme lieu de visite "obligatoire". Ce dût être une ville riche, à défaut d'être belle.
Au 17ème siècle sa population atteignait plus d'un million et demi d'habitants. L'esclavage des Indiens puis des africains – traités comme on ne traite pas des bêtes (on parle de moins de deux ans d'espérance de vie, dans les mines), bourrés de coca plutôt que nourris - a permis d'assécher quasi complètement le gisement.
Au cours du 19ème, l'argent devenant rare, la population s'est rétrécie à quelques milliers d'âmes.
Au 20ème siècle, comme elles ne rapportaient quasiment plus, les mines ont été cédées à des associations de mineurs indiens qui perdent encore aujourd'hui leur vie à les exploiter, petitement et toujours péniblement...
Plus récemment, l'exploitation de l'étain a permis un nouvel essor mais dans le centre ville assez populeux, les bâtiments plutôt décrépis, historiques pour la plupart, témoignent plus de la richesse passée que de l'opulence moderne.

Cette atmosphère à l'oxygène raréfié, ne nous a pas donné grande envie de nous attarder…
Nous sommes donc rapidement revenus à Sucre, sonnant ainsi la fin de notre périple bolivien. Juste deux jours de repos avant de prendre l'avion pour rejoindre d'un trait Santiago du Chili, point de départ de notre étape Patagonienne.

Vers le sud, c‘est là qu‘il y a de la neige...

Santiago du Chili.

C'est à nouveau en pleine nuit que nous débarquons à Santiago. Notre envol matinal à Sucre a été suivi de deux escales: d'abord à Santa Cruz, en bordure de l'Amazonie bolivienne, puis à Buenos Aires. Aujourd'hui, nous avons survolé l'Amérique latine dans les deux sens, d'Ouest en Est et vice versa... Une p... d'empreinte carbone!!!

Curieux endroit que l'hôtel réservé sur internet… Dans un quartier a la vie nocturne intense… L’enseigne d’un sex shop illumine la rue mais rien n'indique qu'un hôtel se cache à l'adresse indiquée! Aucune enseigne, rien... Juste une porte aveugle et fermée, quand même équipée d'une sonnette.
Surtout sonner pour vérifier avant de renvoyer le taxi... Un jeune homme ouvre et confirme que nous sommes au bon endroit... Une ambiance très backpackers dès l'entrée, avec fumeurs vautrés sur des divans défoncés, odeur d'herbe et tout...
Le manager de service nous accueille cordialement avant de nous faire ressortir pour rejoindre une sorte d'annexe, située à une cinquantaine de mètres sur le même trottoir. Un immeuble d'évidence moins habité... on n'y rencontre personne. Les fenêtres de notre chambre donnent sur une cour intérieure où se déchaîne un orchestre plus ou moins jazzy... La nuit va être courte!

Ce sera la seule... Au matin, nous transportons nos cliques et nos claques vers la gare routière, pour organiser notre voyage en bus jusque Puerto Montt. De là, nous comptons traverser vers Chiloé.
La recherche d'un taxi est un peu pénible car on commence à voyager lourd... Nos achats de souvenirs boliviano-péruviens se font encombrants... Mais bon, on finit par arriver au terminal des bus, d'abord pour y acheter un billet – départ ce soir à 21 heures 30 – ensuite pour y laisser nos bagages en consigne afin de repartir légers vers une visite à pied du centre ville.

Santiago est une grande ville moderne qui offre peu de possibilités d'évasions historiques ou folkloriques...
En passant devant le palais de la Moneda, nous éprouverons tout de même quelque émotion à évoquer les évènements du 11 septembre 1973.
C'est toujours le siège de la présidence de la république et des administrations associées. Au sommet d'un très long mât, un immense drapeau y flotte fièrement. Un militaire de garde se fera une joie de nous expliquer qu'il a été installé l'an dernier, pèse plus de 200 kilos et a la superficie d'un terrain de football!
Impressionnant!
Quelques jolis immeubles début de siècle constituent le vieux quartier des finances, voisin d'une colline assez inattendue, qui offre un espace vert assez calme où les employés viennent déjeuner d'un sandwich...

Théâtre de rue

En fin d'après midi, notre promenade se termine dans un parc équipé de bancs où reposer nos vieilles jambes. Ambiance mamans et jeunes enfants. Passe un groupe de jeunes gens, assez tonitruants qui dépare un peu dans cette ambiance calme. Ils distribuent des prospectus pour un spectacle de théâtre qui doit être donné près d'ici en tout début de soirée.
Le jeune homme qui nous renseigne nous convainc que ce très beau spectacle, qui va commencer dans quelques minutes et dure trois quarts d'heure, pourrait occuper intelligemment notre fin d'après midi jusque 19 heures 30.
En plus, c'est gratuit!!!

Nous suivons donc ses explications pour trouver l'endroit où ça se passe. Quelques gradins en bois se dressent devant une scène, dans la cour d'un grand palais abritant un musée... A notre arrivée, quasiment personne sur les gradins. Seulement quelques individus qui s'activent autour de la scène et préparent le spectacle qui ne commencera que vers 19 heures....
La pièce est un travail présenté par quatre élèves d'un cours d'art dramatique: une interprétation très particulière de l'Otello de Shakespeare, sur le mode burlesque. A eux quatre, les acteurs assurent tous les rôles de la pièce. Un seul acte pendant lequel chacun change de rôle et de costume (épurés les costumes) derrière la scène, sur laquelle les autres assurent la continuité du spectacle.
Tout cela fait une sorte de manège très rapide où la gestuelle et le ton complètent le texte espagnol. Notre connaissance préalable de la pièce et nos rudiments d'espagnol nous permettront de suivre convenablement.
Que d'énergie! Que c’est drôle! Une sorte de guignol pour adultes... On ne se souvient pas avoir ri autant au théâtre.
Mais le temps passe et malgré le spectacle, on commence à jeter un coup d'œil à la montre... A s'inquiéter un peu aussi de ne pas rater notre bus… Pas suffisamment tout de même pour quitter les lieux avant la fin.
On est vraiment heureux d'assister à ça.

Panique à bord!

Finalement ça se termine vers 20 heures 45... Il ne nous reste plus que trois quarts d'heure pour rejoindre la gare routière, récupérer nos bagages et attraper notre bus. Les ovations durent un bon moment - les gradins étaient complets finalement - avant qu'un acteur passe dans les rangs avec un chapeau... Gérard sort son portefeuille, en retire un billet qu'il laisse tomber dans le chapeau, et on se précipite vers la sortie pour trouver un taxi.
Cinq minutes plus tard, on arrive à destination quand Gérard s'aperçoit qu'il n'a plus son portefeuille pour payer la course!!!
Rapide coup d'œil dans la voiture: on ne voit rien. Anyvonne paie le taxi qui repart.
La nuit est tombée maintenant et la panique s'installe au sein de l'équipage... Le portefeuille a dû tomber par terre, alors que GG le remettait dans sa poche, en courant vers la sortie.
Il faut absolument retourner là bas, pour voir si quelqu'un aurait trouvé quelque chose. Vite, un autre taxi! Mais à Santiago comme partout, les contes de fée sont rares. Sur le site du théâtre, les acteurs occupés à ranger leur matériel sont désolés de ce qui nous arrive... Mais ils n'ont rien trouvé, ni entendu dire qu'on aurait trouvé...
Il va falloir s'y faire: le portefeuille est perdu, et trois de nos cartes de crédit avec lui!
Ça va être le Bintz pour les remplacer.
Heureusement, Anyvonne a encore un peu d'argent et deux cartes de crédit...

Pour l'heure, le plus urgent est maintenant de récupérer nos bagages à la consigne et d'arriver avant le départ du bus! Un dernier trajet de taxi, un peu de pas de course au sein de la foule des voyageurs, et on se retrouve installés dans un bus super confortable.
Devant nous, la perspective d'une nuit à peu dormir… ressasser notre désespoir et envisager tout ce qu'il faudra faire à l'arrivée pour résoudre le problème des cartes de crédit. Une nuit pendant laquelle tout ça paraîtra tellement difficile et compliqué.

L'arrivée à Puerto Montt était prévue en milieu de matinée mais ce n'est que vers 15 heures qu'on débarque au terminal de bus local. Dans la continuité des soucis de la nuit, l'urgence est d'appeler la banque pour faire opposition aux cartes perdues... Évidemment on n'a ni le numéro à appeler, ni un téléphone pour le faire. On découvre dans le hall du terminal une de ces échoppes qui, partout dans le monde, proposent de téléphoner à l'international pour pas cher. On appelle donc notre fils Richard à Nantes, pour lui demander de faire le nécessaire.
Ces précautions étant prises, on peut enfin se préoccuper de trouver où on va dormir.

Pas encore sortis du terminal, une charmante dame nous accoste pour nous proposer son hôtel… et même nous y emmener...Nos sacs commencent à peser et l'offre est tentante... Un quart d’heure plus tard, on se retrouve logés, chauffés, internetisés... Le confort moderne à tous les étages quoi! Internet aidant, dès notre arrivée à l'hôtel, nous pourrons faire nous même les oppositions nécessaires et même demander le remplacement des cartes perdues sur le site de la banque. Les nouvelles cartes nous attendrons sagement au Brésil, quand nous y arriverons à la fin de notre périple.
Y avait vraiment pas de quoi paniquer!
On peut enfin se préoccuper de traiter énergiquement notre hypoglycémie dans un restau chinois – il est près de 16 heures et nos repas ont été frugaux depuis hier midi.

Un rapide tour en ville ne provoque pas notre enthousiasme. Rues tirées au cordeau sans trop de caractère. Les maisons en bois, dans un autre décor auraient peut être du charme?
C'est un lieu de passage, pas de villégiature. Un port surtout. Pour embarquer vers Chiloé, par exemple…

Chiloé

Encore un nom mythique...
En fait, Chiloé est le nom d'un archipel que l'on assimile habituellement à sa plus grande ile – isla Grande – longue de 180 kilomètres, pour 50 de large... Quand même!
Lieu de naissance de Francisco Coloane...
Particularisme très marqué, bien que l'île ne soit séparée du continent que par un bras de mer de 3 - 4 milles de large...

Pour y aller, nous prenons à Puerto Montt un bus pour Castro, qu'un ferry fera passer sur Isla Grande en une quinzaine de minutes.
Notre première impression mélange un peu la Bretagne, la Normandie et la Nouvelle Zélande... Pas grand dépaysement donc...

Colonisée tardivement par les jésuites, Chiloé était alors peuplée par les indiens Cholos. Petite vérole, rougeole,... eurent vite raison d'un grand nombre d’autochtones. Pendant la guerre d'indépendance, entre 1920 et 1926 l'île fut une place forte espagnole, jusqu'à la victoire des créoles.
Vers 1840 des chilotes furent envoyés dans les terres australes des Magallanes, pour les occuper au nom du Chili. Leur influence s'y fait sentir encore aujourd'hui.
Sur l'île, la pêche a été supplantée par l'élevage des saumons et des coquillages, dont la production transite par Puerto Montt.
Le tourisme s'est développé à partir des années 90, en dépit d'un climat plutôt rude... Averses et crachin sont la norme, une caractéristique fondamentale de l'île.
En janvier-février (été austral) on dit qu'il peut faire beau... On confirme car nous même n'y avons eu que du beau temps.
Tout cela en fait un monde à part, aux traditions profondément ancrées dans la culture populaire... Un pays où on déménage les bâtiments en bois, en les halant sur des rondins – comme à terre neuve? Ou en Islande? (voir le film Terre Neuve/Shipping news)…

Quelques jours à Castro.

C'est un petit port de la côte Est de l'île, sur le golfe d'Ancud. La ville y est construite sur un promontoire dominant un estuaire. Très abimée par un tremblement de terre en 1960, elle a été rapidement reconstruite. Comme à Valparaiso, la plupart des maisons sont en bois recouvert de tôle ondulée peinte; les autres le sont de bardeaux artistement arrangés sur les façades. Les photos des "palafitos" - les maisons construites sur pilotis au fond de la rade, au bord de l'eau - ont contribué à populariser la ville.

Le truc à faire ici, c'est manger des fruits de mer. Le "currento", un plat de crustacés (majoritairement des moules) et de viandes (saucisses, poulet, porc fumé...) – les secondes cuites à la vapeur des premiers sur des pierres brûlantes – est l'emblème de la gastronomie locale. Dès le premier jour on va tenter le coup sur le port... et les moules vont nous rester en travers de la gorge... Leur taille énorme, leur goût "spécial"... GG retentera le coup une autre fois... mais lui aussi finira par renoncer.
Les guides préviennent qu'il y a ici un problème de "marée rouge": des algues qui prolifèrent quand la température de l'eau monte (l'été, donc maintenant), rendent toxiques les huîtres, clams et moules qui les absorbent. Le tableau clinique des personnes intoxiquées par des coquillages crus sont inquiétants: température, diarrhée, vomissements... asphyxie... paralysie... arrêt cardiaque... Cuits, on ne sait pas; mais que de complications pour quelques moules... On s'en passera!
On troquera donc les coquillages pour le cordero grillé (agneau), la cazuela de vicunas (sorte de pot au feu de lama) ou les ceviches de crevettes et de poisson (cuisson dans le citron),... Systématiquement arrosé de Carménère, tout ça était délicieux…

Un tour à l’Isla de Mechuque

A partir de Castro, on se devait de faire une visite-pèlerinage sur l'île de Mechuque, berceau de la civilisation Chiloéenne et appartenant à la commune de Quemchi, où est né Francisco Coloane (une idole par ici).
Un tour est organisé sur une journée, en minibus et bateau, accompagné par un guide charmant et cultivé.

En chemin on visite quelques jolies chapelles en bois. L'une d'elles avait une particularité (qui n'est pas unique): ses paroissiens d'origine ont décidé un jour d'en faire don au village voisin. On l'a alors déménagée en la faisant rouler sur des troncs, tirée par des bœufs. Il existait alors la "minga": mise en commun des forces de travail de la communauté pour réaliser les travaux difficiles.
Les églises en bois sont une spécialité insulaire qui se visite selon un circuit spécialisé parcourant tout Chiloé. On en compte plus de 300 sur l'île, dont la plupart ont été construites à la sueur des indiens... Treize d'entre elles ont été inscrites au patrimoine mondial de l'UNESCO.
L'île elle même est très calme (500 habitants). Un petit village de quelques maisons en bois, décorées de tejuelas (bardeaux). Une courte marche vers le sommet de la colline permet d'apercevoir la côte déchiquetée et l'archipel d'îlots qui entoure Isla Grande... Comme à Bréhat dis!
La marche permet aussi de se mettre en appétit pour l'inévitable currento qu’on préparera devant nous, à la manière traditionnelle, au restaurant du village.
On assistera à tout le processus qui consiste à étaler sur des pierres chauffées à blanc au fond d'un grand trou, un épais lit de coquillages puis une couche de différentes viandes ainsi que trois variétés de pommes de terre... Le tout est enfin recouvert d’algues et on attend que ça cuise… Comme le Poe dans un four polynésien.

Arrive enfin le moment de la croisière vers la Terre de Feu.

Cette croisière dans les canaux de Patagonie était un des projets majeurs de ce voyage. L'objectif était de rallier Puerto Williams, la plus australe des agglomérations sud américaine, en empruntant le plus possible le bateau. On savait de longue date qu'un ferry faisait la liaison entre Puerto Montt et Puerto Natales, mais ça ne faisait que la moitié du chemin. Pour continuer, on n'était pas sûrs de trouver un bateau. On n'a découvert que tardivement qu’une barge assurait la desserte maritime de Puerto Williams au départ de Punta Arenas, 300 kilomètres à l'est de Puerto Natales.
Notre projet comprend donc maintenant quatre étapes:

  • Puerto Montt - Puerto Natales sur le cargo mixte "Evangelista" de la compagnie Navimag. Départ tous les vendredis (enfin, presque...), arrivée le lundi soir suivant.

  • Puerto Natales - Punta Arenas: 3 heures et demie de bus.

  • Punta Arenas - Puerto Williams sur le ferry "Bahia Azul" de la compagnie Transbordadora Austral Broom. Départ les mercredis vers 15 heures, pour une croisière de 36 heures.

  • Puerto Williams - Ushuaïa: traversée du canal de Beagle, sur de petits bateaux pneumatiques. 20 ou 90 minutes, selon le point d'embarquement. Tous les jours quand la météo le permet.

Embarquement sur l'Evangelista.

Le départ est prévu vers 15 heures de Puerto Montt, mais l'enregistrement des passagers commence dès 10 heures. Un processus bien long, pendant lequel les passagers ont peu de choix pour manger, boire et tromper leur attente.
Vers 13 heures on nous annonce que du "possible mauvais temps" risque de nous bloquer deux jours à l'entrée du golfe de Penas. Ceux que cette météo ou un tel contretemps effraie, peuvent renoncer en étant intégralement remboursés. Nous qu'on est vachement courageux, on décide de continuer... Les autres aussi d'ailleurs... Personne ne quitte le navire... Il semble que tout le monde assure!
Après l'embarquement des bagages, celui des passagers se fait vers 13 heures 30. Ensuite seulement commence le chargement des marchandises et des véhicules. D'énormes engins de travaux public et quelques semi remorques sont du voyage. Arrimer tout cela va prendre beaucoup de temps; d'autant qu'un gros véhicule tombe en panne pendant son embarquement...
Ce ne sera qu'à 17 heures que nous mettrons en route pour 72 heures de navigation jusqu‘ à Puerto Natales.

A la découverte de notre nouvel environnement.

Dès notre arrivée à bord de l'Evangelista, nous sommes conviés à une réunion dans la salle du restaurant, pour la présentation de la croisière par le capitaine. En espagnol, évidemment... Le monsieur Loyal du bord assure la traduction quasi simultanée en anglais. Pour le français, on verra plus tard... L'ambiance est très sympa.

Ensuite, nous pourrons découvrir nos couchettes, sur lesquelles nos sacs ont déjà été déposés.
Elles font partie d'une sorte de dortoir aménagé dans une coursive. Imaginez un couloir avec des lits superposés de chaque côté, encastrés dans les cloisons. On compte comme ça 8 couchettes. Chaque dormeur peut s'isoler derrière un rideau. Au bout de chaque lit, un casier profond avec cadenas, pour les bagages.
Tout ça nous semble parfait. Les cabines pour quatre, entr'aperçues par leur porte ouverte ne paraissent pas plus spacieuses et n'ont pas non plus l'avantage de l'intimité. Nous ne regrettons pas notre choix.

La croisière s'amuse?

L'emploi du temps de la croisière est comme souvent rythmé par l’alimentation des passagers... Trois fois par jour, les repas sont servis dans la grande salle où le capitaine nous a présenté la croisière à notre arrivée. Un service au plateau, comme au resto U, pour une nourriture très convenable. Pas la haute gastronomie, mais très bon quand même. Pour l'alcool, nous prendrons l'habitude d'un "pisco sour" au bar avant le dîner, car à table il n'y a que de l'eau...

Entre ces moments structurants de la journée, les GO's cherchent à distraire, voire cultiver, les passagers repus...

On navigue quasiment toujours sur des canaux, sous le vent de la multitude d'îles qui se succèdent à notre Ouest et nous protègent de la mer du large. A notre Est, la côte est très découpée de fjords et de baies. Tout ça fait un spectacle permanent...
Pour y assister, la passerelle (c'est le poste de pilotage du bateau.) est ouverte aux passagers toute la journée, à condition d'y rester immobile et silencieux. C'est un privilège rare que nous octroie le capitaine...
Debout à la passerelle, vautrés dans les fauteuils du salon, ou encore accoudés au bastingage des passavants, on flâne, on papote, on bouquine, on admire les paysages qui défilent devant nous...
Au départ, ce sont des impressions de Bretagne... Ensuite ça se rafraîchit et s'assombrit, au fur et à mesure qu'on fait du sud...

Le soir et/ou en fin d'après midi, ce sont des films et des conférences sur la flore, la faune, la glaciologie... Commentés en anglais et/ou en espagnol, parfois avec traduction simultanée.

 

QUIZZ

Les conférences auxquelles nous avons assisté sur l'Evangelista nous ont rendus très cul-tivés...

- par exemple on sait maintenant pourquoi la glace très épaisse est bleue!
La neige est blanche car remplie de bulles d'air qui laissent passer toute la lumière. La glace qui est de la neige compressée d'où ont été expulsées les bulles d'air, ne laisse pas passer le bleu...

- Et la plaque de Nazca... Ça vous dit quelque chose?
C'est la plaque tectonique située entre son homologue Pacifique et le continent sud américain. Elle se déplace comme cette dernière et la plaque Atlantique, s'amusant à se glisser l'une sous l'autre en provoquant des tremblements de terre tout le long de la zone de subduction (la côte ouest des Amériques).
Cette plaque de Nazca se termine au niveau du Golfe de Penas... Au contact de la plaque Antarctique, qui elle, ne se déplace pas… C'est ça qui fait qu'il n'y a aucun risque de "terremotos" au sud de cet endroit....

- Et pourquoi il n'y a pas de pingouin en Arctique (au nord)? parce qu'il n'y a pas assez de terres..

-Et pourquoi........d'ours en antarctique(au sud)?
Parce qu'il y a trop de mer...
Eh...Eh...

- Et c'est quoi la différence entre un champ de glace et un glacier?
Le glacier bouge et s'écoule depuis les champs de glace, dans les grosses failles des massifs qui les portent... Une sorte de fleuve qui – comme ici – atterrit quelquefois dans la mer...

Entre ces sommets d'activité "culturelle", les relations se développent entre les passagers... Des groupes se font et se défont... On se raconte des bouts de vie... L'ambiance paquebot quoi! Enfin on suppose...
C'est donc repus et cultivés qu'on peut rejoindre sa couchette le soir, vers 22 heures... Au début, il faut, bien sûr s'habituer à l'exiguïté des couchettes, à la lumière et aux petits bruits du couloir, à celui plus sourd des machines et aux mouvements lents du bateau... Mais nous dormirons généralement très bien...
Le matin, certains visages un peu chiffonnés dénoncent les fêtards qui ont passé une partie de la nuit au bar... Sans nous!!!

Où la mer reprend ses droits pour quelques milles.

Il y a au sud de l'archipel des Chonos, un passage où le bateau doit sortir et affronter la mer. Là, il faut abandonner l'abri des îles, pour traverser le golfe de Penas le long de la péninsule "Tres montes". Une navigation hauturière de 70 milles, exposée aux vents dominants et à la mer qui va avec, avant de retrouver des canaux abrités.
C'est là que la météo peut nous imposer d'attendre à l'abri, le passage d'un coup de vent, avant d'affronter la haute mer.

Depuis le départ, le capitaine nous a engagés dans une course de vitesse avec une perturbation qui descend du nord. C'est à qui passera le premier le golfe de Penas... Le samedi à 18 heures on nous annonce que la dépression est plutôt plus lente que prévu et qu'on est en train de gagner la course. On va donc continuer cette nuit en pleine mer, juste en avant du front, prévenus que ça risque quand même de chahuter un peu.
En fait, le vent commence à souffler fort assez tôt dans l'après midi.
Les embruns volent haut le long du bateau... L'équipage condamne toutes les portes donnant sur les passavants du bord au vent (tribord) et on ne circule plus que par ceux de bâbord et les coursives intérieures. Si on tient à affronter le vent, on peut quand même sortir à l'avant, sur le pont supérieur. Tant que nous restons à l'abri des îles la mer reste plate, mais quand on en sortira??? Le mal de mer guette... L'équipage distribue des pilules ad hoc à ceux qui le désirent.
Histoire de faire les kekos, nous prenons comme d’habitude notre "pisco sour" à l'apéro... Non mais... C'est qui les vrais marins ici!

De fait, quand on sort de l'abri des canaux, ça se met à remuer pas mal... Moins que sur Getaway dans une mer "agitée", mais quand même... Dans les coursives le pas est moins assuré... la progression devient sinueuse... De temps à autre, la mer explose contre la coque avec un "Bang" impressionnant.
Nous même passerons malgré tout une très bonne nuit. Elle sera plus difficile pour quelques uns, mais ce ne sera quand même pas Waterloo!
Très tôt le dimanche matin, on est revenu à l'abri des canaux; le vent peut bien souffler, la mer restera plate!

De l'orientation providentielle des canaux.

On veut croire que vous êtes moins ignares que nous, mais avant de s'intéresser attentivement aux cartes marines, on croyait naïvement que le détroit de Magellan et les canaux de Patagonie étaient surtout orientés Est-Ouest... Des passages découpés dans la côte Est du sud de l'Amérique Latine. Mais que nenni!

Les canaux commencent par être orientés nord-sud à partir de Chiloé, avant de s'incliner vers le sud est à l'entrée du détroit de Magellan. Ils sont généralement le passage à terre d'un très long chapelet d'îles qui s'étire de Chiloé à la terre de feu. Ça paraît rien comme ca, mais pour la navigation ça fait une sacrée différence…

Le glacier du fond du fjord…

Pour l'attraction du lundi, il faudra se lever tôt... Le capitaine nous annonce qu’il a l’intention de nous emmener en fin de nuit, au pied d'un glacier qui descend de la cordillère jusque dans la mer, du côté de l'isla Wellington.
Vers 4 heures du matin on entend le fracas de la chaîne d’ancre qui se précipite vers le fond. Déjà arrivés? Seule certitude dans la nuit complètement noire: nous sommes mouillés quelque part!
A cinq heures et demie nous montons jeter un œil sur le pont, alors que le jour se lève timidement. Il pleut... Glacial... Dans la lueur naissante, on constate que le bateau est arrêté au milieu d'un fjord, à quelques milles des séracs d'un glacier qu‘on distingue à peine. Forts de cette information, on redescend se réchauffer d'un petit café...
Deux heures plus tard c'est le miracle: le soleil perce les nuages et la pluie s'arrête... Il fait alors grand jour.
Totalement cerné par les growlers (des glaçons qui flottent à la surface et attendent le whisky...), le bateau qui a remis en route, s'approche "en avant très lente" jusqu'à une centaine de mètres d’une falaise de glace. Sur un front de plus de 3 kilomètres, le glacier se jette dans la mer. Le thermomètre marque 5°C.

C'est bleu! C'est Grand! C'est Majestueux...
Écrasés par la beauté du lieu et après avoir rempli la mémoire de notre appareil photo, nous descendons petit déjeuner...
Plus au sud, on verra encore d'autres glaciers, mais ce sera toujours plus lointain et moins grandiose qu‘ici.

La porte étroite du slalom.

Jusque Puerto Natales, le paysage est partout saisissant de beauté.
Le lundi à 17h le capitaine annonce un nouveau numéro... Roulement de tambours... Le bateau va emprunter un passage tellement étroit qu'on se demande s'il ne va pas rester coincé... Autour de nous, des rochers affleurants et des îlots partout... On se croirait à Bréhat...
C'est étroit, et peu profond aussi pour un tel mastodonte...
A l'approche de la passe, on s'est placés près de la porte de la passerelle, dont les visiteurs ont été évacués et où règne un silence total. Seule la voix de capitaine qui lance ses ordres de barre... Il assure, le capitaine...
De notre côté, on retient son souffle et consomme pas mal d'adrénaline
De jeunes otaries batifolent autour du bateau, ravies de cette visite impromptue. Elles n'ont pas l'air de bien se rendre compte de l'ampleur de l'enjeu!
Et tout à coup, ça y est... L'obstacle est passé et le bateau flotte toujours... Le public applaudit... Carrément une ovation...

On a de la chance pour ce voyage, d'avoir un capitaine "breveté pilote des canaux". Ça lui permet d'emmener son bateau où il veut, sans aide extérieure. Dès qu'ils s'écartent du chemin "express" et balisé, les capitaines "ordinaires" doivent faire appel à un pilote pour pénétrer dans les fjords à risque et emprunter certains passages difficiles.

Mais nous sommes presque arrivés à Puerto Natales, où l'amarrage à quai offrira à notre capitaine une dernière occasion de démontrer sa grande maîtrise de son navire. Malgré un fort vent traversier, sans remorqueur et seulement appuyé sur son ancre, il parviendra à se ranger à quai sans choc ni à-coup, en une manœuvre élégante et douce.

Encore bravo!

Une première impression du "grand Sud".

Le problème avec les ferries comme l'Evangelista, c'est que les véhicules lourds y sont embarqués après les passagers et débarqués avant... Ca entraîne un bon couple d'heures d'attente, dans chaque sens.
Ce soir, ça nous permettra d’observer l'équipe de nettoyage affairée à tout remettre en ordre à bord, nickel chrome.
Aussitôt que nous serons partis, de nouveaux passagers vont embarquer et l'Evangelista appareillera dès demain matin à 5 heures, pour le trajet retour.

Pour l'instant, il n'est que 19 heures mais la nuit est déjà tombée et nous voici sur le plancher des vaches. Nos sacs pèsent lourd, le quai n'est pas très peuplé et les quelques rares taxis sont déjà retenus...
Dur dur... Dans cet équipage, l’hôtel est trop loin pour nous…

Un chauffeur de taxi très aimable nous donne le numéro d'un collègue pour que nous l'appelions à notre secours. Vive la civilisation des portables… sauf que nous on n'a pas de téléphone!
Même dans le trou du c..du monde – et c'est bien là qu'on sent qu'on est - les gens sont sidérés de voir des touristes débarquer sans leur greffe à l'oreille. Avec un air de commisération, notre interlocuteur appelle son collègue sur son propre appareil avant de s'éloigner en nous souhaitant bonne chance...
Bref, un taxi arrive rapidement à la rescousse et nous dépose à "l'Estancia Carlitos", l'hostel que nous avons retenu comme d'habitude sur internet.

L'endroit est moquetté de partout, bien chauffé, cosy... Il est clair maintenant qu'on est bien arrivés dans une région froide...
La patronne chaleureuse comme son hôtel nous montre notre chambre et nous indique un bon endroit où traiter notre faim… Un restaurant "Carlitos"... Encore! Décidément ils s'appellent tous Carlitos par ici!

Vers 22h30, installés devant un plat de viande et une bouteille de Carménère on voit arriver des passagers débarqués de l'Evangelista, à la recherche de nourriture... On n'a pas été si mauvais dans notre organisation finalement.
Un vent glacial souffle fort quand on rentre à l'hôtel mais on coupera quand même le chauffage et on se planquera sous la couette…

Un grand parc d'aventures…

Puerto Natales est situé au fond du fjord "Ultima esperanza"... tout un programme! Dans le grand Sud les toponymes sont souvent évocateurs: golfe des peines, île du contraire, île de la désolation, port de la faim, cap du désir, île du risque, baie inutile...
Pourtant aujourd’hui, avec le développement du tourisme, cette petite ville est le point de départ très fréquenté des visiteurs du mythique "Parc Nacional Torres Del Paine"...
Notre hôtelière est quasiment choquée qu'on s'en aille dès le lendemain sans y être allés voir.
Notre guide Lonely Planet s'exprime à propos de cette région: "Avec ses vents d'ouest impitoyables, ses paysages marins désolés et ses pics déchiquetés, cette région incarne la quintessence de la Patagonie... Elle est faite pour le voyageur épris d'aventure, qui en aura tout son saoul en découvrant les étendues vierges des parcs nationaux, les îles colonisées par les manchots et les ranchs isolés parcourus par les gauchos..."

Nous, on n'est pas si épris d'aventure que ça, avouons le tout de suite... Généralement, notre programme est plus simple et moins sportif: découvrir la réalité de quelques lieux mythiques et leur environnement... Éprouver la connaissance littéraire qu'on en a. Et pour notre plaisir, faire cela en bateau et confortablement quand c'est possible...
Nous aujourd'hui, ce qui nous préoccupe c'est de ne pas rater le ferry de mercredi pour Puerto Williams... Voilà pourquoi on repart dès le mardi matin vers Punta Arenas.

La Patagonie et les grands espaces.

Sur les conseils de notre logeuse nous utiliserons la Compagnie de Bus Fernandez. En l'absence de terminal centralisé, les bus partent du siège de chaque compagnie. A 10 heures le mardi 31 janvier, nous partons pour 256 kilomètres et 3 heures de pampa, dans un bus tout neuf, propre et confortable.

Découverte de la Patagonie terrienne: grandes étendues battues par les vents et la pluie, herbe courte, quelques bosquets, des moutons, encore des moutons, une autruche et toujours des moutons... des vaches... à nouveau des moutons... des chevaux courts sur pattes aussi...
Des clôtures de barbelés, s'élancent rectilignes vers l'horizon, à perte de vue.
Parfois une hacienda isolée, l'air désolé et brut de décoffrage, témoigne que ces clôtures n'ont pas poussé toutes seules...
Je ne suis pas sûr qu'on ait aperçu un humain, ailleurs que dans les quelques voitures qu'on a croisées.
On atteint la rive de l'estrecho Magellano (détroit de Magellan) au niveau de la péninsule de Brunswick où est située Punta Arenas.

Cette région s'est peuplée dès 10000 ans avant JC. Venant du nord, ses premiers habitants étaient les Tehuelches.
Ferdinand Magellan y est passé sans s'arrêter en 1520 et n'a fait que lui donner son nom.
Au 17ème siècle, les missionnaires jésuites y ont installé quelques établissement chrétiens.
Au milieu du 19ème, le commerce s'est développé avec le trafic des navires qui approvisionnaient la Californie de la ruée vers l'or, via le cap Horn.
Plus tard, le boom de la laine de mouton a entraîné le développement d'immenses estancias. Pour le permettre, les argentins entreprirent à l'époque la conquête du "désert" au sud du Rio Negro, exterminant les indiens Mapuche et Tehuelches – les historiens argentins parlent aujourd'hui de génocide.

Des fortunes immenses se sont constituées ainsi, au prix de l'anéantissement des populations indigènes – étonnante, cette impression de déjà vu...
Les colons européens ont alors afflué – "Aventuriers courageux dont le cœur n'était autre qu'un poing serré" comme l'écrit Coloane.
Comme on l'a déjà dit, l'ouverture du canal de Panama a stoppé net le trafic marchand autour du Cap Horn et ralenti toute l'économie de la région. Aujourd'hui pêcheries, sylviculture, un peu de pétrole et le tourisme assurent une certaine prospérité.

Punta Arenas et l'hôtel du "bel au bois dormant"…

Nous débarquons à Punta Arenas vers treize heures. Alors, vite, trouver notre hôtel avant d'aller manger...
Le taxi nous débarque en plein centre devant une porte fermée (mais avec une enseigne d'hôtel, tout de même...) On sonne. Via un interphone, la réponse nous parvient, nerveuse, inquisitrice... : "Réservation? Nom? Nombre de personnes?...". Drôle d'accueil…
Finalement la porte s'ouvre sur un grand escalier de marbre blanc, qui monte tout droit au premier étage. En haut de l'escalier – qui a sans doute connu des jours meilleurs – on débouche dans une pièce un peu sombre et complètement en désordre. La grande table centrale est couverte de restes de petits déjeuners, de bouquins épars, de cendriers pleins,... Assise à un bout, une jeune femme y pianote sur son ordi... Il est alors près de 14 heures!
Un jeune homme (la trentaine?) nous accueille et nous demande, sans autre explication, d'attendre que notre chambre soit prête... On pose donc nos sacs au milieu de la pièce et on attend.
Notre interlocuteur s'empare alors d'un aspirateur, y accroche un suceur étroit, et s'attaque au tapis du salon d'à coté... Après en avoir aspiré un quart de la surface, il arrête son ménage et se met à bouiner à autre chose. Un peu impatients, on lui demande ce qu'on est en train d'attendre... Réponse évidente: "Ben que je prépare votre chambre..." Après quoi il nous tourne le dos et disparaît dans une chambre proche, avec son engin dont le bruit témoigne qu'il s'est remis au ménage. 3 minutes après, montre en main, il a changé les draps et nous cède la place... Enfin... On va pouvoir aller manger!
En fait, on a fini par sympathiser avec ce jeune hôtelier. Le plus souvent vautré dans le salon, il passe son temps à regarder des vidéos... Pendant ce temps le reste de l'hôtel stagne, en l'état: l'arrière cuisine est en vrac, le bac à linge sale déborde, la cuisine est un chantier innommable, la vaisselle s'accumule sur les tables couvertes de reliefs de repas abandonnés... Le salon complètement bordélisé est couvert de poussière... Ça demande explications quand même...
On demande donc... avec tact...
Et on nous explique: "Je suis exploité... mal payé... tout seul pour tout faire... Alors j'en fais le moins possible".
C'est bien ce qu'on avait subodoré!
Franchement détendu, il continue à nous exposer sa pensée: "Dans un an, je pars aux caraïbes... Là bas, je ne ferai plus rien... que me faire masser par des super nanas...".
La belle vie quoi!
Le lendemain, en veine de confidence il continue: "Vous savez, j'ai une novia (copine) et un bébé de dix mois".
Où va-t-il les caser dans son délire de jolies masseuses aux Caraïbes?

Avant de partir, on est tellement copains qu'il nous supplie de repasser par ici, au retour de Puerto Williams. Il veut nous inviter chez lui. Nous promener dans sa voiture... Nous faire visiter le cimetière... de toute beauté!
"Si si, il faut revenir"

On nous avait bien parlé de l'originalité des patagoniens... Mais là, ça y est, on a touché LE SPÉCIMEN. C'est vrai qu'il vient de Puerto Williams... Là bas, au bout du bout du monde où nous allons…

Un voyage qui commence comme un jeu de piste…

Après nous être restaurés, la priorité est de boucler notre dossier de traversée vers Puerto Williams. La compagnie "Transbordadora Austral Broom" qui exploite cette ligne de ferry parait assez confidentielle. Nous ne l'avons découverte sur internet qu'un peu par hasard.
Une navette part le mercredi de Punta Arenas. Sauf la semaine où le bateau est en maintenance!
Nous avons bien envoyé un mail de réservation qui a été acquitté, mais pour valider notre réservation, il faut aller payer le billet à leur bureau, en liquide et au plus tard la veille du départ. Aujourd'hui donc…

Mais les taxis locaux ne connaissent pas cette compagnie ni ne savent où se trouve ses bureaux...
Notre chauffeur nous emmène au terminal de ferry local. Selon lui c'est sans doute par là. Effectivement là bas on connaît un peu mieux. Mais ce n'est quand même pas le bon endroit. Là c'est seulement pour embarquer... Pour payer c'est ailleurs, au siège de la compagnie, quelque part dans la zone portuaire.
Pour y aller? Très simple: à droite sur deux blocs, puis à gauche pour trois blocs, puis à droite encore, puis à gauche, puis... Bah, notre chauffeur est débrouillard et il finira par trouver...
Quelques billets de banque en échange d'un billet de ferry pour deux... C'est tout bon, nous embarquerons sur le "Bahia Azul" demain en fin d'après midi, au terminal de ferry.
En attendant nous pouvons passer un peu de temps à découvrir la ville.

Les témoignages de la ruée vers le mouton…

Capitale régionale de 130 000 habitants, construite au bord du détroit de Magellan et balayée par un vent permanent, Punta Arenas nous accueille sous un ciel tout bleu. Ce n'est pas courant! Dès le lendemain le vent souffle en rafale, poussant de petites pluies intermittentes. Quand même! Le détroit de Magellan nous montre le visage auquel on s’attendait…

La ville a été fondée au milieu du 19ème siècle autour d'un pénitencier. Sa situation, bien protégée sur le canal de Magellan, va en faire rapidement un port recherché.
Dans la foulée du développement du trafic maritime et de l'économie régionale, la ville va croître jusqu'en 1914, quand s'ouvre le canal de Panama. En marge de l'activité portuaire qui se développait avec le trafic maritime inter-océanique, la région a longtemps vécu de ses ressources naturelles: peaux de phoques, guanaco, bois, plumes d'oiseaux, charbon et or...
Fin 19ème, le gouverneur régional autorise l'importation de 300 têtes de moutons des Malouines. Ce sera le point de départ d'un développement foudroyant... 30 ans plus tard, des millions d'animaux sont élevés par ici! Grâce à une gestion foncière à la "sud américaine", cette activité d'élevage à permis le développement de véritables empires. En témoignent les palais construits en ville par les puissantes familles qui dirigèrent alors l'économie locale. Aujourd'hui, les plus belles de ces demeures ont été transformées en hôtels, banques, musées...
Les temps ne sont plus ce qu'ils étaient, ma pov' dame…

On a été un peu surpris de constater la quasi-absence de bars dans les rues de la ville. Beaucoup de "cafétérias" par contre, avec boissons chaudes et grignotages, mais pas d'alcool.
Sur les conseils de notre hôtelier, nous sommes allés manger au mercado. Là, dans de minuscules échoppes, on déguste un excellent poisson tout frais pêché. Que du bonheur. Nos autres essais, dans des restos plus sophistiqués n'ont pas été aussi enthousiasmants.

Dernière croisière du voyage.

C’est en fin d‘après midi que nous découvrons notre nouvelle embarcation pour les 36 heures à venir...
Plutôt une barge qu'un ferry! Du type qui sert de bac pour passer véhicules et passagers d'une berge à l'autre d'une rivière ou d'un étroit détroit... Le genre qui nous avait fait traverser de Puerto Montt à Chiloé. Mais là, pour 36 heures de canaux??? Si près du Cap Horn!!!

Sur la coque peinte en rouge, le nom du bateau s'étale: Bahia Azul...
A tribord, la zone consacrée aux passagers est construite sur deux niveaux tout le long de la coque. L'étage est aménagé comme un bus "cama ejecutivo". Des rangées de 3 fauteuils qui peuvent se basculer à l'horizontale. Comme le bateau n'est pas complet, nous ne serons pas serrés et ça se révèlera plutôt confortable.
Pour manger, ça se passe au rez de chaussée: un comptoir où on nous propose des plats industriels réchauffés au four à micro ondes... Bouffe insipide, juste acceptable... Et pour boire? Ni vin ni bière, juste une sorte de fanta réfrigéré au goût incertain... On est loin du standard rencontré sur l'Evangelista!!! Nostalgie...
Le deuxième étage de cette zone passagers est un pont découvert où se dresse une sorte de "kiosque" servant de passerelle au capitaine! On y viendra souvent se faire fouetter par le vent et admirer le paysage.

Pour l'heure, la nuit tombe rapidement et ce soir nous n'apercevrons que les lumières de Punta Arenas qui s'évanouissent dans notre sillage. Au cours de la nuit, entre deux extrémités de canaux, nous sortirons pour quelques milles en mer mais ça n'a pas secoué autant que GG le craignait. A notre réveil, nous sommes bien engagés dans un dédale de canaux dont on ne sortira plus jusqu'à Puerto Williams, sur le canal de Beagle.
Les canaux de la terre de feu sont assez différents de ceux que nous avons parcourus plus au nord. Plus encaissés entre des sommets plus élevés, où on observe d'immenses glaciers. La mer de glace en Amérique du Sud... Le spectacle est magnifique. Nous l'observons à loisir, depuis le pont découvert du ferry, où nous allons faire des séjours assez courts car il y fait plutôt frais...

Un peu avant la tombée du jour nous nous déroutons pour entrer dans un petit fjord où nous comprenons qu'on va faire escale pour débarquer quelqu'un ou quelque chose. Les deux en fait... Habilement débarqués par les docker locaux, pendant que le ferry s'agite cul au quai, retenu par deux aussières et en appui sur son moteur. L'escale ne durera qu'une dizaine de minutes, les conditions d'amarrage n’incitent pas à s'attarder…
La nuit tombe quand on nous annonce que nous arriverons à Puerto Williams vers 23 heures. Comment va-t-on s'y prendre, en pleine nuit, pour trouver notre hôtel ? On verra bien...
Vers 20 heures, on passe devant Ushuaia dont l'ampleur de l'illumination nous fait comprendre que ce n'est plus vraiment le petit village qu'on imaginait.
Vers 23 heures, comme prévu, notre ferry s'amarre cul à la cale, devant le village de Puerto Williams. Là, pour le coup, c'est bien un village... Faible éclairage et peu de gens sur la cale... Quelques passagers débarquent mais la plupart restent à leur place pour attendre la fin de la nuit. Dans l'incertitude, nous décidons d'en faire autant. Décision qui devient rapidement irrévocable car le bateau quitte la cale pour aller passer le reste de la nuit sur son ancre, à l'avant du port...
Ce n'est que vers 9 heures du matin qu'on reviendra à quai pour débarquer.

Puerto Williams, l'escale la plus australe d'Amérique.

Vu au grand jour, le village se confirme très village... Tout à fait conforme à ce qu'on attendait...
Deux ou trois rues, bordées de maisons basses aux toits de tôle ondulée. Les murs sont la plupart du temps bardés de tôles peintes de couleurs pastel; parfois rouillées aussi...
Dans une telle agglomération, peu de questions sont nécessaires pour trouver notre hôtel, le "Patty Pusaki".

Patty, la propriétaire, nous fait un accueil très volubile. En fait, c'est surtout pour nous informer qu'elle nous a attendus une bonne partie de la nuit... jusqu'à 3 heures du matin... Qu'on n'était pas du tout censés passer la nuit sur le ferry…
Mais Patty fait rapidement contre mauvaise fortune bon cœur – Il faut dire qu'elle se révèlera avoir un cœur gros comme ça... Elle coupe court rapidement, nous fait rentrer au chaud et nous propose de partager le petit déjeuner avec ses hôtes qui y sont attablés.

La posada comprend 3 ou peut être 4 chambres. Toutes sont des petits dortoirs à 4 ou 6 lits, sauf celle qui nous est réservée, la seule équipée pour 2 personnes.
Les gens qu'on rencontre ici sont tous plus ou moins montagnards. Des marcheurs convaincus en tous cas... Nous même cohabiterons avec un groupe de randonneurs italiens. Nous croiserons aussi un couple d'allemands plus âgés, dont le mari se révèlera être une ancienne gloire des expéditions himalayennes...
Tout ça pour dire qu'on a eu beaucoup de mérite à ne pas accepter de sortir du village pour aller arpenter les sentiers alentours... On n'était pas équipés pour ça d'ailleurs!!! On passera quelques jours ici, confortablement installés autour de la table, assistant aux allers-retours de nos voisins sportifs, écoutant leurs récits et admirant leurs exploits...

Un peu à l'écart du village, se trouve le Yacht Club de Puerto Williams. Ce lieu mythique est installé dans un vieux bateau, genre caboteur désaffecté, définitivement amarré dans une crique très abritée du canal de Beagle. Là, un réseau serré de chaînes d'ancres et d'aussières retient un dizaine de voiliers.
Des bateaux locaux pour la plupart, qui font plus ou moins régulièrement le trajet jusqu'au Cap Horn tout proche, quelquefois jusqu'en antarctique, tout de même plus éloigné.
Quelques visiteurs en escale aussi – 3 ou 4 – qui guettent leur envie de repartir. La plupart projettent de remonter les canaux de Patagonie jusque Puerto Montt, avant la traversée du Pacifique et la Polynésie... Nous ne reconnaissons personne.
On n'est pas arrivés ici en voilier et dans ces conditions le contact avec les oiseaux migrateurs n'est pas si facile... On se sent un peu des intrus... On se retirera donc sur la pointe des pieds, vers les dîners de la posada de Patty qu'on partage régulièrement avec nos voisins italiens.

Un soir, on y rencontrera en guest star un ami de Patty. Le skipper d'un voilier Belge arrivé ici depuis tellement d'années. Le lendemain il devait embarquer un groupe de touristes à Ushuaia, pour une croisière vers l'antarctique.
Ces dîners seront l'occasion de parler de la navigation dans la région et des gens qui la pratiquent. Nous même évoquerons notre rencontre avec ceux de Fmurr en Nouvelle Zélande, quand ils nous avaient raconté leurs aventures au Cap Horn. Patty saute de joie... Avant d'ouvrir sa posada, elle s'occupait du bar du Yacht Club... Elle y a très bien connu Cathy et Eddy, quand ils sont passé par ici... Ce sont des amis... Et tout et tout... Décidément, le monde est vraiment petit!

Pour reprendre l'avion vers Rio de Janeiro, il ne nous reste plus qu'à revenir à Ushuaia. La fin du voyage approche...

Traverser le canal de Beagle vers Ushuaia...

Deux bateaux seulement assurent ce passage: une sorte de vedette pneumatique qui embarque 6 à 8 passagers à Puerto Navarino – une petite crique située juste en face d'Ushuaia, à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Puerto Williams – et un bateau un peu plus gros, qui embarque une vingtaine de passagers à Puerto Williams. Une vingtaine de minutes de traversée dans le premier cas et une bonne heure et demie dans l'autre. Les billets que nous avons achetés dès notre arrivée vendredi, pour traverser lundi prochain, sont pour le petit bateau. Un hasard.

Le problème avec ce passage du canal, c'est la météo... Les deux "embarcations" qui assurent cette traversée ne sont pas extrêmement marins et ne passent que quand la mer le permet. C'est à dire quand il n'y a pas trop de vent... C’est parfois assez rare!!! Samedi et dimanche, les bateaux sont restés à l'abri et les passages ont été annulés. Dans le village, les groupes qui devaient partir se croisent dans les rues... Échangent leurs informations... Certains avec inquiétude, car l'avion qu'ils ont réservé au départ d'Ushuaia ne les attendra pas!!! D'autres changent leur plan et optent pour le petit avion chilien qui fait la navette avec Punta Arenas... Plus régulièrement que les bateaux...
Nous même, qui n'avons pas d'obligations réelles commençons à nous inquiéter... Passerons nous Pâques en Patagonie???

C'est intéressant de constater comment les chiliens ne font rien pour faciliter le passage des touristes entre Puerto Williams et Ushuaia. La distance n'est que d'une trentaine de milles sur le canal de Beagle, mais aucune entreprise chilienne ne s'y intéresse. Les deux qui le font sont basées à Ushuaia, en Argentine!

Tôt le lundi matin, on observe avec appréhension les drapeaux qui flottent en haut des mats dans le village... Des penons qui nous renseignent sur la force du vent... Pour l’instant ça a l'air plutôt calme, mais le vent monte généralement plus tard dans la matinée...
Au point de rassemblement des candidats au départ, les correspondants des bateaux n’ont pas d'information claire à nous communiquer. Pire, les informations contradictoires se succèdent:
Le bus pour Puerto Navarino va partir...
Le bateau n'est pas venu d'Ushuaia...
On ne part pas...
Peut être quand même vers 10 heures...
Va savoir...

Un couple de jeunes hollandais dont l’avion décolle d’Ushuaia vers 14 heures quitte notre groupe pour l'aéroport de Puerto Williams où il espère trouver une solution pour passer... Parfois un petit avion à 4 places… Ils ne trouveront rien…
Du coup il faudra attendre leur retour quand on nous annonce que finalement on va y aller...

Ruée vers les guichets de l'immigration pour tamponner le visa de sortie. Petite heure de bus pour rejoindre Puerto Navarino, le long de la berge du canal de Beagle.
Là, juste un petit bureau, où un fonctionnaire s'assure que nous avons bien fait toutes les formalités de sortie du Chili, avant de nous laisser passer.
Un ponton aussi, où se balance un pneumatique à fond rigide équipé pour accueillir 8 passagers. Deux moteurs de 300 chevaux. L'embarcation est entièrement recouverte d'une capote en toile et plastique qui protège son contenu des embruns... Le capitaine, une jeune femme d'Ushuaia, nous invite à nous installer, aidée par un marin à peine sorti de l'adolescence. Les passagers et leurs bagages occupent tout l'espace. Il reste juste un peu de place à l'arrière, en avant des moteurs, pour piloter l'engin...
L'équipage met en route après avoir fermé soigneusement ses cirés jusqu'au menton... Capuche bien accrochée et lunettes amarrées sur le nez... Le skipper observe sa route par dessus la capote et n'évite pas les embruns...
Et c'est parti...
Doucement pour commencer, sortir de l'abri et chauffer les moteurs; puis ça accélère jusqu'à la vitesse de planning. Plus de vingt nœuds... De temps en temps un creux plus profond que les autres arrête ce bel élan et submerge le bateau d'embruns... Et ça repart...
Au bout d'un bon quart d'heure de ce régime, on atteint l’abri de la côte nord du Beagle. Là, ça accélère encore... Impressionnant! Renseignements pris, dans cette zone on atteint les trente nœuds. Ce n'est pas le grand huit de la fête foraine, mais presque...
On est contents d'arriver.

L'ombre de Nicolas Hulot.

Autant Puerto Williams correspondait à notre attente, autant Ushuaia nous surprend... Nous déçoit?
Le village que nous attendions est devenu une grande ville moderne, avec grands immeubles, hôtels, rues encombrées, etc, etc... Tout le confort moderne nous saute à la gorge!!! Le port est immense où les énormes paquebots se succèdent... Dans les rues ce ne sont que boutiques de trucs à touristes – surtout à touristes en Goretex. Magasins de sport, de souvenirs, agences de tourisme...
Côté terre, les cimes des contreforts des Andes surplombent la ville de leurs glaciers... L'ambiance rappelle une station de montagne. Côté mer, un port actif brasse ses touristes et ses marchandises...
C'est Chamonix dans la rade de Toulon! Curieux et inattendu...
On ne peut pas dire que cette surprise nous fasse extrêmement plaisir… Nous préférions Puerto Williams... Mais bon, on ne fait que passer. Une seule nuit... Demain déjà nous prenons l'avion pour Rio.

Mais que la voie est donc étroite, sur le chemin des touristes... Alors que nous errons dans les rues de la ville, au dessus du portique de sacs à dos d'un magasin de sports, Gérard croit bien reconnaître un visage connu. Mais kicetididonk???
Manifestement ce n'est pas une hallucination car les yeux du visage repéré s'arrondissent également, dénonçant une égale perplexité et une recherche fébrile dans les souvenirs! Mais bon sang, mais c'est bien sûr…
C'est Denise, la canadienne d'Alejo...La copine de Jean Louis… On ne les a pas revus depuis Richard's bay... Deux ans déjà...
Embrassades, congratulations... Mais qu'est ce que vous faites ici??? Et vous alors??? Et on se raconte... Et on se souvient...
Denise et Jean Louis visitent eux aussi l'Amérique du Sud. Leur bateau est resté à Salvador d'où ils comptent reprendre leur périple marin au mois d'octobre. Pour l'heure, ils vont rejoindre Puerto Natales en bus, afin d'embarquer sur l'Evangelista.
On leur raconte cette croisière qu'on vient de faire dans l'autre sens, histoire de leur mettre l'eau à la bouche... On se quitte, à peu près convaincus qu'on se reverra encore…

Le Mardi c'est le retour au foyer.

Hélas, le vol n'est pas direct jusqu'à Rio. Nous devons atterrir à Buenos Aires ce soir vers 23 heures, et y attendre une correspondance pour Rio demain à 8 heures. La nuit promet d'être passionnante!!! Nous la passerons à sommeiller, allongés par terre entre nos chariots de bagages, dans un coin du hall de départ de l'aérogare.
A part ça, nous arriverons comme prévu à Puerto Bracuhy où notre bateau nous attend sagement, ainsi que nos nouvelles cartes de crédit. On va pouvoir s'atteler à la préparation de notre départ vers le nord.

Un bilan?

D'abord, nous sommes super contents d'avoir tenu le coup pendant ces 3 mois de vagabondage hors du foyer. Ca ne nous paraissait pas gagné d'avance…

Mais la surprise de ce voyage a été la quantité des rencontres de qualité que nous avons faites. Des gens du cru comme à Tilcara ou à Puerto Williams, mais surtout de jeunes voyageurs un peu partout. On a été stupéfaits de croiser autant de jeunes (surtout des filles) se baguenaudant comme ca, seuls avec leur sac à dos sur les chemins. Curieux, cultivés, ouverts, courageux…

Ca a mis un peu de rose dans la vision grise et morose que nous avons sur l'actualité du monde et l'avenir de notre beau pays...