LA GAZETTE DE L'A.R.B
Anyvonne Restaurant Bar
 
Afrique du sud-Canal de Mozambique - Le journal de bord
N°35 - Mars 2010
 

 


 

Madagascar, un arrachement long et difficile…

Mi septembre 2009, après un séjour de 3 mois en métropole, nous revenons à Nosy Be. Dans le dernier numéro nous vous faisions part d'hésitations concernant nos projets de navigation et notre avenir maritime. Maintenant c’est décidé: nous repartons vers l'ouest par le sud de l'Afrique. Notre dernier séjour malgache sera donc consacré à préparer ce départ.

Nous prévoyons de quitter Nosy Be vers la mi octobre, ce qui nous laisse un bon mois pour nos adieux. Ce temps sera employé à refaire le tour des mouillages de la baie de Nosy Be avec nos copains de Tchokdi… Au rythme habituel d'un retour hebdomadaire à Hellville, pour les courses et le marché, le déjeuner en ville au Saloon et la soirée dans la baie de Mardoco à côté, afin d'éviter les bruits du port et refaire éventuellement le plein d'eau…

A chaque mouillage nous retrouvons nos habitudes: balade sur une île de la baie des Russes pour cueillir des graines d'acacia (modèle spécial jeux africains), randonnée à Nosy Faly pour refaire nos provisions de "mabibs" fraîchement grillées (noix de cajou, fruits de l'anacardier dont il y a ici de grandes plantations) avant d’aller déjeuner chez un copain restaurateur, grattage des dessous du bateau à Tani kely (les eaux y sont très claires)…
Et apéros… Avec Tchokdi, Ylang ou Zorba (C’est le superbe catamaran tout neuf de Marc et Julie, que nous venons de retrouver, alors qu'ils arrivent de Thaïlande - on les avait connus aux Fidji quand leur petit bateau s’appelait Yari).
Ce mois a été bien rempli et le 14 octobre nous sommes fin prêts pour commencer notre descente vers le cap de Bonne Espérance.


Descendre vers le Cap, mais par où et quand ???

La descente vers le cap de Bonne Espérance
Les particularités météorologiques

Pourquoi ces âpres discussions entre "boaties", à propos de la descente du canal de Mozambique vers le Cap de Bonne Espérance? Tout vient des conditions assez particulières qui régissent la navigation dans cette région du monde et de la trouille qu'on peut en avoir....
Les dangers de la navigation le long des côtes de l'Afrique du sud sont légendaires. Même Moitessier, dans "Vagabonds des mers du sud" raconte comment, alors qu'il était en route vers Durban, une vague l'a éjecté de son bateau avant que la suivante l'y ramène... Alors, attachez vos ceintures...

Mais de quoi s'agit-il vraiment?
D'abord un fort courant longe les côtes africaines, portant au sud à parfois près de 5 nœuds. S'il ne prend le nom de "courant des Aiguilles" qu'à l'approche de l'Afrique du sud, il existe déjà au nord du Mozambique, dès sa frontière avec la Tanzanie.
Ensuite ce sont des fronts dépressionnaires fréquents qui se déplacent vers le nord-est, le long de la côte depuis le cap de Bonne Espérance, parfois jusqu'à Ilha de Mozambique. Ils provoquent des vents de sud-ouest parfois violents qui contrarient le courant des Aiguilles et peuvent y entrainer l'apparition de "vagues monstrueuses". Des vagues quasi verticales, hautes de plus de 15 mètres.
Cette région détient le record mondial des observations de "freak waves" et les échos des chavirages de petits bateaux y sont amplifiés par les rapports des nombreux gros navires qui y ont été cassés comme des boites d'allumettes. Tout ce qu'on discute et redoute sur cette route se rapporte plus ou moins consciemment à ces vagues de légende...
Cerise sur le gâteau, ces phénomènes apparaissent devant des côtes qui ne proposent que peu ou pas d'abris; sur de trop longues distances pour qu'on puisse être sûr de les parcourir en sécurité à l'intérieur d'une fenêtre de météo favorable.

Aujourd'hui, l'amélioration des prévisions météo à moyen terme (3 à 5 jours) et surtout le développement des moyens permettant d'y avoir accès en pleine mer, augmentent les chances de pouvoir passer d'un abri à l'autre sans trop de problèmes.
Malgré cela la chance reste un facteur important pour le confort et la sécurité de la navigation dans cette région.

Pour un niveau de vent donné, c'est le courant qui dicte la route à suivre: par vent de secteur nord, il faut aller le chercher vers le large, jusqu'à se retrouver sur le tapis roulant. Pas trop toutefois, car si le vent tourne au sud et forcit, la seule manœuvre évasive consiste à revenir tout près de la côte où il n'y a plus de courant.
A l'extérieur de celui-ci, les vagues sont beaucoup moins fortes, et on peut éventuellement mettre à la cape pour attendre une amélioration.
Dans cette situation de compromis, de nombreux skippers, craignant de s'éloigner de la côte, ratent l'opportunité du courant et sont même ralentis par un contre courant. La durée de l'étape augmente, en même temps que le risque d'arrivée du mauvais temps.

Depuis un certain temps déjà, le débat sur les meilleures options pour la traversée du Canal de Mozambique et la navigation vers le cap de Bonne Espérance fait fureur lors des apéritifs sur les bateaux.
Les conditions de cette descente de plus de 2200 milles constituent un fond de discussion inépuisable pour les navigateurs en partance vers le sud…
On compare les itinéraires de traversée :
Passage vers Richard’s bay à partir de Tuléar, au terme d’un long cabotage le long de Madagascar;
traversée directe vers l’ouest à partir de Nosy Be ou Mayotte avant une longue descente le long des côtes du Mozambique;
ou bien encore la solution médiane qui consiste à descendre le long de Mada jusqu’au cap St André avant de traverser vers le sud du Mozambique pour rejoindre Richard’s bay en longeant la côte africaine…
On discute des meilleures dates de départ : tôt en octobre ou plus tard fin novembre. En arrière plan du débat sur les dates, ce sont les conditions de navigation vers le cap de Bonne Espérance, à partir de Richard’s bay, qui sont en jeu…

Sur ces questions, nous palabrons longuement avec l’équipage d’Ylang. Marielle et Patrice sont tentés par une descente en "sauts de puce" le long de la côte Africaine en partant de Mayotte.
Sur ce plan, ils ont le soutien de Tchokdi qui raconte ses souvenirs émus d’exploration des côtes du Mozambique, parmi lesquels dominent des entrées de rivières plutôt sportives (là bas, quasiment toutes les rivières présentent une barre à leur embouchure)…
Pour cette raison précise, sur Getaway, au contraire, on ne VEUT surtout pas entrer dans ces rivières là… Si on n'y est pas obligé…
Nous, nous serions plutôt partisans de partir tôt, le long de la côte malgache jusqu'au cap St André, traverser le canal du Mozambique dans sa plus petite largeur et poursuivre, peut être non stop, jusqu’à Richard’s bay où nous arriverions vers la mi-novembre.
Evidemment, le débat n'a fait démordre personne de ses préférences et Getaway partira vers le sud et le cap St André, au moment où Ylang mettra le cap sur Mayotte et le Mozambique. On aura quand même vécu de bons apéritifs, animés!


Une première étape qui finit sans douceur…

Getaway commencera son voyage en compagnie de Tchokdi, via la baie des russes, jusqu'à Baramahamay.
Nous espérons y faire le plein de miel sauvage que les villageois récoltent en abondance. Hélas cet endroit, proche de Nosy Be, est devenu une destination de croisière à la journée au départ d'Hellville et les touristes commencent à s'y presser. En proportion directe, le miel se raréfie et renchérit (parfois il se dilue aussi)… Cette fois ils auront vidé les réserves et nous ne ferons pas notre miel…

Mais nous ajouterons tout de même un pot d'adieu- émotions à notre collection… Au revoir Tchokdi… Zakia et Alain iront bientôt retrouver leur autre bateau à Bornéo et ont pour projet d'explorer les Philippines. Nous allons maintenant naviguer dans des régions qui resteront durablement très éloignées mais nous nous reverrons surement sur le plancher des vaches, à la faveur d'un heureux croisement de nos retours métropolitains. Dans quelques années?


L'homme propose mais…

Nous entreprenons seuls l'étape suivante jusqu’à Nosy Valy, une des îles Radama.
Petite navigation pépère, sauf que… Le pilote automatique en profite pour tomber en panne.
Quelques tentatives rapides ne parviennent pas à le remettre en route et nous barrons "à la main" jusqu'au mouillage.

Le lendemain, toute la journée, on va essayer de convaincre l'engin de bien vouloir se remettre à la tâche. Sans résultat. Le pilote têtu ne veut rien entendre et on se retrouve devant deux options: continuer jusqu'à Richard's bay avec le seul régulateur d'allure (ça ne marche que s'il y a du vent et il y a tout de même près de 1400 milles à parcourir…) ou remonter vers Mayotte, à 180 milles au nord-est, pour trouver de quoi réparer.

C'est évidemment la deuxième option que nous choisissons (Nous supportons mal l'idée de rester coincés à la barre!) et le 18 octobre nous arrivons à Mayotte après trente six heures de moteur et autant à la barre – il n'y avait pas de vent.
Dès l'abord, nous devons affronter l'accueil hilare de Patrice qui est là depuis une semaine.
C'est sûr, notre option, si vigoureusement défendue lors des discussions récentes, vient de prendre un sérieux coup de vieux... Mais on peut encore limiter les dégâts en prenant vite les dispositions pour réparer. On constate rapidement que rien n'est disponible à Mayotte et qu'il faut faire venir un nouveau pilote depuis la métropole.

On fait bouillir le téléphone, l' internet, les emails…
Contact est pris avec l'importateur français…Quelques gros distributeurs… Même à la Réunion…
Personne ne sait expédier un tel appareil, hors taxes, à un bateau en transit à Mayotte.
Cet envoi hors taxes représente en euros un enjeu important et on a passé des heures à s'expliquer au téléphone...
Mais non, on ne sait vendre en France qu'à des bateaux qui naviguent dans le golfe du Morbihan, Ou pas beaucoup plus loin? On avait déjà rencontré ce même problème à Kilifi, au Kenya, pour se faire envoyer des haubans de rechange. Il avait alors fallu les commander en Angleterre…

Cette fois, nous finirons quand même par trouver un fournisseur français qui sait faire: "Discount Marine".  Notre correspondant trouvera la chose très naturelle et nous expédiera les pièces nécessaires dès le lendemain de notre prise de contact.

Pour tromper notre attente de l'arrivée de "la bête" tant convoitée, nous entreprendrons un tour de "Grande terre", au cours duquel nous découvrirons que l'île est aussi belle vue de la mer que de la terre. Par contre nous constaterons aussi la rareté de ses mouillages. Il n'y en a guère que quatre ou cinq, dont quasiment aucun sur la côte nord ouest. Dommage.

Revenus à Dzaoudzi notre colis nous attend à la poste.
Mais il faut encore le dédouaner - Trouver un transitaire qui veuille bien s'en occuper en urgence, à un moment où les douaniers sont en train font face à la montagne de containers qui s'est accumulée pendant la grève des employés du port qui vient juste de se terminer... Ah si seulement nous étions venus hier, avant la fin de la grève!!! Les deux premiers visités n'ont pas le temps. Le troisième enfin - une dame charmante - parait comprendre notre problème et assure qu'elle va faire tout son possible. Que demander de plus? Reconnaissant, on lui paye la rémunération demandée et on se remet à attendre "sereinement".
Deux jours de formalités et quatre appels téléphoniques plus tard, nous nous retrouvons enfin avec le colis des pièces attendues sur le bateau.
Enfin les pièces attendues… Presque…
Au moment de la commande, dans l'urgence de nos conversations par email nous n'avons pas été suffisamment précis et avons laissé l'ambigüité s'installer. Le moteur du pilote qui est dans le colis n'est pas le bon…
Il faudra donc le renvoyer et faire avec l'ancien qui heureusement marche encore.
Nous avons tout de même reçu un calculateur neuf qui va bien et nous pouvons réparer...
On peut donc tout de même procéder au montage et aux essais du nouveau calculateur de pilote. Tout neuf, tout beau, tout moderne, sophistiqué et intelligent. Ça marche super et le capitaine respire la satisfaction.

Pendant ce temps Ylang est parti vers Ilha de Mozambique.
Sur Getaway il ne reste plus qu'à se remettre aux préparatifs de traversée. La madame fait des conserves de viande et des listes de courses… Le capitaine lui a demandé de prévoir des vivres pour trois mois!!!
" - Va-t-on se perdre et errer si longtemps dans le canal de Mozambique? Demande Pénélope
- Non, sans doute pas. Un mois devrait suffire mais on ne sait jamais…"répond Ulysse.
Alain de Glob vient, avec son narguilé, aider le Gégé à gratter à nouveau les dessous du bateau. Quand il n'y a plus trace d'antifouling, les algues se bousculent au portillon et au bout d'un mois c'est le bazar là dessous… Vivement Richard's bay qu'on puisse repeindre…

Le 6 novembre nous sommes fin prêts. Comme c'est un vendredi, c'est aussi le jour où Glob part mouiller pour le weekend dans le nord du lagon. Nous le suivons, ne serait ce que pour ne pas démarrer notre périple un vendredi (on n'est pas superstitieux mais quand même...).
Une journée pêche et snorkelling, un nouveau diner d'adieux et c'est déjà dimanche.
Glob va retourner au boulot: Pas pour très longtemps: ils arrêtent l'an prochain et projettent un départ vers la Thaïlande, via les Seychelles!!!
Alors là… On les nargue un peu… On fait valoir qu'ils feraient mieux d'affronter le vent du cap de Bonne Espérance plutôt que les pirates somaliens. Mais rien à faire… Ils ne veulent pas en démordre: Françoise veut voir l'Asie…
A un de ces jours donc! Eux par l'Est, nous par l'Ouest: la terre est ronde, on se reverra.

On avait quand même le cœur un peu serré ce dimanche là, en les voyant disparaitre derrière le cap Douamougno…


La route du Cap.

 

L'homme propose à nouveau… Têtu…

Le 8 novembre, nous quittons Mayotte par le Nord Ouest et la "passe du morne rouge".
Le temps est beau, le vent pas bien fort et le moteur efficace…
Ça restera comme ça jusqu'au lendemain midi, quand le vent sera suffisant pour qu'on puisse vraiment mettre à la voile. Ce sera alors vent arrière, génois tangonné, pendant 7 jours d'affilée. Le pied...

Notre passage par Mayotte fait que nous suivons maintenant la même route qu'Ylang.
Nous les imaginons le mardi soir, mouillés à Ilha de Mozambique que nous laissons à quelques dizaines de milles sur tribord sans nous arrêter.

C'est sans grande surprise que nous ferons escale quatre jours plus tard dans la baie de Bazaruto, à 850 milles de Mayotte. D'abord parce qu'au sud d'Ilha de Mozambique c'est quasiment le seul mouillage du pays qui n'est pas "protégé" par une barre. Ensuite parce qu'on nous a dit grand bien de l'Ilha Santa Carolina située dans cette baie. Enfin parce que la météo, qui nous a été jusqu'alors favorable, annonce un retournement de vent qui nous empêchera de parcourir confortablement les 450 milles qui nous séparent encore de Richards bay.
Pour toutes ces bonnes raisons, au lever du jour nous entrons dans la baie... Immense… Nous nous y enfonçons pour aller poser notre ancre sous le vent d'Ilha Santa Carolina, devant une fort belle plage.
L'île n'est pas vraiment déserte: en arrivant, nous avons pu apercevoir, sur la côte au vent, les installations d'un hôtel de luxe.
Vers 9 heures, nous sommes mouillés à l'abri du vent, le calme s'installe à bord.

Survivre sous les tropiques…

Pas pour longtemps…
Ce calme nouveau est vite interrompu par l'approche d'un bateau rapide. Son pilote nous signale que les gens, sur l'île, (il s'efforce de nous convaincre qu'il n'en est que le messager impuissant…) nous demandent d'aller mouiller plus loin… A au moins un mille (1800 mètres) de l'île!
Pourquoi? Parce qu'ils ont loué toute l'île et ses alentours, pour un mois, afin d'y tourner un épisode du feuilleton "Survivors"! En échange ils ont obtenu que la zone soit déclarée "off limits" pour les bateaux, pendant tout ce temps…

Tourner un épisode de "Survivors"? Sur ce mouchoir de poche? Quasiment dans le parc d'un hôtel de luxe? La tronche des "survivors"!!! Ça nous rappelle le Vanuatu, où toute une baie avait été réquisitionnée et déclarée "off limits" par les mêmes, à quelque kilomètres de Port Vila, la capitale du pays… Dans cet archipel où les espaces isolés et déserts sont légion?
"Survivre" est sans doute plus aisé près des facilités qu'offre la vie moderne…
En tous cas ici comme là bas, ils ne veulent absolument pas qu'on assiste à leur cinéma, ni surtout qu'on apparaisse dans le champ de leurs caméras… Ça ferait tout de suite moins désert hostile…

En tous cas, juste ici et maintenant, ça n'arrange pas nos affaires…
A un mille de la côte on n'est plus à l'abri de rien… Et la baie ne regorge pas de mouillages abrités de toutes les directions… On s'éloigne donc de quelques centaines de mètres et on remouille; à la limite de l'abri de l'île qui nous parait déjà bien loin.
Ca ne suffit sans doute pas car dans l'après midi le même bateau revient se plaindre et nous demande de nous éloigner encore un peu…
Alors là, y en a marre!!! On dégage carrément et on va mouiller à dix milles de là, sous l'île de Bazaruto, devant un village de pêcheurs.

Pendant le coup de vent, la pêche continue.

Nous y resterons quatre jours car l'endroit est convenablement protégé du fort vent de sud-est qui s'est levé entre temps, après un rapide passage par l'ouest.
Vent contre courant de marée, le mouillage n'est pas toujours calme, loin de là… Nous montrons même parfois quelques signes de fatigue… Mais enfin on était quand même mieux là que dehors.
On se demandait d'ailleurs souvent où Ylang, parti d"Ilha de Mozambique mais pas arrivé, jusqu'ici, avait pu trouver refuge… Et s'il était toujours dehors, comment Liane et Lucie, ses deux mousses, vivaient cet inconfort.

Le lundi matin, alors que ça souffle fort et qu'on s'est fait pas mal chahuter toute la nuit, des hurlements nous font sortir la tête du bateau: Autour de nous, à une centaine de mètres de la côte, des barques de pêcheurs travaillent par couples à étaler de longs filets que les villageois hâlent ensuite à terre pour récupérer la récolte. Les barques sans moteur ne disposent que de rames et dans ce vent fort, freinées par leur filet et le clapot, elles ont du mal à manœuvrer.

Les cris que nous entendons viennent des occupants de l'une d'elles qui dérive sur nous. Son filet entoure maintenant complètement Getaway, les bouts de halage sont pris dans nos safrans et l'hélice n'est pas loin. Nous ne pouvons pas bouger… Les pêcheurs ne sont pas contents…
Grâce à ce qui lui reste de portugais Gérard tente de communiquer et ils se calment un peu pendant qu'on les aide à récupérer leur matériel sans dégât. Tout se termine super bien, avec quelques Coca Cola pour se rafraichir de la suée, pendant qu'ils nous expliquent que l'endroit où nous sommes, une zone de hauts fonds, est leur terrain de pêche… Que le bon point de mouillage se trouve à environ 300 mètres au sud, sur des fonds bien meilleurs, plus près de la côte et du village…
Que de soucis!

C'est quand les fonds remontent que les vagues s'élèvent…
(Tout récent proverbe africain, élaboré à Bazaruto.)

Le vent finit par se calmer et les prévisions météo reçues le 18 novembre, peu avant midi, montrent un créneau juste suffisant pour espérer atteindre Richard's bay avec un vent favorable (même si parfois un peu fort), avant le prochain retournement au sud.
On décide immédiatement de repartir et vers 15 heures on lève l'ancre.

Au sud de l'île de Bazaruto, la carte montre un passage à terre pas très profond (6 mètres) qui permettrait d'économiser une quinzaine de milles sur notre route vers le large.
C'est marée haute, le vent est modéré. On décide donc de passer par là….
Dans le lagon, un chenal sinueux mène vers ce passage à travers une zone de hauts fonds où notre sondeur ne reflète pas exactement ce que montre la carte… On n'aime pas ça, on ralentit, on hésite, mais on continue.
A l'approche de la passe on aperçoit la houle du large qui déferle en grand sur les bancs de sable qui la bordent. Normal…
La carte montre à l'intérieur de la passe des profondeurs supérieures à 6 mètres. A marée haute on devrait donc avoir au moins 8 mètres d'eau, et si la houle n'est pas trop forte ça ne devrait pas déferler…
On distingue effectivement une zone où la mer paraît plus plate, moins blanche.
Ca doit être le point de passage… On approche…
On voudrait le faire doucement mais on ne peut pas ralentir… Si elles ne déferlent pas vraiment, les vagues sont creuses et abruptes et il faut garder de la vitesse pour rester en ligne.
Un peu tard pour faire demi-tour…
Et les fonds remontent bien plus que prévu: entre 1.50m dans les creux et 3m sur les crêtes…
L'adrénaline coule à flot sur Getaway…
Et pas seulement...
Une lame un peu plus haute et verticale que les autres surgit devant nous à quelques dizaines de mètres. Oh pas si haute, environ deux mètres, mais elle est raide et Getaway ne pourra pas passer par dessus…
Il fonce donc dans le mur d'eau qui recouvre complètement le pont.
Le moteur pousse fort et maintient le bateau perpendiculaire à la vague, mais rien n'était prévu à bord pour jouer au sous marin: l'eau entre à "flots" dans la descente restée ouverte et nous sommes trempés...
Et les fonds qui tardent à redescendre!!! La tension est à son comble…
Bon, ça ne redescend pas, mais ça ne remonte pas non plus!
Alors on continue… En espérant…
Jusqu'à ce que le sondeur affiche brusquement plus de 10 mètres. On peut enfin commencer à souffler et décompresser un peu.

Vient alors le moment de l'examen de conscience.
La conclusion est claire: nous avons été imprudents
Une profondeur de 6 mètres, non documentée dans un guide, n'est pas suffisante pour assurer un passage sans problème. Ce passage à terre n'était qualifié de "passe" ni sur la carte, ni dans les guides nautiques.
Les profondeurs ne correspondaient pas à ce qu'indiquait la carte, mais dans un endroit peu fréquenté ce n'est pas exceptionnel... (Même que pour Getaway ce n'est pas la première foi. Souvenez-vous de "French Well" aux Bahamas…). Si elles avaient été inférieures d'un mètre ou si nous n'étions pas passés à marée haute de vives eaux, Getaway aurait sans doute touché et aurait eu alors bien du mal à sortir de là...
On a eu de la chance...

Mais c'est vrai aussi que sans un peu de chance, nous ne serions pas là où nous sommes! Alors…

La descente vers le cap de Bonne Espérance, Options et enjeux…

Dans ce contexte où la météo est assez dynamique et les abris peu nombreux, les objectifs et les choix de chacun pour l'organisation de son parcours peuvent entraîner des conditions de navigations très différentes.

Revenons à nos âpres discussions de  Mayotte et Mada: Le but sur Getaway était d'arriver le plus vite et le plus confortablement possible à Richard's bay, sans AUCUNE préoccupation touristique ni exploratrice.
De son côté, Ylang qui "commençait" son voyage, souhaitait profiter de cette descente pour voir un peu de pays. Entrainés par les souvenirs de Tchokdi, Ilha de Mozambique leur paraissait incontournable. Les rivières et les villes mozambicaines étaient tentantes…
Dans un contexte de forte appréhension de conditions de navigation difficiles, c'étaient ces arguments qui accompagnaient la bière des apéros.
Comme au bout du bout du banc il n'y a pas de vérité unique, à tort ou à raison chacun voit midi à sa porte et arrange son compromis à sa façon.
(P… que voilà une phrase qui pèse son poids de sagesse!!!)

Une conséquence de l'approche de Getaway est que dès que la météo le permet, on avance. Rien ne doit retarder le départ, ni provoquer d'escale. Dit autrement: "on ne gaspille une météo favorable"
Pendant que nous descendions vers Bazaruto, Ylang visitait Ilha de Mozambique. Oh pas longtemps… Mais ça a suffit pour que, même après avoir renoncé à s'arrêter plus loin, ils soient 6 à 8 heures trop tard pour atteindre l'abri de Bazaruto avant le retournement du vent. Ils se sont alors fait refouler vers le nord sur plus de cent milles, jusqu'à se retrouver au vent des hauts fonds qui débordent la côte au niveau de Beira; contraints de tirer des bords, voile et moteur, pour s'éloigner des dangers.
Huit heures de retard leur ont valu quatre jours de tempête et de vie "difficile"…

Après ce rude coup de vent, Ylang, Psyche et quelques autres se sont retrouvés à Bazaruto pour souffler un peu et lécher leurs plaies. Pendant ce temps, nous finissions notre descente sur Richard's bay dans des conditions convenables. Une journée après notre arrivée, la fenêtre se refermait.

Quand ils sont repartis de Bazaruto, la fenêtre météo était trop étroite pour atteindre Richard's Bay et ils ont tous dû aller s'abriter derrière Ilha Inhaca, à l'entrée de la baie de Maputo -Un abri très moyen qui est assez "animé" quand ça souffle de l'ouest...
Là, les prévisions météo se sont succédées sans annoncer les 36 heures favorables encore nécessaires pour arriver à Richards bay. Ça a duré comme ça une semaine, pendant laquelle une demi-douzaine de bateaux ont dansé ensemble pendant que ça soufflait du sud ouest.

Ylang est arrivé à Richard's Bay 15 jours après nous; son équipage miné par le doute — sauf les mousses qui ne semblaient trop affectées.

C'est vrai que commencer le voyage dans ces conditions peut refroidir beaucoup d'enthousiasmes. Nous avons déjà croisé cette situation aux Canaries en 1998 où quelques équipages, après avoir essuyé du gros mauvais temps le long des côtes portugaises, songeaient à revendre leur bateau.
Heureusement, ce ne sera pas le cas cette fois!!!


Sur la dernière ligne droite, à fond la caisse.

Ce sera le seul "incident" de cette dernière étape dans le canal du Mozambique.
Nous mettrons trois jours et demi pour couvrir 532 milles jusqu'à Richard's bay, où nous entrerons le 22 novembre à 4 heures du matin.
Une centaine de milles au nord de l'arrivée, le courant des Aiguilles a été fidèle au rendez vous: au moins quatre nœuds. Avec un vent arrière modéré (autour de quinze nœuds) Getaway portait toute sa toile et filait à plus de 9 nœuds sur le fond. Ça grise un peu… Ca bouscule aussi la routine des approches d'arrivée: c'est comme sur l'autoroute, il faut anticiper et ne pas se laisser surprendre, sinon on risque de rater la sortie…
Mais les feux d'Afrique du Sud sont bien entretenus, au moins à l'entrée des grands ports, et GPS aidant nous avons pu atteindre nuitamment le "small craft harbour" de Richard's bay sans trop de difficultés.

Pour cette étape, les prévisions météo se sont à nouveau révélées exactes. Même si le vent a pu être un peu plus fort que prévu (une trentaine de nœuds) et la mer assez creuse, le bateau n'a jamais été vraiment inconfortable.

C'est peu dire que nous sommes contents d'être arrivés au bout de cette approche de l'Afrique du Sud qui nous inquiétait depuis si longtemps… Il reste encore à descendre jusqu'au Cap de Bonne Espérance mais la longueur des étapes et l'abondance des prévisions météo nous permettent maintenant d'espérer maitriser une navigation à peu près sûre, sinon paisible.

Nous sommes restés tout le mois de décembre à Richard's bay, histoire de passer les fêtes en bonne compagnie avant de nous préoccuper de continuer vers le sud. Pendant ce temps nous avons continué à jeter un œil quotidien sur la météo côtière et nous avons constaté que les fenêtres sans vent de sud n'étaient ni courantes ni très larges. La perspective d'une navigation qui devra profiter de toutes les escales possibles se confirme.



La première étape vers Durban, la plus courte de la descente.

Presqu'une formalité…
Départ de Richard's bay le 9 janvier dans l'après midi.
Peu de vent (autour de 10 nœuds) mais rapidement nous profitons d'un bon courant portant (3 nœuds). Dans ces conditions, Getaway file 6 à 7 nœuds sur le fond… Pas vraiment agréable car avec ce courant, la mer est très bizarre. Le bateau roule et s'agite beaucoup. On dort peu et mal, mais la navigation est rapide et efficace: 15 heures pour parcourir 96 milles et entrer à Durban tôt le matin du 10.



La deuxième jusqu'à East London, la plus délicate

Depuis Durban, il faut rejoindre East London d'une seule traite. 250 milles sans aucun abri possible, le long d'une côte devant laquelle le courant des Aiguilles est au meilleur de sa forme...
Cette partie de la côte a vu se produire énormément de drames: une littérature abondante y est consacrée.
Tout un pan de mur du yacht-club de Durban est dédié à la mémoire d'un de ses voiliers (d'une quinzaine de mètres) qui y a disparu lors d'une régate en 1992, pendant que plusieurs autres équipages étaient secourus avant de voir couler leur bateau. Brrr…
Nous sommes au cœur du problème!

Pour passer il nous faut au moins 48 heures de temps pas trop défavorable. 72 seraient mieux…
Trois ou quatre jours de suite, la météo confirme pour le 16 janvier l'ouverture d'une fenêtre convenable et nous nous préparons à en profiter. Nous mettrons en route dès que le vent de sud-ouest faiblira suffisamment, avant de tourner au nord. Quitte à commencer au moteur contre le reste de vent. Ça nous laissera le maximum de chances d'arriver à East London avant un nouveau coup de secteur sud.

Nous larguons nos amarres le 16 à 14 heures.
Agitation de mouchoirs en passant devant les bateaux des copains qui doivent partir aussi, histoire de les distraire de leur sieste.

Navigation rapide et plaisante. Vent entre 10 et 20 nœuds, principalement par le travers arrière. Notre vitesse sur le fond monte fréquemment à 8/10 nœuds. Nous commençons à nous habituer à avoir un bateau rapide…Environ 36 heures pour 265 milles… Près de 7.5 nœuds de moyenne, c'est rare sur Getaway!

La prévention des mauvaises rencontres…


Nous avons dit suffisamment notre aversion marquée pour les quarts de nuit. Cette veille est rendue nécessaire par la présence des gros bateaux que l'on pourrait rencontrer et percuter sur notre route. Gros ou petits d'ailleurs, mais la loi de la jungle fait que nous craignons surtout les gros…

Pour essayer de desserrer cette contrainte qui nous pèse tellement, nous venons d'équiper Getaway d'un petit appareil qui s'appelle "Mer Veille" – le jeu de mot qui le baptise affiche ses prétentions…
C'est un récepteur qui détecte les faisceaux radars émis par les bateaux que l'on croise. Évidemment si ces derniers n'ont pas de radar actif il ne les voit pas – un autre voilier comme nous par exemple.
Mais alors ils doivent être tout petits…
Enfin on espère…
C'est appareil est surtout utilisable sur les parcours où les rencontres sont peu nombreuses. Dès qu'il détecte un faisceau radar, il se met à couiner:
Un bip très sonore chaque fois que le ce dernier nous balaye. Toutes les quelques secondes donc…
Sans arrêt, jusqu'à ce que le bateau rencontré disparaisse au loin… - Ou que l'équipage excédé éteigne la "merveille" et oublie de la remettre en route…
Si on croise souvent des navires, voire plusieurs à la fois, ça couine sans arrêt et devient difficilement utilisable. Mais dans ce cas, on reste généralement éveillés et attentifs…
Et on est alors revenus au problème initial…

En tous cas, depuis le Kenya, nous l'avons utilisé pendant trois traversées . Ça nous a permis de relâcher un peu la veille nocturne et de dormir plus longtemps et mieux.

Nous ne mettons pas encore nos pyjamas quand le soleil se couche, mais…

Trop rapide même: en début de soirée nous prévoyons d'arriver devant East London vers 2 heures du matin.
La perspective d'arriver en pleine nuit, poussés fort par le vent vers l'entrée d'un port qu'on ne connait pas, ne plaît pas trop. Surtout si on peut éviter…
Vers minuit, à une vingtaine de milles de l'arrivée, on décide de se rapprocher de la côte pour sortir du courant et mettre à la cape; histoire de laisser passer quelques heures.
On est d'abord un peu surpris par le courant qui oblige à faire un cap vrai au 340 pour progresser au 270 sur le fond! Ça nous met quasiment au près serré pendant deux heures, pour nous approcher à 2 milles de la côte. On constate alors effectivement que le courant faiblit nettement et on peut mettre à la cape. Nous dérivons à 2 ou 3 nœuds vers le sud.
A cette distance de la côte nous sommes à l'intérieur de la route des navires montant vers le nord (ils rasent la côte pour échapper au courant des Aiguilles et peut être trouver un contre-courant favorable). A peine "installés", nous en voyons d'ailleurs passer un, à une grosse centaine de mètres au large de nous.
Boaf! Ça devrait le faire quand même…

Deux heures de sommeil léger (aidé par le "Mer-Veille") avant de remettre en route pour atteindre au petit matin le calme du port d'East London.
Partis en avance, nous sommes arrivés les premiers de la fournée du jour. Dans l'après midi, quatre autres bateaux nous rejoindront au quai du "Latimer's landing". Pendant tout ce temps le vent a forci, avant de tourner sud en début de soirée. Les derniers arrivés auront sorti les cirés et seront assez mouillés… Partis plus tard que nous, ils ont en plus été retardés à Durban par les autorités portuaires qui les ont fait attendre devant la sortie pour donner la priorité du chenal aux gros navires.


Vers Port Elisabeth, une formalité...

Deux jours de repos à East London, dont nous profiterons pour changer les batteries de Getaway.
Le 20 janvier les prévisions météo sont convenables pour parcourir les 150 milles qui nous séparent de Port Elisabeth. Insuffisantes tout de même pour espérer aller beaucoup plus loin. En tous cas pas jusqu'à Mossel bay, situé 200 milles plus à l'ouest.

Eh oui, nous commençons à parler d'ouest. En effet, nous sommes maintenant arrivés à l'entrée du virage qui va faire passer notre cap moyen du 225 au 270, dans la direction du cap des Aiguilles (Cape Agulhas).

Cette fois encore nous jouirons d'une navigation rapide et confortable.
Un courant appréciable nous poussera jusqu'à la hauteur de "l'île des oiseaux", dans l'Est de "Algoa Bay". Nous la laisserons vers minuit, à moins de trois milles sur tribord.
Dans la nuit noire, l'éclat du feu et le profil sombre de la tourelle qui la signalent paraissaient tellement proches. C'était impressionnant!

A partir de là, plus de courant. Pour les 70 milles restant, il faudra faire avec le vent seulement…
Nous trouverons notre bateau bien lent, tout d'un coup…
Pourtant, guère plus de 24 heures pour parcourir 150 milles… Nous sommes devenus difficiles!


Et maintenant: Knysna? Mossel bay? Ou même Simons town?

La météo annonce pour le 23 un créneau de deux jours sans beaucoup de vent. Ca nous convient très bien – ne serait ce que pour nous éloigner de Port Elisabeth. Avec ça on pourra atteindre Knysna, même s'il ne faut compter que sur le moteur (145 milles).
Nous partons seuls car Niaouli, qui n'a qu'un petit moteur et pas de pilote électrique, préfère attendre un peu de vent.

Au matin du 24, Knysna est encore à 20 milles devant nous.
C'est un endroit réputé magnifique mais doté d'une passe d'entrée assez dangereuse qu'il est préférable de négocier de jour, à marée haute et seulement par beau temps...
Pour le beau temps ça va, mais il est trop tard pour y arriver de jour à l'heure de la pleine mer.
Nous sommes alors devant la baie de Plettenberg et nous décidons de nous y arrêter. En repartant très tôt demain matin, nous arriverons au bon moment, vers 9 heures, devant Knysna.

Après une journée et une nuit de repos, au calme devant une très jolie plage, nous levons l'ancre à 4 heures.
La météo du matin confirme l'arrivée d'un vent d'Est forcissant. Ça pourrait peut être nous permettre de poursuivre jusqu'à Simons town, 300 milles plus à l'ouest, de l'autre côté du cap des Aiguilles. Nous serions alors quasiment arrivés au bout de ce parcours "initiatique". Nous craignons aussi que ce vent d'Est se renforce au point de nous bloquer à l'intérieur de "Knysna lagoon" si nous y entrons.
Après discussion, arrivés devant la passe (superbe faille dans la falaise) nous décidons de brûler l'étape et de continuer vers l'ouest.

Dans la journée, le vent se lève progressivement de la direction prévue.
Vers midi la météo actualise ses prévisions à la hausse et annonce maintenant que des vents de plus de 30 nœuds nous attendront devant le cap des Aiguilles. Même portant, ça parait beaucoup et, après réflexion, le capitaine propose en milieu d'après midi de faire escale à Mossel bay pour attendre que ça se tasse.
Nous en sommes alors à une douzaine de milles et nous y arriverons en fin d'après midi.

Le "port control" de Mossel Bay, consulté par VHF, nous signale qu'il n'y a pas de place à l'intérieur du bassin et nous invite à aller mouiller dehors, devant le yacht-club. L’endroit, équipé de quelques corps morts, est certes bien abrité du sud ouest mais avec le fort vent de nord-est qui est annoncé ca va sûrement beaucoup chahuter… Et ça ne nous convient pas du tout… Alors, avant d'obéir, nous décidons d'aller quand même jeter un œil à l'intérieur.
Nous découvrons un port de pêche où il n'y a effectivement pas de place pour les bateaux de plaisance ailleurs qu'à un unique ponton. Et ce dernier a l'air bien rempli...
Pourtant, en regardant mieux, on découvre quand même une place libre, cachée derrière un gros catamaran amarré à l'extrémité du ponton.
Nous tentons de contacter le yacht-club par téléphone pour vérifier sa disponibilité mais personne ne répond.
Alors nous décidons de squatter l'emplacement, quitte à déguerpir si le titulaire légitime vient à pointer son étrave.

Il se trouve qu'aucune étrave ne se présentera et nous resterons là, confortablement à l'abri, pendant que passeront le coup de vent d'Est attendu, puis un fort coup d'Ouest qui le suivra de près… Nous nous féliciterons chaudement de nous être arrêtés ici plutôt que d'avoir continué vers le cap des Aiguilles!

Nous profiterons de cet arrêt ponton pour nettoyer au jet d'eau le pont et le gréement. Getaway était devenu tout noir de poussière de manganèse à Port Elisabeth.
On fera aussi le plein de gasoil, livré par une pêcherie locale, en se mettant à couple d'un de leurs bateaux à quai.

Le "GG de la météo par SMS"


Ce sous titre se traduit par le "Grand Gourou de la météo par téléphone".

C'est une grande première cette année: on peut téléphoner en navigation, tout le long de la côte sud africaine! La météo est donc accessible partout via internet, comme à terre…
Comme notre grand GG (entendre Gérard cette fois) est passé spécialiste du genre, le téléphone sert aussi à le consulter. Il est vrai qu'il s'est constitué une base de données hyper étendue, précise, récurrente et pointue — Ceci parait être une moquerie du second, mais cela n'est point!
D'abord ce n'est pas la sienne de base de données; c'est celle de la NOAA américaine qui la met à disposition de tous les navigateurs du monde, sous forme de fichiers "grib" (cartes de vents et de pressions).

En douze ans, on n'a jamais consulté aussi compulsivement la météo qu'entre Madagascar et Le Cap. On n'en n'a jamais autant parlé non plus... Ordinateurs, radio, notices, cartes affichées dans les Yacht clubs, salive, bistrots, pontons, apéros, téléphones cellulaires, SMS, tous les moyens sont bons.

On ne va parler QUE de ça pendant deux mois.
- Combien de temps t'as mis?
- Et la mer, elle était comment ? Oh P….!
- Quel vent t'as eu!
- Tu crois que c'est bon pour partir demain?
- Ça y est je crois qu'il y a une fenêtre de deux*, trois* jours après demain!
Mais non, le sud-ouest arrive dans 24h*, 36h*
(*rayer la mention inutile).
- J'ai jamais vu ça: j'ai surfé mes 15 tonnes avec un bout de génois et deux ris!

Il faut dire qu'entre le courant des Aiguilles et la météo changeante, les navigateurs ne sont pas à la fête et la trouille règne sur les bateaux… Surtout à cause du courant. Quand on est dessus, ça pulse bien avec un vent de secteur N-NE… mais si ce dernier tourne au S-SW la mer devient méchante avec des vagues, j'te dis pas!.

La météo nationale est de bonne qualité mais elle ne peut pas prévoir l'heure exacte des retournements du vent. Partis avec l'espoir de 24 heures de vent de Nord, on peut se trouver 18 heures après, dans un coup de sud qui a pris de l'avance.
Pendant l'approche de Simon's Town, qu'on pensait faire peinards, les doigts dans le nez, le vent est monté à plus de 35 nœuds plus tôt que prévu et l'entrée (de nuit) dans le port s'est faite au surf.
Ça pimente le voyage, moi j'vousl'dis!
Et encore, quand c'est à l'arrivée dans un port facile d'accès, ça va! Mais si ça vous tombe dessus alors que vous vous dirigez, par exemple vers Knysna (avec passe étroite, barre, entrée de rivière… et tout) il vaut mieux rester en mer et mettre à la cape.

Grosso modo, pour entreprendre nos traversées, nous avons adopté la tactique suivante:
Quand la météo prévoit une période de vent favorable qui parait assez longue, on met en route aussitôt que le vent de sud faiblit suffisamment AVANT de tourner au secteur Nord – c'est aussi le moment où le baromètre est au plus haut.
On avance aussi vite que possible pendant qu'il descend et on espère être arrivés avant que le vent ne revienne au Sud… Ca revient souvent à partir au moteur, contre un vent de sud faible, sur une mer contraire et encore formée. C'est inconfortable, mais ça laisse le maximum de temps pour rejoindre un abri avant que ça ne se dégrade.

Quand le baromètre arrive tout en bas, il vaut mieux être arrivé au port: ça va repartir fort… de secteur sud.


Simon's town enfin… Comme sur un anneau de vitesse…

Trois jours passent avant que la météo nous permette d'attaquer la dernière ligne droite de notre descente de l'Afrique du sud.
Le 28 janvier nous remettons en route et doublons vers 7h30 le cap St Blaize qui abrite Mossel Bay.
La mer forte et croisée jusque midi s'aplatit progressivement. Nous passons la journée sur un bord de près assez confortable, tirés par un vent guère supérieur à 10 nœuds.
Le lendemain à 7 heures nous sommes devant le cap des Aiguilles. Celui qui – comme chacun ne le sait pas – marque vraiment l'extrémité sud de l'Afrique et donc la ligne de partage des océans Atlantique et Indien.
Bonne brise. Getaway file alors 7 nœuds, vent arrière, génois tangonné.
Pendant la matinée le vent forcit progressivement et, vers midi, il faut diminuer un peu la toile. Comme le capitaine est économe de ses efforts, il amène deux ris d'un coup… au cas où ça continuerait à forcir…
Et tout au long de l'après midi ça continue effectivement à accélérer.
A l'heure de l'apéro à l'entrée de False bay, on voit surfer nos 13 tonnes à plus de 10 nœuds sur une mer bien formée… Et pas qu'une fois! L'anémomètre annonce 25 nœuds apparents, ce qui fait 35 de vent réel. Sans courant, nous n'avons jamais vu Getaway filer aussi vite et si ce n'était la crainte d'un empannage intempestif ce serait assez jouissif…

Mais de nuit et sans lumière…

Mais voila qu'un nouveau souci s'insinue dans la tête du capitaine: C'est sûr maintenant, on va arriver de nuit au mouillage de Simons Town.
Comme c'est au fond de False Bay où nous pousse le vent, il n'y a pas vraiment d'échappatoire. La mer est bien formée maintenant et attendre toute la nuit à la cape alors que pas loin nous attend un mouillage confortable...
Sur la carte, le mouillage s'abrite derrière un port important signalé par de nombreux feux… Comme c'est une base militaire, le balisage doit y être bien entretenu... On devrait donc pouvoir approcher de son abri sans grand danger, y amener les voiles et chercher tranquillement un endroit où mouiller?
Alors… On continue...

Mais dans la réalité, ça ne se passe pas exactement comme sur la carte: un premier feu, qui devait signaler un haut fond situé sur la route d'approche, manque à l'appel… Il fait pourtant encore jour mais nous ne voyons rien… Le feu est parti, en panne ou c'est le haut fond qui a déménagé???
Vers 19 heures, la nuit est tombée et nous apercevons tout de même un feu à éclat qui protège un gros rocher situé un demi mille au nord-est du port.
Et puis ce sera tout…
Autour du périmètre du port, on n'identifiera aucun des feux sur lesquels nous comptions pour nous diriger. Sans doute noyés dans la foule des lumières de la ville…
C'est peu dire qu'on balise sur Getaway qui file encore à plus de 8 noeuds…

L'œil rivé à la carte et au GPS, le capitaine donne de vagues instructions de barre, par rapport au seul feu qu'on a identifié…
Tout en "suivant" ces directives, le second continue à scruter la côte aux jumelles. Sans résultat…
La lune toute ronde qui se lève est une fausse amie, qui n'éclaire que sous elle…
Dans son ombre, une masse peut être un peu plus noire que le reste… Ca pourrait être la jetée qui protège le port. On ne l'identifie vraiment que grâce au GPS et à la carte, même si son ombre parait toute proche. – la nuit, il est très difficile d'apprécier les distances.
Filant toujours très vite, on arrive enfin sous le vent du port.
Le clapot se calme suffisamment pour pouvoir mettre bout au vent, affaler la grand voile et ralentir cette course aveugle à plus de 8 nœuds…
Profitant de l'abri de la digue, dont on n'arrive toujours pas à discerner le contour ni l'emplacement exact, on progresse au moteur.
Doucement maintenant...
Vers la côte illuminée qui rend encore plus noir l'espace qui nous en sépare.
Tout à coup, on distingue la forme blanche d'un voilier au mouillage… Et puis encore un autre… Super, on peut s'approcher!… S'il y a de l'eau pour eux, il y en a pour nous…
Alors on y va… Doucement…
A mesure qu'on progresse, l'état de la mer s'améliore et par 12 mètres de fond, on finit par mouiller avant de heurter un obstacle.

Maintenant que nous sommes au calme et que le port nous apparait contre le ciel noir, nous apercevons distinctement les feux que nous avons tellement cherchés tout à l'heure.
Sur la côte, au milieu des maisons, nous en découvrons même d'autres qui ne sont pas sur la carte… Deux feux clignotants, blanc et rouge, forment un alignement qui doit être bien utile quand on le connait et qu'on sait vers quoi il guide...
Mais maintenant nous sommes mouillés et nous n'en avons plus besoin…
Le vent continue à souffler assez fort mais l'ancre croche bien - même que l'alignement qu'on vient de découvrir permet de s'en assurer.
Ca ne remue pas trop et demain est un autre jour…


On dirait le sud…

Au matin, on sait qu'on est arrivés au sud de l'Afrique à des signes qui ne trompent pas:
On a sorti les couvertures et les polaires de la naphtaline. La température moyenne est tombée à 22°C au lieu des 28° rencontrés couramment plus au nord.
Les mouettes gueulent sans arrêt… Plus haut il fait tellement chaud qu'elles ne peuvent même plus crier.
Les otaries tournent autour du bateau en faisant des mines et il paraît qu'une colonie de pingouins vit là, tout près…

Et on est encore en été!

Nos étapes sud africaines.


Après toutes ces émotions maritimes, nous allons tenter de vous faire oublier un peu le mal de mer en évoquant nos escales qui ont toutes été plutôt agréables.

Un programme très contraint, sur une route assez encombrée.

La navigation le long de l'Afrique du sud ne permet pas beaucoup de fantaisie…
Les mouillages sauvages, les criques idylliques, les havres secrets… Oublie!
Par ici il n'y a que des ports de commerce ou de pêche.
On y trouve toujours la marina d'un yacht-club – parfois ce n'est qu'un ponton ou un quai – où les bateaux visiteurs sont généralement bienvenus mais où il n'y a pas toujours de place disponible.
Deux ou trois petites marinas ont été développées hors des ports, pour valoriser des programmes immobiliers de loisirs, mais la plupart sont difficilement accessibles à nos voiliers à fort tirant d'eau et leurs entrées sont toujours assez délicates.
Bref, la route est longue, les escales possibles peu nombreuses et, météo oblige, chacune est "quasi obligatoire".

Le problème de place aux escales pour les bateaux visiteurs est devenu cette année un vrai problème pour nos hôtes sud africains.
La plupart des voiliers voyageant vers l'Ouest dans l'océan indien, choisissaient jusqu'alors la sortie par la mer Rouge pour rejoindre la Méditerranée et l'Europe – tous nos copains l'ont fait.
Depuis quelques temps – surtout depuis cette année – les mêmes navigateurs entendent éviter les pirates somaliens et abandonnent les routes du Nord Ouest de l'océan Indien.
Du coup, tous ceux qui avant préféraient éviter le cap de Bonne Espérance s'y précipitent maintenant en masse, contribuant à encombrer les quelques installations d'accueil sud africaines qui n'en demandaient pas tant.

Les conversations de yacht-club y gagnent en intensité et en diversité, mais les pontons ont du mal à héberger tout le monde…


Richard's bay.

C'est le premier abri possible en Afrique du sud, quand on arrive du nord.
Une rade immense, draguée et aménagée, abrite le plus gros port vraquier du pays – ce serait même, paraît il, le plus grand terminal charbonnier du monde.
A l'intérieur, au nord de l'entrée, avant de s'enfoncer dans le port de commerce on trouve le bassin du "small crafts harbour"; juste après l'embouchure de la rivière où est installé le "Zululand Yacht Club".

A la VHF, les autorités portuaires guident les voiliers arrivants vers cet endroit (appelé aussi Tuzzi Gazzi Basin) pour y accomplir les formalités d'entrée.
C'est ainsi que nous avons été invités, le 22 novembre à quatre heures du matin, à venir nous amarrer au quai "international" pour attendre la visite des autorités. Elles viendront, assez tôt pour un dimanche, et avant midi tout sera terminé – Des visites rapides, civiles et plaisantes.

Autour du bassin du "small crafts harbour" s'est développé un programme immobilier qui constitue maintenant un quartier bien équipé en bistrots, restos, boutiques et hôtels – genre Le Crouesty en plus petit.
Sur le quai, juste en face de nous, un restaurant étale sa terrasse de vacances au soleil.
Après deux semaines de mer, c'est bien tentant… Nous irons sans attendre y soigner notre mal de terre, en dégustant notre premier déjeuner sud africain.
C'est là que nous découvrirons que dans ce pays, un plat servi pour une personne suffirait à nourrir une famille française moyenne. Ceci explique peut être que la rue nous paraisse peuplée de piliers de rugby et qu'on s'y sente quasiment anorexique.

On trouve aussi dans ce bassin la "Tuzzi Gazzi marina"; un équipement privé pour lequel quelqu'un vient nous proposer des tarifs et une place, dès après le passage des autorités. M'enfin, c'est assez cher et proposé de façon pas très chaleureuse. Avant de s'engager on va d'abord aller voir le "Zululand Yacht Club" – dont on nous a dit grand bien, déjà avant de quitter Mada. Ses installations sont situées juste en face de Tuzzi Gazzi, sur la rive opposée d'une rivière où flottent des pontons. On y accède par un pont situé un bon kilomètre en amont. L'occasion de nous dégourdir un peu les jambes (sur deux bons kilomètres, si vous comptez bien…).


Au Zululand Yacht club, un environnement vraiment très africain

Nous prenons très vite notre décision: nous viendrons nous installer au Zululand Yacht Club.
L'accueil y est nettement plus chaleureux.
L'endroit est plus champêtre, organisé et calme. Et bien moins cher aussi…
Seulement voilà: les pontons sont complets!!!
Deux à trois rangs de voiliers de passage s'agglutinent déjà au quai des visiteurs. Il reste seulement des mouillages à l'entrée…

Le lendemain nous venons donc nous amarrer à une bouée, en attendant qu'une place se libère sur un ponton. La zone de mouillage est bien protégée et on est près de la rive qu'on rejoint sans peine en annexe.
La perspective d'une place de ponton ne nous parait plus si enviable...
Ici, au moins, on peut encore se baigner derrière Getaway. Bien sûr, l'eau est un peu fraiche, mais c'est agréable…
Jusqu'à ce qu'on nous fasse la blague: "Faites quand même attention aux crocodiles et aux hippopotames".
On en rigole encore…

Mais ce n'était pas une blague!!! Eh bé non, même que c'était vrai…
Un matin on aperçoit à 50 mètres du bateau, juste affleurant à la surface de l'eau, deux petites oreilles rondes, rapidement suivies d'une grande gueule qui baille… Pleine de dents…
Un hippo!.. un hippopo!!!
" Eh Germaine vient voir, tu me croiras pas: Ya un hippopotame derrière le bateau!"

On n'a pas vu de crocodile… Peut être qu'ils sont plus timides… ou que ce n'était pas la saison… ou qu'ils n'avaient pas bien faim…

Dans ce pays, on aura toujours un peu de mal à se souvenir qu'on est en Afrique – à la ville, mais à la campagne aussi, et même en safari. Tant qu'on ne voit pas d'animaux, on oublie.
En tous cas c'est décidé: dorénavant nous prendrons toutes nos douches au yacht-club!

Car il y a tout ce qu'il faut dans ce yacht-club: douches, lave et sèche linge, resto, bar, shipchandler, piscine et plein de barbecues.

Le barbecue s'appelle ici le "Braaï" et c'est une institution nationale.
Le weekend, les yacht-clubistes arrivent en groupes et s'installent dès 9 heures du matin sur la pelouse, autour des BBQ en briques, des tables et des bancs qui sont construits au bord de la rivière. Il suffit d'apporter son "manger" et son charbon.
Bière aidant, l'ambiance est rapidement festive.


Il est étroit le sentier du Cap de Bonne Espérance.

C'est ici, depuis notre mouillage du "Zululand Yacht Club" (ZLYC) que nous assisterons à l'arrivée les bateaux qui nous suivent – des copains qu'on connaît déjà et d'autres dont on fera la connaissance ici.

Psyche (qui a finalement choisi d'attendre au moins un an avant d'affronter les pirates somaliens sur le chemin de la Thaïlande) et Ylang, avec lesquels nous naviguons depuis le Kenya;
Niaouli
qu'on avait aperçus arrivant à Mayotte;
Danaë, Maddalena et les Québécois d'Alero qu'on n'avait encore jamais rencontrés (ces derniers ont rendu désirable à Anyvonne l'idée d'aller tâter du froid dans le grand nord canadien quand on en aura assez des Caraïbes…).
Ils s'ajouteront à Anka et Distribil qui nous avaient précédés ici et sont en plein travaux (ces deux derniers bateaux sont de St Brieuc et Anka est un "sister-ship" de Getaway – en 1998, avant de partir, on l'avait aperçu à Binic, tout neuf; mais il a fallu attendre Nosy Be pour qu'on rencontre fugitivement Michel, son propriétaire!!!).
Il faut mentionner aussi ceux qu'on a croisés là mais qu'on n'a que peu connus: Mary Ann, Vouga, Guillaume (qui faisait tout seul le tour par Panama, pour déménager son bateau de la Réunion jusqu'à Raiatea, où s'est installée sa famille!), Prosper (un bigouden solitaire, pressé de rentrer pour être en Bretagne au mois de mai, y revoir ses filles et regarder le mondial de football à la télé; trois mois avant de repartir – par la méditerranée – vers la Thaïlande!!!), Regolarita (un bateau allemand que nous croisons parfois depuis Zanzibar).

Ils sont en majorité français et tous sont francophones, avec surtout des bretons d'ailleurs …
Les sud africains sont étonnés d'en voir autant…
Pour nous aussi cette profusion est rare et nous en profitons pour beaucoup partager: des repas, des fêtes, des braaïs, des apéros, des ballades, des rencontres avec des rhinos, des supermarchés, des taxis, des recettes de cuisine, des rigolades, des "eisbeins" (jambonneaux rôtis à la bavaroise), de la bière, du vin du Cap et encore plein d'autres choses.

Nous décidons rapidement de profiter de cette ambiance jusqu'en janvier pour passer les fêtes et caréner Getaway avant de continuer vers le sud.


Une drôle d'urbanisation…

Surprise, surprise…
Nous découvrirons les environs de ce port en voiture de location ou en taxi.
A part Tuzzi Gazzi, rien n'est à portée de marche à pieds – pas pour nous en tous cas.

Tout le coin est une immense zone industrielle "champêtre"…
C'est-à-dire que des usines énormes (pulpe de bois pour pâte à papier, charbon, aluminium…) sont installées ça et là, au milieu du bush et de rien, à des kilomètres les unes des autres.
Les pylônes électriques qui les alimentent tiennent lieu de végétation haute… à travers laquelle un réseau de voies express permet de circuler.
Au cœur de cette zone, une sorte de "ville nouvelle" s'est développée, sans aucun centre-ville.

Les deux endroits qui en tiennent lieu sont des centres commerciaux, autour desquels s'étalent des quartiers résidentiels ou dortoirs.
Le CBD (Central Business District) est une sorte de Parly 2 autour duquel seraient éparpillés plein de gros commerces de toutes sortes, marchands de voitures, quincailleries… ainsi que l'hôpital que le second aura l'honneur de tester pour vous (très bonne prestation).
L'autre centre – le plus proche de la marina et le plus petit aussi – est celui de "Meerensee".
S'il est accessible à pied depuis le yacht-club aux bons marcheurs, on peut aussi l'atteindre en taxi pour 30 rands la course (3 euros).
On y trouve deux supermarchés de taille moyenne, qui suffiront le plus souvent à nos besoins.

C'est la première fois que nous découvrons une telle structure d'aménagement. Ni ville, ni zone industrielle, ni campagne… Peut être nos villes nouvelles françaises, à leur début? St Quentin en Yvelines où seraient installées d'énormes usines?


Tout ça n'empêche pas de faire la fête.

Les gens du cru occupent leurs loisirs en shopping dans les Malls du CBD, en ripailles autour des braaïs ou à la pêche au gros quand ils ont un bateau.
La vie culturelle locale semble limitée.
On a même rencontré un chauffeur de taxi qui nous a avoué regretter Durban et s'ennuyer beaucoup ici.
Mais "ville nouvelle" veut dire aussi créations d'emplois, alors ils font contre mauvais cœur, bonne fortune.

Pour notre groupe de "yachties", l'organisation va être vite au point: deux fois par semaine les "mémés" se partagent un taxi pour aller faire les courses, magasiner et préparer activement les fêtes; pendant ce temps, les mecs peuvent se consacrer aux travaux navals…

Noël se passera en famille, après un réveillon organisé la veille sous forme d'un braaï très français.
Pour le nouvel an, on se retrouvera tout un groupe dans le lodge tenu par un frenchie fraîchement installé dans la région.

Entre les deux, vos marins préférés jouiront d'un très beau cadeau du père noël qui les a invités à un safari de luxe dans une réserve privée… On vous racontera plus tard…


Durban

C'est la troisième grande ville du pays…
Le port en constitue le cœur et depuis la marina, il suffit de traverser la rue pour y flâner.
Autour de celle-ci se pressent deux yacht-clubs. Le "Royal Natal Yacht Club" (RNYC) et le "Point Yacht Club".
Nous avons choisi le second, qui paraissait un peu moins classieux et peut être plus accueillant.
Pendant qu'il nous fournira de la bière, quelques diners et des "happy showers", nous profiterons depuis le bateau, de la connexion WiFi gratuite offerte par son concurrent… On n'est pas chauvins…

L'Afrique du sud et l'insécurité


En avons-nous entendu des avis et des conseils de prévention, à propos de l'insécurité que provoquerait la population noire dans le pays et des dangers qu’on court à s’y promener...

Appuyée, sans aucun doute, par des chiffres de criminalité et d'homicides très élevés, la rumeur prête une espérance de vie très courte au pied tendre qui ne s'entourerait pas de suffisamment de précautions…
On se souvient encore du manager du yacht-club de Victoria, aux Seychelles, un émigré sud africain qui évaluait à moins d'une demi-heure la durée de survie d'un touriste dans les centres commerciaux urbains…

C'est vrai, nous n'avons pas fréquenté les townships de Johannesburg, ni ces immenses bidonvilles qu'ont générés, à la périphérie des grandes villes, l'apartheid et la misère économique – aidée peut être maintenant par la corruption politique… Mais enfin, il faut bien dire que nous n'avons guère ressenti de menaces, ni rencontré d'agressivité lors de nos déplacements…

Pourtant, les signes de la peur sont partout:
-Avant de vous demander de boucler votre ceinture, aussitôt qu'elles roulent les voitures de par ici verrouillent automatiquement leurs portières .
-Les trains sont très généralement déconseillés.
-Un jeune chauffeur de taxi, blanc, nous conseillera de nous faire accompagner pour traverser le parking du Mall du CBD de Richard's bay. Un parking que nous avions déjà traversé de nombreuses fois sans crainte ni menace. (inconscience diront certains?)

Nous avons un peu l'impression que la tendance est à la paranoïa. A la paranoïa raciale surtout.
En témoigne cette anecdote qui se passe à la marina de Durban:
Une voisine de ponton, sud africaine blanche, entreprend Anyvonne pour papoter de tout et de rien.
Au détour de la conversation elle lâche:
- Oh mais il faut que j'aille faire mes course.
- Où allez-vous pour ça? S'enquiert le second, toujours à l'affut de bons tuyaux…
Elle indique une tour qui domine l'horizon, assez loin du port.
- Mais ça a l'air loin!
- C'est vrai; il faut y aller en voiture…
-Mais il y a un Pick'n Pay pas loin (c'est le Carrefour de par ici), à cinq minutes à pied; j'y suis allée hier après midi…
Alors là c'est l'affolement:
- Oh mais non… Il ne faut pas aller dans le centre ville!!
A l'appui de cette affirmation elle montre son bras nu avec insistance. Devant l'incompréhension d'Anyvonne elle soulève même son tee shirt et lui montre la peau de son ventre.
- We are too pale! (On est trop claires ou trop blanches)…
Elle a l'air complètement affolée…
Cette fois Anyvonne comprend: le centre ville est aux mains des noirs… Pour les blancs, c'est le coupe gorge!
Alors vite, elle rassure son interlocutrice en lui déclarant qu'elle en revient toujours avant la tombée de la nuit.
Mais quand même…

L'insécurité qui règne ici est certainement plus extrème qu'ailleurs.
Est elle plus intense? Nous ne l'avons pas rencontrée. Ni dans la rue, ni dans le métro du Cap, ni dans les parkings des supermarchés…
Est elle raciste, ou même raciale? Nous ne l'avons pas ressenti. Le plus souvent, nos sourires nous ont été retournés et nos salutations ont été acquittées, même si parfois avec un air de surprise…

Par contre ce que nous avons rencontré partout, c'est le caractère racial de la hiérarchie des conditions de vie et de la répartition des richesses..
Quand il y a un boulot pénible ou barbant à faire, c'est toujours un noir qu'on y voit. Quand il y a du soleil à prendre sur les pelouses des Yacht Clubs, ce sont le plus souvent des blancs qui en profitent…

C'est clair que la richesse et le labeur ne sont pas répartis également entre les races dans ce pays. Ce n'est pas vraiment original, mais c'est peut être plus visible ici qu'ailleurs. C'est même peut être une raison suffisante pour entraîner le niveau d'insécurité qui règne ici. Plus importante à notre avis qu'une attitude raciste des noirs, qui existe peut être mais, encore une fois, qu'on n'a pas ressentie.

Alors? Fondée sur rien la paranoïa sécuritaite dont on parle?
Sûrement pas!

Les gens d'ici – blancs ou noirs – ont des souvenirs de vraies atrocités.
De première ou seconde main, ceux ci leur semblent encore très proches et amplifient les échos des agressions réelles qui se produisent aujourd'hui.
Du coup, la peur est intense. Ressentie par les agressés comme par leurs agresseurs. A tel point que ces derniers n'hésitent pas à tuer pour s'échapper sans témoin. Quel que soit le montant du butin qu'ils convoitent…

Ça produit une violence plus extrême qu'ailleurs, des agressions aux conséquences plus "définitives". Et évidemment ça n'aide personne à se calmer…
C’est peut être ça qui est le plus caractéristique de l'insécurité dans ce pays. Mais est-ce si différent des autres mégapoles? D'Amérique par exemple. Du nord comme du sud...


Juste à la porte de la marina, le centre ville possède quelques bâtiments étonnants.
Des immeubles fin de siècle qui abritent l'hôtel de ville, la poste et l'office de tourisme, des musées intéressants. Les rues sont larges et agréables.
Près des pontons sont concentrés les magasins spécialisés au service des bateaux. Ils sont souvent tenus par des passionnés de marine et de navigation.
L'un d'eux – qui vend des cartes marines, de l'accastillage de seconde main, des livres d'occase, etc… – est célèbre dans le coin comme "gourou" fiable de la météo locale (ça se respecte ici)… Son magasin "cruising connections" est situé dans Fenton Lane, juste en face de la marina. (Pour les accros du web: www.cruisingconnections.co.za). Il a écrit des guides côtiers pour la région, que nous avons trouvés fort utiles et il est en plus absolument charmant. La veille de notre départ nous sommes passés le voir pour qu'il nous donne son aval avant de mettre en route.
A deux pas, le long de l'avenue sur le quai, on croise la vitrine d'une boutique assez extraordinaire. Son nom: "Pretty Ancient Antics". C'est la caverne d'Ali Baba… Pleine d'objets marins véritablement anciens… De l'argenterie de croisière ou afrikaan, des bateaux en bouteille, des instruments du temps de la marine en bois, des panneaux de réclame… Des tas de trésors… Quelques objets africains aussi: masques, instruments de musique, plats de service zulus… Superbe… Incroyable!
Plus loin, derrière le magnifique syndicat d'initiative avec ses escaliers de marbre, on trouve le "Workshop" installé dans l'ancienne gare ferroviaire (façon musée d'Orsay). C'est un centre commercial qui abrite une grosse boutique de "curios et souvenirs". La masse habituelle des objets "évidemment made in China" y côtoie des productions plus locales: sculptures, peintures, artisanat plus ou moins inspiré et surtout des objets plus anciens et véritablement africains: armes, masques, tissus, statues, portes sculptées. La plupart sont originaires du Mali … Copies ou originaux? Ça n'a pas d'importance pour nous, quand ils sont beaux. Une nouvelle fois on s'est encore "lâchés"… "On ne va pas revenir en Afrique de sitôt…"
Mais nos fonds baissent, il est temps qu'on reparte.

Comme dit le proverbe de Gérard: "Peu importe le niveau des prix, c'est seulement quand il n'y a rien à acheter qu'on fait des économies…".

Une fenêtre météo qui s'ouvre le 16 janvier va nous y aider. Ne restent à faire que quelques courses d'approvisionnement et le parcours des formalités – Car ici, ce n'est pas comme à Richards bay. Pour l'entrée comme pour la sortie, il faut se déplacer. C'est vous qui faites le circuit des bureaux et il est même assez long pour les vieilles jambes…


East London

Encore un port de commerce; le seul entre Durban et Port Elisabeth sur 350 milles de côtes.
Situé à l'embouchure d'une rivière, facile d'accès et bien éclairé, c'est un abri appréciable.

Par contre, pour les bateaux de plaisance ce n'est pas la riviera…
Au fond du port, juste avant un pont qui leur bouche la rivière, quelques voiliers sont amarrés à des mouillages en ligne. Derrière eux on aperçoit les installations d'un yacht-club qui ne nous ont pas paru facilement accessibles aux bateaux.
Sur la rive opposée, une sorte de quai construit sur pilotis, héberge deux ou trois rangs de bateaux amarrés à couple: c'est le "Latimer's landing". On y trouve un restaurant, un petit shipchandler et un bâtiment qui abrite une douche et des sanitaires dans un état d'entretien assez douteux.

Au mouillage comme au quai, les bateaux qui habitent là ne semblent pas sortir souvent. On a un peu l'impression qu'ils sont prostrés dans la nostalgie de leurs navigations passées…
Certains pourtant doivent naviguer parfois: au Latimer's landing, nous sommes venus nous mettre à couple d'un catamaran, qui fait du charter de promenade. L'excursion qu'il propose est prévue pour durer une heure et il parait qu'il trouve des clients plusieurs fois par semaine. Il ne sortira pas pendant notre séjour. Nous avons de la chance…

Descendre du bateau au Latimer's landing est parfois assez délicat, selon la marée. Le quai sur pilotis ne dispose pas d'échelles. Pour nous, coup de chance: le cata auquel nous sommes amarrés offre un ponton d'embarquement flottant à ses clients. Nous en profiterons.

Il est clair que si les tarifs sont sensiblement les mêmes, peu de choses nous rappellent ici les facilités des marinas et yacht-clubs que nous venons de quitter.

Quand même, dans la boutique du petit ship sur le quai – qui est aussi en charge de la gestion du stationnement des bateaux et de sa rétribution – nous faisons une rencontre intéressante.
D'abord un commerçant qui arbore derrière son bureau un écriteau étonnant: "Our prices may vary widely, according to customer's attitude"… ("Nos prix peuvent varier considérablement, selon le comportement du client"). C'est ce qu'on appelle en France "faire des prix à la tête du client", mais on ne l'avait jamais vu revendiqué comme ça, par écrit.
Il nous explique qu'il se méfie des attitudes arrogantes et trouve que pas mal de français en sont affligés.
Nous trouve-t-il plus à son gout? En tout cas, dès notre première visite, il nous engage dans une longue conversation.
Au bout d'un moment il nous dévoile son arme secrète: Kirsten, la jeune fille qui est assise à côté de lui, discrètement (et silencieusement). Elle parle parfaitement français et peut ainsi lui rapporter nos commentaires désobligeants. Il parait qu'ils sont assez courants…
Ah… Ah… Elle est bonne… Non?

Au delà de son rôle de piège à français, cette jeune fille se révèlera très sympathique quand elle se laissera aller à parler. C'est une sud-africaine voyageuse et curieuse qui nous entretiendra de ses expéditions solitaires et "sac-à-dos" dans le pays. Elle tient sur la sécurité un langage très différent du discours dominant. Plus raisonnable, moins affolé et paranoïaque. En tout cas plus proche du nôtre.

Et pour les courses? Les délices de la ville se tiennent à plus d'une demi-heure de marche forcée le long d'une voie express. On arrive alors dans une sorte de zone commerciale et industrielle qui s'étale sur des kilomètres, sans centre de gravité… Kirsten nous avait dit que c'était accessible à pied, mais elle a de bonnes jambes et nous préfèrerons appeler un taxi... – Un détail important: nous ne pouvons plus nous passer de téléphone portable. Ne serait-ce que pour appeler un taxi quand on est à "tataouette les pins". On a donc sacrifié au modernisme et on achète une puce dans chaque pays où on passe.

Il parait que sur la rive opposée, le yacht-club est plus propre et plus accueillant. Nous n'avons pas vérifié. Au prochain tour, peut être…

Vous aurez compris que nous n'avons pas découvert ici une étape inoubliable. Mais bon, on n'a pas trainé en ville, alors …


Port Elisabeth

Port Elisabeth est un grand port de pêche et de commerce situé dans l'ouest de "Nelson Mandela bay" – la ci-devant "Algoa bay". Il y est protégé par une longue jetée battue par les vents d'Est.
Un guide local avertit: "la côte prend le vent de plein fouet… Pour le plus grand plaisir des véliplanchistes…".
Mais nous ne sommes PAS des véliplanchistes!

Installée à l'intérieur du port, la marina locale y a été aux trois quart détruite par une tempête l'an dernier.
Le bassin est immense et, par vent d'Est, la jetée laisse un fetch d'un bon mille sous son vent. C'est suffisant pour lever un méchant clapot dans la marina, malgré le barrage flottant qui la protège.
En octobre dernier, à l'occasion d'un très fort coup de vent, ce clapot s'est creusé à plus d'1.5 mètre et le barrage a été arraché.
Il a alors dérivé, entraînant avec lui les pontons et leur contenu; jusqu'au quai contre lequel ils se sont empilés – ça devait ressembler à la marina de Concarneau après la tempête de 1987.
Huit bateaux ont coulé.
Nous avons rencontré un espagnol qui y a perdu le sien alors qu'il était retourné passer un mois au pays. Pas d'assurance et retour difficile!!!

Plus au nord, la rumeur publique disait que tout était détruit à Port Elisabeth et que nous serions sans doute obligés de nous amarrer à couple de chalutiers bien gras, "protégés" par des pneus bien noirs et bien crados… Ambiance…
Au petit matin de notre arrivée, nous avons de la chance: Au seul ponton flottant encore – même si à moitié arraché et branlant beaucoup, penchant fort du côté où il va peut-être couler – il reste deux places disponibles.
Dubitatifs, nous tournons autour de la ruine.
Deux travailleurs matinaux occupés à réparer l'ouvrage, courbés contre le vent qui a déjà forci, nous font signe d'approcher, nous assurent que ce sont là de bonnes places et s'offrent pour prendre nos amarres.
Ç a nous décide à y aventurer notre étrave…
Sitôt amarré le capitaine se précipite pour acheter trois gros pare-battage chez un shipchandler local: Il faut protéger le bateau des sauts de cabri de ce ponton de guingois.
Finalement, pris dans un réseau d'aussières comme dans une toile d'araignée et bardé de pare-battage, Getaway est en sécurité…

Plus tard, Niaouli viendra occuper la dernière place libre sur notre bâbord… Les autres choisiront les chalutiers…

Pendant l'après midi et tout le jour suivant le vent va continuer à forcir de secteur Est; jusqu'à 40 nœuds!
Le ponton bouge beaucoup et, avec le vent par le travers, les bateaux tirent fort sur leurs aussières! C'est assez inconfortable mais ça tient...
Qu'est ce que ça a dû être en octobre, quand ça soufflait à plus de 70 nœuds…

Heureusement pendant ces deux jours il y a le yacht-club, son bar-restau et ses douches…
Il y a Denis et Graïda de Niaouli avec qui boire des coups et discuter météo… Parler "molas" aussi: Graïda est originaire des San Blas et est une experte (cf. le numéro de la gazette sur Panama)! Denis, lui, est juste un mec normal… Breton quoi!

Port Elisabeth possède un terminal minéralier trrrrès actif.
Pendant tout notre séjour nous serons juste sous son vent et des kilos de manganèse nous seront ainsi livrés à domicile.
Une poussière noire qui recouvre le pont et imprègne le gréement, les écoutes…
Et il n'y a pas d'eau au ponton pour s'en débarrasser…
Plus tard, il nous faudra frotter fort pour retrouver la couleur du pont.

On ne peut pas dire que ces conditions de séjour nous aient incités à le prolonger et à prendre le temps d'explorer la ville.
Juste la première rue à la sortie du port, sur le chemin du supermarché le plus proche…
Nous y rencontrerons une boutique de produits africains artisanaux plutôt originaux. Evidemment, nous ne résisterons pas à l'envie de la visiter et d'y faire quelques achats…
Ce sera l'occasion d'établir un contact avec la propriétaire qui est à la caisse. Conversation aidant, elle nous emmènera en voiture jusqu'au super marché, avant de nous ramener au port avec nos sacs pleins…
Cool… Merci madame.
Cette boutique s'inscrit dans le cadre du commerce équitable et propose des objets tout à fait intéressants; pas nécessairement traditionnels mais ingénieux, rigolos et réalisés localement. Elle s'appelle "Wezandla gallery & craft centre" et se trouve 27 baakens street à Port Elisabeth. Ceci est une publicité gratuite…


Mossel Bay

La baie des moules est la dernière étape de notre progression avant le cap des Aiguilles et le sud de l'Afrique.
C'est un port historique où le 3 février 1488, jour de la St Blaise, Bartolomeu Diaz a fait escale, premier européen à être allé mettre les pieds de l'autre côté du cap de Bonne Espérance.

C'est aujourd'hui, un port de pêche avec des chalutiers et les pêcheries qui vont avec.
Quelques bateaux de plaisance sont hébergés sur un unique ponton géré par le yacht-club local. Dominant les petits bateaux du ponton, amarrés à la jetée, deux énormes remorqueurs de haute mer, genre abeilles, sommeillent en attendant leur heure. Ils sont là pour assister les installations pétrolières installées à une vingtaine de milles au large.

Au dessus du port, une petite cité touristique un peu somnolente que nous avons pris plaisir à parcourir. Les commerces y sont accessibles à pied et son air de station de vacances est sans doute accentué par les maisons accrochées à la colline.
Murs clairs et tuiles rouges lui donnent des allures de bourgade méditerranéenne.

Au centre ville, dans une galerie marchande, l'agence philatélique de la poste est tenue par un monsieur très sympa, avide de parler de son pays à ses visiteurs. Surtout aux Français d'ailleurs, car il est avant tout Afrikaner et donc anti British. (cf. la guerre des Boers)
Il nous assure que l'afrikaan est la première langue du pays et que l'anglais y est assez peu parlé; même quasiment pas du tout dans certaines provinces.
C'est vrai, nous avons constaté autour de nous que blancs et noirs communiquaient sans l'aide de l'anglais. Nous avons aussi appris plus tard qu'une bonne part des enseignements de l'université de Kaapstad (La ville du Cap ou Cape town) est assurée en Afrikaan.
Tout de même, nous n'avons pas souvent rencontré d'incompréhension en parlant anglais.

Il nous parle aussi de son fils.
Comme son grand père, celui ci s'appelle Nantes et il voudrait savoir s'il y a bien en France une ville qui porte ce nom? Ce que nous lui confirmons avec enthousiasme.
Tout ceci nous a entraînés à parler histoire, édit de Nantes, réfugiés huguenots en hollande, expatriation de ceux ci en Afrique du Sud, etc…
On ne s'est pas ennuyés et il était super content de savoir que la ville de Nantes existait bel et bien… Cela nous a rappelé l'isolement du monde et l'autarcie extrêmes qui ont été longtemps une caractéristique de la société boer.

Autre détail rigolo: Ce postier appose un tampon spécial sur le courrier posté près de chez lui.
Ce tampon commémore le gros arbre qui existait ici il y a quelques 500 ans, dans le creux duquel les marins en escale déposaient leur courrier. La levée était assurée par les suivants, partant dans l'autre sens…
Nous avons sacrifié au rite et nous aussi avons posté du courrier dans le trou (pas de l'arbre, plus prosaïquement celui de la boite au lettres).


Simons Town.

Située dans le creux de False bay, à l'Est de la racine de la presqu'île rocheuse qui porte le cap de Bonne Espérance, Simons Town est la première escale importante à l'ouest du cap des Aiguilles.

Le port est militaire mais le yacht-club, assez coquet, offre un accueil chaleureux et sympathique aux voileux de passage.

Dominant le port et le mouillage, la bourgade s'étale sur les pentes abruptes de la montagne qui borde ce côté de False Bay.
Sa rue principale qui longe le rivage, conserve les bâtiments du milieu du XIXème siècle qui constituaient alors l'essentiel de Simon's Town. Très bien entretenus ils sont le décor d'une promenade sympathique d'un bon kilomètre qu'on appelle ici "the historical mile".
L'ambiance y est vacancière et rafraîchissante.
Derrière cette rue principale et "historique", la ville s'étoffe de quelques rues disposées en étage le long de la pente et bordées de constructions plus modernes.
Cet ensemble offre un environnement à la fois spectaculaire et "cosy" au mouillage qu'il protège.

Pour ce qui est de l'organisation de la vie, des réparations, des courses… Simons town n'offre pas grand-chose mais est plutôt bien située.
Un train de banlieue la met à une heure et demie de Cape Town, depuis le mouillage.
Le trajet en voiture prend le même temps, le long d'une route souvent verdoyante, dans le décor spectaculaire de la célèbre "Table Mountain" et des sommets voisins qui dominent la ville.
Cette option est tout de même à éviter aux heures de pointe, quand Cape Town vous rappelle qu'elle est avant tout une grande ville, n'ayant rien à envier à ses consœurs européennes.

C'est aussi un bon point de départ pour une découverte touristique très agréable de la région: tour des vignobles et des domaines viticoles; visite de Stellenbosch dont les nombreuses galeries d'art et l'université sont installées dans des bâtiments à la pure architecture coloniale hollandaise; tour de la péninsule du Cap et route en corniche absolument extraordinaire surplombant l'Atlantique.
La nature est belle dans cette province.


Encore un yacht-club accueillant.

Au bar du yacht-club nous avons repris nos habitudes de "partage" avec les mêmes boaties que nous retrouvons au terme de leur descente, plus quelques autres que nous découvrons ici: Do (que nous avons pourtant croisé il y a quelques années à Raiatea), Alejo immatriculé à Ajaccio, Blue Falcon (Deux écossais qui ont eu tellement de misères pour le renouvellement tardif de leur visa sud africain. Leur mésaventure nous a permis de nous y prendre à temps pour le renouvellement du notre…)

A notre arrivée, il n'y avait pas de place disponible aux pontons et Getaway s'est amarré à un coffre, à l'extérieur de la marina.
Le mouillage est bien abrité et ne s'agite un peu que par vent fort de secteur Nord.
Nous aimons bien cette situation où le bateau évite avec le vent et, comme à Richard's bay, notre besoin d'une place de ponton se fait vite moins pressant. Pour le court terme en tous cas..


Notre migration annuelle.

Car nous avons maintenant un problème nouveau: nous venons de décider de rentrer en France pour six mois.
Notre traversée de l'Atlantique est donc repoussée à Décembre et il nous faut trouver un endroit convenable pour y abandonner Getaway jusque là.

Trop d'oiseaux nichent dans la baie et dissuadent d'un long séjour ici, au mouillage sur corps mort. Nous en constatons l'effet sur un catamaran abandonné là, sans doute depuis de longs mois, et qui sert de logis à une colonie de cormorans.

Dans la marina, seulement protégée du nord par un barrage flottant, l'unique place qu'on peut nous proposer se trouve à l'extérieur du ponton le plus externe.
Dans cette région, les tempêtes d'hiver viennent du nord-ouest.
La marina est un peu abritée par la côte nord de la baie, mais le fetch est suffisant pour que se développe alors un puissant clapot. Nous l'avons nous même constaté avec un vent modéré… Alors ça doit remuer fort sur les pontons pendant ces tempêtes… Surtout sur ceux de l'extérieur…
On décide donc de chercher ailleurs.

C'est dans la baie de Saldanha, à une soixantaine de milles au nord de Cape Town que nous trouvons notre bonheur. Dans la marina du club "Mykonos".
C'est encore une de ces marinas construites pour valoriser un programme immobilier de loisirs.
Celui-ci, réalisé dans le plus pur style "Santorin", fait un peu Disneyland grec; mais la marina bien protégée et de bonne qualité, a l'air sûr.

Des places y sont disponibles, pour un prix très convenable. Nous pouvons donc dès maintenant nous consacrer à acheter nos billets d'avion et penser à organiser notre retour.


Quand nous reviendrons, nous aurons sans doute les mains calleuses des travailleurs du bâtiment, mais nous serons aussi sûrement super contents de reprendre les manches des pinceaux, avant la barre qui nous guidera alors à travers l'Atlantique vers le Brésil… Joyeux Noël…
Il y aura encore des choses à raconter.
(Il est temps de terminer, le capitaine devient lyrique!)