LA GAZETTE DE L'A.R.B
Anyvonne Restaurant Bar
 
Le Vanuatu - Le journal de bord
N°26- Juin 2005

Le difficile arrachement à l'occident….

Enfin en mer… Ou presque…

La nuit, tous les amers sont gris…

Le grand plongeon dans l'exotisme.

Premières impressions "capitale"

Babel, dans le Pacifique…

Vous avez dit "Indépendance"?

La diversité des îles du Vanuatu

Malekula et les îles Maskeline

Notre découverte du troc qui remplace la monnaie

Vao, notre première approche d'un village francophone.

Santo, tout au nord de notre tour du Vanuatu.

Le souvenir tenace de la présence française

Gastronomie entre trou à cyclone et "blue hole"

C'est ici qu'on a pris la décision de passer la saison cyclonique au Vanuatu.

Maewo et le Yacht Club d'Asanvari.

Pentecôte, l'île du saut à l'élastique.
Ambrym, l'île du volcan et des sculpteurs.

Cent fois sur le chantier tu remettras ton bateau…

 


Le difficile arrachement à l'occident….

 

Un an et demi de Nouvelle Zélande; plus de trois mois de Nouvelle Calédonie; on peu dire que nous aurons mis du temps à nous décider à passer le pont qui mène vers les régions plus exotiques qui nous attendent maintenant devant l'étrave. Régions peu développées et civilisations primitives pour commencer: Vanuatu, îles Salomon, Papouasie… Civilisations asiatiques pour continuer: Indonésie, Malaisie, Thaïlande… Ensuite ce seront l'océan Indien et l'Afrique de l'Est… On va se retrouver pour un bon moment loin de nos habitudes occidentales… Parfois on se dit qu'on sera sûrement  contents de retrouver l'Amérique du Sud dans quelques… années…

 Parce que  tout ça c'est pour dans longtemps…  Pour l'heure, notre problème c'est de nous arracher aux copains qui abondent à Nouméa: On a bien célébré et arrosé notre départ,  copieusement embrassé toutes les joues qui se tendaient vers nous, rempli  Getaway  des produits qu'on pense ne pas retrouver de si tôt  sur notre route; tout est prêt, maintenant il faut y aller!!!

Mais voilà que notre copain Patrick, de Maohi, ne veut plus nous quitter… Frustré de traversées et de navigation, il a décidé de jouer les prolongations avec nous jusqu'au Vanuatu. Il embarque donc le dimanche 12 Septembre au matin, après sa semaine de travail, pour quinze jours de congés et retrouver la mer. Ce jour là  le temps est plutôt beau  et, comme d'habitude avec ces conditions, le vent souffle d'Est assez fort.  Cela promet trois jours de navigation confortable, "vent de travers", jusqu'au Vanuatu.  Mais ça c'est pour quand nous serons en pleine mer, après avoir passé la passe de la Havanna. Avant d'en arriver là, ça promet surtout 45 milles à affronter  contre le vent… Comme cette première étape se situe à l'intérieur du lagon, elle sera parcourue au moteur  jusqu'au mouillage où nous passerons la nuit,  à l'abri de l'île Ouen, juste avant de sortir en mer. On n'est pas des bêtes quand même!!!

 Première journée de navigation sans grand intérêt mais plutôt confortable qui nous arrachera à la civilisation calédonienne… Ainsi sera aussi la première nuit d'ailleurs, avec trois quarts consécutifs de sommeil profond pour tout l'équipage. Silence, calme et volupté… Ça ne prépare  pas vraiment pour la suite, mais c'est bien agréable…

Le lundi matin, le temps se maintient au beau et comme nous ne sommes pas pressés, nous envisageons de    rester encore une journée à l'abri du lagon et d'aller passer une nuit calédonienne de plus à Yate. Une navigation de lagon; une quarantaine de milles au portant; un mouillage réputé que nous n'avons pas encore visité:Difficile de résister… La décision se prend vite toute seule…La navigation sera effectivement confortable mais  Yate ne nous procurera pas d'émotion esthétique rare. Un estuaire de rivière, une eau boueuse et peu profonde, un village qui s'étire le long d'une route goudronnée… Vivement le Vanuatu…

Yate sera tout de même l'occasion d'une nouvelle rencontre: Un copain (et voisin de ponton) de Patrick,  qui est médecin et assure en ce moment un remplacement au dispensaire local…  (C'est fou comme les métros exerçant des professions médicales sont abondants  par ici). Ce sera pour nous l'occasion d'une dernière consultation médicale mais surtout d'un dîner sympa, avant de quitter la francophonie.

 

Enfin en mer… Ou presque…

Si vous comptez bien, vous savez maintenant que  c'est le mardi matin que nous avons quitté l'abri de Yate pour commencer vraiment notre traversée.  

Ce jour là, le temps toujours assez fort (et plutôt d'Est)  nous incite à laisser porter et à mettre un peu d'ouest dans notre nord. Ça nous met juste sur la route de Lifou, une des îles Loyauté, et l'idée nous vient soudain d'une "der des der" étapes calédoniennes. L'attrait de mouillages que nous n'avons pas visités et dont on dit le plus grand bien... Comme  nous devrions arriver à Lifou vers vingt deux heures, c'est  aussi un moyen d'échapper une nuit encore aux quarts de veille. Une fois de plus on se décide très vite pour la solution facile; et puisque nous ne sommes pas pressés…. 

Nuit noire, mouillage et côte complètement inconnus… L'arrivée à Lifou se fera, comme chaque fois dans ces conditions, avec une dépense d'adrénaline importante pour le skipper. Heureusement que la baie que nous visons est large et sans problème d'accès, que la côte est accore et renvoie d'excellents échos radar, que ces derniers coïncident parfaitement avec le profil attendu sur la carte… Enfin bref, que l'approche ne présente pas de réelle difficulté… Vers minuit nous approchons donc prudemment sous le vent de la côte, vers ce qui doit être une plage devant laquelle nous mouillons par quinze mètres de fond, loin des limites des dangers. Encore une excellente nuit de récupérée sur la navigation…

Le matin, dès que nous risquons un œil dehors, nous sommes éblouis par la beauté du lieu. Immense et  magnifique plage de sable corallien blanc, encadrée de petites falaises de corail. Cocotiers qui dansent dans le vent, devant un village de construction purement traditionnelle où n'apparaît pas une trace de tôle ondulée.  Ce réveil est un moment de vrai bonheur. Nous sommes mouillés devant le village de Doueoulou, sur l'île de Lifou. Trois ou quatre autres  voiliers nous y ont précédés et se balancent mollement devant la plage dans une eau limpide comme nous n'en avons pas vue depuis longtemps.  Nous y resterons deux jours, histoire de permettre à Patrick de se dépasser à l'occasion de son marathon hebdomadaire: cette fois sa quinzaine de kilomètres habituelle s'est transformée en plus de trente, à l'occasion d'une erreur de parcours…

 Mais c'est pas le tout, nous sommes en route pour Port Vila et il ne faut pas s'endormir sinon les quinze jours de congé de Patrick n'y suffiront pas! Nous repartons donc le jeudi matin, pour nous arrêter (une dernière fois de plus) et déjeuner sous les falaises impressionnantes de la baie de Docking. Plus de 40 mètres de haut, verticales sur toute leur hauteur, creusées de grottes qui abritent des colonies importantes de chauve souris  et qu'il est paraît il possible de visiter. Nous n'en aurons pas le loisir car, forts de nos bonnes résolutions,  nous repartirons sitôt le déjeuner expédié, cap sur Port Vila.

 

Où on finit quand même par partir vraiment…

Avec nos choix d'itinéraire un peu paresseux depuis la passe de la Havanna, nous avons perdu dans l'ouest sur notre route vers le Vanuatu et maintenant, ce qui promettait d'être "400 milles de quasi portant" est devenu "300 milles à parcourir au près bon plein"!

Notre vie s'installe donc sur un bord et ce n'est pas le meilleur: tribord amure, celui où il est assez sportif de cuisiner et où la pompe d'évier se désamorce sans cesse… En plus, ça bouge pas mal: Le vent souffle à près de vingt nœuds ce qui n'est pas extraordinaire, mais  la mer qui nous arrive de l'Est par le travers est beaucoup plus forte que  celle du vent et nous secoue durement.

Enfin  bref, ce n'est plus le lagon et ça nous contrarie fort…Malgré cela, au rythme des sandwiches et des quarts de veille, la vie à bord s'organise et le bateau avance bien. Tellement bien, qu'au lieu d'arriver dans la matinée de dimanche comme l'avait soigneusement calculé le capitaine, il devient vite évident que c'est plutôt Samedi en début de nuit que nous atterrirons.Difficile de se décider à ralentir le bateau dans cette mer qui nous secoue comme des pruniers; alors on se prépare à arriver une nouvelle fois de nuit dans un port inconnu. C'est toujours déconseillé mais ça devient une habitude… 

 

La nuit, tous les amers sont gris

A l'étude de cette perspective, on se rassure en constatant qu'un phare accueillera notre atterrissage. Au sud-est de l'île d'Efate, il est situé sur  "Pango point", un cap qu'il nous faudra tourner  avant d'entrer dans la baie de Mele pour y  trouver un alignement de feux clignotants qui  permet d'entrer dans la rade de Port Vila.

Bref, la nuit tombe alors que nous sommes encore à une bonne vingtaine de milles des côtes dont on n'aperçoit encore rien, ni à l'œil ni au radar. Deux heures plus tard le GPS nous situe à moins de dix milles d'Efate et on ne voit toujours ni écho radar ni lumière. Rien qu'un  grand trou noir… Il se passera encore une heure avant que n'apparaisse sur l'écran du radar un léger écho situé à environ cinq milles devant nous. 

Pour l'adrénaline du capitaine, je vous ai déjà dit …

Du phare qui devait nous signaler le cap de "Pango point",  pas la moindre trace. Le vent a dû souffler la bougie…  Enfin si la côte, sans grand relief, ne nous renvoie qu'un faible écho radar, celui ci a bien le profil qui correspond  à ce qu'on voit sur la carte. Et ça, ça rassure le capitaine!  Une fois tourné le cap de "Pango Point", on arrive vite devant l'entrée de la rade de Port Vila  où on a alors bien du mal à décider, parmi tous les feux clignotants qui brillent au dessus de la ville, lesquels constituent l'alignement qui doit nous permettre de franchir la passe. Heureusement les limites du chenal sont marquées par deux balises, dont une tourelle métallique qui nous renvoie un bel écho radar. Nous irons prudemment la reconnaître de tout près, à la lampe torche, avant de nous décider à la laisser sur tribord pour  pénétrer dans la rade.Vers une heure du matin, après toutes ces émotions, nous mouillerons à la lumière de l'éclairage public du front de mer, près de quelques voiliers qui nous ont précédés là et que nous avons découverts juste avant de les percuter… Nous avons bien mérité une  bonne nuit avant d'affronter les formalités d'entrée dans ce nouveau pays.

 En fait le lendemain matin, c'est dimanche, les administrations  sont fermées et il nous faudra  attendre lundi pour pouvoir descendre à terre officiellement. Nous pourrons donc nous reposer toute la journée mais ça ne nous empêchera pas de débarquer dès ce dimanche, clandestinement et nuitamment, pour aller fêter notre arrivée dans un resto sur le quai.

 

Le grand plongeon dans l'exotisme

 

Premières impressions  "capitale"  

Nous passerons quelques semaines à découvrir Port Vila. Oh ce n'est pas une grande ville, (principalement deux rues parallèles qui s'étirent le long du front de mer sur guère plus d'un kilomètre.) mais c'est la capitale du pays et la seule agglomération d'une région où le tourisme commence à se développer. Il y règne donc pas mal d'animation et l’essentiel de  la circulation automobile de l'île se concentre vers ces deux rues où le trafic est incessant. Comme il n'y existe pas un seul feu rouge, il est nécessaire d'être très attentif pour traverser la rue.

Le marché est sans doute l’endroit le plus animé de la ville et attire immédiatement le chaland qui débarque. Abrité sous un grand hall (dont une plaque commémorative remercie les crédits français), ouvert au public 24 heures sur 24 et 6 jours sur 7, c’est un marché qui propose la production agricole et artisanale des habitants de l’île (et parfois aussi des îles proches  - au moins une demi journée de mer quand même). La raison de cette ouverture nocturne n’est pas seulement due à la volonté de service des vendeurs locaux: ces derniers viennent de loin pour vendre leur récolte de la saison et ils ne rentrent chez eux que quand tout est parti (au plus tard le samedi midi). En attendant ils vivent et dorment sur place, par terre, derrière leurs étals…  Tous les vendeurs du marché sont des Ni-Vans; on n’en aperçoit  aucun qui soit blanc ou asiatique.

On trouve aussi au marché de quoi se nourrir sur place. Certains étals vendent des "hot tuluks" (une sorte de "hot dog" dont on aurait remplacé la saucisse par de la viande hachée et le pain par de la pâte de manioc enveloppée dans une feuille de bananier.) ou des petits poissons grillés; mais il y a surtout une zone de restauration où une trentaine de cuisinières proposent des plat complets. Généralement c'est du ragoût de bœuf, de mouton ou de poulet, cuisiné avec des légumes locaux et accompagné d'une grande assiette de riz. Parfois on trouve aussi du poisson ou du beefsteak. Chaque hôtesse  dispose d'une table où elle  peut servir sa production pour 200 Vatus la part (1,5 euro)  à  6 ou 7 convives simultanés. Ce "restaurant" est très fréquenté par les Ni-Vans qui travaillent en ville et il est conseillé d'arriver tôt pour pouvoir choisir son repas car dès 12h30, beaucoup d'étals ont vendu toute leur production (et ce sont souvent les meilleurs!!!) 

 

Babel, dans le Pacifique… 

La pratique linguistique du Vanuatu est directement issue des affrontements coloniaux qui y ont eu lieu.

- Chaque Ni-Van parle la langue de son village, qui est en quelque sorte sa langue maternelle (il y en aurait plusieurs centaines, totalement incommunicables les unes aux autres)

- La majorité de la population parle et lit le Bichlamar qui est la langue pratique de communication officielle

- La plupart des Ni-Vans parlent une troisième langue qui est soit le français soit l'anglais.  Ce choix dépend de la religion qui a autorité dans leur  village d'origine: Au temps des affrontements coloniaux,  les missionnaires étaient autant les fantassins de première ligne dans la guerre d'influence livrée par leur patrie (française ou britannique) que les prosélytes de leur religion.

Un moyen puissant de ce combat colonial était l'école  attachée à la  mission que l'on parvenait à installer. Une école installée et c'était un village entier acquis à la vraie foi en même temps qu'à l'influence convenable. Dans ces écoles, l'enseignement est entièrement dispensé dans la  langue de la mission et le niveau d'expression qu'y atteignent les bons élèves est excellent. A les entendre, on a parfois l'impression que c'est leur langue maternelle.

Ainsi s'est construit cette espèce de bilinguisme qui pose tout de même un problème  au Vanuatu: La langue officielle du pays est l'anglais mais une grosse minorité de citoyens Ni-Vans ne le parlent pas. C'est ce qui confère au Bichlamar son rôle de langue pratique de communication officielle, bien qu'il ne puisse pas  être utilisé à l'extérieur de cette région du Pacifique. Les avis et affiches administratifs sont écrits en Bichlamar et malgré leur contenu généralement austère la lecture en est souvent amusante pour le passant européen. Cela fait un  peu le même effet que le créole écrit que nous avions découvert en Guyane ou à la Réunion. 

Pour le jeune citoyen moyen; la langue européenne qu'il pratique détermine en partie les conditions de ses études supérieures. A l'âge de l'université, pratiquer le français signifie souvent mal parler anglais. Et vice versa… L'avantage pour les anglophones c'est qu'ils ne sont pas très loin de l'Australie et de la Nouvelle Zélande qui peuvent les accueillir dans leurs universités. Les francophones eux n'ont que la Nouvelle Calédonie… ce qui est un peu pénalisant. D'un autre coté, les francophones finissent tous par parler anglais tandis que les autres ne connaîtront jamais le français….

Cette différentiation linguistique (qui n'est pas du tout culturelle) contribue sûrement aux clivages des élites et instrumente ensuite les rivalités des communautés insulaires sur lesquelles les leaders pourront asseoir leur pouvoir. Encore un cadeau des puissances coloniales…

 

Vous avez dit "Indépendance"?

Hors du marché, on s'aperçoit très vite que toutes les activités commerçantes de la ville sont sous le contrôle des blancs (principalement des anglo-saxons, surtout australiens, mais aussi quelques français.) et des asiatiques. Les seuls Ni-Vans que l'on voit dans les magasins sont occupés à la manutention ou au gardiennage des rayons; on en voit très rarement derrière la caisse. Très vite nous avons eu l'impression de vivre dans une ville coloniale… Ce sentiment ne nous a pas quittés de tout notre séjour à Port Vila. Pourtant ce pays est indépendant depuis 1980… Mais c'est clair que l'indépendance politique ne lui a pas conféré l'avantage économique, ni même ne semble lui avoir assuré la réalité du pouvoir au quotidien…

Nous n'avions pas éprouvé cette sensation d'ambiance coloniale à Apia, aux Samoa, où pourtant la situation économique paraissait comparable à celle d'ici. Là bas, il ne nous est jamais venu à l'esprit que les samoans n'étaient pas maîtres chez eux. La seule explication que nous ayons trouvée à cette différence d'appréciation est que les Samoa sont depuis la guerre sous influence Néo Zélandaise alors que le Vanuatu est soumis à l'influence grandissante des Australiens, dont l'attitude est clairement plus impérialiste (ils sont souvent appelés par ici les américains du Pacifique sud).

Malgré cela il faut  noter que si les Ni-Vans que l'on rencontre en ville paraissent très rarement opulents, ils ne montrent jamais d'attitude agressive, ni même de sentiment de frustration. Il y a peu de mendicité et le racolage touristique est rare. Généralement l'abord est ouvert et cordial; juste curieux et montrant de l'intérêt. Plus loin, dans les îles du nord qui sont bien moins développées, nous retrouverons souvent et de manière encore plus lisible, cette espèce de "sérénité sociale" dans la pauvreté. Nous avions déjà éprouvé cette impression "d'harmonie sociale" aux îles San Blas près de Panama, mais les indiens Kuna nous avaient alors semblé beaucoup moins démunis, économiquement. Jamais nous n'avons ressenti cette sérénité lors de nos séjours dans les îles françaises, ni en Nouvelle Calédonie où les contacts expriment souvent de la frustration, quand ce n'est pas de  l’hostilité.

C’est à Port Vila que nos amis Daniel et Anne nous rejoignent, après avoir terminé la longue remise en route  de Joran à  Nouméa (un bon mois). Rapidement notre aspiration commune à une ambiance plus calme et moins stressée nous décidera à mettre en route de concert, vers le nord et les îles moins développées ou fréquentées du Vanuatu.

La diversité des îles du Vanuatu

Malekula et les îles Maskeline  

Par sa taille, Malekula est la seconde île de l'archipel: quatre vingt quatorze kilomètres sur quarante quatre. Comme beaucoup d'autres dans la région, cette île "pousse" sans arrêt… En 1965 un gros tremblement de terre a rehaussé le nord de l'île de quarante centimètres! Il n'y a pas de réseau de pistes pour desservir l'intérieur assez montagneux de l'île; les tribus qui y vivent sont donc assez isolées et la vie traditionnelle très préservée: trente  langages différents sont parlés sur Malekula. 

Ces tribus se divisent en deux grands groupes: les Big-Membas au Nord ouest et les Small-Membas au centre sud. (Memba = membre = étui pénien) Ne déduisez pas la taille de la chose, de cette appellation, car elle ne s'applique qu'à la dimension de l'étui. Celui ci est décoratif et peut être beaucoup plus grand que l'objet protégé...  

Les Small-Membas sont monogames et ont abandonné le cannibalisme plus tôt que les Big-Membas; au milieu des années 1950 quand même...  Il paraît qu'une spécialité des Big-Membas est l'hypnose des cochons… Ils les capturent ainsi en quelques minutes.Dans beaucoup de villages les hommes et les femmes vivent séparément,  avec chacun leurs huttes,  leurs sentiers,  leurs zones de danses, etc…

Alors qu'ils pullulent sur la côte sud ouest, il n'y a ni moustique ni malaria dans les montagnes … Cela explique le tabou traditionnel de regarder la mer dans les tribus qui y vivent, pour éviter d'être malade. Ces populations des montagnes sont réputées avoir la  meilleure santé du Vanuatu.  

Les Maskelines forment un petit archipel d’une dizaine d’îlots, le long de la côte sud de Malekula. Entre ces îlots et la côte toute proche, plusieurs abris permettent de mouiller au calme, bien protégés de la mer. Nous y passerons une bonne semaine, sans voir un autre bateau venir encombrer notre horizon. Un millier d’habitants vivent dans les Maskelines; concentrés sur deux îlots seulement. Nous en voyons régulièrement passer dans leurs pirogues ; sur leur trajet entre le village et les jardins qu’ils cultivent sur les îlots non habités ou sur la côte voisine. En fait, nous assistons là à la principale activité économique des naturels du pays : Loin de la technologie du siècle, la population rurale travaille à une agriculture de subsistance qui alimente la consommation familiale et le marché de Port Vila.   

Si la vie dans les petites villes s'est beaucoup modernisée, dans les villages que nous avons aperçus elle semble n'évoluer que lentement et rester très enracinée dans la tradition. Les hommes chassent, pêchent, fabriquent leur pirogue et discutent le soir dans le "Nakamal", avec leurs pairs, des problèmes du village, en sirotant leur kava. Entre leur nombreuses grossesses (six au moins), les femmes assurent la plus grande part des travaux agricoles et la maintenance liée à la vie familiale. Leur vie ne paraît pas très facile et les statistiques leur accordent une espérance de  vie plus courte qu'à leurs maris.

 

Notre découverte du troc qui remplace la monnaie

 Les pirogues qui passent près de nous, transportent généralement un couple de villageois qui vaque à ses occupations agricoles. Souvent ils en profitent pour nous approcher et nous proposer fruits et légumes. C’est le plus souvent l’occasion d’un  troc intéressant pour les deux parties: Les Ni-Vans peuvent se procurer ainsi des objets introuvables localement ou inabordables et nous avons accès à des légumes frais dans des coins perdus où il n'y a rien à acheter. Quand on arrive dans un nouveau mouillage: pas d'inquiétude…si le coin est habité, une pirogue viendra sûrement rapidement vous visiter pour vous proposer des vivres frais.

Le mélanésien évalue l'étranger à sa capacité à troquer. Pour tout cadeau qu'il fait (noix de coco, légumes ou fruits) il s'attend à recevoir  quelque chose en échange, qu’il se refusera toujours à préciser. Boites de conserve… tee-shirt... bâton de tabac… sucre… allumettes… riz… cahiers d'école… crayons.  Vous aurez toujours la responsabilité d’évaluer votre dette et il vous sera longtemps difficile de savoir si le troc a paru équitable. On s’en tire généralement en essayant de retenir le prix des choses au marché,  pour avoir un ordre de grandeur des valeurs échangées.

Il est par ailleurs souvent conseillé d’attendre la visite d’une pirogue pour lui demander la permission de débarquer et s’informer des conditions d’accès à terre. Beaucoup de tabous coutumiers sont attachés à des endroits inattendus, partout dans la nature. Tel sentier est réservé aux femmes, tel endroit est habité par les ancêtres et interdit d’accès. Rien ne l’indique à nos yeux occidentaux et enfreindre le tabou est très mal accepté par la population. Même les jardins ne sont pas toujours reconnaissables à nos yeux occidentaux et il est très facile de se retrouver piétinant des cultures sans s’en apercevoir. C'est pourquoi quand vous visitez un village, il est courant qu'on vous attribue un guide pour vous permettre d'éviter les impairs.

 

Vao, notre première approche d'un  village francophone. 

Sur notre route vers le Nord, le long de la côte est de Malekula, nous croisons l'île de Vao devant laquelle nous mouillons pour une nuit. C'est une petite île très peuplée, située à un demi mille de la côte et comme nous sommes dimanche, à notre arrivée beaucoup d'enfants jouent dans ou au bord de l'eau. Rapidement, ils sont nombreux à  s'organiser pour trouver une pirogue et venir nous saluer.

Comme c'est une île francophone, la communication sera plus  facile et nous pourrons longtemps discuter le bout de gras avec nos visiteurs. Nous apprendrons ainsi que l'équipe locale a remporté le championnat de football du Vanuatu et que ce soir on fait la fête au village pour célébrer cette victoire.Ils nous parleront aussi des échanges scolaires qui existent entre les écoles francophones du pays et certaines écoles de Nouvelle Calédonie. (Nous en avions déjà entendu parler à l'île des pins).

La jeune fille qui nous parle de ça doit en bénéficier d'ici quelques mois. Elle nous parle des rapports magnifiques qu'on faits les groupes précédents de leur séjour à l'île des pins et elle est très impatiente de réaliser ce rêve: Elle n'est encore jamais partie de Malekula et la simple perspective de découvrir Port-Vila la fait rêver; alors la Nouvelle Calédonie…  

Nous avons été très étonnés de la qualité du français parlé par ces enfants, comme par la plupart des Ni-Vans qui s'adressent à nous dans notre langue. L'abondance du vocabulaire, l'absence d'accent, la correction de la grammaire et de la diction… Parfois ce ne serait guère mieux si c'était vraiment leur langue maternelle.

 

Santo,  la grande ile,  tout au nord de notre tour du Vanuatu. 

Ce n'est pas l'île la plus septentrionale du pays (les îles Banks tiennent ce rôle, deux cent milles plus loin) mais c'est de là que nous retournerons  vers le sud et Port Vila pour la deuxième partie de notre découverte. En revanche  c'est la plus grande île de l'archipel: cent vingt kilomètres sur soixante. Quatre pics culminent à plus de 1700 mètres au sein de son relief plutôt accidenté.Le nom complet de l'île est bien sûr Espiritu Santo mais ici tout le monde l'appelle Santo. Ce nom lui a été donné par un découvreur espagnol qui a dû la repérer un jour où soufflait l'Esprit Saint.....

La première impression, quand on arrive en vue des côtes de Santo, c'est que l'agriculture y est plus développée qu'ailleurs où nous sommes passés jusque là. Les pentes des collines  nous montrent de grandes étendues de prairies comme on n'en avait pas encore vu, des cocoteraies immenses, des troupeaux de vaches importants… Les Ni-vans d'ici seraient ils plus industrieux que les autres… Ce n'est peut être pas l'explication exacte: 

Le souvenir tenace de la présence française: 

Une fois débarqués et renseignements pris, il semble que l'explication soit plutôt dans le passé colonial de cette île qui aurait  été le cœur agricole des Nouvelles Hébrides.  Elle hébergeait alors d'immenses plantations qui ont façonné ce paysage agricole. Certaines sont actuellement abandonnées alors que  d'autres sont toujours exploitées et possédées par des blancs ou des asiatiques. On dit qu'une seule cocoteraie, appartenant maintenant à un seul japonais, s'étendrait sur près de quatre vingt  kilomètres du littoral de la côte Ouest???  Il est vite clair que dans la zone côtière l'agriculture n'est pas sous le contrôle des Ni-Vans. 

Même si le réseau routier qui l'irrigue est assez sommaire, l'intérieur de Santo est sans doute le plus facile à visiter du pays. Nous en avons profité pour aller jeter un œil à Fanafo, haut lieu de pèlerinage des partisans de Jimmy Stevens et des nostalgiques de la présence française. (Nous en avons rencontré!!!). Une colonie Française importante vivait ici avant l'indépendance. Elle a émigré, ou été plus ou moins chassée, lors de la répression des mouvements sécessionnistes qui ont eu lieu à ce moment là. Frank, un des fils de Jimmy Stevens, nous a fait visiter le sanctuaire où le cercueil de son père est encore exposé, pas encore enterré, plus de dix ans après sa mort.  Faute de références préalables, nous n'avons pas tout compris (ou n'en sommes pas certains) ce qu'il nous a raconté sur l'histoire de la rébellion de son père et sur la sorte de culte qui semble lui  avoir succédé; mais c'était un moment émouvant que d'écouter parler ces gens qui se sont battus pour continuer à vivre avec nous et continuent à lutter pour parler français… Même si je ne suis pas convaincu de la toute pureté de leurs motivations… 

 

Gastronomie entre trou à cyclone et "blue hole" 

On trouve au Sud Est de Santo une longue baie protégée du large par un rideau d'îlots, abritant elle même une autre longue baie, plus petite, protégée elle aussi par son propre rideau d'îlots… (Que voilà un joli exemple  pédagogique de récursivité… Un peu comme le couvercle de la "Vache qui rit"…) Cette dernière se nomme Peterson Bay, héberge Oyster Island et offre un abri où on peut, paraît il, venir survivre à un cyclone. Entrer dans Peterson Bay n'est pas facile pour les bateaux qui mesurent plus d'un mètre cinquante de tirant d'eau. Même nous qui n'avons besoin que d'un mètre vingt mais sommes assez timides, nous avons dû chercher notre chemin à marée haute… Et nous l'avons trouvé! Pour gagner le droit de venir mouiller avec Joran, à côté de deux prédécesseurs; dans le calme absolu offert par la côte Ouest d'Oyster Island…

En plus que d'offrir un excellent abri, cette île qui appartient à un restaurateur français, héberge un petit "resort" de trois ou quatre bungalows et un restaurant dont le cuisinier est très fier. On y mange une nourriture exclusivement confectionnée avec des produits locaux dont beaucoup sont même élevés ou cultivés sur place. Les vins sont honnêtes et français. Tout cela donne un mélange intéressant de tours de main, d'habitudes françaises et de saveurs tropicales où dominent le coco et la papaye.  Ce genre d'établissement familier, rencontré comme cela, au milieu de nulle part, nous avait un coté un peu irréel. 

Au fond de Peterson bay débouchent deux rivières qu'on peut remonter en annexe jusqu'à leurs sources. (Une surtout, car bien avant d'en atteindre la source nous sommes restés coincés dans l'autre par les bancs de nénuphars qui y prolifèrent…) En fait ces  deux sources sont  ce qu'on appelle ici des "blue holes" (trous bleus). Peut être produits par la résurgence d'une rivière souterraine qui descendrait des hauteurs de l'île? Ces blue holes forment une sorte de cul de sac fluvial. Ce sont des trous d'une vingtaine de mètres de large, profonds d'une quinzaine et remplis d'une eau cristalline et fraîche qui est un régal pour la baignade, le rinçage de la lessive et le remplissage des bidons d'eau potable. Nous y reviendrons plusieurs fois avec Daniel et Anne, pour le plaisir de glisser en annexe sur l'eau calme, à l'ombre fraîche des arbres qui surplombent la rivière, avant de nous glisser nous même dans l'eau transparente.

 

C'est ici qu'on a pris la décision de passer la saison cyclonique au Vanuatu. 

Notre projet initial était de quitter maintenant (nous sommes fin octobre) le Vanuatu qui est très exposé aux cyclones,  pour continuer vers le nord et aller passer la saison dangereuse aux îles Salomon. Comme nous avons aussi le projet de rentrer un ou deux mois en France voir notre descendance, pendant que passent les cyclones; le skipper se creuse la cervelle depuis que nous sommes partis de Nouméa pour savoir où diable il pourra laisser le bateau pendant ces "vacances" métropolitaines… Renseignements pris auprès de ceux qui y sont déjà allés, les Salomons ne paraissent pas regorger d'endroits où "abandonner" un bateau et il devient de plus en plus évident qu'on n'en  trouvera sans doute pas!

Un beau matin il s'ouvre au second, de ses soucis et conclusions: "Si nous continuons comme prévu vers les Salomon, les chances sont quasiment nulles pour que je puisse rentrer en France avec toi; il me paraît de plus en plus clair qu'il faudra que je reste garder le bateau…"

Bien embêtée le second… Il lui faudrait alors porter ses bagages toute seule!!! 

Mais quelles sont donc les alternatives? s'exclame le cœur des vierges. 

Nous pourrions, par exemple, retourner nous abriter à la marina de Nouméa???

Tu n'y penses pas mon pauvre ami; quelle régression! Outre que ce n'est pas vraiment hors cyclone (voir l'aventure d'Altaïr il y a deux ans), tous les copains se moqueraient de nous!!! 

Non, ce n'est pas possible, il faut trouver autre chose!

On pourrait peut être se faire tirer au sec au chantier de Port Vila???

C'est vrai que ça nous laisse très exposés au passage d'un cyclone; mais si nous faisons sortir Getaway de l'eau assez tôt, bien arrimé sur un ber, il ne devrait pas risquer grand chose.

 

Ah mais c'est bien séduisant cela…

Et nous voilà embarqués dans un cycle de cogitations intenses… Qui sommes nous, où allons nous, que voulons nous vraiment, quel prix sommes nous prêts à payer pour ça,… Quel est l'âge du capitaine???

 

Finalement le skipper surprend grandement nos copains de Joran quand un matin il prend l'annexe pour aller leur annoncer notre décision de rester passer l'été au Vanuatu. Eux qui doivent s'élancer incessamment sous peu vers l'Australie pour se mettre à l'abri pendant qu'ils rentreront travailler six mois en Suisse, en sont tout ébranlés! Que vont ils faire???  Finalement; je vais faire cesser ce suspens haletant et vous révéler tout de suite le dénouement: Joran et Getaway ont été mis au sec début décembre, à deux jours d'intervalle, sur le chantier de Port Vila.  Ils seront voisins de ber jusqu'en mai prochain pendant que leurs occupants se rafraîchiront la couenne en Europe. 

Ah mais c'est qu'avec cette décision, il va maintenant falloir redescendre vers Vila contre le vent!!!  Boaf, nous avons tout le temps: les cyclones ne deviennent probables, dans la région, qu'à partir de décembre et ça nous laisse un bon mois pour atteindre les environs de Port Vila.  Nous allons donc la jouer "touristes cools"  et visiter en descendant les îles de Maewo, Pentecost, Ambrym et quelques autres…

 


Maewo et le Yacht Club d'Asanvari.  

Sur les guides nautiques le mouillage d'Asanvari a bonne réputation. Ce serait le meilleur de Maewo, ce qui n'est pas rien car l'île n'en compte que très peu et ils seraient pour la plupart médiocres.  On lit que le chef Nelson, du village d'Asanvari, y aurait installé un petit yacht club très accueillant, pourrait faire préparer des repas traditionnels aux yachties et même leur organiser des spectacles de danses traditionnelles avec les hommes de la tribu.  Cap donc sur Asanvari. Comme il y a une possibilité de s'arrêter en route, nous parcourrons en deux étapes les quelques soixante milles qui nous séparent de Maewo; histoire de s'éviter une nuit en mer et les quarts de veille qui vont avec.  

En approche d'Asanvari, longeant sur une dizaine de milles la côte de Maewo nous sommes ravis par le paysage magnifique qui s'offre à nous. L'île est assez haute et ses pentes très abruptes descendent directement jusqu'à la mer, entièrement recouvertes d'une végétation luxuriante et sauvage entrecoupée de quelques grosses cascades. Une de ces chutes d'eau débouche même juste au dessus du mouillage que nous convoitons. On va pouvoir s'y doucher, laver le linge et même y remplir les bidons… Par les chaleurs qu'il fait, c'est une vraie bénédiction.

Aussitôt que le mouillage est assuré nous débarquons à terre, la bouche gourmande, pour présenter nos respects au chef Nelson (qui nous accueille dès la plage) et visiter le village. Eh bien nous ne sommes pas déçus…L'accueil du chef est tout à fait sympa.  Il nous fait  rapidement l'inventaire des promenades et choses intéressantes à voir dans le village et ses environs; des services qu'il peut nous offrir (dont le fameux spectacle de danse qu'il serait d'ailleurs possible d'organiser pour le soir même.); puis il nous confie aux soins de ses deux petites filles, pour que nous puissions visiter le village à notre aise. Dans les Maskelines nous avions déjà visité des villages qui nous avaient bien plu, mais celui ci est vraiment superbe: Toutes les cases et même l'église, sont confectionnées en matériau végétal et très intégrées à la végétation environnante. Entre elles circule une sorte de sentier qui fait office de rue, sur lequel nos guides nous emmènent et que nous aurions sans doute perdu si nous avions été seuls.  Sur un espace un peu plus dégagé se trouvent les trois cases qui abritent les classes de l'école où nous mesurons le décalage  qui existe avec nos standards européens d'équipement pédagogique. Nous avons raté de quelques jours l'exposition annuelle des travaux des élèves qui y ont aussi donné un spectacle. Dommage...

Le soir nous assisterons, en compagnie de deux couples d'américains qui partagent le mouillage avec nous, au spectacle de danse organisé avec les hommes du village. Plutôt sportive la danse traditionnelle. Les corps sveltes et  luisants de sueur des jeunes danseurs émeuvent fort nos compagnes et la fin du spectacle se corsera un peu quand ils prétendront convier les spectateurs à leurs ébats.  Nous nous y plierons de bonne grâce et nous reviendrons enchantés aux bateaux, dans la nuit noire.

Pentecôte, l'île du saut à l'élastique

Pentecôte tire évidemment son nom du fait qu'elle  a été aperçue pour la première fois par les européens (Bougainville) un dimanche de pentecôte… On l'aurait deviné!

Elle est située juste au sud de Maewo, dont elle n'est séparée que par un canal de 3 milles de large. Ces deux longues îles aux profils très semblables pourraient n'en faire qu'une, qui serait constituée d'une simple arête montagneuse de plus de 120 kilomètres de long, si cette dernière n'était interrompue par un affaissement qui constitue le canal qui les sépare.

C'est dans la partie sud de Pentecôte que se déroulent tous les ans, autour du mois de Mai, les cérémonies du Naghol qui sont devenues une célébrité touristique.  Pour cette raison, elles se sont multipliées, leur saison a été étendue et elles s'organisent maintenant dans des endroits facilement accessibles; mais notre passage ne se situe vraiment pas à la bonne saison et nous ne pourrons assister à aucune de ces démonstrations. Peut être en mai prochain aurons nous plus de chance si nous passons par là en quittant le pays.   Nous vous raconterons.

Aujourd'hui l'évènement de la journée c'est qu'en naviguant le long de Pentecôte nous avons capturé une jolie coryphène. Quand nous l'avons nettoyée nous en avons conservé la tête et toute la moitié avant, pour l'offrir au village devant lequel nous allons mouiller ce soir. Ce sera sûrement un cadeau apprécié car le gros poisson est plutôt rare dans les cases Ni-Vans… Même le petit d'ailleurs.  Les Ni-Vans ne sont pas des marins et leurs lourdes pirogues, creusées dans un tronc, ne sont pas faites pour s'aventurer en mer ni pêcher au large. Les pêcheurs locaux opèrent au filet ou à la ligne à main tout prêt du rivage où le poisson est plutôt rare. Nous en avons souvent vu revenir de leur séance de pêche avec une pauvre demi douzaine de petits poissons de corail au fond de la pirogue.

Sur Pentecôte, nous débarquons à Batnawni.  Le village n'est pas très visible derrière le rideau d'arbres qui borde la superbe plage au fond de la baie, mais nous même devons être très visibles depuis le village car le chef Alan nous accueille sur la plage dès que débarqués. Nous lui offrons le demi poisson que nous avons péché, qu'il accepte avec toute la réserve de rigueur pour ces occasions. Nous saurons qu'il a apprécié quand il nous invitera plus tard à venir petit déjeuner avec sa famille le lendemain matin.Avant de nous lâcher pour notre visite du village et des alentours, dûment  guidé par un de ses jeunes fils (une douzaine d'années), il nous amène chez lui pour un échange de vues sur la vie locale et sur notre voyage. Nous y dégusterons avec eux la papaye que la femme était en train de cuire à notre arrivée.  Saupoudrée de coco râpée,… délicieux… L'atmosphère est chaleureuse et nous nous sentons très à l'aise.

Le lendemain matin, le petit déjeuner sera copieux et très détendu. Nous apporterons le café et le thé dont ils ne disposent pas et nous dégusterons quelques plats d'œufs et de légumes locaux, ainsi que du poisson en boite qu'ils ont préparés pour l'occasion. Il est clair que ce repas est exceptionnel et est une sorte de fête pour les enfants qui le partagent avec nous. Avant de les quitter, nous  avons dévalisé la petite exposition de jolis objets tissés fabriqués par notre hôtesse, qu'elle  nous cède à des prix très raisonnables. 

Cette rencontre nous a beaucoup touchés et revoir ces gens sera sans doute le prétexte d'un nouvel arrêt dans ce village quand nous quitterons le pays. 

 

Ambrym, l'île du volcan et des sculpteurs. 

Avec celui de Tanna, le volcan d'Ambrym est réputé pour ses éruptions spectaculaires. On ne compte pas les récits de navigateurs émerveillés par le spectacle des éruptions nocturnes, vu du large. Il paraît qu'elles sont très fréquentes mais que le spectacle est rendu plus rare par les nuages qui se forment souvent plus bas que le sommet et qui le cachent au regard des spectateurs. Pour notre passage, vulcain n'a vraiment pas fait de frais car il n'y avait pas la moindre trace d'éruption à observer… Même pas cachée par les nuages…

Par contre nous avons pu découvrir quelques grands tam-tams éparpillés dans la brousse et, dans un village, un sculpteur en action à qui nous avons pu acheter une œuvre à notre échelle, qui orne maintenant le carré de Getaway.

La fréquentation touristique de l'île, pour cause de volcan et la vente de sculptures semblent procurer plus de revenus aux gens d'Ambrym qu'à leurs voisins: Alors que nous n'avons vu aucun moteur hors bord sur les pirogues des îles précédentes, ici nous en verrons une bonne demi douzaine sur des pirogues en plus ou moins bon état et à l'usage incertain, le long de 2 kilomètres de rivage. Avantage, progrès ??? Après les villages super ordonnés et très propres que nous avons visités dans les îles précédentes, ceux d'Ambrym nous ont paru un peu laissés à l'abandon. Les détritus jalonnent les bords des sentiers et les cases en mauvais état ne sont pas rares. Peu de soin semble être consacré à l'entretien et à la décoration.  Même les gens semblent un peu laissés à eux même. Il est clair que les chefs de village d'ici sont moins présents (Pesants ???) dans la vie de la communauté (D'ailleurs nous n'en verrons aucun).

Quelques nuits de mouillages et autant de petites journées de navigation plus tard, nous serons revenus  aux abords de Port Vila. Nous sommes mi Novembre et la proximité de l'abri nous rassurera un peu, au cas où un cyclone viendrait à passer par là.  

 Cent fois sur le chantier tu remettras ton bateau 

Début décembre, après quelques flâneries dans les baies alentours, l'observation de l'activité cyclonique dans la région des Salomons nous ramènera dans la rade de Port Vila où nous apprenons que le chantier doit fermer une dizaine de jours pour les fêtes à la fin du mois. Se pose alors la question: Sortir tout de suite ou bien attendre pour voir comment les choses évoluent? Dans l'intervalle, pressé par les billets d'avion du retour en Suisse,  Joran est déjà sorti.  Influence, mimétisme? Nous nous décidons pour la mise à terre immédiate et le 8 Décembre  Getaway est tiré au sec et arrimé sur son ber au chantier de Port Vila.

Nous nous mettons tout de suite au travail, avec un programme d'entretien et de petites améliorations qui devrait bien nous occuper huit a dix semaines. Nous irons faire un peu de tourisme terrestre quand nous aurons fini; le dessert à la fin du repas, quoi!!!Peinture du pont, révision du circuit électrique, réaménagement du système de pompes de  l'évier et des toilettes, modification des safrans pour tenter de modifier leur comportement qui nous avait si tant contrarié lors de la remontée depuis la Nouvelle Zélande...

Parallèlement au travail s'engage une lutte sans merci contre les moustiques ivres de sang frais, les hannetons Ni-Vans avides de peinture époxy… Et  la chaleur surtout…Moustiquaire géante par dessus le cockpit, chapeaux humides, douches régulières, travail très matinal contre sieste "post-prandiale"… On a tout essayé…

Comme nous avons bien compris alors, le rythme lent qui accompagne  toujours tous les mouvements des gens du cru!  Je peux vous dire que nous nous sommes vite mis au rythme des Ni-Vans… La traversée régulière du chantier en plein soleil pour rejoindre la douche à cinquante mètres du bateau, nous prenait presque autant de temps que la douche elle même…Nous avons passé les fêtes de fin d'année tous seuls sur le chantier, avec la seule visite quotidienne du gardien de nuit qui venait nous saluer quand il prenait ses fonctions.  La chaleur qui régnait à ce moment là, l'absence totale de vent et donc d'aération, le soleil dont aucun ombrage ne protégeait le bateau, une certaine solitude…  Nous n'avons pas un instant regretté ni déprimé mais nous nous sommes tout de même une fois posé cette question: "Parmi les gens qui lisent nos récits et rêvent de notre vie (il y en a quelques un, ils nous l'ont écrit…) combien sont ils ceux qui accepteraient de le payer par des séjours comme celui que nous vivons là ?"

Mais boaf,  les travaux ont avancé tout de même et vers la mi janvier on pouvait en programmer la fin…L'hiver français qui nous effrayait tant et nous faisait musarder ici en attendant le printemps là bas, ne nous apparaissait plus  si redoutable. Finalement c'est dès le début février que nous nous sommes envolés pour sortir du four...  Vacances programmées jusque début Mai. Trois mois d'éloignement de Getaway, ça ne nous était encore pas arrivé jusqu'alors…

Mais non, là, vraiment il faisait trop chaud…

Quand nous reviendrons, repus d'affection filiale, de bonne bouffe française et de fraicheurs nocturnes, il nous restera qu'à remettre Getaway à l'eau pour repartir vers les Iles Solomons. On vous racontera...