A
partir du moment où Getaway a été remis à l'eau début février, et jusqu'à
la fin de la saison à risque, fin mai, tous les matins à 8h locales Gérard
enregistre religieusement les cartes météo émises par les américains
depuis Honolulu.
On
a vu ainsi se former et passer pas mal de dépressions tropicales, dont
certaines sont devenues
des cyclones sur les Tonga et les Fidji, et des typhons sur l'hémisphère
nord. Le plus gros typhon de la saison, dans la région
des Philippines, générait des vents de plus 150 nœuds (300 km/h, quand même!
Ca déménage là-haut...). Il est resté quasi stationnaire pendant près
d'une semaine.
On
n'ose imaginer l'état de la mer durant un tel phénomène.
Pendant
tout ce temps et bien que nous naviguions sous cette menace, la conduite à
tenir en cas d'annonce de cyclone n'a toujours pas été fixée. Le skipper a
pourtant essayé de se faire une conviction en interviewant tous les
habitués, locaux ou non, possédant bateau, qui lui sont tombés sous la
main:
"Que
faire à l'annonce d'un cyclone"?
1
ère suggestion:
Partir
en mer, si on a un bon équipage, solide, costaud et tout. S'éloigner de la
côte et attendre que çà se passe.
Le
danger c'est la côte.
Notre
commentaire: Ca, c'est bien vrai!
Commentaire
d'un autre: Complètement fou! C'est aller droit au naufrage. On n'est
jamais assuré de résister à des vents de 200 kmh et à la mer qui va avec..
Nous:
"Bien bien. Si on ne sort pas, on se met donc à l'abri. Mais
où?"
2
ème suggestion:
Trouver
une place dans une marina.
L'ennui,
c'est que les marinas du coin sont déjà bien chargées et que si on s'y
pointe à l'annonce d'un cyclone, on n'a sans doute
aucune chance d'y trouver une place.
De
plus, dans une telle situation les bateaux on tendance à se grimper dessus,
et à tricoter furieusement de leurs mats !!! Alors où?
3
ème suggestion:
Le
fond de la baie de Haamene à Tahaa.
-
Comment tu vois le scénario?
-
C'est une vasière, tu es à l'abri du vent.
-
Et la mer?
-
Ah çà, évidemment, la mer levée par le vent, risque de passer la barrière
de corail; mais elle est "cassée" avant d'arriver au fond de la
baie...Au pire si elle y arrive, ton bateau est poussé au fond, au sec, dans
la vase..
-Ben
voyons! Il nous suffit alors d'apprendre à "barrer" entre les
cocotiers...
4
ème réponse
Le
lagon de Bora Bora, sous le motu de l'aéroport. Y a pas mieux !
-
Ah bon pourquoi?
-
Parce qu'on y trouve de grandes étendues de sable avec 3 à 6 mètres d'eau,
protégées du large par des motus. La houle ne peut donc pas être très
forte, et les ancres tiennent.
-
Ah oui, mais le vent?
-
Ah ben oui le vent souffle fort c'est sûr, c'est pas marrant; mais tout ce
que tu risques c'est qu'il balaie tout ce qui dépasse sur le pont. Il faut
démonter tout ce qui peut l'être... et aller se réfugier à terre.
-
Et prier?
-
Éventuellement, le pari de Pascal est facultatif !
Car
il y a la question subsidiaire:
Doit
on rester à bord où débarquer au chaud à l'hôtel?
Réponse
unanime: débarquer et abandonner le bébé avec l'eau du bain...
Évidemment
que faire à bord quand tout est balayé (y compris vous même) sur le pont:
RIEN. Alors autant ne pas rester exposés au danger.
5
ème et dernière solution:
Ressortir
le bateau au sec, sur un chantier. Encore faut-il avoir une place sur le
chantier...Et qu'elle soit bien abritée des vents dominants... Difficile,
car les vents cycloniques tournent et peuvent venir de toutes les directions.
On
a connu un français, aux Gambier, qui avait laissé son bateau, au chantier
de Raïatea en 1998, et l'a trouvé couché sur le flanc et sur ses voisins,
à son retour.
Malédiction!!!!
C'est
donc en pleine connaissance de cause que nous avons remis le bateau à l'eau
le 1er février...
La
suite de la saison nous a donné raison et nous n'avons pas été amenés à
choisir entre
toutes ces alternatives. Nous espérons ne pas avoir à nous poser une
nouvelle fois la question la saison prochaine, car celle ci est annoncée
comme une année Niño et la providence pourrait cette fois ne pas être aussi
clémente...
Nous
devrions être alors en Nouvelle Zélande, le pays que les cyclones du
Pacifique ne connaissent pas encore...
Grandeurs et Servitudes du mouillage sur son
ancre.
Vous
vous demandez sûrement (mais oui, je l'entends d'ici) pourquoi on court
ainsi, de coffre en coffre, autour de ces iles?
Eh
bien le lagon de Raiatea - Tahaa a tout de même un inconvénient:
il est profond et n'offre que très peu de mouillages sur
une hauteur d'eau convenable.
Pour
plusieurs raisons, on essaye généralement de trouver un mouillage par 6
mètres d'eau plutôt que par 18, mais il vaut mieux se dire tout de suite qu'
ici on mouillera plus souvent par 18 voire 30 mètres que par 3.
Alors,
soit on est jeune, entraîné, sportif et on peut faire admirer ses muscles à
l'avant, sans guindeau; soit on est fainéant comme nous, et on utilise un
guindeau électrique.
La
sécurité invite aussi à plonger pour aller vérifier son ancre dès qu'elle
est mouillée. Cela permet de voir:
-
Qu'elle est bien dans du sable, et non posée sur une plaque de corail
-
Que la chaîne ne fait pas des jolis 8 autour des patates. Car si le vent se
lève ensuite, la chaîne tirant et frottant le corail coupant, risque de ne
pas apprécier le traitement. (Le corail non plus d'ailleurs, que l'on est
tenu de respecter).
Il
est clair que même si l'eau l'est aussi, il n'est pas facile de mener à bien
ces formalités par plus de 10 mètres de fond. Mais enfin, au prix
d'émotions du capitaine et de vérifications nocturnes du mouillage quand le
vent se lève, on peut séjourner en sécurité sous le vent des motus.
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