Merida , la plus ancienne
université vénézuélienne
Après les péripéties d'un voyage
finalement assez rapide, nous arrivons tous les six à Mérida
le 28 décembre à 10 heures. Nous y trouvons assez vite 3
chambres à l'hôtel Italia. Assez fruste mais correct, c'est
un des moins chers du guide. Avant midi, nous y laissons nos sacs et partons
à la découverte de la ville.
Mérida compte 240 000 habitants, est située
à 1620 mètres d'altitude et est réputée froide
avec ses 19°C en moyenne. Elle abrite une grande université
depuis 1785.
Le Venezuela est un pays de race "mélangée" comme on dit. 70% de la population est un mélange d'européen,
d'indien et d'africain, 21% est blanc, 9% noir ou indien purs. Autant dans
l'Est on sent l'influence africaine dans le "mélange", autant
ici à l'Ouest, on sent l'influence indienne. Ethniquement, la population
d'ici est plus proche des colombiens que des vénézuéliens
de l'Est.
La ville est vivante et plutôt mieux entretenue
que celles que nous avons vues jusqu'ici. Elle respire plus la culture
aussi (au sens européen du terme). On y rencontre plusieurs théâtres
et pas mal d'affiches annonçant des concerts, des spectacles et
des expositions.
Mais ne rêvons pas, dans cette ville universitaire,
rechercher un ouvrage et donc une librairie "comme chez nous" est un
parcours difficile. Nous en dénicherons deux. Fermées toutes
les deux, le même jour. Une pour cause d'inventaire. L'autre ?? La
troisième est ouverte. Son éventaire paraît digne d'une
ville française de 10 000 habitants.
Par hasard, nous rencontrerons Edgar (en faisant du stop).
Il est ethnologue et professeur à l'université de Caracas.
Il doit à un long séjour en France où il a fait ses
études supérieures, la maîtrise d'un excellent français.
Il nous confirmera que Mérida et Caracas représentent les
deux pôles intellectuels du Venezuela. Il nous dira que les vénézuéliens
ne lisent rien ou très peu, à part le journal local et ne
se cultivent pas. Le système éducatif en serait responsable
et cet état de chose serait de volonté délibérée.
Tout cela le fâche beaucoup. Il fait actuellement une étude
sur "la relation culture/éducation et pauvreté". Il confirmera
ce dont nous nous doutions un peu depuis le Brésil: « Moins
ou plus mal tu éduques, mieux tu tiens ta population sous ta coupe,
moins tu as de réactions ». Edgar va plus loin (Qu'il nous
excuse de tenter de résumer ainsi sa pensée et son discours):
"La pauvreté n'est pas un manque de pain. C'est un manque délibéré
d'éducation.". Tout le monde vous le dit ici: « Le Vénézuéla
est un pays très riche » .
Mais où nous ne sommes pas venus de si loin
pour nous amuser.
Revenons à notre groupe et à ses projets,
en ce 28 décembre 1999 :
-
trouver un lieu sympa pour passer le "réveillon"
-
faire de la montagne
-
s'appuyer sur une agence de tourisme sans se laisser embarquer
dans un tour "tout compris", contraignant et cher.
-
prendre le téléférico le plus haut et
le plus long (12,7 Km) du monde (comme disent les guides locaux. Et c'est
vrai en plus), construit par des Français en 1958.
Si on se résout à quitter le niveau de la mer,
c'est pour grimper le plus haut possible, n'est ce pas. Pico Espejo: 4765
mètres. 3188 mètres de dénivelé depuis Mérida
en 4 étapes.
Renseignements pris:
-
Le téléférico fonctionne plutôt
régulièrement en ce moment.(Ce n'est pas nécessairement
son état habituel). Mais en cette période de fêtes,
il convient de prendre billets et réservations la veille et de se
présenter pour faire la queue le plus tôt possible le matin.
Et aussi, il est fermé le 1er janvier.
-
Une réceptionniste d'agence de tourisme nous confirme
que Los Nevados est un endroit intéressant pour passer le jour de
l'an, qu'on y trouvera de quoi se loger et que le parcours d'accès
est un peu long (5 heures) mais plutôt facile avec un profil de descente
en pente douce.
-
Une visite de l'Est des Llanos en Jeep s'organise assez économiquement
depuis Mérida en 4 jours dont deux de voyage.
Notre programme se construit alors très vite
29/12 - Achats de tickets pour le téléférico
et pour un tour dans les Llanos; puis excursion en autobus jusqu'à
Mucuchies où ce jour là se fête la San Benito.
30/12 - Montée au téléférico
et marche jusqu'à Los Nevados.
31/12 - Repos et réveillon "Andin"
1/1 - Récupération physique.
2/1 - Retour à Mérida en Jeep, ou par le
téléférico qu'il faudra rejoindre à pied ou
à dos de mulet. On verra.
3/1 au 6/1 - Expédition dans les Llanos.
On peut ainsi espérer retrouver nos bateaux abandonnés,
autour du 7/8 janvier 2000.
Notre premier contact avec les
Andes de plus de 3000 mètres.
Mucuchies et la fête de San Benito.
Après avoir pris toutes ces dispositions, on se retrouve
vers 11 heures au Terminal de Pasajeiros de Mérida. Nous y cherchons
un bus pour Mucuchies. Ce village nous a été présenté
comme très typique des villages andins et il s'y déroule
en ce moment une fête très curieuse, célébrée
en l'honneur de San Benito.
San Benito est le seul Saint noir du Venezuela. C'est
un italien, fils d'esclave, pasteur et agriculteur. Qui n'a jamais mis
les pieds hors d'Italie. Il a été importé avec les
autres Saints et croyances catholiques par les premiers colonisateurs.
Sa condition de noir libre le fit adopter par les esclaves des plantations
qui furent autorisés à le célébrer. Cette célébration
se déroule actuellement d'octobre à janvier dans plusieurs
villages successivement.
Cette pratique de célébration à
répétition d'un même Saint est assez curieuse. Nous
l'avons rencontrée aux Canaries avec la "Virgen del Carmen", au Brésil avec "Iemanja", sur la côte d'ici avec la "Virgen del Valle" et maintenant avec "San Benito".
Nous arrivons à Mucuchies vers quinze heures.
Situé à près de 3000 mètres, le village est
envahi de jeunes hommes et femmes. Tous sont revêtus de costumes
noirs et rouges et ont le visage noirci. Ils défilent par groupes
en chantant et dansant. Tout autour, de jeunes hommes armés de fusils
tirent en permanence des charges de poudre. C'est proprement assourdissant.
C'est la liesse générale, l'aguardiente coule à flot
ans les arrières salles. Il semble que la fête se déroule
sans interruption depuis huit heures ce matin. Il est seize heures et la
nuit semble encore loin.
C'est en faisant du stop pour arriver jusque là
que nous rencontrons Edgar. (Merci à Françoise d'avoir levé
le pouce). Nous bavarderons une petite heure avec lui, sur le Venezuela
et les vénézuéliens. Cette rencontre renforcera notre
impression positive sur ce peuple et ce pays.
Los Nevados, c'est haut et
c'est loin.
Le 30 décembre nous voit dès 7 heures à
l'entrée du téléférico. Sac au dos, chaussettes
et polaires à poste.
En faisant la queue, on petit déjeune de café
acheté dans la rue et de pleines poignées de pain sucré.
Et puis nous voici dans la benne. Le spectacle est magnifique
et assez étrange: jusque très haut, vers 3000 mètres,
les pentes sont couvertes de végétation très dense,
d'allure tropicale. Plus haut on trouve des paysages "d'alpage" mais
quasiment pas de neige. Juste là haut, sur le pic Bolívar
à quasiment 5000 mètres un "petit" glacier et quelques
névés. Pour nous l'air se fait progressivement plus frais
et l'oxygène plus rare. Sur le trajet on change de benne trois fois,
avec à chaque fois un bon quart d'heure d'attente. Ca aide à
l'adaptation.
Au troisième arrêt, à Loma Redonda,
(4045 mètres) Gérard et Anyvonne arrêtent leur ascension
au niveau des "alpages" et entament le trajet vers Los Nevados après
une bonne soupe à l'oignon bien reconstituante. Les autres continuent
jusqu'au Pico Espejo.
Nous attaquons donc bravement la petite ascension qui
nous amènera jusqu'à "Alto de la Cruz", petit col situé
à 100 mètres au dessus de nous et qui nous donnera accès
à la "descente" sur Los Nevados. Le guide Arthaud parle d'une
descente en pente douce pour une marche de 4 à 5 heures. En fait,
le village de Los Nevados se trouve à 2765 mètres et comme
on trouvera sur le chemin des remontées pour deux à
trois bonnes centaines de mètres, tout ca fait en gros 1600 mètres
de dénivelé à descendre. Et dans un sentier raviné
par les mules qui y défilent tous les jours sous les fesses des
touristes. Je ne sais si les gens du guide l'on déjà pratiqué,
mais ce trajet nous apparaîtra comme une longue descente assez raide,
dans des éboulis assez éprouvants pour les pieds mal chaussés.
Et durant 5 à 6 heures.
Mais le paysage qui nous entoure est grandiose. Les sommets
et les vallées se croisent et se succèdent comme des décors
de théâtre. Les pentes sont fleuries et les sources se succèdent
régulièrement. On croisera quelques vaches placides mais
très peu de touristes (Quatre en cinq heures et demie).
Nous arrivons au village vers quinze heures, jambes tétanisées
et orteils en bouillie. (Les marches sur le bateau ne constituent pas un
entraînement suffisant, sûrement) Mais aussi souffle coupé
par la beauté du paysage. Nous sommes perchés sur le flanc
d'une vallée immense. Profonde de quatre à cinq cent mètres,
mais large aussi.
Des sommets nous entourent à une altitude de quatre
à cinq mille mètres. Impressionnant.
Enfin nous nous laisserons impressionner demain. Pour
l'heure, nous nous dirigeons tout droit vers la poussada "Bella Vista" qu'on nous a signalée comme la meilleure et la mieux tenue. Nous
y retenons trois chambres et constatons que nous y sommes actuellement
les seuls clients. Les touristes ne paraissent pas légions dans
le village en ce moment.
Et puis nous attendons nos compatriotes qui sont partis
sur le chemin une bonne heure après nous. Ils nous arrivent dans
le désordre: les deux femmes d'abord, très surprises que
leurs mecs ne soient pas encore là, et enfin lesdits mecs quelques
quinze minutes plus tard. Explication: les hommes marchaient devant et
à la seule bifurcation du chemin, il ont continué à
gauche sans voir le petit panneau qui indiquait le village à droite.
François en a gardé le surnom de "Tourne à gauche" que lui a attribué Françoise. Bref tout le monde est arrivé
et bien content d'être là.
Ils nous racontent la montée au Pico Espejo. L'oxygène
était rare et ça a été dur pour le souffle.
Les quelques cent mètres qui séparent le téléférico
du "belvédère" ont été plutôt difficiles
à couvrir. Des jeunes filles en ont eu des vapeurs et ont du être
redescendues. Une histoire à couper le souffle quoi!
Et maintenant, repos réparateur en vue de la fête
de demain.
Une perspective de fin de
siècle.
Le 31 décembre, petites marches pour certains et
repos pour tout le monde, en alternance sur la terrasse de la pousada.
Vue imprenable et toujours impressionnante sur la vallée. Silence
et calme garantis.
Renseignements pris sur les rites locaux, nous apprenons
que le repas de réveillon n'a aucune importance. Il a lieu comme
d'habitude vers 19 heures, sans agapes ni alcool. Têtes de nos hommes
: un réveillon sans alcool! En fait, après enquête
et avec l'aide de Luis, un jeune Vénézuélien rencontré
dans le village, (il se révélera être notre guide pour
l'expédition dans les Llanos, mais nous ne le savons pas encore)
nous pourrons nous procurer une bouteille de rhum local, ainsi que du coca.
La fête commencera donc sous les meilleures
auspices: Au "Cuba Libre" à défaut de Cuba tout court.
Attablés tous les six sur notre terrasse, dès
dix huit heures, nous entamons le rhum coca accompagné de fonds
de paquets de chips et autres reliefs de casse croûte des sacs à
dos. Anyvonne sort "les langues de belle mère" ramenées
de France pour l'occasion et on s'éclate comme des fous. On invite
à se joindre à nous les deux autres seuls gringos de la pousada:
Debbie et Pete, deux jeunes citoyens britanniques. Ils sont arrivés
cet après midi, par le même chemin que nous. Ils sont un peu
cassés, mais on va vite les retaper au rhum coca et à la
langue de belle mère.
A dix neuf heures, le rhum est épuisé et
nous nous rabattons sur le repas: Soupe, poulet et bière (à
volonté). A vingt heures nous nous rendons dans une autre pousada
où Luis nous a invités pour une deuxième bouteille
de rhum. Les esprits s'échauffent et on commence à avoir
quelques éclaircissements sur le déroulement de la fête:
C'est plus précisément la fête de
l'adieu à la vieille année (l'Ano Viejo). A partir
de la ferme la plus éloignée du village, l' "ano viejo"
parcourt sur son âne toutes les maisons du village. Il est accompagné
d'un groupe de musiciens (2 Violons et 2 guitares) et suivi en procession
par une partie de la population. Cette vieille année 1999 est personnifiée
par un jeune homme déguisé en vieillard, avec de vieux habits
et une longue perruque mitée. Il descend de son âne et entre
dans chaque maison qui lui ouvre sa porte. (Nous ne comprendrons pas pourquoi
quelques rares maisons refusent sa venue).
Nous, nous attendons qu'il arrive, au centre du village,
assis sur un mur devant le Pub-Epicerie-Mercearia . Nous buvons de la bière,
chantons, dansons et papotons avec les habitants du village (On constitue
pour eux une aubaine d'exotisme). Certains nous parlent, d'autres draguent
carrément. Anne-Marie fait un malheur avec Emilio (70 ans, à
vue de nez). Pompette toute la soirée, il se tiendra très
droit jusqu'à la fin et nous suivra jusqu'au bout de la nuit. A
son passage, nous emboîtons le pas de l'Ano Viejo qui est accompagné
d'une foule de plus en plus importante. La procession aboutira, toutes
maisons visitées, sur la petite place pavée en face de l'église.
Il est alors environ 23 heures. Les musiciens continuent
de jouer avec ardeur et tout le village se met à danser. Jeunes
et vieux s'y mettent, les couples s'échangent en permanence. Tout
le monde se serre sur le trottoir devant l'église, c'est le seul
espace plat et à peu près dansable. Le reste est soit pentu
à 30% soit revêtu d'énormes pavés sur lesquels
on se tord les pieds. Nos femmes sont régulièrement invitées
et Emilio est toujours vaillant.
A 23 heures 30, l'église ouvre sa porte. Quelques
villageois vont s'y asseoir et participent à une sorte de prière.
Anyvonne aussi. C'est assez curieux, la partie vocale du prêtre de
la cérémonie semble être enregistrée sur une
bande magnétique. Les seuls éléments in vivo sont
les respons des villageois. Et pendant ce temps devant la porte ouverte,
les autres villageois continuent de danser, au son de la musique profane.
Autre détail étonnant: Dans la crèche
établie dans l'église, l'enfant Jésus est représenté
par un très gros baigneur dont la taille est complètement
disproportionnée avec celle des autres personnages. Plus tard nous
aurons l'explication de cette bizarrerie: Selon un rite local, dans la
nuit du 25 le nouveau né est enlevé de la crèche et
caché dans une maison du village. La journée du 25,
tout le village partira à sa recherche de maison en maison
et le ramènera dans la crèche aussitôt retrouvé.
Voilà, ma fois, une façon sympathique de rendre visite à
ses voisins une ou deux fois par an.
La prière se termine peu avant minuit et permet
ainsi à tout le monde de se retrouver sur la place.
0 heures 00...
Effusions et embrassades générales. Bisous
par ci, bisous par là. Feliz Ano Nuevo.
Et l'Ano Viejo, que devient il ? Le rite voulait que
soit brûlée l'effigie en paille et vieux habits qui est appuyée
à l'eucalyptus de la place et a remplacé le vrai qui défilait
sur son âne. Il n'en est plus rien. Ca ne se fait plus. L'effigie
resservira en 2000 Dommage.
Quelques danses et quelques bières encore. Puis
nous irons dormir.Emilio, lui, continuera.
Et ça vous fait quoi
d'habiter l'an 2000 ?
La journée du premier avait été prévue
réparatrice. Elle le fût : somnolence et discussion. Il faut
dire que les foies sont en bon état.
Nous découvrons nos nouveaux amis, Debbie et Pete.
Sympathiques et ouverts. Et puis Debbie parle un français "qu'on
lui demande de quel coin de France qu'elle arrive" quand on la rencontre
(En fait elle est traductrice). Ce sont les premiers voyageurs anglais
que nous rencontrons qui, n'habitant pas en France, parlent le français
(elle) et l'espagnol (les deux). Et ça, c'est rare et bien pratique
pour des anglais.
Au milieu de la trentaine, ils ont manifestement beaucoup
voyagé. Quelques allusions aux Indes, à l'extrême orient,
à leur mariage au Costa Rica (après s'être fait soulager
de leurs sacs, de leurs papiers et de leurs alliances). Actuellement, ils
sont partis sac au dos pour une année sabbatique et envisagent un
périple en Amérique du sud, avant de rejoindre la Nouvelle
Zélande et l'Australie (Quand même, l'espagnol est plus facile
à parler là bas).
Dans l'immédiat, ils vont rejoindre l'Equateur
par avion. La traversée de la Colombie en bus est déconseillée.
(Nos conversation vénézuéliennes nous font toucher
du doigt que la Colombie est en guerre civile depuis plus de 30 ans. Que
deux tiers du territoire sont sous contrôle de la guérilla
et qu'actuellement cette dernière fait cause commune avec les narco-trafiquants.
Pauvres Colombiens).
Ensuite, ils continueront le long des Andes vers le Chili
puis le Brésil. C'est assez rigolo, nous nous envions réciproquement
nos programmes.
En parlant de Programme. Il nous faut mettre au point
notre descente sur Mérida. Au bout dix minutes de discussion, nous
sommes organisés: François remonte au téléphérique
à pied. (C'est le sportif du groupe, à nous qu'on en a un).
Francis et Anne Marie coupent la poire en deux: Ils prendront le même
chemin, mais à dos de mulets. Les cinq derniers rentrent en Jeep,
par la piste qui descend vers Mérida.
Mérida ou le salaire
de la peur.
Pour notre retour, nous croyions avoir fait le choix
"pépère".
« Il n'en est rien. On s'est vite pris à
regretter les mules. Peut être même la marche »
« Non quand même dit Anyvonne, qui marche
en chaussettes depuis trois jours »
La piste, étroite et défoncée, est
creusée dans le flanc quasi vertical de la montagne , à quelques
300 mètres au dessus du fond de la vallée. Deux heures trente
de spectacle superbe et effrayant secouent les tripes et nouent les estomacs.
Le passage des épingles à cheveux se fait en deux manoeuvres.
1er arrêt le nez de la Jeep au dessus du vide, on recule un peu,
on braque les roues et ca repart. Au bord du précipice il n'y a
pas trace de parapet. On y trouve seulement, de place en place, quelques
croix et ex-votos. Pour se souvenir des gens qui sont mort là en
dévalant la pente. Des éboulis et autres écroulements
consécutifs aux pluies diluviennes creusent et encombrent la piste.
L'anxiété gagne Gérard. Françoise
paraît sereine, qui a décidé de se la faire courageux
et s'est installée à l'avant, à côté
du chauffeur: En direct live sur les précipices. Une famille ethnique
qui voyage avec nous est aussi placide que si nous étions dans le
T.G.V.
Mais nous passerons.
Après cette épreuve, la dernière
heure du parcours se fera dans des conditions normales, sur une route goudronnée
par endroits. Nous mettrons donc 4 heures pour rallier Mérida sains
et saufs.
Vive l'aventure.
Pour nous remettre des émotions de certains et
des efforts des autres, nous passerons la soirée dans un bon restau
Intello-Chébran-E.Maillisé-Cyber.Chicos. L'"Abadia".
Il est installé dans un ancien monastère. Même que
les serveurs sont déguisés en moines. Gérard préférerait
des Bunnies, mais enfin on y mange bien et le patron Guatémaltèque
parle français. Alors.
Nous faisons là des adieux émus à
nos jeunes amis anglais et échangeons nos adresses E-mail. "Bye
bye Debbie and Peter. Good luck. And let's keep in touch"
Excursion
aux LLanos.
Les Llanos ou la plongée vers les plaines
Dès l'aube de ce mardi 4 janvier, nous arrimons nos
sacs à dos sur le toit d'une superbe Jeep, sous une pluie battante.
Puis nous quittons Mérida dans des rues qui commencent à
ressembler à de petits torrents. (Nous apprendrons une semaine plus
tard que ce même mardi l'aéroport de Mérida sera inondé
et fermé et que certains quartiers de la ville baigneront dans un
mètre d'eau.)
Mais pour nous, c'est fini. Nous descendons vers les
plaines et passé le col de Paramo de Mucuchies à 4000 mètres
il n'y a plus trace de pluie.
Les Llanos sont des plaines qui occupent un tiers du
Venezuela entre les Andes et le delta de l'Orénoque, au Sud de la
cordillère côtière. Sillonnées par l'Orénoque
et ses nombreux affluents, elles sont très largement inondées
pendant la saison des pluies. La poussière y règne pendant
la saison sèche, c'est à dire maintenant. Elles sont occupées
par d'immenses domaines d'élevage (surtout de zébus) et très
peu cultivées. Seules quelques pistes y sont tracées pour
desservir les fermes. Quelques domaines (on dit ici Hatos) ont étendu
leur activité vers le tourisme. Ainsi, ils se sont mis à
se préoccuper d'écologie et de préservation de la
faune. Cela fait que dans cette région, les mesures de protection
sont aussi draconiennes que dans les parcs nationaux... Chasse interdite,
repeuplement, etc... La vie animale y est très abondante. On y dénombre
plus de 350 espèces d'oiseaux et une cinquantaine de types de mammifères.
Il ne faut pas oublier des milliers d'insectes, de reptiles et de poissons.
Pour nous, le voyage durera toute la journée jusqu'à
"Yopito's camp.". En fait, c'est l'annexe à hamacs d'une vraie
ferme de taille raisonnable.
Elle ne compte qu'environ 800 têtes
de bétail. Nous y arrivons en fin d'après midi (le boyau
en capilotade, vu l'état de la piste) et sommes immédiatement
plongés au milieu d'une horde d'animaux domestiques. Des dindons,
un énorme taureau tout blanc, des perroquets bleu, vert et rouge,
des chiens, des chats, des capybaras et j'en passe. Tous en semi liberté
vivent en bonne intelligence et nous snobent ostensiblement. Les douches
sont froides et succinctes, brutes de décoffrage. Le carbet rond
qui protège les hamacs est aussi habité par une colonie de
chauve souris. La vraie nature quoi!
Françoise, que la vue du taureau
n'avait pas troublée, non plus que la rencontre sur la route d'un
anaconda de 4 mètres ( Si si, on a même une photo de lui,
et nous avec. Comme des vrais touristes...); Françoise donc, nous
lâche lâchement pour cause de chauve-souris et abandonne le
carbet à hamacs pour dormir sur la banquette de la Jeep. Anyvonne,
morte de trouille à l'idée que ça puisse être
des vampires, joue la courageuse et reste mais n'en pense pas moins.
Dans le carbet, on amarre sacs et chaussures en hauteur
(pour éviter scorpions et serpents éventuels)et on s'installe
pour dormir. Enfin pour essayer. On tourne. On re-tourne. On cherche sa
place dans ces P... de hamacs. En long??? en diagonale??? Et ca finit par
venir. Les ronfleurs se font entendre. Et le lendemain matin, miracle:
personne n'a mal au dos.
Chasse, pêche et promenade, dans Wild Life Park.
Petit déjeuner royal et c'est parti.
En Jeep jusqu'à un point d'embarquement où
nous prendrons une pirogue pour remonter une rivière.
C'est l'émerveillement permanent.
Au bord des plans d'eau: des hérons; des ibis
blancs, noirs; des cigognes (Si si.. Et c'est vrai que la plaine ici rappelle
un peu les bords du Rhin entre Strasbourg et Mulhouse..); des corocoros
et plein d'inconnus. Partout. Par centaines. Des rapaces aussi, presqu'aussi
nombreux et divers. Des nuages d'oiseaux sur la prairie, piquetés
des taches rouge écarlates des "Scarlett Ibis".
On s'arrête de temps en temps près de l'eau
et on voit alors les troncs échoués sur les bords qui se
mettent en mouvement l'un après l'autre et glissent vers l'eau,
ne laissant plus émerger que leurs yeux de caïman.
Nous sommes en saison sèche et l'eau est plus
rare. Les animaux sont donc concentrés autour des points d'eau.
En saison des pluies, les fleuves débordent, l'eau est partout et
les animaux aussi.
Le long de la rivière, en plus de tout cela, nous
verrons plein de tortues et même des dauphins d'eau douce, qui comme
leurs compères marins viennent batifoler autour de la pirogue. Ils
sont un peu plus réservés tout de même.
Séance de pêche
L'après midi, après la sieste, on nous
a organisé un partie de pêche au bord de la Marne Il nous
manque juste les canotiers. Et puis ici on pêche sans canne, avec
juste un hameçon au bout d'un fil, mais avec de la viande dessus...
Et on attrape des Piranhas. (Taille moyenne 20 à 25 centimètres).
La technique est sommaire mais subtile. Avec force moulinets
du bas de ligne, on jette, le plus loin possible son hameçon, lesté
par le poids de l'appât. Les touches sont immédiates, mais
le poisson déguste du bout des lèvres et il ne faut surtout
pas ferrer trop vite. (D'ailleurs, souvent, l'hameçon revient vide)
Au contraire, il faut attendre qu'un poisson morde vraiment et emmène
l'appât. Quand cela se produit on ramène la ligne à
toute vitesse à terre. En courant. Il est interdit de tomber dans
la rivière, sinon on a le choix entre Piranhas, Caïmans ou
Anacondas. Ou les trois. Quand on a réussi à ramener le poisson
sur l'herbe sans qu'il se soit décroché, on l'assomme en
le frappant violemment par terre avant de le détacher de l'hameçon
et de l'enfiler par la bouche et les ouïes sur un bâton avec
ses congénères.
C'est très décoratif.
En une bonne heure, on capturera ainsi une quarantaine
de Piranhas. Plus Anne Marie qui se distinguera en attrapant un gros poisson
inconnu de quelques 4 à 5 kilos. Le soir, nous mangerons notre pêche
cuite à la poêle. C'est plutôt bon mais c'est très
maigre, avec peu à manger sur chaque.
Le lendemain matin, nous parcourrons les points d'eaux
pour tenter d'attraper un caïman. (Pour la photo?). Pour ce faire,
un spécialiste llanero nous accompagne. Il est équipé
d'un énorme hameçon au bout d'une longue ficelle. La technique
consiste à jeter l'hameçon par le travers et le dessus du
dos d'un caïman dont on ne voit le plus souvent que les yeux, et à
le ramener rapidement, en espérant qu'il croche l'animal par le
flanc. Simple. Mais pas efficace.
Gérard pense sombrement: "Avec la tronche de
son hameçon, il ne doit pas en ramener souvent. C'est comme de jouer
à pile ou face en espérant que la pièce tombe sur
la tranche"
Il leur conseille d'utiliser un hameçon à
triple pointe; ca laisserait sans doute plus de chances.
Réponse: « Si senhor, pero no hay
»".
Alors on fait avec. Ou plutôt on ne fait pas. Car
à la fin de la matinée, Tartarin rentrera bredouille.
En passant près d'une ferme, on nous interpelle
pour nous montrer une capture de la veille: Dans une malle qu'on ouvre
avec précaution se trouve un énorme anaconda. Plusieurs hommes
s'activent pour le sortir de sa prison. Long de près de 8 mètres,
il pèse environ 130 kg. Les plus gros mesurent jusqu'à 12
mètres, mais celui là est déjà vraiment
très impressionnant. C'est un de ceux qui pourraient manger un homme.
Evidemment les touristes poseront autour du monstre. (photo de couverture).
C'est donc plutôt heureux de cette tournée
des points d'eau que nous reviendrons, sans crocodile mais avec plein de
photos.
L'après midi, nous terminerons le séjour
par une séquence émotion forte. Surtout pour Anyvonne, qui
pour la première fois de sa vie va monter un cheval. (Enfin monter
sur un cheval). Elle a déjà tâté du dromadaire,
de l'éléphant, de la mule. Mais jamais de cheval! On a les
coquetteries qu'on peut. Enfin, foin de la trouille, on y va et ca se passera
bien. Les cavaliers du groupe auront le droit de galoper dans la prairie.
Comme des vrais cow boys, dis. Les autres exploreront au pas, "tranquilo".
Nous apercevrons ainsi quelques troupeaux de "Capybaras".
Ce sont des sortes de gros rongeurs dont les adultes peuvent peser jusqu'à
60 kg. Gérard qui est allé déambuler un peu à
l'écart énonce sentencieusement:
« Cette région est à parcourir
à cheval. On approche beaucoup mieux les oiseaux et les autres animaux.
Une virée de quelques jours doit être magique ».
Pour ceux qui connaissent, on fait sans cesse référence
à la Camargue. Mais alors en très très grand.
Le lendemain matin vendredi 7, nous entamons le trajet
de retour aux bateaux. Dès 7 heures. En Jeep d'abord, jusqu'au plus
proche arrêt de bus, à deux heures de route. Puis en bus jusqu'à
Getaway, à Cumana. Nous vivrons encore ce retour comme une aventure,
mais nous arriverons bravement au bateau dès samedi vers 3 heures
du matin.
Les bus vénézuéliens n'ont plus
de secrets pour nous. |