LA GAZETTE DE L'A.R.B
Anyvonne Restaurant Bar
 
Lanzarote (Canaries) - Le journal de bord
N°3 - Août 1998

 
LA TRAVERSÉE
Nous quittons Madère le samedi 27 juin 1998 à midi. L'arrivée aux Canaries est prévue lundi 29 juin à midi. La traversée va se faire avec un peu de vent de sud-est, alors que la météo annonçait du nord-est 4-5 !. Le lundi, on est encore loin quand le vent s'installe enfin au nord-est. Il forcit dans la nuit du lundi au mardi. On arrive donc en vue de Isla Graciosa à 2 heures du matin le mardi. Ce qui veut dire qu'on a été trop vite ou pas assez. L'île n'ayant pas de phare, on est obligés de patienter en attendant que le jour se lève. On met à la cape : c'est une allure qui réduit beaucoup la vitesse du bateau et le maintient travers aux vagues, en le laissant dériver. En l'occurrence, la cape nous fait dériver vers l'ouest. Gérard, mal fichu, essaie de dormir un peu. Je prends le quart et mets le minuteur à sonner toutes les demi-heures, et m'endors ferme entre chaque sonnerie, semi allongée sur la banquette centrale face à la descente.
A 7 heures, Gérard se lève et moi je m'endors. A 8 heures le mardi 30 juin on se fait l'arrivée au moteur au sud de Graciosa sur la « Playa Francesca », petite crique de rêve dans un paysage lunaire, comme ils disent dans les guides. On mouille, et en reculant on se prend un gros filet de pêche rempli d'anatifes* dans la dérive. On l'a vu à temps pour ne pas se le prendre dans l'hélice...Ouf !...rangement et repos.
*Les anatifes sont des crustacés marins qui se fixent par un long pédoncule sur tous les objets marins flottants...dont la coque éventuellement...dans ce cas, il n'y a plus qu'à gratter hardiment !
 
ISLA GRACIOSA
C'est une île de 6 km de long par 3 km de large, plate et sableuse, au pied de quatre cônes volcaniques. Pas de route bitumée. Petite population de pêcheurs. Nous y faisons une promenade vespérale et pensons irrésistiblement à l'île d'Hoedic (56). Même ambiance, petites maisons blanches ou en roche volcanique. Le port est encombré de façon assez anarchique, mais sympa. Au bord de la plage, à côté du port, quelques « campeurs sauvages » visiblement autorisés. Il y a des douches municipales pas loin. (élément notable car ce sera la seule île des Canaries où nous verrons ça !).
Si les jeunes gens qui me lisent veulent se faire un trip genre retour à la nature, un peu peace & love Zen...je leur conseille cette île. Il faut prendre un vol pour Lanzarote, puis le bateau, à Arrecife, pour Graciosa. Calme et volupté garantis, avec un minimum de confort sanitaire quand même.
Pour en revenir à notre balade, elle nous mène sur le port où est posé au sec un gros bateau en alu éventré sur tout un côté, ouvert comme une boîte de sardines !...impressionnant. On apprendra plus tard, par radio-ponton, qu'il était mouillé à la Playa Francesca (où on est !) et a été mis à la côte par un fort coup de vent du sud (mauvais ici). Il a été drossé sur les rochers pendant plusieurs jours avant qu'un bateau à moteur assez puissant puisse approcher et le sortir de là. Ca donne un peu le frisson.
Nous quittons Graciosa pour Arrecife le 1er juillet. Nous passons au moteur dans « l'Estrecho del Rio », étroit bras de mer entre Lanzarote et Graciosa, puis descendons à la voile en longeant la côte.
Du bateau nous voyons une alternance de côte très sauvage et nue, et de concentrations (fortes, précise Gérard) d'hôtels et de coins à touristes. Vu de près, cette impression se confirmera : ces ghettos à touristes les « empêchent » pratiquement de sortir. On ne les croise que par cars entiers, faisant les mêmes circuits...
 
LANZAROTE
Le 1er juillet, nous mouillons dans le port de pêche d'Arrecife (la capitale de l'île), appelé Puerto Naos... aussi moche que l'île est belle, à côté d'une jonque française étonnante.
 
HISTOIRE
Lanzarote doit son nom à un navigateur génois, Lanceloto Malocello, qui y arriva dans la 2nde moitié du XIVème siècle. Jean de Béthencourt, navigateur normand originaire de Grainville-la-Teinturière, (en Seine-Maritime comme tout le monde le sait, bien sûr), la conquiert en 1402 au nom de la Couronne de Castille en entrant par le sud de l'île, qui comptait en ce temps-là environ 300 aborigènes*, les Guanches**. (Lanzarote est la 1ère île des Canaries où pénétrèrent et s'établirent les navigateurs européens dans leur tentative de coloniser l'Archipel des Canaries et à partir d'où les opérations de conquête des autres îles furent organisées, Ndlr).
*aborigène : qui est originaire du pays où il vit
**guanche : langue chamito-sémitique parlée aux Canaries, et qui s'est éteinte aux XVIIème siècle. Le chamito-sémitique est une famille de langues qui comprend l'arabe, l'égyptien, l'hébreu...
 
LE PARC NATIONAL DE TIMANFAYA
(Situé au centre ouest de l'île)
Amis du minéral, bonjour ! Venez à Lanzarote. Cette île est due à une accumulation de matières volcaniques éjectées d'une multitude de « bouches éruptives ».
A l'origine de ce décors : une éruption spectaculaire qui eut lieu au XVIIIème siècle. Elle débuta en septembre 1730 pour finir le 16 avril 1736. Surgirent alors, par une trentaine de volcans importants, des masses de lave, de scories et de cendre qui recouvrirent plus d'un tiers de l'île.
Depuis un mirador situé à 350 mètres de haut, on peut contempler une immense mer de lave qui s'étend jusqu'à la mer. Les volcans côtoient de profondes crevasses dues aux effondrements de tunnels volcaniques qui s'étaient formés à l'intérieur de la coulée. Une grande partie de cette région (200 km²) constituait, avant les éruptions, les plaines à céréales les plus fertiles de l'île.
Les dernières éruptions datent de 1824. De ces montagnes et de ces champs chaotiques noirs se dégage une sensation de grande solitude. La touche finale est donnée par les couleurs variant du gris argent au vert d'innombrables espèces de lichens.
 
AGRICULTURE


On continue la promenade un peu au sud et on découvre la culture de la vigne. Les viticulteurs ont creusé dans les cendres volcaniques une série de trous...et ont érigé autour de 2 ou 3 pieds de vigne des murets en arc de cercle pour les protéger du vent (quasi constant et assez violent...toujours les alizés du nord-est). Ces cendres volcaniques ont la particularité de retenir l'humidité de la nuit.
Quelques 30 km au nord on arrive dans une vaste étendue verdoyante. C'est une vallée de palmiers et de cactus (figuiers de barbarie). On peut aussi visiter le jardin musée du cactus.(l'une des dernières oeuvres de César Manrique.Ndlr)..ou tout simplement en profiter dans les champs...car ils sont cultivés pour l'élevage des cochenilles.

Le NOPAL (figuier de barbarie pour nous) est une cactacée aux rameaux en forme de raquettes qui porte des aiguillons. L'espèce cultivée ici nourrit des cochenilles. Ce sont des insectes généralement mal vus en France car nuisibles aux autres plantes cultivées. Vous en avez peut-être chez vous dans votre « ficus benjaminus »...Pour vous en débarrasser, il est conseillé d'apprivoiser et dresser quelques coccinelles qui sont leur prédateur naturel (amis écolos bonjour !). Mais ici, les cochenilles sont élevées pour l'exportation en France et ailleurs, et entrent dans la composition du martini, de produits de beauté...ou tout simplement du CARMIN (matière colorante d'un rouge éclatant).
 

Art et culture : César MANRIQUE 


Je terminerai la visite de l’île de LANZAROTE par le panégyrique de l’artiste César MANRIQUE, originaire de l’île. Après quelques années passées à New-York au contact des plus grands artistes, il est revenu dans son île et a su adapter les sites naturels les plus importants, découvrir et exploiter les grandes possibilités des paysages et des monuments : 

  • Châteaux transformés en musées
  • Conduits volcaniques (bulles) et grottes à ciel ouvert aménagées en jardins (Jameos del agua), auditorium, bassins aux eaux transparentes...
  • Miradors sur des endroits escarpés
  • Et enfin la Fondation César MANRIQUE

  • Située dans l’ancienne maison de l’artiste, elle a été construite en 1968 sur une des coulées de lave datant de l’éruption de 1730-1736. Elle occupe 5 bulles volcaniques naturelles de grande taille, sur deux niveaux. Elle a une superficie habitable de 1800 m², à laquelle il faut ajouter 1200 m² de terrasses et jardins. D’un point de vue artistique, on en retire une impression extraordinaire : 
    • d’harmonie entre la conception moderne de l’édifice et la tradition de l’architecture populaire de Lanzarote, 
    • de dialogue entre l’édifice et la nature. Les pans de murs en verre laissent entrer la lave, figée en mouvement, dans l’atelier.
César MANRIQUE, mort en 1992, est omniprésent dans l’île, par ses sculptures et par le « style » intégration Art-Nature que l’on sent partout.

Pour résumer, c’est une île dure, belle, minérale, artistique, intello, qui vaut vraiment le détour si on ne craint pas le vent (fort surtout en juillet-août), si on déteste la plage (il y en a très peu, donc bourrées de touristes), et surtout si on aime le style caillou noir, cactus verts, sculptures modernes, musées. 
En bref, vous avez deviné, on a aimé !

On y restera 3 semaines, avant de repartir vers Teneriffe, à une bonne nuit de navigation, où nous avons bientot  rendez vous à l'aéroport avec nos enfants. On vous racontera.