Le
peuplement Mao'Hi
La
Polynésie Française (dont Tahiti n'est qu'une île, rappelons le) fait
partie du vaste "Triangle Polynésien" qui est délimité par
Hawaï au nord, la Nouvelle Zélande à l'ouest et l'île de Pâques au sud
est.
Nous
aimerions bien affirmer que les migrations qui ont peuplé la Polynésie,
sont venues d' Amérique Latine, comme a tenté de le prouver Thor Heyerdahl
par l'expédition du Kon Tiki. Mais tout le monde bat en brèche cette
théorie (avec quelques arguments, il faut bien le dire). Nous admettrons
donc que la majorité des populations est venue d'Asie, et que quelques
radeaux sont venus de l'Est.
Les
Polynésiens sont venus d'Asie du Sud Est, à bord de grandes pirogues
doubles avec à bord: femmes, poulets, cochons, plantes et graines, en vue
de leur installation. (Vous noterez au passage l'homogénéité de la
cargaison...)
Cela
a commencé il y a 3000 ans environ. Vers 1500 avant J.C quelques pirogues
atteignent les Fidji et les Tonga; vers 1000 les Samoa: ces peuples sont
dits Mélanésiens.
800
ans plus tard, une autre vague migratoire a dû atteindre les îles
Marquise.
-
A ce propos, savez vous d'où vient ce nom de Marquises? De madame la
marquise de Mendoza, digne épouse du marquis du même nom, qui fut vice -
roi du Pérou. Cet archipel a été (re)découvert par un espagnol: Alvaro
Mendana et il l'a appelé ainsi, en l'honneur de la femme de son mécène.
-
Dans
les années 850 après J.C., un mouvement partant des Marquises s'est
amorcé vers les îles Hawaï , l'île de Pâques et les îles de la
Société. Une autre vague, vers les Cook et la Nouvelle Zélande.
Conclusion:
Polynésiens, Pascuans, Hawaïens et Néo- Zélandais ont des ancêtres
communs qui parlaient la langue Maohi .
Pourquoi
émigraient-ils?
On
suppose que la pression démographique et les guerres claniques, forçant
les vaincus à partir, en étaient les principales raisons.
La
découverte par les européens
Les
îles polynésiennes ont été parmi les dernières à être découvertes
par les européens.
Le
premier est Magellan qui passe aux Tuamotu en 1521. Le second sera Mendana
qui arrive aux Marquises.
L'anglais
Wallis débarque à Tahiti en 1767 où le français Louis Antoine de
Bougainville arrive l'année suivante, à bord de "la boudeuse".
Ce dernier forgera là l'expression le "bon sauvage" chère à
J.J. Rousseau et lui inspirera sa vision du "paradis terrestre".
-
Petit QRM piège, pour vous détendre de ce cours d'histoire:
Quelle
est la couleur des fleurs du bougainvillée, qui tire son nom du Comte du
même nom?
Rose,
mauve, jaune où blanche?
-
Réponse
-
L'anglais
James Cook qui a donné son nom à des îles, un détroit, une montagne -
(Mais pas à l'agence de voyage ni aux wagons lits. Nul n'est parfait) -
effectuera entre 1769 et 1779, à bord de l'Endeavour", trois
expéditions dans le Pacifique sud. Ce furent de grandes expéditions
scientifiques, avec cartographe, botaniste et naturaliste.
Tout
ceci permit la découverte des merveilles exotiques du coin par les
européens. Les espagnols tentèrent de s'y implanter. Sans succès.
Conversion,
"civilisation" et "modernisation"
Puis
ce fut l'arrivée des missionnaires, des baleiniers et des commerçants.
En
mars 1797, un navire anglais débarque à Tahiti une trentaine de
missionnaires protestants. Ils arrivent en plein milieu d'une guerre de
clans. Une famille de "petits chefs", les Pomaré, avec l'appui de
ces missionnaires et de fusils d'aventuriers, va réussir à s'imposer. En
1815 Pomaré II devient le premier roi de l'île, au sens européen du
terme.
Vers
1820 l'ensemble des Tahitien est converti au protestantisme.
"Ces
premiers missionnaires se sont efforcés d'effacer l'art et la culture
polynésiens, détruisant temples et sculptures, bannissant tatouages danses
et musique, cherchant à éradiquer tous les temps forts de l'existence
polynésienne " dixit le guide Lonely Planet .
Quand
on sait que toute la culture maori était orale, on imagine les dégâts
occasionnés. L'essentiel de cette culture y a été perdu avant d'avoir
pu être étudié et conservé. L'art de la navigation traditionnelle
polynésienne, les statues et l'écriture de l'île de Pâques,
resteront à jamais un mystère pour l'humanité.
Depuis
quelques années, cette culture renaît à travers les danses, la musique et
le tatouage. Les artisans se remettent à travailler le corail, les nacres,
le bois et la pierre ainsi que les végétaux.
Les
baleiniers, à partir de 1790 , faisaient relâche l'hiver dans les îles, y
introduisant alcools et maladies contre lesquelles les polynésiens
n'étaient évidemment pas immunisés. Les Marquise virent chuter ainsi leur
population de 80 000 à 2 000 habitants en moins d'un siècle.
Pour
résumer la suite de l'Histoire:
La
famille Pomaré règnera de 1793 à 1877, et arbitrera les luttes politique,
religieuse et coloniale entre les Anglais et les Français.
En
1842, la Reine Pomaré IV accepte le protectorat français.
Les
plantations de coton, nombreuses à l'époque, entraînent l'immigration de
main d'œuvre chinoise moins chère et plus industrieuse que la locale. Puis
la vanille supplantera le coton abandonné vers 1874. L'exploitation
des phosphates aux Tuamotu amènera une deuxième vague migratoire de
chinois, entre 1900 et 1925. Les descendants de ces travailleurs emmigrants
sont maintenant essentiellement représentés dans le secteur du commerce et
des affaires. Malgré des difficultés de reconnaissance tenaces (ils n'
obtiennent la nationalité française qu'en 1964), ils ne vivent pas dans un
chinatown géographiquement circonscrit mais sont intégrés à la vie
locale, tout en préservant certaines de leurs traditions.
Il
n'en reste pas moins qu'un fossé existe entre ces différentes
communautés:
Polynésiens
maoris: 66%, Demis: 17%, Popaas: 12%, Asiatiques: 5%
Chinois
et Demis s'occidentalisent plus facilement que les polynésiens qui
intègrent difficilement le modèle occidental.
En
1956 la loi cadre Deferre octroie peu à peu l'autonomie politique en
créant assemblées territoriales et gouvernements locaux.
En
1958, Indépendance ou autonomie leur est proposé: ils choisissent
l'autonomie.
Quelques
mots de la société d'aujourd'hui
En
1963 les expériences nucléaires françaises sont déplacées d'Algérie à
Mururoa.
Jusqu'en
1996 elles apporteront sur le territoire une certaine activité et beaucoup
d'argent facile, bouleversant profondément les structures
socio-économiques d'une communauté qui s'est retrouvée projetée, sans
préparation, dans la société de consommation. La
fin des essais est compensée jusqu'au 31 décembre 2005 par les
contribuables français, sous forme d'un "contrat de
développement" et des crédits associés (qu'on appelle ici la
"rente Chirac"): 990 millions de francs par an.
Alimentée
par cette "rente Chirac", l'économie semblent se
développer aujourd'hui autour de la culture perlière et du tourisme haut
de gamme. Ces orientations sauveront les meubles, mais sauveront ils le
peuple? On en doute sérieusement.
La
Polynésie doit maintenant affronter: chômage, problèmes d'environnement,
"affaires" politiques, défis économiques et sociaux.
Comme
tout le monde ???
Une
fraction privilégiée et très occidentalisée de la population gère les
flux financiers pour son plus grand profit, pendant que la plus grande
partie reste en dehors de l'activité économique correspondante. Le
verrouillage politique de cette situation est sévère.
Les
Polynésiens adhèrent peu aux valeurs de promotion que proposent les
occidentaux. La préoccupation de l'avenir, l'épargne, l'effort pour
demain n'ont jamais été leur moteur... Cela leur a longtemps permis de
vivre au sein d'une nature prodigue, sur des îles et des atolls
régulièrement rasés par les cyclones, sans aucune aide extérieure. Mais
aujourd'hui, cela ne les dispose pas à s'intéresser sérieusement à
l'école de la république...
Citons
Jean Claude Lama dans "une vie polynésienne" édition au vent des
îles:
"Les
garçons en général ...sont livrés à eux mêmes, dans une sorte
d'adolescence irresponsable prolongée...dans l'absence de dialogue familial...perpétuant
impuissance et faiblesse des parents, avec indulgence, jusqu'à ce que
jeunesse se passe....Les enfants sont peu motivés par l'école...sans
ambitions, grands amateurs d'exploits sportifs et d'efforts violents....Tout
ceci est porteur de graves conséquences sur la vie économique, sociale et
familiale...
Cette
jeunesse est attirée comme papillon sur la lampe par le clinquant, la
facilité apparente de la société de consommation...fascination exercée
par tous ces plus ou moins diplômés de l'élite, malins et débrouillards......rentes
artificielles... transferts financiers de l'état.... orgie irrésistible...boulimie
sans fin de libéralités somptuaires, de prestige ostentatoire......Et les
laissés pour compte...maintenus dans un paternalisme et un clientélisme
dignes de l'Antiquité: avec redistribution d'aides, de places, de faveurs
de toutes sortes .....Ils cultivent avec humour et passion le don de tout
obtenir pour rien ou presque."
On
arrête là, mais tout le livre est du même tonneau...
C'est
un point de vue de popaa qui montre bien le fossé de compréhension
évoqué plus haut.
Il
est clair que quand on arrive ici, on sent vite que beaucoup d'argent
circule dans ces îles où le coût de la vie est sensiblement plus élevé
que dans les archipels "voisins". Tous ces 4x4 rutilants... Tous
ces "Poti Mararas" super motorisés...
On
a rapidement le sentiment que si l'aide du contribuable métropolitain
s'affaiblissait, le coût de la vie ici serait divisé par deux en peu de
temps, tant il est vrai que le prix des choses s'accorde rapidement au
niveau de solvabilité des populations consommatrices.
De
quoi seraient alors privés les polynésiens du peuple, par rapport à leurs
habitudes de consommation actuelles? De l'ostentatoire que j'ai déjà cité
et aussi de l'excès de" soft drinks" et de sucreries
industrielles...
Ils
retrouveraient peut être assez rapidement le goût des fruits locaux, du
vélo et de la pirogue à voile... Cela
produirait sans doute moins de fortunes "locales", mais la
majorité de la population vivrait alors plus près de ses valeurs...
On
peut toujours rêver...
Gauguin l'incontournable peintre "polynésien"
Le
sauvage, le primitif, l'iconoclaste.
Né
en 1848, Paul Gauguin voyagera beaucoup avant de s'adonner à la peinture.
Il écume les mers du globe comme matelot, de 1867 à 1871, et découvre
alors la Polynésie. Il commencera à peindre vers 1876. Après
des séjours à Pont Aven chez les sauvages "roots" bretons, puis
à Arles avec Van Gogh, (il avait l'air d'aimer les sauvages) il décide de
revenir à Tahiti en 1890. Il écrit à Odilon Redon: "J'espère là
bas cultiver (mon art) pour moi même, à l'état primitif et sauvage"
(comme en Bretagne quoi!!! NDLR)
Il
va saisir les images de la vie quotidienne, utiliser les décors
exubérants, les coloris francs. Mais sa peinture , trop primitive ne plaît
pas. Il revient en France, où il "perce" vaguement puis retourne
définitivement en Océanie: à Tahiti puis aux Marquises
Il
dessine, sculpte et écrit:
"Il
a eu conscience d'être l'intermédiaire d'une évolution dans l'histoire de
la peinture... Il l'a libérée de beaucoup de ses travers académiques et
symbolistes". Dixit Gauguin lui même dans "Racontars de
rapin".
Gauguin
écrit aussi beaucoup contre les colons et les autres instances puissantes.
Il
eut de nombreux démêlés avec l'église, les gendarmes et
l'administration.
Il
fut haï et méprisé par la bourgeoisie de l'époque: notables européens
et "demis" locaux, qui tenaient le haut du pavé.
Celle
ci s'est rattrapée depuis en donnant son nom à tout ce qui compte et
attire le touriste: rues, lycées, musées, paquebots de luxe. On vend du
Gauguin à toutes les sauces : dessous de verre, paréos, tee shirts.
La
reconnaissance est tardive mais ils ont bien dû s'y mettre, car les
artistes locaux ne sont pas légion.
En
tout cas nous avons été visiter le musée qui lui est dédié à Tahiti.
Les reproductions ne sont pas géniales, les panneaux racontant sa vie
proviennent d'une expo à Auckland et sont souvent en anglais,(il paraît
que c'est provisoire); mais si on n' y connaît rien, c'est intéressant
et on y apprend des choses sur l'artiste et sa peinture.
Last
but not least: Le décor du jardin botanique qui entoure le musée est très
beau. Il s'y trouve un petit mouillage calme et abrité où on débarque en
annexe.
C'est
top non, d'aller au musée en annexe?
C'est
l'histoire d'un scooter.... Et c'est une
histoire vraie!!!
Une
jeune femme popaa est employée depuis quelques mois, en CDD, par une petite
commune assoupie de Polynésie. L'île étant assez étendue, elle décide
d'acheter un scooter pour faciliter ses déplacements et va, pour ce faire chez
le marchand le plus proche. Son achat effectué, elle
revient toute fière sur son engin.
Le
matin, elle se rend à la mairie ou elle travaille, toute pimpante sur son
scooter bleu. Là, en arrivant, elle croise un collègue:
- C'est
à toi cet "engin?" dit il d'une voix étranglée.
-
Ouais, il est chouette hein?"
-
Mais t'es complètement folle!"
-
Ben, pourquoi?"
-
Mais il est BLEUUUUUU!!!!!"
-
Ben oui il est bleu et alors?
-
Mais t'es malade de l'avoir pris bleu!"
-
Ben c'est bien le bleu, c'est pas salissant, c'est classique, moi j'aime..
Pourquoi tu crises comme ça? Le bleu porte malheur ou quoi ?
-
Mais t'es givrée... Tu vas te faire virer avec un truc pareil! Va changer de
couleur tout de suite, ne te montre surtout pas là dessus.
-
Qu'est-ce que c'est que cette histoire, je ne comprends rien à c'que tu dis.
En quoi la couleur de mon scooter peut déranger mes
"chefs"? J'en ai rien à faire moi de la couleur de leur 4X4 Toyota,
alors qu'on me fiche la paix !!!"
-
BIEN: regarde le parking de la mairie là, qu'est ce que tu vois comme couleurs?
-
Ben....les voitures sont plutôt blanches...ou éventuellement oranges; c'est
vrai. Mais l'orange c'est criard, et le blanc c'est salissant...
-
OKEEEE. Eh bien quand tu travailles pour le gouvernement, tu es interdite de
bleu si tu veux garder ta place. Le Bleu est la couleur de l'opposition
indépendantiste...
-
HEIN? Et c'est pour ça que tu me fais tout ce cirque? Je n'ose comprendre!
Alors l'orange serait la couleur du parti au pouvoir?
-
Exactement"
-
Non mais c'est DINGUE ce truc. Et je vais devoir aller changer mon scooter à
cause de ça?
-
Eh oui. Choisis le blanc si tu veux rester neutre. Et si tu vas à une réunion
importante avec des "politiques en place" je te conseille vivement de
porter de l'orange. Et là je ne rigole pas...
Dont
acte...
Pour
corroborer cette histoire colorée, un notable du coin nous a raconté son
arrivée dans la région et sa "présentation" au conseil municipal,
quand il s'est fait chaleureusement applaudir dès son entrée dans la salle
municipale...à son grand étonnement.
On l'a
félicité de son idée judicieuse de porter ce jour là une magnifique chemise
orange.
Il n'a
pas eu le loisir de préciser que c'était là un pur hasard et
il ne s'en est jamais complètement remis. La chemise non plus
d'ailleurs...
Réponse au QRM
: Les fleurs
de bougainvillées sont blanches . Ce qu'on admire sont des bractées de
couleur vive qui sont donc des feuilles.