LA GAZETTE DE L'A.R.B
Anyvonne Restaurant Bar
 
La route du rhum du Getaway I - Le Journal de bord
N°13 - Juillet 2000


Partir... Partir...
Le programme

Cela fait maintenant quasiment 6 mois que nous sommes au Venezuela. Le temps nous presse de reprendre la route. Mais c'est dur de quitter Punta Cangrejo et de se séparer de nos amis de "Bon vent" et "d'Altaïr".
Francis et Anne Marie, toujours très pressés, partiront les premiers vers les Roques, la Colombie et le Pacifique, via Panama. François et Françoise pensent passer encore un mois dans le Golfe de Cariaco. Nous leur ferons donc ici nos adieux ainsi qu'à Kike et T Bone pour préparer vigoureusement notre remontée vers le Nord.
Nos projets prévoient un tour dans les Bahamas où nous espérons rencontrer Yves, un ami de travail de Gérard qui a élu son domicile tropical sur l'île de Grand Abaco; un tour à Cuba, envisagé de longue date, et un retour vers Panama pour la visite de l'archipel des San Blas et des indiens Kuna avant de mettre le nez dans le Pacifique. Le temps commence à presser, car la saison des cyclones débute en Juin dans l'Ouest de la mer des Caraïbes et nous comptons traverser  de Cuba vers Panama à la toute fin Mai. Alors...
Contre vents et marées...
Alors: après avoir fait le plein des soutes en alcools et vivres en tous genres à Margarita, nous attaquons le 17 Janvier vers 17 heures notre remontée au nord par une longue étape de Sud Est.
En fait, nous visons St Martin où nous attendons du courrier et comptons trouver quelques shipchandlers bien achalandés et pas chers pour faire oublier le Venez et préparer le Pacifique.
Mais St Martin est à quelques 600 milles, à peu près dans notre Nord Nord Est. C'est la saison des alizés musclés de Nord Est et la route directe nous promet donc un "long long long" bord de près "très très très" serré dans une mer "très très très" formée. Et le capitaine n'aime pas ça du tout. Alors, nous adopterons la tactique du plus "court" chemin qui n'est pas la ligne droite, et nous commencerons par faire au moteur le maximum d'Est, le long de la côte Nord du Venezuela qui est réputée pour ses calmes nocturnes, avant de remonter au nord sous le vent des petites Antilles, en profitant de leur abri. 
Comme dit le capitaine: "Le chemin, c'est dans la tête qu'il est important qu'il soit court". C'est ce qu'on appelle la "loxodromie mentale". 
Selon cette fine stratégie de navigation, la première étape nous amène de Margarita à Puerto Santo, quelques 50 milles à l'Est-Sud-Est sur la Côte du Venezuela. Elle se fait en une nuit pendant laquelle nous devrons tirer des bords sous les grains qui se succèdent. L'estomac du capitaine n'apprécie pas du tout.
Enfin, le matin du 18 vers 9 heures, nous mouillons dans le port de Puerto Santo. C'est un petit port de pêche hyper actif au fond d'une baie qui nous parait bien jolie et surtout bien accueillante, malgré la pluie.
Vers 13 heures, le capitaine sort de sa sieste réparatrice pour s'attabler devant un "Lomito au bleu - Pommes sautées - salade" super reconstituant. (Lomito: Filet de boeuf). Ses exercices nocturnes lui ont neutralisé les cordes vocales. Il ne peut plus parler. Seulement chuchoter... Quelles vacances pour le second !
Après une courte sieste, préventive celle là, nous repartons vers 17 heures. Au moteur, contre un vent qui faiblit jusqu'à presque disparaître. La nuit sera très belle sur une mer assez calme et sous la lune. La veille restera quand même très attentive car nous évoluons entre un et trois milles de la côte qui est déserte, sans lumière et que nous ne distinguons pas. Le radar contribuera largement à nous garder en confiance.

Un petit passage  par le paradis

Au matin du 19 Janvier, nous arrivons dans l'Ansa de San Francisco. C'est extraordinaire. La montagne descend du sommet, quelques mille mètres plu haut, directement à pic dans la mer. Elle est entièrement recouverte d'une jungle épaisse au travers de laquelle on ne distingue que quelques cascades. Serait on arrivé aux Marquises par inadvertance? Ou au paradis originel ?
Nous n'y verrons ni Adam ni Eve mais seulement quelques bateaux de pêche qui viennent sous les cascades faire de l'eau douce  et une petite toilette avant de repartir au boulot.
Pour notre part, nous ne débarquerons pas au paradis. Nous n'avons pas beaucoup de temps et nous craignons un peu les serpents dont on dit qu'ils pullulent dans cette jungle. Le paradis n'est jamais vraiment parfait. Quelques navigateurs morts après une morsure de serpent alimentent la légende locale. 
Dommage, il paraît que c'est plein d'arbres fruitiers sauvages: cocotiers, manguiers et bananiers.
La pluie et la houle nous rattrapent à midi ,alors c'est décidé: vers 16 heures nous repartons. 
Au Nord cette fois, car nous sommes arrivés maintenant à l'entrée de la baie de Trinidad. Nous commençons au moteur pour nous éloigner de la côte en espérant trouver un peu de vent au large.

Les Antilles 

Grenade

Où nous quittons vraiment l'Amérique latine pour la tradition anglo saxonne...
Vers 18 heures, le vent se montre de Nord Est et nous nous installons au 350, au près serré, à 5 noeuds sur le fond. C'est le cap pour Grenade à 80 milles de là.
Nous laissons dans notre sillage les côtes de l'Amérique du Sud. Hasta Luego, nous reviendrons sûrement.
Au matin après avoir étalé quelques grains nocturnes, nous arrivons à Prickly Bay, au sud de Grenade, dans un alizé forcissant. Il allait être temps de réduire la toile. 
Nous sommes idéalement mouillés: devant une marina pour un plein de gas oil et surtout devant le bâtiment des douanes et de l'immigration pour les formalités d'entrée, juste en face du bar de la marina. (Cette dernière disposition s'avérera d'ailleurs très utile, comme nous verrons plus loin). En priorité, cap sur les formalités d'entrée.
On commence par se saper tous les deux façon "habits du dimanche". Dans ces îles, les héritiers noirs de la présence anglo saxonne ne rigolent pas avec le laisser aller. Et sus à l'administration.
A 15 heures 30, on commence avec l'officier de l'immigration. Il n'a pas l'air rigolo. Réservé, limite sévère. On se tient bien droit et bien coiffé !!! En fait, il se détend, nous demande comment prononcer nos prénoms et complète à la main les 4 exemplaires de la Crew list que nous avions préparée. 
Soudain, à brûle pourpoint, il nous demande avec un sourire entendu:
"Pourquoi vous autres français n'êtes pas restés  sur cette île à la place des anglais ?"
Stupéfaction. Et prudence, on n'est pas sûr de comprendre.
Il ajoute avec un franc sourire aimable:
"Eh bien oui, avec les français ça aurait été mieux." 
Puis il reprend son travail d'écriture.
A 16 heures, nous en avons fini avec lui et il nous annonce que son collègue des douanes n'est pas là pour l'instant. Il nous suggère de l'attendre. Par là.
Nous remarquons alors d'autres skippers qui tournent en rond entre ici et le bar, dans l'attente du même fonctionnaire. Alors vive le bar. On boit un coup, on patiente, on parlotte. Certains commencent à gratter le sol. Vers 17 heures c'est la fermeture des bureaux et on voit l'officier d'immigration fermer le sien. Il nous fait signe de patienter: Ca va venir.
A 17 heures 30 notre fonctionnaire des douanes arrive et les skippers se précipitent. Les sortants passent d'abord, nous autres arrivants passerons ensuite. Et là, on entend avec stupéfaction le douanier demander aux équipages qui nous précèdent une « surtaxe pour cause d'heure tardive et de fermeture des bureaux ». Gérard s'étonne de cela à l'officier qui lui répond de regarder sa montre pour voir l'heure qu'il est. Fulminations de Gérard qui déclare attendre depuis 15 heures 30 et suggère de remettre ces formalités au lendemain, sans surtaxe. Entêtement de l'officier qui nous demande impérativement d'attendre: 
On enregistrera ce soir.
Placide, glacial, levant à peine une paupière sur nous pour vérifier qu'on reste bien là, il empoche les surtaxes des équipages précédents...
Notre tour arrive. Et là, surprise: pas de surtaxe sur notre facture. Chic alors.!
Mais curieusement il n'a pas de monnaie sur nos quinze dollars et nous explique vaguement qu'avec l'heure tardive, ca ira bien comme ça. Il aura gardé ainsi, environ 4 dollars. Soit un peu moins de trente francs. C'est mieux que la surtaxe qui coûtait 10 dollars mais quand même... Quelle enflure ce mec!!!
Comme dit Boris Vian: 
"C'qui prouve qu'en protestant,
  Quand il est encor' temps
  On peut finir
  Par obtenir
  Des ménagements..."

Pour se remettre de cette poussée d'adrénaline on se jette sur une margarita au bar de la marina qui est bondé à c't'heure. Plus british, tu meurs. Plus cher aussi d'ailleurs. Il va falloir se réadapter aux tarifs caraïbo-europeano-américains. Mais bon, l'ambiance touristes-charters en goguette nous change les idées et surtout, nous les détourne de ce gros c... de douanier. (L'adrénaline n'est pas encore complètement inactivée.) Il semble que ce "brave homme" disparaisse toute la journée et ne réapparaisse qu'à l'heure à laquelle il peut demander une surtaxe. C'est décidé, on fera la sortie ailleurs. On ne veut plus le voir. En fait, nous découvrirons un peu plus loin, à St Georges, en faisant nos formalités de sortie que là, ça ne coûte rien.
Hormis cet épisode intéressant, l'île de Grenade vaut le détour. Nous y passons cinq jours très agréables au mouillage de "Clark's court bay". C'est un des nombreux mouillages du sud de Grenade qui ont en commun d'être assez sauvages et très abrités. Juste quelques maisons qui se cachent dans la verdure et une crique d'eaux claires et bien abritée du vent de 40 noeuds qui se lève le lendemain. Nous en profiterons pour terminer l'épisode précédent de la gazette qui vous est chère (Venezuela II, NDLR).
Le mardi 25 janvier, nous découvrons la capitale de Grenade: St Georges Harbour. Peuplé de 9000 habitants, c'est un port charmant. Un grand bassin est bordé de maisons et d'anciens entrepôts très colorés et bien entretenus qui rappellent le commerce des épices et le passé colonial de cette île. On pense aux petits ports de la côte sud de l'Angleterre que nous aimons beaucoup. Avec le soleil en plus.
Nous y découvrons la spécialité locale: le "Punch Nutmeg". La Nutmeg ou noix de muscade est le produit national de l'île. Elle est même présente sur leur drapeau.

Le punch. Le rhum. 
On n'a pas fini d'en parler. C'est le dénominateur commun de toutes les Caraïbes. On en fera donc un encart dans ce numéro et un écart à notre régime. Un gros écart.
A St Georges, nous faisons le plein de vivres frais au super marché du fond du lagon, juste en face de notre mouillage. Les légumes sont rares et chers, mais on trouve du mouton. La première fois depuis un an et demi.
C'est donc les soutes pleines que nous reprenons notre route du rhum à nous.
Le mercredi 26 Janvier à 10 heures. 
Départ pour quelque part qui sera soit Cariacou à 20 milles, soit Ste Lucie à 90 milles ou même St Martin à 300 milles. On ne sait pas. On verra comment se présentent la mer et le vent.
Et on voit: 
Vent d'Est Nord Est force 5/6, au près tribord amure, un ris et un peu de génois. On avance à 6 noeuds cap au 20. En fin d'après midi, on passe au large de Cariacou, à 7/8 milles à notre vent. Trop loin, on ne s'arrête pas. Dans la nuit, un deuxième ris ne nous ralentit pas. On passe les Grenadines et St Vincent pour se trouver au petit matin au Sud Ouest de Ste Lucie. Vers 10 heures on distingue les "deux pitons" et la tentation est tellement forte qu'on y succombe: On va aller se reposer à Ste Lucie. Enfin c'est vite dit, car nous en sommes à une bonne quinzaine de milles, sous le vent de la pointe Sud Ouest. Et c'est seulement dans l'après midi que nous arrivons contre vent et clapot, à la voile et au moteur, à entrer dans Marigot Bay.

Pèlerinage à Sainte-Lucie 

Crique de carte postale, sable et palmiers. Souvenirs de notre seconde croisière aux Antilles dont c'était la première étape. Depuis, on est devenu un peu blasé, mais on pense à vous, alors on s'extasie...
A 16 heure 30 on est mouillé tout au fond de la baie, au milieu d'une centaine de bateaux. La Concorde à midi, au milieu d'un paradis tropical vert et touffu. Essayez d'imaginer !
Emotion.
Mais on ne perd pas le nord et à 18 heures: Happy Hour au bar. C'est une invention américaine - enfin je crois - qui vous donne droit à une double ration de punch, pour le prix d'une. Ca doit attirer le client qui arrive ainsi bien chaud à 19 heures et reste alors boire au tarif normal, plus que de coutume.
Mais nous, sérieux - vous nous connaissez: on ne peut pas boire plus que de coutume. - à 19 heures, nous rentrons au bateau. Dîner et dodo à 20 h 30.
Le lendemain, vendredi 28 nous remontons au moteur quelques quinze milles plus haut jusqu'à Rodnay Bay. Nous y avons le souvenir "Hému" de la fête du vendredi soir au village de Gros Ilet. C'était il y a quatre ou cinq ans. Notre amie Marie était alors avec nous et elle dansait ce soir là de façon suffisamment spectaculaire pour avoir quasiment tous les danseurs locaux dans son sillage.

L'Irlande sous les tropiques.
Finalement, cette fois, nous n'irons pas à Gros Ilet. Nous découvrons au fond de notre mouillage, un Pub irlandais sympathique: "Le Shamrock" et nous y passerons la soirée. Moins délirante que la dernière fois.
C'est de là que nous partons à pied à la recherche de la cyber paillote locale. On la trouve à la marina et climatisée, en plus. Il faut bien se tenir au courant des nouvelles du pays. Bonnes, jusqu'ici.
Nous repartons vers le Nord, le samedi matin. Hier soir, nous avons pris la précaution d'acheter au Shamrock, avec nos derniers Biwi's*, un bon litre et demi du punch que nous avons si tant goûté toute la soirée. L'avenir est assuré.
Avec tous ces punchs, nous ferons une étude comparative et - hic - nous vous tiendrons au courant des résultats après Cuba.
* Le Biwi est le British West Indies Dollar; ou encore dollar EC pour East Caribean. C'est la monnaie en vigueur dans les iles ex Britannique

En route
 

Le sort et les éléments comme instruments de décision.
Cette fois, nous sommes en route pour St Martin. Encore que : A la cyber paillote, Gérard à reçu un mail d'Hervé qui lui signale que Francis, un copain de plongée, est en ce moment dans sa maison des Saintes. Nous comptions éviter la Guadeloupe. Mais peut être que juste pour une soirée. Bah, on verra. Toujours selon le vent et la mer...
Cette fois, le cap est un peu meilleur. Ste Lucie est le point le plus à l'Est de l'arc antillais et maintenant, nous faisons du 340. Ca nous met au "près bon plein" et si le vent est environ force 5/6 dans les canaux, les îles nous offrent un abri apprécié.
Nous passons l'après midi du samedi à remonter la Martinique en s'aidant du moteur. Vers 20 heures, c'est le dîner. Un peu sportif, dans le canal de la Dominique sous grand voile à deux ris. Mais la soupe est bonne et le bateau avance bien.
Vers minuit, on se retrouve au calme à l'abri de la Dominique. 
Avec quelques émotions tout de même, quand nous croisons, d'assez près dans la nuit noire, un remorqueur qui tire une grosse barge au bout d'un filin de deux cent mètres. Le temps de retrouver la signification des feux qu'ils portent, et ils seront passés avant que nous les ayons identifiés. 
Nous commençons a croiser aussi quelques paquebots de croisière qui illuminent la nuit comme des arbres de Noël.
A 5 heures du matin nous abordons le canal au sud de la Guadeloupe. Notre voile à deux ris nous propulse à plus de 7 noeuds. Et là, Gérard croit discerner quelque chose d'étrange dans le gréement. Le bas hauban sous le vent ballote exagérément. Un harnais, pour jeter un oeil à l'avant, et là:  "Katastrophe": Le bas étai est cassé. Il ne tient plus que par deux brins au capelage sur le mât Du coup, le mât se cintre vers l'arrière, comme un arc, à chaque vague. Et il y en a beaucoup. Jurons bien sentis du capitaine.
Pour soulager un peu le mat, on amène complètement le génois, on laisse un peu de Grand voile, bien bordée, et on remet le moteur. Le sort en est jeté, nous nous arrêterons aux Saintes.

Les Saintes

Nous y arrivons vers 7 heures 30 à 7,5 noeuds, sous des grains bien noirs qui bouchent régulièrement l'horizon. A huit heures, nous sommes mouillés à l'abri de la rade de Terre de Haut.
Au fait, devinez pourquoi cet archipel s'appelle "Les Saintes" ? Eh oui, vous avez gagné un punch, quand vous viendrez nous voir, à bord. C'est parce que Christophe Colomb, toujours lui, l'a découverte le premier dimanche suivant la Toussaint de 1493 et l'a baptisée "Los Santos". Plus tard, ce sont les normands et les bretons qui peupleront ces îles. C'est quasiment le retour au pays: Bretagne tropicale après Concorde tropicale.

On ne peut pas avoir que de la malchance.
Aussitôt mouillés mais à une heure décente, pour le laisser se réveiller, Gérard téléphone à Francis.  Et là, miracle. Non seulement il est bien là avec son amie Véronique, mais encore doivent arriver ce soir Nathalie et Christian - autres amis du club de plongée - qui se sont mariés et reproduits depuis notre départ. Ils seront même accompagnés de Jérôme, le frère de Nathalie et de son épouse Anne Françoise. Ceux là même qui habitent Nantes et qui skippaient le bateau en compagnie duquel nous avions organisé une croisière pour quelques copains du club, en Bretagne sud avant de partir Pour une surprise! Rendez vous est donc pris chez Francis pour 18 heures. Juste avant l'arrivée des nouveaux.
Leur surprise à eux sera plus grande encore. 
Je crois que pendant quelques secondes, ils ont refusé de nous reconnaître, tellement ils étaient ahuris..
Et là, la soirée initialement prévue s'est transformée en trois journées de fêtes amicales, chaleureuses et joyeuses. 
Gérard profitera même de l'occasion pour renouer avec la "plongée bouteilles" qu'il n'avait quasiment pas pratiquée depuis le départ.
Nous rendons encore grâce à Francis et Véronique, pour ces super moments et pour nous avoir fait découvrir trois produits locaux: Le topinambour, le Gwako et l'eau de javel.
Le premier se présente comme une sorte de pomme de terre nouvelle qui se mange bien salée, avec la peau et du beurre. Le second est une musique de tambours, de chants et d'onomatopées; qui exprime bien les racines africaines locales et que l'on apprécie d'autant plus que l'on fait usage du troisième. C'est une sorte de punch au citron qui à la couleur de l'eau de javel, est aussi destructeur mais a bien meilleur goût.
Inoubliable tout ça.
Mais ce n'est pas le tout. Il faut penser à réparer le bas étai. 
Le mercredi 2 février, nous profitons d'une accalmie des alizés pour aller jusqu'à Pointe à Pitre au moteur. Sur les conseils de Francis, nous trouvons l'atelier CTA où se trouve un couple de gréeurs sympathiques, compétents et bien équipés - on se croirait à Lézardrieux (près de Paimpol. NDLR) chez Michel et Jérôme - et on prend rendez vous pour le lendemain matin à l'aube et l'évaluation des dégâts.
Le Jeudi à 6 heures 30, Gérard va chercher son réparateur pour faire l'état des lieux. A 11 heures, après 2 aller-retours à terre, c'est terminé. Bilan: Le bas étai est remplacé, bien sûr, mais aussi le bas hauban et le galhauban inférieur bâbord.
Gérard profitera des shipchandler locaux pour trouver les pièces nécessaires au moteur de l'annexe qui est en panne depuis 2 mois. Tout baigne.
On est tellement content d'avoir réglé tout ça qu'on décide de retourner le lendemain aux Saintes faire une dernière fiesta, avant de repartir vers St Martin.
La chance est avec nous: à cette occasion, nous croisons au mouillage, un bateau Sud Africain qui vient d'arriver et que nous avions rencontré à Salvador et à Camamu. Ils nous donnent des nouvelles de Lainakea et de nos amis argentins (cf gazette Brésil. NDLR). Ils nous donnent aussi l'adresse E mail de ces derniers et nous en profiterons pour reprendre contact avec Jorge et Maria Clara.
Le samedi 4 février, après une dernière soirée assez mémorable avec les copains (dont pourtant Gérard ne garde qu'un vague souvenir), nous quittons les Saintes avec regret. C'est dur la vie de marin. Laisser ainsi ses amis et ses parents dans les ports. Mais nous repartons résolument à l'assaut de la côte sous le vent de la Guadeloupe. Le soir, nous nous arrêtons dans l'anse de Deshaies, pour nous reposer; de cette journée bien sûr, mais surtout de la nuit précédente qui pèse encore sur nos estomacs.
Nous touchons enfin au terme de notre remontée des Petites Antilles.

Saint-Martin

Le lundi 7 au petit matin, après une nuit passée à naviguer au vent de Montserrat et des Antilles néerlandaises, nous arrivons enfin à Marigot, le chef lieu de St Martin. Nous avons passé la nuit en compagnie de trois paquebots tout illuminés, qui progressent à petite allure afin d'attendre le matin pour débarquer leur chargement dans les boutiques de St Martin et St Marteen. Au large de St Barth, l'un d'eux, nous fera même une frayeur en nous rattrapant sur une route collision, comme s'il ne nous avait pas vu. Cela provoquera une liaison VHF pour découvrir que c'était le paquebot "Mistral", qu'il nous avait bien vu et nous passerait derrière, à un demi mille sous notre vent. Ca nous permettra de l'admirer de près. Un peu trop ?
Nous aurons mis 20 jours à remonter l'arc antillais. Beaucoup de joies et de plaisirs et pas de regrets. Et un gréement dormant en meilleur état. C'est plutôt une bonne nouvelle avant de passer dans le Pacifique.

Quelques siècles de présence française...
Nous sommes mouillés dans la baie de Marigot. En face d'une île qui fut découverte par l'habituel Christophe Colomb le jour de la St Martin de 1493. - Etonnant,  non ? - Auparavant elle était nommée "Sualoniga" par les indiens Arawhaks qui y habitaient. Cela signifie l'ile du sel et témoigne des marais salants qui en occupent la partie Sud Ouest. Au début du XVIIème siècle des colons français et anglais s'y implantèrent... En 1648, après plusieurs revirements de domination, la France et la Hollande signèrent un traité de partition de l'île qui est toujours en vigueur.
Comme sur les autres îles Caraïbes, l'industrie sucrière y sera florissante jusqu'en 1848 et la "désastreuse" abolition de l'esclavage... Les salines prendront alors de l'importance jusqu'en 1950. Souvenez vous: le sel était alors un élément important de la vie économique, politique et sociale. - Avant la "désastreuse" invention de la conservation par le froid - et sa production comme son commerce étaient l'un des fondements de la richesse des états. Jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, l'impôt sur le sel a constitué une part importante des ressources fiscales. Vous vous souvenez, à l'école primaire: la Taille et la Gabelle. Ce n'était pas un couple de comiques troupiers, c'étaient des impôts. Dont la gabelle, sur le sel. Ce fut la richesse du Cap Vert et de St Martin. Entre autres.
De 1950 à 1970, la population dût émigrer pour trouver du travail. 
On assista ensuite au développement touristique des Antilles. Dans les îles françaises, l'activité immobilière qui y est associée fut encore accélérée, avec la loi Pons à partir de 1987. Cela provoquera à St Martin une explosion démographique. La population de la partie française de l'île passera alors de 8000 à 28000 habitants. En 1990 cette population était estimée à 35000 individus et constituée de 45% de Français et de 55% d'émigrés en provenance majoritaire de Haïti et de St Domingue.
Cela explique le cosmopolitisme et le multilinguisme qui sont immédiatement perceptibles en arrivant ici. L'anglais et l'espagnol sont omniprésents. Le créole  est plutôt un anglais massacré. Peu de gens s'expriment couramment en français. Et c'est la même chose du côté Néerlandais. 
Et un paradis du consumérisme
Nous passerons ici une dizaine de jours. Entre supermarchés, shipchandlers, téléphone, P&T et Email, nous nous occuperons à toute l'activité préparatoire, habituelle aux centres où l'on trouve de tout à pas cher. Erreur. On trouve effectivement de tout mais en général c'est très cher. L'île est dite exempte de TVA, mais ça doit être pour améliorer la marge des commerces locaux.
Le côté hollandais est assez déprimant. On n'y trouve, alignés le long d'une unique rue principale, que des bijouteries, des marchands d'électronique et des boutiques à T-shirts racoleurs. On vous inonde de brochures de pub sur papier glacé pour vanter les bijoux, hôtels de luxe, pin-up, cocotiers, sables blancs et croisières de rêve. Les vendeurs de Timeshare sont très pressantsOn se croirait revenus à Los Christianos, aux Canaries.
La partie française est plus organisée autour du côté "cuisine française", petits bar-restos sur le port, rues piétonnes et boutiques de luxe. Ah, l'élégance et la gastronomie française. So nice... Mais au moins, on mange bien, c'est vrai. -Merci Marc, pour le gueuleton à la marina "Port la Royale", arrosé de beaujolais spécial St Valentin-
Mais enfin, vous aurez compris que ce n'est pas encore là que nous nous installerons! Ca sent trop le stress et le presse touriste, façon Canaries. Eh oui, le stress ça existe même sous les tropiques: Les chiffres d'affaires qui ne se font pas;les cyclones qui ravagent tout régulièrement;les touristes qui ne reviennent que lentement, après les catastrophes. Il semblerait que le reste de l'île puisse avoir plus de charme. Nous n'avons pas été voir. Il faudra que vous alliez vérifier.
Notre équipage s'agrandit.
Ici, il y a un aéroport international, construit par les américains en 1943, et ça nous permet d'y accueillir notre copain Marc qui a décidé en trois jours de faire un break et de venir nous rejoindre deux ou trois semaines pour nous accompagner aux Bahamas.
Notre nouveau matelot est arrivé hier dans l'après midi, et nous avons décidé de partir ce soir, mercredi 16 Février vers les British Virgin Islands (les BVI's)  à 80 milles à l'Ouest, puis les Bahamas à 600 milles plus loin. 
Ce matin, les deux hommes vont accomplir les formalités de sortie. Eh oui, venant de Pointe à Pitre, il faut quand même faire ici - qui est une sous préfecture du département de Guadeloupe - une entrée et une sortie. C'est comme s'il y avait des formalités de douanes entre l'île d'Yeu et La Rochelle. Pourtant, en arrivant du Brésil, les douaniers Guyanais ne s'étaient pas intéressés à nos papiers. C'est à y perdre son breton. Il n'y a là pour logique que des pratiques coutumières.
Pourtant, Marc qui est arrivé côté hollandais devrait y faire une sortie, puisqu'il y a fait une entrée. Pour notre douanier français, ça ne pose pas de question: "C'est le problème des Hollandais". Il nous fera donc notre sortie pour un équipage de trois personnes comme si de rien n'était.

Les Bahamas

Une "longue" traversée vers une autre" civilisation" ?

A 17 heures, on quittera ce bout de terre française - qui n'a de français que le nom -  pour une nuit de navigation, dans le passage d'Anégada, vers les Vierges Britanniques. Nous arriverons un peu tôt, vers 6 heures,  devant la barrière de corail de Virgin Gorda et nous mettrons à la cape en attendant le soleil. Vers 9 heures, la soleil levé, nous empruntons l'accès à "Gorda Sound" que l'on voit maintenant de l'autre côté de la barrière de corail. Il est assez tortueux mais la récompense est là: la baie est très belle, très calme et nous accueillera pour la journée. 
Nous mettrons à profit le calme du mouillage pour cuisiner les viandes pour la longue traversée vers les Bahamas. Gérard se met à la goulasch, Marc au poulet basquaise et Anyvonne au Porc au chou. Ca sent bon et ça donne faim. Et soif.
Le Jeudi 7 Février à 16 heures, on repart vers le Nord Ouest, pour passer au Nord des Turks et Caïcos et arriver par le large sur les Bahamas. On ne sait pas encore exactement où. Gérard hésite entre Exuma et San Salvador. Mais c'est encore loin.
Quelquefois, on se pose des questions. Et plus particulièrement après avoir vu St Martin: Mais que diable allons nous faire aux Bahamas ? Nous n'avons pas lu grand chose la dessus et personne n'y va. Il faut dire que c'est loin. Actuellement, nous les percevons comme un paradis fiscal et de croisière pour riches américains, avec immeubles, casinos, marinas et tout et tout. Bref, tout ce qu'on aime et recherche. Ah oui, c'est vrai, il y a Yves et son épouse à Grand Abaco. Par Email, nous avons appris que le cyclone Floyd avait détruit sa belle maison toute neuve et qu'il était en train d'en reconstruire une autre. De plus nous savons maintenant qu'il s'y trouve actuellement. Alors, continuons.
En attendant, navigation au cap 300, travers au vent, un ris en moyenne. Les grains sont nombreux et nous font prendre les quarts dans le carré. Entre ceux ci, quand on met le nez dehors, la mer sous la lune est magnifique. Anyvonne voit pour la première fois comme un arc en ciel de lune. C'est une sorte d'arc gris clair et c'est assez étrange. Avait elle bu ???
Le samedi 19, Gérard cherche partout son livre "Ocean Passages of the World". Perdu. Ca va le travailler plusieurs jours. Mais l'ouvrage reste introuvable. Comme cela revient régulièrement dans la conversation, Marc énonce sentencieusement: 
-"Arrête Gérard, il ne faut pas retourner le bateau dans la baie..."
Dans la nuit du dimanche 20, nous progressons au moteur pour pallier à une panne de vent. Et puis soudain vers 4 heures, tout s'arrête. Et voila le capitaine réveillé en catastrophe, le nez dans les fonds à rechercher pourquoi. A 5 heures, le diagnostic est fait: Le filtre primaire de gas oil est bouché et le carburant n'arrive plus au moteur. Sans doute la faute à un développement massif de bactéries après une contamination au Venezuela ou à Grenade. Peut être qu'on a oublié une fois ou deux le biocide qu'il convient d'ajouter régulièrement au gas oil par ici. Bref, à 5 heures 30, le filtre est changé, une dose de biocide pour traitement de choc est versée dans le réservoir et le moteur fonctionne à nouveau.
Pourvou qué ça doure.

Où il faut savoir finir une traversée.
On aurait pu continuer ainsi jusqu'à Abaco tout au Nord Ouest. 600 milles plus loin
Cette nuit, nous sommes passés au large de Turks et Caïcos. Marc aurait bien aimé s'y arrêter pour écourter un peu la traversée. Mais de nuit et sans carte de détail, le capitaine a été inflexible. En échange, il promet de s'arrêter à Mayaguana qui est la première île des Bahamas dont nous nous approcherons et ça devrait être de jour.
Et effectivement, lundi 21 en fin d'après midi, nous entrons dans le lagon de Abraham's bay, à Mayaguana.
Premier contact avec les Bahamas: un lagon profond d' 1,5 à 2,5 mètres, protégé par une barrière de corail sur laquelle brise la mer et accessible par une passe plutôt étroite, sinueuse et peu profonde. Et une eau claire. Claire comme jamais vu. On a l'impression que le bateau est posé sur le fond.
Nous sommes le troisième bateau, dans cet immense lagon ou on pourrait mouiller à  trois cents. Nous débarquons devant un village de quelques maisons, près de la plage. L'ambiance rappelle Hoedic. 
Et évidemment, nous nous mettons à chercher un troquet. 
Nous le trouvons: le seul bar restaurant dans l'unique rue du village. Comme la porte est fermée, qu'il n'y a pas âme qui vive et qu'il n'est pas clair que ce soit ouvert, nous nous renseignons auprès d'un homme qui bricole à la scie sauteuse à côté de la maison. Il se trouve que c'est le patron et qu'il est ravi de nous ouvrir la porte.
Un peu plus tard, quelques clients viendront et nous nous retrouverons finalement avec un autre voileux français - navigateur solitaire dont le bateau est un des trois de la baie - à manger du poulet frit et à se raconter nos souvenirs de traversée. 
Il est venu ici pour prospecter et chercher un endroit où installer sa famille et entreprendre quelque chose. Cette île, très à l'écart des circuits touristiques, possède malgré tout une piste d'atterrissage construite par les américains pour servir de base de récupération de capsules spatiales, aujourd'hui, elle ne sert plus à rien. Ca lui parait une bonne base pour commencer quelque chose. Il va continuer sa prospection.
Quant à nous, après cette entrée en matière heureuse, il nous faut continuer à affronter la découverte de cette sorte de Monte Carlo que doivent être les Bahamas.
Il reste de longues étapes.
Le mardi 22 Février, nous repartons vers le Nord, pour aller vers Georgetown sur Grand Exuma, en passant au vent des deux grandes îles que sont Acklin et Long Island. Une étape d'environ 160 milles.
Après une journée et presque une nuit au près serré sous grand voile arisée et sur la mer qui va avec, nous arrivons au petit matin sous la pointe sud de Long Island. Il reste encore 60 milles à parcourir au près serré, au vent de cette île devant une côte sans abri avant de laisser porter au Sud Ouest, pour encore 20 milles vers Grand Exuma. On décide de laisser tout de suite porter sous le vent de l'île et d'y chercher un mouillage pour se reposer. Vers 8 heures du matin, nous mouillerons dans un calme parfait, en face d'une petite plage, sur des fonds non hydrographiés. Les fonds sont de sable très fin et les quelques patates de corail sont très clairsemées et bien visibles. L'eau est très claire et peu profonde. Si peu, que nous affrontons notre premier échouage, avant d'atteindre le mouillage convoité.
Enfin, ce n'était pas vraiment un échouage. Juste un tutoiement du sable par les safrans, on insiste un peu pour reculer et c'est reparti.
Et ce sont de nouvelles exclamations admiratives. La couleur et la transparence de l'eau. La blancheur du sable sous le ciel bleu. L'immensité déserte qui nous entoure. Tout est conjugué au superlatif. Ce sera une journée de repos au calme total, sans aucune présence humaine avant de repartir affronter la ville de Georgetown et commencer ainsi un mois de vagabondage bahaméen.
Que c'est grand, que c'est grand les Bahamas!
C'est sur Samana Cay, petite île déserte, à l'Est de l'archipel, que Christophe Colomb atterrit le 12 décembre 1492. Il était parti le 3 Aout d'Andalousie et croyait alors avoir trouvé les Indes. Toute la région en conservera l'appellation anglaise de "West Indies".
Brisants, récifs coraliens  et eaux peu profondes: les espagnol parlent de Baja Mar - pour mer basse - et cela vaudra son nom à l'archipel: Bahamas. Tout cela n'attire guère notre découvreur qui repart très vite vers Hispaniola et Cuba, beaucoup plus arrosées, plus vertes et plus riches.
L'archipel est immense. Ce sont plus de 700 îles plates et arides, essentiellement constituées de calcaire coralien, qui s'étendent sur plus de 1000 kilomètres de long, du Nord au Sud. Le guide Nelles nous dit:" Une vie entière pourrait être passée dans ces îles, à explorer, naviguer, pêcher et nager."
Nous n'y avons passé qu'un peu plus d'un mois et nous sommes surtout concentrés sur Exuma et sa longue ligne de cayes ainsi que sur Long Island sa voisine. Nous n'aurons pas vu les îles du Nord: New Providence et Grand Bahamas. Elles sont paraît-il le paradis des golfeurs, tennisseurs et autres amateurs de casino américains;  ce n'est pas précisément ce que nous cherchons. Et pour comble, nous n'aurons pas vu non plus les Abacos ni pu rendre visite à Yves, le copain de Gérard, pour qui nous étions spécialement venus dans l'archipel. C'est trop loin et nous n'avons plus le temps.
Enfin, là où nous sommes allés, nous nous sommes saturés de lieux magiques et vierges, de plages pour nous tous seuls. Il y en a partout. Cette région est un paradis pour promener nos amis visiteurs tout frais débarqués de l'avion. La température n'est pas trop élevée (26 °C) et il y a toujours un peu de vent pour rafraichir. L'eau est bonne et revigorante, et tellement transparente. 

Les points forts de ce séjour

Le passage de Hog Cut

Après l'arrêt impromptu sous Long Island, nous avons décidé d'essayer de rejoindre Exuma par le côté sous le vent de l'île. On y sera bien protégé, mais les fonds y sont très faibles: Jusqu'à 90 cm à marée basse par endroits. Et comme il n'y a ici que quelques 80 centimètres de marnage, laisse peu de marge. Enfin on va essayer; ça contribuera à notre apprentissage des Bahamas. Si ca ne passe pas, on reviendra.
On part donc dès 6 heures du matin. La lune éclaire encore la mer pour guider notre départ et le soleil sera haut quand nous aborderons le plateau, à 10 milles d'ici.
C'est notre réel baptême des eaux peu profondes, sous le vent des cayes bahaméennes. Nous abordons dans des conditions plutôt favorables (Marée montante, soleil montant et déjà assez haut) une navigation d'environ 15 milles sur des faibles profondeurs. Les fonds sont de sable assez plats, avec juste de temps en temps une tête de corail à éviter. Nous progressons prudemment et régulièrement à 4 noeuds. On croise quelques bateaux de pêche locaux qui évoluent majestueusement à la voile sur ces eaux calmes. Voilà maintenant 3 heures que nous naviguons dans moins de 3 mètres d'eau, en visant le passage entre Little Exuma et Hog cay. A mesure que nous approchons les îles sortent de l'horizon et le passage qui apparaissait d'abord très large se ferme de plus en plus. De surcroit, les fonds remontent sérieusement. La vigilance est à son maximum: il y a environ 60 cm d'eau sous le bateau et on distingue avec peine le bleu blanchâtre des sommets des bancs de sable que l'on essaie d'éviter en slalomant un peu. La passe a complètement disparu et même aux jumelles, on ne distingue aucune percée entre Exuma et Hog Cay. Le capitaine ne jure que par la carte. Il faut y croire, mais on ne voit rien qui corresponde à ce qui est écrit. On approche lentement. Marc barre, le capitaine saute de la table à carte aux jumelles et vice versa, la femme du bord filme et photographie. Et puis, ça y est, les fonds redescendent un peu en arrivant sur la barrière de cayes, et la passe apparait, là où elle doit être: Une chicane en Z entre deux pointes rocheuses. Profonde mais étroite et parcourue par un fort courant; genre entrée du Golfe du Morbihan, dans le nez évidemment et face au vent. Enfin comme ça parait ressembler à la carte, on prend confiance et on y va au moteur à fond la caisse. Une prière rapide pour qu'il ne nous lâche pas là, juste maintenant. Dès que l'on met le nez du coté au vent de la passe, le capitaine tourne vert d'angoisse: ça brise tout près, de chaque coté du bateau. Mais enfin, on avance et on se retrouve enfin dans de l'eau bleue marine sur des fonds plus chrétiens (Plusieurs mètres, voire dizaines de mètres sous le bateau.). Malgré le clapot qui est maintenant significatif, c'est plus rassurant. 

L’arrivée à Great Exuma par le Sud 

Il reste à rejoindre Georgetown, le port/capitale de Great Exuma. Et là, les cailloux s'ajoutent au sable et aux coraux pour  nous offrir une navigation avec relevés et alignements, genre archipel des Glénans. Le capitaine garde un oeil sur la carte, l'autre dans les jumelles. On ne peut pas laisser la barre au pilote automatique. Heureusement qu'on est trois pour faire connaissance avec tout ça. Merci Marc, et Véronique ensuite.
Le début est un peu stressant, mais .peu à peu on apprend à discerner les zones bleu clair qui témoignent du sable sans danger, les zones plus pales pour le même sable mais avec très peu d'eau, les zones marron qui montrent les têtes de corail à fleur d'eau, les zones sombres qui sont soit du corail, soit des algues mais avec beaucoup d'eau dessus, soit seulement un nuage qui passe. On apprend même à distinguer les zones plus foncées, qui devraient témoigner de profondeurs plus importantes, mais qui s'éloignent à mesure qu'on s'approche et qui ne sont qu'une sorte de mirage. Comme vous voyez, on ne s'ennuie pas. 
Mais enfin, la carte est exacte et avec le GPS, quelques relèvements et beaucoup d'attention nous finissons par mouiller en face de Georgetown, au milieu d'une douzaine de voiliers.

Découvrir Georgetown et revenir à la "civilisation urbaine"...

Après toutes ces émotions, sitôt mouillés nous nous précipitons à la découverte de la capitale des Exumas et des Bahamas du sud. Et là, c'est la stupeur!
Nous découvrons un ponton pour annexes, sur le lac Victoria, petit étang marin accessible par une passe très étroite, sous un petit pont routier. Au bout du ponton, une rue de village longe le port. La rue est bordée de quelques maisons, d'un super marché, d'une petite banque, d'une ou deux églises. Nous n'avons pas de plan et nous aimerions rejoindre la ville où nous esperons trouver Email et renseignements sur la desserte aérienne de l'ile. Mais nous avons beau lever le nez, on ne voit rien à l'horizon qui ressemble à une ville ni à des immeubles. En fait, renseignements pris, nous sommes au coeur de la capitale. La rue fait le tour du lac, sur un bon kilomètre. Elle croise une route qui dessert le sud de l'ile, une autre pour le nord. Une place avec un batiment plus important pour l'administration; et c'est tout. Cette cinquantaine de maisons, c'est Georgetown!
La course à l'Email va être assez difficile. Après une enquète serrée, qui nous amènera à la banque, à la poste, aux télécoms. le bureau local d'une société d'assurances nous donnera la bonne information: à 5 kilomètres au nord, une sorte de fondation/école: "Education Resources" offrirait un accès internet. Ca nous permettra de constater la facilité du stop sur Exuma. A "Education Resources", nous trouverons peu d'élèves mais un accueil chaleureux et un accès à internet, via un Mac, qui nous permettra d'apprendre l'arrivée imminente de Véronique et Chantal.
D'une manière générale tout le monde ici, est charmant, souriant et de contact aisé. Le stop fonctionne bien,et c'est une chance, car comme tout le reste ici, les taxis sont très chers. Nos amis visiteurs n'en useront que pour ne pas rater l'avion.

Découvrir aussi le mouillage des américains.

Nous auront quelques conversations dans la rue de Georgetown, avec d'autres "boaters". Ils sont nombreux, américains et canadiens. Rarement Français ni même européens. On nous conseille, courses faites, d'aller mouiller de l'autre côté de la baie, sous le vent de "Stocking Island". La mer y est plus calme et c'est "charming". Effectivement, de l'autre côté on distingue une forêt de mâts. Sûrement plusieurs centaines de bateaux.(Renseignements pris il semble qu'il y en ait 450!!). Nous ne sommes pas très chauds, mais Marc nous y attire avec la perspective d'un bar qui organiserait une "TV party" pour assister à une régate de la finale de l'America's Cup et déguster des BBQ ribs.
La soirée sera à la hauteur de nos attentes: les Italiens se feront étriper par les Néo zélandais et nous y assisterons après avoir trouvé place à une table, en compagnie de six autres européens, dont une italienne. Le bar est de style "Far West", tout en bois et l'ambiance est chaude. Nous dégustons d'excellentes "spare ribs" et des punchs plus qu'honnêtes, au milieu d'une foule de "boatmen" qui parlent très fort en trempant leurs frites dans le ketchup et qui vont fumer dehors.
En deux jours, nous apprendrons beaucoup sur les moeurs locales. Les quelques centaines de bateaux qui sont mouillés là, devant la plage et le bar sont américains et canadiens (ils forment deux zones distinctes dans le mouillage) ne bougent pas de là, durant tout leur séjour. Pour beaucoup, cela signifie durant tout l'hiver. A l'approche de la saison des cyclones, le mouillage se vide vers la Floride, les côtes de Maine et le Canada. A pratiquer ainsi, cette horde de bateaux laisse quasi déserts les mouillages alentours et on ne rencontre, lors d'une navigation dans les cayes d'Exuma que quelques bateaux de forcenés qui se déplacent. Environ 1% des bateaux présents dans la région.
Grâce à cela, nous profiterons égoïstement d'un maximum de splendeurs sauvages.