Partir... Partir...
Le programme
Cela fait maintenant quasiment 6 mois que nous sommes
au Venezuela. Le temps nous presse de reprendre la route. Mais c'est dur
de quitter Punta Cangrejo et de se séparer de nos amis de "Bon vent"
et "d'Altaïr".
Francis et Anne Marie, toujours très pressés,
partiront les premiers vers les Roques, la Colombie et le Pacifique, via
Panama. François et Françoise pensent passer encore un mois
dans le Golfe de Cariaco. Nous leur ferons donc ici nos adieux ainsi qu'à
Kike et T Bone pour préparer vigoureusement notre remontée
vers le Nord.
Nos projets prévoient un tour dans les Bahamas
où nous espérons rencontrer Yves, un ami de travail de Gérard
qui a élu son domicile tropical sur l'île de Grand Abaco;
un tour à Cuba, envisagé de longue date, et un retour vers
Panama pour la visite de l'archipel des San Blas et des indiens Kuna avant
de mettre le nez dans le Pacifique. Le temps commence à presser,
car la saison des cyclones débute en Juin dans l'Ouest de la mer
des Caraïbes et nous comptons traverser de Cuba vers Panama
à la toute fin Mai. Alors...
Contre vents et marées...
Alors: après avoir fait le plein des soutes en
alcools et vivres en tous genres à Margarita, nous attaquons le
17 Janvier vers 17 heures notre remontée au nord par une longue
étape de Sud Est.
En fait, nous visons St Martin où nous attendons
du courrier et comptons trouver quelques shipchandlers bien achalandés
et pas chers pour faire oublier le Venez et préparer le Pacifique.
Mais St Martin est à quelques 600 milles, à
peu près dans notre Nord Nord Est. C'est la saison des alizés
musclés de Nord Est et la route directe nous promet donc un "long
long long" bord de près "très très très" serré
dans une mer "très très très" formée. Et le
capitaine n'aime pas ça du tout. Alors, nous adopterons la tactique
du plus "court" chemin qui n'est pas la ligne droite, et nous commencerons
par faire au moteur le maximum d'Est, le long de la côte Nord du
Venezuela qui est réputée pour ses calmes nocturnes, avant
de remonter au nord sous le vent des petites Antilles, en profitant de
leur abri.
Comme dit le capitaine: "Le chemin, c'est dans la tête
qu'il est important qu'il soit court". C'est ce qu'on appelle la "loxodromie
mentale".
Selon cette fine stratégie de navigation, la première
étape nous amène de Margarita à Puerto Santo, quelques
50 milles à l'Est-Sud-Est sur la Côte du Venezuela. Elle se
fait en une nuit pendant laquelle nous devrons tirer des bords sous les
grains qui se succèdent. L'estomac du capitaine n'apprécie
pas du tout.
Enfin, le matin du 18 vers 9 heures, nous mouillons dans
le port de Puerto Santo. C'est un petit port de pêche hyper actif
au fond d'une baie qui nous parait bien jolie et surtout bien accueillante,
malgré la pluie.
Vers 13 heures, le capitaine sort de sa sieste réparatrice
pour s'attabler devant un "Lomito au bleu - Pommes sautées - salade"
super reconstituant. (Lomito: Filet de boeuf). Ses exercices nocturnes
lui ont neutralisé les cordes vocales. Il ne peut plus parler. Seulement
chuchoter... Quelles vacances pour le second !
Après une courte sieste, préventive celle
là, nous repartons vers 17 heures. Au moteur, contre un vent qui
faiblit jusqu'à presque disparaître. La nuit sera très
belle sur une mer assez calme et sous la lune. La veille restera quand
même très attentive car nous évoluons entre un et trois
milles de la côte qui est déserte, sans lumière et
que nous ne distinguons pas. Le radar contribuera largement à nous
garder en confiance.
Un petit passage par
le paradis
Au matin du 19 Janvier, nous arrivons dans l'Ansa de San
Francisco. C'est extraordinaire. La montagne descend du sommet, quelques
mille mètres plu haut, directement à pic dans la mer. Elle
est entièrement recouverte d'une jungle épaisse au travers
de laquelle on ne distingue que quelques cascades. Serait on arrivé
aux Marquises par inadvertance? Ou au paradis originel ?
Nous n'y verrons ni Adam ni Eve mais seulement quelques
bateaux de pêche qui viennent sous les cascades faire de l'eau douce
et une petite toilette avant de repartir au boulot.
Pour notre part, nous ne débarquerons pas au paradis.
Nous n'avons pas beaucoup de temps et nous craignons un peu les serpents
dont on dit qu'ils pullulent dans cette jungle. Le paradis n'est jamais
vraiment parfait. Quelques navigateurs morts après une morsure de
serpent alimentent la légende locale.
Dommage, il paraît que c'est plein d'arbres fruitiers
sauvages: cocotiers, manguiers et bananiers.
La pluie et la houle nous rattrapent à midi ,alors
c'est décidé: vers 16 heures nous repartons.
Au Nord cette fois, car nous sommes arrivés maintenant
à l'entrée de la baie de Trinidad. Nous commençons
au moteur pour nous éloigner de la côte en espérant
trouver un peu de vent au large.
Les Antilles
Grenade
Où nous quittons vraiment l'Amérique latine
pour la tradition anglo saxonne...
Vers 18 heures, le vent se montre de Nord Est et nous
nous installons au 350, au près serré, à 5 noeuds
sur le fond. C'est le cap pour Grenade à 80 milles de là.
Nous laissons dans notre sillage les côtes de l'Amérique
du Sud. Hasta Luego, nous reviendrons sûrement.
Au matin après avoir étalé quelques
grains nocturnes, nous arrivons à Prickly Bay, au sud de Grenade,
dans un alizé forcissant. Il allait être temps de réduire
la toile.
Nous sommes idéalement mouillés: devant
une marina pour un plein de gas oil et surtout devant le bâtiment
des douanes et de l'immigration pour les formalités d'entrée,
juste en face du bar de la marina. (Cette dernière disposition s'avérera
d'ailleurs très utile, comme nous verrons plus loin). En priorité,
cap sur les formalités d'entrée.
On commence par se saper tous les deux façon "habits
du dimanche". Dans ces îles, les héritiers noirs de la présence
anglo saxonne ne rigolent pas avec le laisser aller. Et sus à l'administration.
A 15 heures 30, on commence avec l'officier de l'immigration.
Il n'a pas l'air rigolo. Réservé, limite sévère.
On se tient bien droit et bien coiffé !!! En fait, il se détend,
nous demande comment prononcer nos prénoms et complète à
la main les 4 exemplaires de la Crew list que nous avions préparée.
Soudain, à brûle pourpoint, il nous demande
avec un sourire entendu:
"Pourquoi vous autres français n'êtes pas
restés sur cette île à la place des anglais ?"
Stupéfaction. Et prudence, on n'est pas sûr
de comprendre.
Il ajoute avec un franc sourire aimable:
"Eh bien oui, avec les français ça aurait
été mieux."
Puis il reprend son travail d'écriture.
A 16 heures, nous en avons fini avec lui et il nous annonce
que son collègue des douanes n'est pas là pour l'instant.
Il nous suggère de l'attendre. Par là.
Nous remarquons alors d'autres skippers qui tournent
en rond entre ici et le bar, dans l'attente du même fonctionnaire.
Alors vive le bar. On boit un coup, on patiente, on parlotte. Certains
commencent à gratter le sol. Vers 17 heures c'est la fermeture des
bureaux et on voit l'officier d'immigration fermer le sien. Il nous fait
signe de patienter: Ca va venir.
A 17 heures 30 notre fonctionnaire des douanes arrive
et les skippers se précipitent. Les sortants passent d'abord, nous
autres arrivants passerons ensuite. Et là, on entend avec stupéfaction
le douanier demander aux équipages qui nous précèdent
une « surtaxe pour cause d'heure tardive et de fermeture des bureaux
». Gérard s'étonne de cela à l'officier qui
lui répond de regarder sa montre pour voir l'heure qu'il est. Fulminations
de Gérard qui déclare attendre depuis 15 heures 30 et suggère
de remettre ces formalités au lendemain, sans surtaxe. Entêtement
de l'officier qui nous demande impérativement d'attendre:
On enregistrera ce soir.
Placide, glacial, levant à peine une paupière
sur nous pour vérifier qu'on reste bien là, il empoche les
surtaxes des équipages précédents...
Notre tour arrive. Et là, surprise: pas de surtaxe
sur notre facture. Chic alors.!
Mais curieusement il n'a pas de monnaie sur nos quinze
dollars et nous explique vaguement qu'avec l'heure tardive, ca ira bien
comme ça. Il aura gardé ainsi, environ 4 dollars. Soit un
peu moins de trente francs. C'est mieux que la surtaxe qui coûtait
10 dollars mais quand même... Quelle enflure ce mec!!!
Comme dit Boris Vian:
"C'qui prouve qu'en protestant,
Quand il est encor' temps
On peut finir
Par obtenir
Des ménagements..."
Pour se remettre de cette poussée d'adrénaline
on se jette sur une margarita au bar de la marina qui est bondé
à c't'heure. Plus british, tu meurs. Plus cher aussi d'ailleurs.
Il va falloir se réadapter aux tarifs caraïbo-europeano-américains.
Mais bon, l'ambiance touristes-charters en goguette nous change les idées
et surtout, nous les détourne de ce gros c... de douanier. (L'adrénaline
n'est pas encore complètement inactivée.) Il semble que ce
"brave homme" disparaisse toute la journée et ne réapparaisse
qu'à l'heure à laquelle il peut demander une surtaxe. C'est
décidé, on fera la sortie ailleurs. On ne veut plus le voir.
En fait, nous découvrirons un peu plus loin, à St Georges,
en faisant nos formalités de sortie que là, ça ne
coûte rien.
Hormis cet épisode intéressant, l'île
de Grenade vaut le détour. Nous y passons cinq jours très
agréables au mouillage de "Clark's court bay". C'est un des nombreux
mouillages du sud de Grenade qui ont en commun d'être assez sauvages
et très abrités. Juste quelques maisons qui se cachent dans
la verdure et une crique d'eaux claires et bien abritée du vent
de 40 noeuds qui se lève le lendemain. Nous en profiterons pour
terminer l'épisode précédent de la gazette qui vous
est chère (Venezuela II, NDLR).
Le mardi 25 janvier, nous découvrons la capitale
de Grenade: St Georges Harbour. Peuplé de 9000 habitants, c'est
un port charmant. Un grand bassin est bordé de maisons et d'anciens
entrepôts très colorés et bien entretenus qui rappellent
le commerce des épices et le passé colonial de cette île.
On pense aux petits ports de la côte sud de l'Angleterre que nous
aimons beaucoup. Avec le soleil en plus.
Nous y découvrons la spécialité
locale: le "Punch Nutmeg". La Nutmeg ou noix de muscade est le produit
national de l'île. Elle est même présente sur leur drapeau.
Le punch. Le rhum.
On n'a pas fini d'en parler. C'est le dénominateur
commun de toutes les Caraïbes. On en fera donc un encart dans ce numéro
et un écart à notre régime. Un gros écart.
A St Georges, nous faisons le plein de vivres frais au
super marché du fond du lagon, juste en face de notre mouillage.
Les légumes sont rares et chers, mais on trouve du mouton. La première
fois depuis un an et demi.
C'est donc les soutes pleines que nous reprenons notre
route du rhum à nous.
Le mercredi 26 Janvier à 10 heures.
Départ pour quelque part qui sera soit Cariacou
à 20 milles, soit Ste Lucie à 90 milles ou même St
Martin à 300 milles. On ne sait pas. On verra comment se présentent
la mer et le vent.
Et on voit:
Vent d'Est Nord Est force 5/6, au près tribord
amure, un ris et un peu de génois. On avance à 6 noeuds cap
au 20. En fin d'après midi, on passe au large de Cariacou, à
7/8 milles à notre vent. Trop loin, on ne s'arrête pas. Dans
la nuit, un deuxième ris ne nous ralentit pas. On passe les Grenadines
et St Vincent pour se trouver au petit matin au Sud Ouest de Ste Lucie.
Vers 10 heures on distingue les "deux pitons" et la tentation est tellement
forte qu'on y succombe: On va aller se reposer à Ste Lucie. Enfin
c'est vite dit, car nous en sommes à une bonne quinzaine de milles,
sous le vent de la pointe Sud Ouest. Et c'est seulement dans l'après
midi que nous arrivons contre vent et clapot, à la voile et au moteur,
à entrer dans Marigot Bay.
Pèlerinage à Sainte-Lucie
Crique de carte postale, sable et palmiers. Souvenirs
de notre seconde croisière aux Antilles dont c'était la première
étape. Depuis, on est devenu un peu blasé, mais on pense
à vous, alors on s'extasie...
A 16 heure 30 on est mouillé tout au fond de la
baie, au milieu d'une centaine de bateaux. La Concorde à midi, au
milieu d'un paradis tropical vert et touffu. Essayez d'imaginer !
Emotion.
Mais on ne perd pas le nord et à 18 heures: Happy
Hour au bar. C'est une invention américaine - enfin je crois - qui
vous donne droit à une double ration de punch, pour le prix d'une.
Ca doit attirer le client qui arrive ainsi bien chaud à 19 heures
et reste alors boire au tarif normal, plus que de coutume.
Mais nous, sérieux - vous nous connaissez: on
ne peut pas boire plus que de coutume. - à 19 heures, nous rentrons
au bateau. Dîner et dodo à 20 h 30.
Le lendemain, vendredi 28 nous remontons au moteur quelques
quinze milles plus haut jusqu'à Rodnay Bay. Nous y avons le souvenir
"Hému" de la fête du vendredi soir au village de Gros Ilet.
C'était il y a quatre ou cinq ans. Notre amie Marie était
alors avec nous et elle dansait ce soir là de façon suffisamment
spectaculaire pour avoir quasiment tous les danseurs locaux dans son sillage.
L'Irlande sous les tropiques.
Finalement, cette fois, nous n'irons pas à Gros Ilet.
Nous découvrons au fond de notre mouillage, un Pub irlandais sympathique:
"Le Shamrock" et nous y passerons la soirée. Moins délirante
que la dernière fois.
C'est de là que nous partons à pied à
la recherche de la cyber paillote locale. On la trouve à la marina
et climatisée, en plus. Il faut bien se tenir au courant des nouvelles
du pays. Bonnes, jusqu'ici.
Nous repartons vers le Nord, le samedi matin. Hier soir,
nous avons pris la précaution d'acheter au Shamrock, avec nos derniers
Biwi's*, un bon litre et demi du punch que nous avons si tant goûté
toute la soirée. L'avenir est assuré.
Avec tous ces punchs, nous ferons une étude comparative
et - hic - nous vous tiendrons au courant des résultats après
Cuba.
* Le Biwi est le British West Indies Dollar; ou encore
dollar EC pour East Caribean. C'est la monnaie en vigueur dans les iles
ex Britannique
En route
Le sort et les éléments comme
instruments de décision.
Cette fois, nous sommes en route pour St Martin. Encore que
: A la cyber paillote, Gérard à reçu un mail d'Hervé
qui lui signale que Francis, un copain de plongée, est en ce moment
dans sa maison des Saintes. Nous comptions éviter la Guadeloupe.
Mais peut être que juste pour une soirée. Bah, on verra. Toujours
selon le vent et la mer...
Cette fois, le cap est un peu meilleur. Ste Lucie est
le point le plus à l'Est de l'arc antillais et maintenant, nous
faisons du 340. Ca nous met au "près bon plein" et si le vent est
environ force 5/6 dans les canaux, les îles nous offrent un abri
apprécié.
Nous passons l'après midi du samedi à remonter
la Martinique en s'aidant du moteur. Vers 20 heures, c'est le dîner.
Un peu sportif, dans le canal de la Dominique sous grand voile à
deux ris. Mais la soupe est bonne et le bateau avance bien.
Vers minuit, on se retrouve au calme à l'abri
de la Dominique.
Avec quelques émotions tout de même, quand
nous croisons, d'assez près dans la nuit noire, un remorqueur qui
tire une grosse barge au bout d'un filin de deux cent mètres. Le
temps de retrouver la signification des feux qu'ils portent, et ils seront
passés avant que nous les ayons identifiés.
Nous commençons a croiser aussi quelques paquebots
de croisière qui illuminent la nuit comme des arbres de Noël.
A 5 heures du matin nous abordons le canal au sud de
la Guadeloupe. Notre voile à deux ris nous propulse à plus
de 7 noeuds. Et là, Gérard croit discerner quelque chose
d'étrange dans le gréement. Le bas hauban sous le vent ballote
exagérément. Un harnais, pour jeter un oeil à l'avant,
et là: "Katastrophe": Le bas étai est cassé.
Il ne tient plus que par deux brins au capelage sur le mât Du coup,
le mât se cintre vers l'arrière, comme un arc, à chaque
vague. Et il y en a beaucoup. Jurons bien sentis du capitaine.
Pour soulager un peu le mat, on amène complètement
le génois, on laisse un peu de Grand voile, bien bordée,
et on remet le moteur. Le sort en est jeté, nous nous arrêterons
aux Saintes.
Les Saintes
Nous y arrivons vers 7 heures 30 à 7,5 noeuds,
sous des grains bien noirs qui bouchent régulièrement l'horizon.
A huit heures, nous sommes mouillés à l'abri de la rade de
Terre de Haut.
Au fait, devinez pourquoi cet archipel s'appelle "Les
Saintes" ? Eh oui, vous avez gagné un punch, quand vous viendrez
nous voir, à bord. C'est parce que Christophe Colomb, toujours lui,
l'a découverte le premier dimanche suivant la Toussaint de 1493
et l'a baptisée "Los Santos". Plus tard, ce sont les normands et
les bretons qui peupleront ces îles. C'est quasiment le retour au
pays: Bretagne tropicale après Concorde tropicale.
On ne peut pas avoir que de la malchance.
Aussitôt mouillés mais à une heure décente,
pour le laisser se réveiller, Gérard téléphone
à Francis. Et là, miracle. Non seulement il est bien
là avec son amie Véronique, mais encore doivent arriver ce
soir Nathalie et Christian - autres amis du club de plongée - qui
se sont mariés et reproduits depuis notre départ. Ils seront
même accompagnés de Jérôme, le frère de
Nathalie et de son épouse Anne Françoise. Ceux là
même qui habitent Nantes et qui skippaient le bateau en compagnie
duquel nous avions organisé une croisière pour quelques copains
du club, en Bretagne sud avant de partir Pour une surprise! Rendez vous
est donc pris chez Francis pour 18 heures. Juste avant l'arrivée
des nouveaux.
Leur surprise à eux sera plus grande encore.
Je crois que pendant quelques secondes, ils ont refusé
de nous reconnaître, tellement ils étaient ahuris..
Et là, la soirée initialement prévue
s'est transformée en trois journées de fêtes amicales,
chaleureuses et joyeuses.
Gérard profitera même de l'occasion pour
renouer avec la "plongée bouteilles" qu'il n'avait quasiment pas
pratiquée depuis le départ.
Nous rendons encore grâce à Francis et Véronique,
pour ces super moments et pour nous avoir fait découvrir trois produits
locaux: Le topinambour, le Gwako et l'eau de javel.
Le premier se présente comme une sorte de pomme
de terre nouvelle qui se mange bien salée, avec la peau et du beurre.
Le second est une musique de tambours, de chants et d'onomatopées;
qui exprime bien les racines africaines locales et que l'on apprécie
d'autant plus que l'on fait usage du troisième. C'est une sorte
de punch au citron qui à la couleur de l'eau de javel, est aussi
destructeur mais a bien meilleur goût.
Inoubliable tout ça.
Mais ce n'est pas le tout. Il faut penser
à réparer le bas étai.
Le mercredi 2 février, nous profitons d'une accalmie
des alizés pour aller jusqu'à Pointe à Pitre au moteur.
Sur les conseils de Francis, nous trouvons l'atelier CTA où se trouve
un couple de gréeurs sympathiques, compétents et bien équipés
- on se croirait à Lézardrieux (près de Paimpol. NDLR)
chez Michel et Jérôme - et on prend rendez vous pour le lendemain
matin à l'aube et l'évaluation des dégâts.
Le Jeudi à 6 heures 30, Gérard va chercher
son réparateur pour faire l'état des lieux. A 11 heures,
après 2 aller-retours à terre, c'est terminé. Bilan:
Le bas étai est remplacé, bien sûr, mais aussi le bas
hauban et le galhauban inférieur bâbord.
Gérard profitera des shipchandler locaux pour
trouver les pièces nécessaires au moteur de l'annexe qui
est en panne depuis 2 mois. Tout baigne.
On est tellement content d'avoir réglé
tout ça qu'on décide de retourner le lendemain aux Saintes
faire une dernière fiesta, avant de repartir vers St Martin.
La chance est avec nous: à cette occasion, nous
croisons au mouillage, un bateau Sud Africain qui vient d'arriver et que
nous avions rencontré à Salvador et à Camamu. Ils
nous donnent des nouvelles de Lainakea et de nos amis argentins (cf gazette
Brésil. NDLR). Ils nous donnent aussi l'adresse E mail de ces derniers
et nous en profiterons pour reprendre contact avec Jorge et Maria Clara.
Le samedi 4 février, après une dernière
soirée assez mémorable avec les copains (dont pourtant Gérard
ne garde qu'un vague souvenir), nous quittons les Saintes avec regret.
C'est dur la vie de marin. Laisser ainsi ses amis et ses parents dans les
ports. Mais nous repartons résolument à l'assaut de la côte
sous le vent de la Guadeloupe. Le soir, nous nous arrêtons dans l'anse
de Deshaies, pour nous reposer; de cette journée bien sûr,
mais surtout de la nuit précédente qui pèse encore
sur nos estomacs.
Nous touchons enfin au terme de notre remontée
des Petites Antilles.
Saint-Martin
Le lundi 7 au petit matin, après une nuit passée
à naviguer au vent de Montserrat et des Antilles néerlandaises,
nous arrivons enfin à Marigot, le chef lieu de St Martin. Nous avons
passé la nuit en compagnie de trois paquebots tout illuminés,
qui progressent à petite allure afin d'attendre le matin pour débarquer
leur chargement dans les boutiques de St Martin et St Marteen. Au large
de St Barth, l'un d'eux, nous fera même une frayeur en nous rattrapant
sur une route collision, comme s'il ne nous avait pas vu. Cela provoquera
une liaison VHF pour découvrir que c'était le paquebot "Mistral",
qu'il nous avait bien vu et nous passerait derrière, à un
demi mille sous notre vent. Ca nous permettra de l'admirer de près.
Un peu trop ?
Nous aurons mis 20 jours à remonter l'arc antillais.
Beaucoup de joies et de plaisirs et pas de regrets. Et un gréement
dormant en meilleur état. C'est plutôt une bonne nouvelle
avant de passer dans le Pacifique.
Quelques siècles de présence
française...
Nous sommes mouillés dans la baie de Marigot. En face
d'une île qui fut découverte par l'habituel Christophe Colomb
le jour de la St Martin de 1493. - Etonnant, non ? - Auparavant elle
était nommée "Sualoniga" par les indiens Arawhaks qui y habitaient.
Cela signifie l'ile du sel et témoigne des marais salants qui en
occupent la partie Sud Ouest. Au début du XVIIème siècle
des colons français et anglais s'y implantèrent... En 1648,
après plusieurs revirements de domination, la France et la Hollande
signèrent un traité de partition de l'île qui est toujours
en vigueur.
Comme sur les autres îles Caraïbes, l'industrie
sucrière y sera florissante jusqu'en 1848 et la "désastreuse"
abolition de l'esclavage... Les salines prendront alors de l'importance
jusqu'en 1950. Souvenez vous: le sel était alors un élément
important de la vie économique, politique et sociale. - Avant la
"désastreuse" invention de la conservation par le froid - et sa
production comme son commerce étaient l'un des fondements de la
richesse des états. Jusqu'à la fin du XVIIIème siècle,
l'impôt sur le sel a constitué une part importante des ressources
fiscales. Vous vous souvenez, à l'école primaire: la Taille
et la Gabelle. Ce n'était pas un couple de comiques troupiers, c'étaient
des impôts. Dont la gabelle, sur le sel. Ce fut la richesse du Cap
Vert et de St Martin. Entre autres.
De 1950 à 1970, la population dût émigrer
pour trouver du travail.
On assista ensuite au développement touristique
des Antilles. Dans les îles françaises, l'activité
immobilière qui y est associée fut encore accélérée,
avec la loi Pons à partir de 1987. Cela provoquera à St Martin
une explosion démographique. La population de la partie française
de l'île passera alors de 8000 à 28000 habitants. En 1990
cette population était estimée à 35000 individus et
constituée de 45% de Français et de 55% d'émigrés
en provenance majoritaire de Haïti et de St Domingue.
Cela explique le cosmopolitisme et le multilinguisme
qui sont immédiatement perceptibles en arrivant ici. L'anglais et
l'espagnol sont omniprésents. Le créole est plutôt
un anglais massacré. Peu de gens s'expriment couramment en français.
Et c'est la même chose du côté Néerlandais.
Et un paradis du consumérisme
Nous passerons ici une dizaine de jours. Entre supermarchés,
shipchandlers, téléphone, P&T et Email, nous nous occuperons
à toute l'activité préparatoire, habituelle aux centres
où l'on trouve de tout à pas cher. Erreur. On trouve effectivement
de tout mais en général c'est très cher. L'île
est dite exempte de TVA, mais ça doit être pour améliorer
la marge des commerces locaux.
Le côté hollandais est assez déprimant.
On n'y trouve, alignés le long d'une unique rue principale, que
des bijouteries, des marchands d'électronique et des boutiques à
T-shirts racoleurs. On vous inonde de brochures de pub sur papier glacé
pour vanter les bijoux, hôtels de luxe, pin-up, cocotiers, sables
blancs et croisières de rêve. Les vendeurs de Timeshare sont
très pressantsOn se croirait revenus à Los Christianos, aux
Canaries.
La partie française est plus organisée
autour du côté "cuisine française", petits bar-restos
sur le port, rues piétonnes et boutiques de luxe. Ah, l'élégance
et la gastronomie française. So nice... Mais au moins, on mange
bien, c'est vrai. -Merci Marc, pour le gueuleton à la marina "Port
la Royale", arrosé de beaujolais spécial St Valentin-
Mais enfin, vous aurez compris que ce n'est pas encore
là que nous nous installerons! Ca sent trop le stress et le presse
touriste, façon Canaries. Eh oui, le stress ça existe même
sous les tropiques: Les chiffres d'affaires qui ne se font pas;les cyclones
qui ravagent tout régulièrement;les touristes qui ne reviennent
que lentement, après les catastrophes. Il semblerait que le reste
de l'île puisse avoir plus de charme. Nous n'avons pas été
voir. Il faudra que vous alliez vérifier.
Notre équipage s'agrandit.
Ici, il y a un aéroport international, construit par
les américains en 1943, et ça nous permet d'y accueillir
notre copain Marc qui a décidé en trois jours de faire un
break et de venir nous rejoindre deux ou trois semaines pour nous accompagner
aux Bahamas.
Notre nouveau matelot est arrivé hier dans l'après
midi, et nous avons décidé de partir ce soir, mercredi 16
Février vers les British Virgin Islands (les BVI's) à
80 milles à l'Ouest, puis les Bahamas à 600 milles plus loin.
Ce matin, les deux hommes vont accomplir les formalités
de sortie. Eh oui, venant de Pointe à Pitre, il faut quand même
faire ici - qui est une sous préfecture du département de
Guadeloupe - une entrée et une sortie. C'est comme s'il y avait
des formalités de douanes entre l'île d'Yeu et La Rochelle.
Pourtant, en arrivant du Brésil, les douaniers Guyanais ne s'étaient
pas intéressés à nos papiers. C'est à y perdre
son breton. Il n'y a là pour logique que des pratiques coutumières.
Pourtant, Marc qui est arrivé côté
hollandais devrait y faire une sortie, puisqu'il y a fait une entrée.
Pour notre douanier français, ça ne pose pas de question:
"C'est le problème des Hollandais". Il nous fera donc notre sortie
pour un équipage de trois personnes comme si de rien n'était.
Les Bahamas
Une "longue" traversée
vers une autre" civilisation" ?
A 17 heures, on quittera ce bout de terre française
- qui n'a de français que le nom - pour une nuit de navigation,
dans le passage d'Anégada, vers les Vierges Britanniques. Nous arriverons
un peu tôt, vers 6 heures, devant la barrière de corail
de Virgin Gorda et nous mettrons à la cape en attendant le soleil.
Vers 9 heures, la soleil levé, nous empruntons l'accès à
"Gorda Sound" que l'on voit maintenant de l'autre côté de
la barrière de corail. Il est assez tortueux mais la récompense
est là: la baie est très belle, très calme et nous
accueillera pour la journée.
Nous mettrons à profit le calme du mouillage pour
cuisiner les viandes pour la longue traversée vers les Bahamas.
Gérard se met à la goulasch, Marc au poulet basquaise et
Anyvonne au Porc au chou. Ca sent bon et ça donne faim. Et soif.
Le Jeudi 7 Février à 16 heures, on repart
vers le Nord Ouest, pour passer au Nord des Turks et Caïcos et arriver
par le large sur les Bahamas. On ne sait pas encore exactement où.
Gérard hésite entre Exuma et San Salvador. Mais c'est encore
loin.
Quelquefois, on se pose des questions. Et plus particulièrement
après avoir vu St Martin: Mais que diable allons nous faire aux
Bahamas ? Nous n'avons pas lu grand chose la dessus et personne n'y va.
Il faut dire que c'est loin. Actuellement, nous les percevons comme un
paradis fiscal et de croisière pour riches américains, avec
immeubles, casinos, marinas et tout et tout. Bref, tout ce qu'on aime et
recherche. Ah oui, c'est vrai, il y a Yves et son épouse à
Grand Abaco. Par Email, nous avons appris que le cyclone Floyd avait détruit
sa belle maison toute neuve et qu'il était en train d'en reconstruire
une autre. De plus nous savons maintenant qu'il s'y trouve actuellement.
Alors, continuons.
En attendant, navigation au cap 300, travers au vent,
un ris en moyenne. Les grains sont nombreux et nous font prendre les quarts
dans le carré. Entre ceux ci, quand on met le nez dehors, la mer
sous la lune est magnifique. Anyvonne voit pour la première fois
comme un arc en ciel de lune. C'est une sorte d'arc gris clair et c'est
assez étrange. Avait elle bu ???
Le samedi 19, Gérard cherche partout son livre
"Ocean Passages of the World". Perdu. Ca va le travailler plusieurs jours.
Mais l'ouvrage reste introuvable. Comme cela revient régulièrement
dans la conversation, Marc énonce sentencieusement:
-"Arrête Gérard, il ne faut pas retourner
le bateau dans la baie..."
Dans la nuit du dimanche 20, nous progressons au moteur
pour pallier à une panne de vent. Et puis soudain vers 4 heures,
tout s'arrête. Et voila le capitaine réveillé en catastrophe,
le nez dans les fonds à rechercher pourquoi. A 5 heures, le diagnostic
est fait: Le filtre primaire de gas oil est bouché et le carburant
n'arrive plus au moteur. Sans doute la faute à un développement
massif de bactéries après une contamination au Venezuela
ou à Grenade. Peut être qu'on a oublié une fois ou
deux le biocide qu'il convient d'ajouter régulièrement au
gas oil par ici. Bref, à 5 heures 30, le filtre est changé,
une dose de biocide pour traitement de choc est versée dans le réservoir
et le moteur fonctionne à nouveau.
Pourvou qué ça doure.
Où il faut savoir finir une traversée.
On aurait pu continuer ainsi jusqu'à Abaco tout au
Nord Ouest. 600 milles plus loin
Cette nuit, nous sommes passés au large de Turks
et Caïcos. Marc aurait bien aimé s'y arrêter pour écourter
un peu la traversée. Mais de nuit et sans carte de détail,
le capitaine a été inflexible. En échange, il promet
de s'arrêter à Mayaguana qui est la première île
des Bahamas dont nous nous approcherons et ça devrait être
de jour.
Et effectivement, lundi 21 en fin d'après midi,
nous entrons dans le lagon de Abraham's bay, à Mayaguana.
Premier contact avec les Bahamas: un lagon profond d'
1,5 à 2,5 mètres, protégé par une barrière
de corail sur laquelle brise la mer et accessible par une passe plutôt
étroite, sinueuse et peu profonde. Et une eau claire. Claire comme
jamais vu. On a l'impression que le bateau est posé sur le fond.
Nous sommes le troisième bateau, dans cet immense
lagon ou on pourrait mouiller à trois cents. Nous débarquons
devant un village de quelques maisons, près de la plage. L'ambiance
rappelle Hoedic.
Et évidemment, nous nous mettons à
chercher un troquet.
Nous le trouvons: le seul bar restaurant dans l'unique rue
du village. Comme la porte est fermée, qu'il n'y a pas âme
qui vive et qu'il n'est pas clair que ce soit ouvert, nous nous renseignons
auprès d'un homme qui bricole à la scie sauteuse à
côté de la maison. Il se trouve que c'est le patron et qu'il
est ravi de nous ouvrir la porte.
Un peu plus tard, quelques clients viendront et nous
nous retrouverons finalement avec un autre voileux français - navigateur
solitaire dont le bateau est un des trois de la baie - à manger
du poulet frit et à se raconter nos souvenirs de traversée.
Il est venu ici pour prospecter et chercher un endroit
où installer sa famille et entreprendre quelque chose. Cette île,
très à l'écart des circuits touristiques, possède
malgré tout une piste d'atterrissage construite par les américains
pour servir de base de récupération de capsules spatiales,
aujourd'hui, elle ne sert plus à rien. Ca lui parait une bonne base
pour commencer quelque chose. Il va continuer sa prospection.
Quant à nous, après cette entrée
en matière heureuse, il nous faut continuer à affronter la
découverte de cette sorte de Monte Carlo que doivent être
les Bahamas.
Il reste de longues étapes.
Le mardi 22 Février, nous repartons vers le Nord,
pour aller vers Georgetown sur Grand Exuma, en passant au vent des deux
grandes îles que sont Acklin et Long Island. Une étape d'environ
160 milles.
Après une journée et presque une nuit au
près serré sous grand voile arisée et sur la mer qui
va avec, nous arrivons au petit matin sous la pointe sud de Long Island.
Il reste encore 60 milles à parcourir au près serré,
au vent de cette île devant une côte sans abri avant de laisser
porter au Sud Ouest, pour encore 20 milles vers Grand Exuma. On décide
de laisser tout de suite porter sous le vent de l'île et d'y chercher
un mouillage pour se reposer. Vers 8 heures du matin, nous mouillerons
dans un calme parfait, en face d'une petite plage, sur des fonds non hydrographiés.
Les fonds sont de sable très fin et les quelques patates de corail
sont très clairsemées et bien visibles. L'eau est très
claire et peu profonde. Si peu, que nous affrontons notre premier échouage,
avant d'atteindre le mouillage convoité.
Enfin, ce n'était pas vraiment un échouage.
Juste un tutoiement du sable par les safrans, on insiste un peu pour reculer
et c'est reparti.
Et ce sont de nouvelles exclamations admiratives. La
couleur et la transparence de l'eau. La blancheur du sable sous le ciel
bleu. L'immensité déserte qui nous entoure. Tout est conjugué
au superlatif. Ce sera une journée de repos au calme total, sans
aucune présence humaine avant de repartir affronter la ville de
Georgetown et commencer ainsi un mois de vagabondage bahaméen.
Que c'est grand, que c'est grand les Bahamas!
C'est sur Samana Cay, petite île déserte, à
l'Est de l'archipel, que Christophe Colomb atterrit le 12 décembre
1492. Il était parti le 3 Aout d'Andalousie et croyait alors avoir
trouvé les Indes. Toute la région en conservera l'appellation
anglaise de "West Indies".
Brisants, récifs coraliens et eaux peu profondes:
les espagnol parlent de Baja Mar - pour mer basse - et cela vaudra son
nom à l'archipel: Bahamas. Tout cela n'attire guère notre
découvreur qui repart très vite vers Hispaniola et Cuba,
beaucoup plus arrosées, plus vertes et plus riches.
L'archipel est immense. Ce sont plus de 700 îles
plates et arides, essentiellement constituées de calcaire coralien,
qui s'étendent sur plus de 1000 kilomètres de long, du Nord
au Sud. Le guide Nelles nous dit:" Une vie entière pourrait être
passée dans ces îles, à explorer, naviguer, pêcher
et nager."
Nous n'y avons passé qu'un peu plus d'un mois
et nous sommes surtout concentrés sur Exuma et sa longue ligne de
cayes ainsi que sur Long Island sa voisine. Nous n'aurons pas vu les îles
du Nord: New Providence et Grand Bahamas. Elles sont paraît-il le
paradis des golfeurs, tennisseurs et autres amateurs de casino américains;
ce n'est pas précisément ce que nous cherchons. Et pour comble,
nous n'aurons pas vu non plus les Abacos ni pu rendre visite à Yves,
le copain de Gérard, pour qui nous étions spécialement
venus dans l'archipel. C'est trop loin et nous n'avons plus le temps.
Enfin, là où nous sommes allés,
nous nous sommes saturés de lieux magiques et vierges, de plages
pour nous tous seuls. Il y en a partout. Cette région est un paradis
pour promener nos amis visiteurs tout frais débarqués de
l'avion. La température n'est pas trop élevée (26
°C) et il y a toujours un peu de vent pour rafraichir. L'eau est bonne
et revigorante, et tellement transparente.
Les points forts de ce
séjour
Le passage de Hog Cut
Après l'arrêt impromptu sous Long Island,
nous avons décidé d'essayer de rejoindre Exuma par le côté
sous le vent de l'île. On y sera bien protégé, mais
les fonds y sont très faibles: Jusqu'à 90 cm à marée
basse par endroits. Et comme il n'y a ici que quelques 80 centimètres
de marnage, laisse peu de marge. Enfin on va essayer; ça contribuera
à notre apprentissage des Bahamas. Si ca ne passe pas, on reviendra.
On part donc dès 6 heures du matin. La lune éclaire
encore la mer pour guider notre départ et le soleil sera haut quand
nous aborderons le plateau, à 10 milles d'ici.
C'est notre réel baptême des eaux peu profondes,
sous le vent des cayes bahaméennes. Nous abordons dans des conditions
plutôt favorables (Marée montante, soleil montant et déjà
assez haut) une navigation d'environ 15 milles sur des faibles profondeurs.
Les fonds sont de sable assez plats, avec juste de temps en temps une tête
de corail à éviter. Nous progressons prudemment et régulièrement
à 4 noeuds. On croise quelques bateaux de pêche locaux qui
évoluent majestueusement à la voile sur ces eaux calmes.
Voilà maintenant 3 heures que nous naviguons dans moins de 3 mètres
d'eau, en visant le passage entre Little Exuma et Hog cay. A mesure que
nous approchons les îles sortent de l'horizon et le passage qui apparaissait
d'abord très large se ferme de plus en plus. De surcroit, les fonds
remontent sérieusement. La vigilance est à son maximum: il
y a environ 60 cm d'eau sous le bateau et on distingue avec peine le bleu
blanchâtre des sommets des bancs de sable que l'on essaie d'éviter
en slalomant un peu. La passe a complètement disparu et même
aux jumelles, on ne distingue aucune percée entre Exuma et Hog Cay.
Le capitaine ne jure que par la carte. Il faut y croire, mais on ne voit
rien qui corresponde à ce qui est écrit. On approche lentement.
Marc barre, le capitaine saute de la table à carte aux jumelles
et vice versa, la femme du bord filme et photographie. Et puis, ça
y est, les fonds redescendent un peu en arrivant sur la barrière
de cayes, et la passe apparait, là où elle doit être:
Une chicane en Z entre deux pointes rocheuses. Profonde mais étroite
et parcourue par un fort courant; genre entrée du Golfe du Morbihan,
dans le nez évidemment et face au vent. Enfin comme ça parait
ressembler à la carte, on prend confiance et on y va au moteur à
fond la caisse. Une prière rapide pour qu'il ne nous lâche
pas là, juste maintenant. Dès que l'on met le nez du coté
au vent de la passe, le capitaine tourne vert d'angoisse: ça brise
tout près, de chaque coté du bateau. Mais enfin, on avance
et on se retrouve enfin dans de l'eau bleue marine sur des fonds plus chrétiens
(Plusieurs mètres, voire dizaines de mètres sous le bateau.).
Malgré le clapot qui est maintenant significatif, c'est plus rassurant.
L’arrivée à Great Exuma par le Sud
Il reste à rejoindre Georgetown, le port/capitale
de Great Exuma. Et là, les cailloux s'ajoutent au sable et aux coraux
pour nous offrir une navigation avec relevés et alignements,
genre archipel des Glénans. Le capitaine garde un oeil sur la carte,
l'autre dans les jumelles. On ne peut pas laisser la barre au pilote automatique.
Heureusement qu'on est trois pour faire connaissance avec tout ça.
Merci Marc, et Véronique ensuite.
Le début est un peu stressant, mais .peu à
peu on apprend à discerner les zones bleu clair qui témoignent
du sable sans danger, les zones plus pales pour le même sable mais
avec très peu d'eau, les zones marron qui montrent les têtes
de corail à fleur d'eau, les zones sombres qui sont soit du corail,
soit des algues mais avec beaucoup d'eau dessus, soit seulement un nuage
qui passe. On apprend même à distinguer les zones plus foncées,
qui devraient témoigner de profondeurs plus importantes, mais qui
s'éloignent à mesure qu'on s'approche et qui ne sont qu'une
sorte de mirage. Comme vous voyez, on ne s'ennuie pas.
Mais enfin, la carte est exacte et avec le GPS, quelques
relèvements et beaucoup d'attention nous finissons par mouiller
en face de Georgetown, au milieu d'une douzaine de voiliers.
Découvrir Georgetown et revenir à la
"civilisation urbaine"...
Après toutes ces émotions, sitôt mouillés
nous nous précipitons à la découverte de la capitale
des Exumas et des Bahamas du sud. Et là, c'est la stupeur!
Nous découvrons un ponton pour annexes, sur le
lac Victoria, petit étang marin accessible par une passe très
étroite, sous un petit pont routier. Au bout du ponton, une rue
de village longe le port. La rue est bordée de quelques maisons,
d'un super marché, d'une petite banque, d'une ou deux églises.
Nous n'avons pas de plan et nous aimerions rejoindre la ville où
nous esperons trouver Email et renseignements sur la desserte aérienne
de l'ile. Mais nous avons beau lever le nez, on ne voit rien à l'horizon
qui ressemble à une ville ni à des immeubles. En fait, renseignements
pris, nous sommes au coeur de la capitale. La rue fait le tour du lac,
sur un bon kilomètre. Elle croise une route qui dessert le sud de
l'ile, une autre pour le nord. Une place avec un batiment plus important
pour l'administration; et c'est tout. Cette cinquantaine de maisons, c'est
Georgetown!
La course à l'Email va être assez difficile.
Après une enquète serrée, qui nous amènera
à la banque, à la poste, aux télécoms. le bureau
local d'une société d'assurances nous donnera la bonne information:
à 5 kilomètres au nord, une sorte de fondation/école:
"Education Resources" offrirait un accès internet. Ca nous permettra
de constater la facilité du stop sur Exuma. A "Education Resources",
nous trouverons peu d'élèves mais un accueil chaleureux et
un accès à internet, via un Mac, qui nous permettra d'apprendre
l'arrivée imminente de Véronique et Chantal.
D'une manière générale tout le monde
ici, est charmant, souriant et de contact aisé. Le stop fonctionne
bien,et c'est une chance, car comme tout le reste ici, les taxis sont très
chers. Nos amis visiteurs n'en useront que pour ne pas rater l'avion.
Découvrir aussi le mouillage des américains.
Nous auront quelques conversations dans la rue de Georgetown,
avec d'autres "boaters". Ils sont nombreux, américains et canadiens.
Rarement Français ni même européens. On nous conseille,
courses faites, d'aller mouiller de l'autre côté de la baie,
sous le vent de "Stocking Island". La mer y est plus calme et c'est "charming".
Effectivement, de l'autre côté on distingue une forêt
de mâts. Sûrement plusieurs centaines de bateaux.(Renseignements
pris il semble qu'il y en ait 450!!). Nous ne sommes pas très chauds,
mais Marc nous y attire avec la perspective d'un bar qui organiserait une
"TV party" pour assister à une régate de la finale de l'America's
Cup et déguster des BBQ ribs.
La soirée sera à la hauteur de nos attentes:
les Italiens se feront étriper par les Néo zélandais
et nous y assisterons après avoir trouvé place à une
table, en compagnie de six autres européens, dont une italienne.
Le bar est de style "Far West", tout en bois et l'ambiance est chaude.
Nous dégustons d'excellentes "spare ribs" et des punchs plus qu'honnêtes,
au milieu d'une foule de "boatmen" qui parlent très fort en trempant
leurs frites dans le ketchup et qui vont fumer dehors.
En deux jours, nous apprendrons beaucoup sur les moeurs
locales. Les quelques centaines de bateaux qui sont mouillés là,
devant la plage et le bar sont américains et canadiens (ils forment
deux zones distinctes dans le mouillage) ne bougent pas de là, durant
tout leur séjour. Pour beaucoup, cela signifie durant tout l'hiver.
A l'approche de la saison des cyclones, le mouillage se vide vers la Floride,
les côtes de Maine et le Canada. A pratiquer ainsi, cette horde de
bateaux laisse quasi déserts les mouillages alentours et on ne rencontre,
lors d'une navigation dans les cayes d'Exuma que quelques bateaux de forcenés
qui se déplacent. Environ 1% des bateaux présents dans la
région.
Grâce à cela, nous profiterons égoïstement
d'un maximum de splendeurs sauvages.
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